Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 28 août 2017 par lequel le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 1703423 du 4 janvier 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 février et 29 août 2018 M. A..., représenté par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 4 janvier 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Loiret du 28 août 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet a méconnu les dispositions du 2° bis et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté contesté est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle :
- la mesure d'éloignement et la décision fixant le pays de destination sont privées de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation particulière avant de prendre la mesure d'éloignement contestée.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 février 2018, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Berthon,
- et les observations de MeD..., représentant M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant malien né le 1er septembre 1998, est entré en France le 3 août 2014. Il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Seine-Saint-Denis à partir du 19 août 2014. Il a demandé, le 19 mai 2017, un titre de séjour sur le fondement du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 28 août 2017, le préfet du Loiret a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé d'office. M. A... relève appel du jugement du 4 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée ; ". Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention " vie privée et familiale ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l'article L. 311-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.
3. Après son entrée en France, M. A...a été scolarisé en 2015-2016 au lycée des métiers Maréchal Leclerc (45), où il a obtenu le diplôme d'études en langue française - A1, et en 2016-2017 au lycée des métiers Jean Lurçat, en CAP Aluminium-verre. Les bulletins scolaires versés au dossier comportent des appréciations souvent positives de ses professeurs (" élève sérieux ", " attitude positive ", " élève motivé ", etc.), en particulier durant les périodes de stage. S'ils mentionnent également des absences dans une proportion relativement importante, il ressort clairement des pièces du dossier qu'elles sont exclusivement imputables aux troubles du comportement dont souffre le jeune homme, qui ont justifié son hospitalisation dans un centre spécialisé pendant 24 jours en juin 2015 et ont nécessité un traitement médical spécifique jusqu'en octobre 2016. Les rapports d'évaluation rédigés par ses éducateurs en mai 2015, mai 2017 et juillet 2017, indiquent en effet que la pathologie dont souffre M. A...peut être à l'origine de " phases de repli, de désinvestissement des liens sociaux et des obligations scolaires... ", et un certificat médical établi par le médecin de M. A...atteste que ses troubles sont la cause de ses absences scolaires répétées. Dans ces circonstances, et eu égard à la motivation et aux efforts non contestés accomplis par M. A...dans le suivi de sa formation, c'est à tort que le préfet du Loiret a estimé que celle-ci ne présentait pas un caractère réel et sérieux.
4. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que, depuis son entrée en France, M. A... n'entretient plus de lien avec les membres de sa famille vivant au Mali, notamment avec ses parents. Sa volonté d'insertion dans la société française est attestée par ses éducateurs et par ses professeurs et n'est d'ailleurs pas contestée.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Loiret a fait une inexacte application des dispositions rappelées au point 2. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Pour l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, l'annulation prononcée par le présent arrêt, eu égard au motif qui la fonde, implique que, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, le préfet du Loiret délivre à M. A...une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale. Il y a lieu d'adresser au préfet du Loiret une injonction en ce sens et de fixer à deux mois le délai imparti pour son exécution.
Sur les frais de l'instance :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1703423 du tribunal administratif d'Orléans du 4 janvier 2018 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 28 août 2017 du préfet du Loiret est annulé.
Article 3 Il est enjoint au préfet du Loiret, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, de délivrer à M. A...une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 L'Etat versera à M. A...la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- M. Berthon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 septembre 2018.
Le rapporteur,
E. BerthonLe président,
I. Perrot
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT00445