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17/06/2021 | FRANCE | N°18LY03943

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7eme chambre - formation a 3, 17 juin 2021, 18LY03943


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Ferme Éolienne de Seigny a demandé au tribunal administratif de Dijon, d'une part, d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2016 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer l'autorisation d'exploiter un parc de cinq aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Seigny, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité de reprendre l'instruction.

Par jugement n° 1603509 lu le 28 août 2018, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requ

te et un mémoire enregistrés le 29 octobre 2018 et le 27 septembre 2019, la société Ferme Éolienne ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Ferme Éolienne de Seigny a demandé au tribunal administratif de Dijon, d'une part, d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2016 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer l'autorisation d'exploiter un parc de cinq aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Seigny, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité de reprendre l'instruction.

Par jugement n° 1603509 lu le 28 août 2018, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 29 octobre 2018 et le 27 septembre 2019, la société Ferme Éolienne de Seigny, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ainsi que l'arrêté du 28 octobre 2016 portant refus d'autorisation d'exploiter un parc éolien à Seigny ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or, de reprendre l'instruction de sa demande d'autorisation d'exploiter, dans le délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt et sous astreinte journalière de 2 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que, d'une part, le tribunal a méconnu l'étendue de son office sur l'usage qu'a fait le préfet des pouvoirs dont l'investissent les articles L. 511-1 du code de l'environnement et R. 111-27 du code de l'urbanisme, d'autre part, il est insuffisamment motivé sur l'atteinte portée à tous les sites figurant dans les motifs de l'arrêté ;

- l'arrêté litigieux a été pris sans la garantie du débat contradictoire prévue par les articles R. 512-25 et R. 512-26 du code de l'environnement et dont l'administration ne saurait s'exonérer en statuant au stade de la phase d'examen préalable ;

- ses motifs révèlent que le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence ;

- le site d'implantation du projet ne présente pas d'intérêt particulier et est marqué par l'activité humaine, tandis que les sites ou monuments protégés sont épargnés de toute atteinte incompatible avec leur protection en raison de leur éloignement ou des caractéristiques du projet.

Par mémoire enregistré le 29 août 2019, la ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 29 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code du patrimoine ;

- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;

- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, notamment l'article 103 ;

- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Arbarétaz, président ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me A... pour la société Ferme Éolienne de Seigny ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Ferme Éolienne de Seigny relève appel du jugement par lequel le préfet de la Côte-d'Or, au visa des articles 3 de l'ordonnance du 20 mars 2014 susvisée et R. 111-27 du code de l'urbanisme, a rejeté dès la phase de l'examen préalable, sa demande d'autorisation d'exploiter un parc éolien composé de cinq aérogénérateurs hauts de cent-cinquante mètres en bout de pales et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Seigny, motif pris de l'atteinte portée aux sites environnant la vallée de la Brenne dans un périmètre délimité, au nord par Montbard, à l'est par le plateau du Duesmois, au sud par le site d'Alesia et à l'Ouest par l'Auxois.

Sur les conclusions à fin d'annulation et d'astreinte de la requête :

Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête :

2. D'une part, aux termes de l'article 3, alors en vigueur, de l'ordonnance du 20 mars 2014 susvisée fixant le régime des autorisations environnementales d'exploiter les parcs éoliens : " L'autorisation unique ne peut être accordée que si les mesures que spécifie l'arrêté préfectoral permettent de prévenir les dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles (...) L. 511-1 du code de l'environnement et, le cas échéant, de : 1° Garantir la conformité des travaux projetés avec les exigences fixées à l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, lorsque l'autorisation unique tient lieu de permis de construire (...) ". Aux termes du II de l'article 12 du décret du 2 mai 2014 susvisé : " Le représentant de l'État dans le département peut rejeter la demande pour l'un des motifs suivants : (...) 2° Le projet ne permet pas d'atteindre les objectifs mentionnés à l'article 3 de l'ordonnance du 20 mars 2014 susvisée ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées (...) par toute personne physique ou morale (...) qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage (...), soit pour la protection (...) des paysages (...), soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ", tandis qu'aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire (...) ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives (...) à l'implantation (...), la nature (...), les dimensions (...) des constructions (...) ". Aux termes de l'article R. 111-27 du même code : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des (...) ouvrages à édifier (...), sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

4. L'article R. 111-27 précité du code de l'urbanisme étant au nombre des dispositions réglementaires qui régissent l'implantation, la nature et les dimensions des constructions, au sens de l'article L. 421-6 du même code, l'autorisation unique tenant lieu de permis de construire peut être refusée si le projet compromet, sans possibilité d'en atténuer l'impact par des prescriptions spéciales, l'intérêt des lieux et des sites avoisinants. Pour rechercher l'existence d'une telle atteinte, il appartient à l'autorité administrative d'identifier les éléments remarquables du ou des site(s) concerné(s) par le projet, puis, si cette analyse la conduit à considérer qu'ils méritent une protection particulière, d'évaluer l'impact que ce projet, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur ces sites.

5. Il résulte tant de l'instruction que des motifs de l'arrêté litigieux que les aérogénérateurs seront visibles depuis le site protégé d'Alesia implanté sur un promontoire comprenant un champ de fouilles, un espace de restitution à destination du public et la statue monumentale de Vercingétorix, depuis le parc de Buffon à Montbard, depuis certaines sections du canal de Bourgogne, depuis quatre autres monuments historiques ainsi que depuis les lieux-dits de La Gaillardise (commune de Seigny) et La Bergerie (commune de Fresnes), le tribunal ayant regardé l'impact sur le site d'Alesia comme justifiant, à lui seul, le refus d'autorisation environnementale.

6. En premier lieu, le site protégé d'Alesia est implanté sur un promontoire offrant une vue à 360° sur les monts de l'Auxois, les contreforts du plateau de la Seine et la vallée de la Brenne. Il comprend un champ de fouilles, un espace de restitution à destination du public et la statue monumentale de Vercingétorix. Son intérêt historique et archéologique devait conduire le préfet de la Côte-d'Or à évaluer l'impact du projet sur ces éléments remarquables. A cet égard, les cinq aérogénérateurs du projet seront implantés à une distance d'environ cinq kilomètres vers le nord-ouest. Ils n'occuperont qu'un angle de vision limité et n'accentueront que marginalement, en raison de leur faible nombre, la perception d'occupation éolienne de l'horizon nord-Est du panorama, le parc de Lucenay-le-Duc étant implanté dans la même direction, à une distance encore supérieure. En outre, le projet épargnera la topographie du site et, partant, ne fera pas obstacle à la représentation du déroulement de la bataille et à la restitution de cet évènement historique au public. Enfin, l'empreinte de modernité évoquée par cette installation sera à la mesure de sa faible perception dans le paysage et n'altérera pas le site lui-même. Il suit de là que la société Ferme Éolienne de Seigny est fondée à soutenir que c'est à tort que le préfet de la Côte-d'Or a regardé son projet comme de nature à porter atteinte à l'intérêt de ce site.

7. En second lieu et d'une part, si le projet est visible depuis certains points d'observation du parc et des forges de Buffon, distants respectivement de dix et de quinze kilomètres, depuis les châteaux de Lantilly et d'Orain, distants de six et de quatre kilomètres, son impact visuel sera très limité, le critère de co-visibilité ne pouvant être utilement invoqué pour caractériser une atteinte contraire à l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme qui prolongerait, hors du périmètre de protection de ces monuments, la servitude d'utilité publique instituée par l'article L. 621-31 du code du patrimoine. D'autre part, l'invocation de la vocation touristique du canal de Bourgogne ne saurait aboutir à une interdiction de principe d'implanter un parc éolien à plusieurs kilomètres de cette voie d'eau, en l'absence de servitude d'utilité publique limitant le droit de construire, alors qu'il n'est pas établi en quoi la perception ponctuelle du projet compromettrait l'intérêt de la navigation. Enfin, les lieux-dits de La Gaillardise et de La Bergerie ne présentent pas d'éléments remarquables susceptibles de justifier une interdiction de construire sur le fondement de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Côte-d'Or n'a pu, sans méconnaître l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, refuser de délivrer l'autorisation environnementale à la société Ferme Éolienne de Seigny à l'issue de l'examen préalable de la demande et que l'arrêté litigieux du 28 octobre 2016 doit être annulé ainsi que le jugement attaqué.

9. Le présent arrêt implique nécessairement, au sens de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, que le préfet de la Côte-d'Or reprenne l'instruction de la demande d'autorisation environnementale présentée par la société Ferme Éolienne de Seigny pour l'exploitation d'un parc de cinq aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Seigny. Il y a lieu de lui adresser une injonction en ce sens et de lui impartir un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de prononcer d'astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Ferme Éolienne de Seigny et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 28 octobre 2016 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de délivrer à la société Ferme Éolienne de Seigny l'autorisation d'exploiter un parc de cinq aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Seigny ainsi que le jugement n° 1603509 du tribunal administratif de Dijon lu le 28 août 2018, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Côte-d'Or de reprendre l'instruction de la demande d'autorisation environnementale présentée par la société Ferme Éolienne de Seigny pour l'exploitation d'un parc de cinq aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Seigny, dans le délai de trente jours à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à la société Ferme Éolienne de Seigny une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société Ferme Éolienne de Seigny est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ferme Éolienne de Seigny et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2021.

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cm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 18LY03943
Date de la décision : 17/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

Energie.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire - Légalité au regard de la réglementation nationale - Règlement national d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe ARBARETAZ
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : LPA CGR Avocats

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-06-17;18ly03943 ?
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