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03/04/2020 | FRANCE | N°18LY02163

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 03 avril 2020, 18LY02163


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Caillaud Bourleyre a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises et de taxe pour frais des chambres de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013 et de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2014 dans les rôles de la commune de Cohade.

Par un jugement nos 1600159, 1701526 du 12 avr

il 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Proc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Caillaud Bourleyre a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises et de taxe pour frais des chambres de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013 et de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2014 dans les rôles de la commune de Cohade.

Par un jugement nos 1600159, 1701526 du 12 avril 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 14 juin 2018, le 25 janvier 2019 et le 13 mars 2019, la SARL Caillaud Bourleyre, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 12 avril 2018 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration a appliqué à tort la méthode d'évaluation comptable prévue à l'article 1499 du code général des impôts pour évaluer la valeur locative de ses immobilisations, son activité, qui est artisanale, ne présentant pas un caractère industriel par nature et ses équipements techniques n'étant ni importants, ni prépondérants ;

- l'article 1499 doit être interprété au regard des nouvelles dispositions prévues par le I de l'article 103 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 et des propos du ministre des comptes publics dans un communiqué de presse du 7 juin 2018 ;

- elle est fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, pour la période antérieure au 10 décembre 2012, du paragraphe II de la documentation de base 6C 2134, et, pour la période postérieure, des paragraphes 490 et 500 du BOI-IF-TFB-20-10-10-30 du 10 décembre 2012.

Par des mémoires, enregistrés le 15 novembre 2018 et le 26 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Caillaud Bourleyre ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 12 février 2019 la clôture d'instruction a été fixée au 1er mars 2019, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 24 septembre 2019 la clôture de l'instruction a été reportée au 24 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F..., première conseillère,

- et les conclusions de Mme E..., rapporteure publique ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées le 24 février 2020 et le 9 mars 2020, présentées par la société Caillaud Bourleyre ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Caillaud Bourleyre, qui exerce une activité de fabrication et de pose de charpentes et d'autres menuiseries, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a estimé que l'établissement, qu'elle prenait en location auprès de la SCI JMC dans la zone artisanale de Largelier sur le territoire de la commune de Cohade et qu'elle avait déclaré comme un local commercial, revêtait le caractère d'un établissement industriel au sens des articles 1499 et 1500 du code général des impôts et l'a, en conséquence, assujettie à des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises et de taxe pour frais des chambres de commerce et d'industrie au titre des années 2011, 2012 et 2013. L'administration a également établi la cotisation foncière des entreprises au titre de l'année 2014 selon les règles d'évaluation applicables aux établissements industriels. La SARL Caillaud Bourleyre relève appel du jugement du 12 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires à la cotisation foncière des entreprises et de cette imposition primitive.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. En vertu de l'article 1467 du code général des impôts, pour le calcul de la cotisation foncière des entreprises, la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe. Les règles suivant lesquelles est déterminée la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties sont définies à l'article 1496 du code général des impôts pour les " locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice soit d'une activité salariée à domicile, soit d'une activité professionnelle non commerciale au sens du 1 de l'article 92 ", à l'article 1498 pour " tous les biens autres que les locaux visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 " et à l'article 1499 pour les " immobilisations industrielles ". Revêtent un caractère industriel, au sens de ces articles, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant.

3. La SCI JMC donne en location des locaux à la SARL Caillaud Bourleyre, qui y exerce une activité de fabrication et d'assemblage des pièces de charpente. Ces locaux d'une superficie totale de 3 430 m² sont constitués d'un atelier de 1 574 m², d'un local à usage de dépôt et de stockage de 1 540 m², d'un ensemble bureau et vestiaire de 280 m² et d'un local à usage de chaufferie de 36 m². L'atelier est principalement utilisé pour la fabrication de fermettes (charpente industrielle) et la fabrication de murs à ossature en bois. Le local de stockage, qui comprend un centre d'usinage, est également affecté à l'activité de production. La société dispose, pour son activité de fabrication, de divers outillages, et notamment, d'un pont roulant, d'un compresseur, d'un centre d'usinage, de deux chariots élévateurs, d'un compresseur hydrovane, d'une table à fermettes, d'une affûteuse, d'une machine de découpe, d'une machine d'assemblage, d'une table élévatrice et d'un chariot à butée réglable. Les locaux sont équipés d'un système d'aspiration. La valeur brute comptable de ces matériels et outillage s'élevait en 2011 à 448 941 euros et à 644 691 euros en 2012 ainsi qu'au 31 août 2013. Si la société fait valoir que son activité est essentiellement réalisée sur des chantiers et non dans ses locaux et que la majorité de ses salariés intervient sur ces chantiers et ne réalise, à l'exception du chargement des pièces manufacturées, aucune activité dans ses locaux, il convient de s'attacher à l'importance des moyens techniques de production dans les opérations pour lesquelles l'immeuble à évaluer est utilisé. Eu égard à la nature des installations en cause, à leur spécificité et à leur valeur, les moyens techniques que nécessite l'activité exercée dans le bâtiment doivent être regardés comme importants.

4. La SARL Caillaud Bourleyre, outre son activité de fabrication de charpentes et autres menuiseries, assure, sur les chantiers, la pose de ces charpentes et menuiseries ainsi que des travaux de menuiserie et d'aménagement. Elle dispose, dans les locaux en litige, d'un ensemble composé de bureau et vestiaire de 280 m² qui n'apparait pas être exclusivement dédié à la fabrication des charpentes et menuiseries. Elle ne peut, dès lors, être regardée comme se livrant exclusivement à la fabrication ou à la transformation de biens corporels mobiliers. Son établissement ne peut ainsi être regardé comme revêtant un caractère industriel, au sens et pour l'application de l'article 1499 du code général des impôts, que si le rôle des installations techniques, ainsi que des matériels et outillages qu'elle met en oeuvre, peut être regardé comme prépondérant dans les opérations pour lesquelles l'immeuble à évaluer est utilisé.

5. Il résulte de l'instruction que les locaux destinés à la fabrication des charpentes et menuiseries occupent la majorité de l'immeuble. La valeur des immobilisations comptabilisées au compte " matériel et outillages " représentait 61 % des immobilisations totales de l'entreprise en 2012. Ces matériels et outillages permettent, en n'employant, ainsi que la société l'indique elle-même, qu'une petite partie des salariés, de fabriquer les charpentes et menuiseries qui seront posées sur les chantiers. Ainsi ces matériels et outillages jouent un rôle prépondérant dans les opérations pour lesquelles l'immeuble à évaluer est utilisé. Par suite, et sans que la société puisse utilement faire valoir que son chiffre d'affaires provient principalement de la vente de travaux réalisés sur mesure, que le travail effectué par ses employés sur les chantiers est essentiellement manuel et nécessite un savoir essentiellement transmis par la voix de l'apprentissage, que le dirigeant de la société et la société sont inscrits au répertoire des métiers et que les locaux sont situés dans une zone artisanale, les locaux dont disposait la société devaient, comme l'a fait l'administration, être qualifiés d'établissement industriel.

6. Pour l'interprétation des dispositions de l'article 1499 du code général des impôts, la société n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions prévues au I de l'article 103 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 et, en tout état de cause, des propos du ministre des comptes publics dans un communiqué de presse du 7 juin 2018, qui sont postérieurs aux impositions en litige.

Sur le bénéfice de la doctrine administrative :

7. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) ".

8. La société requérante se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales des énonciations de la documentation administrative de base référencée C 6-2132 paragraphe 23, reprise au bulletin officiel des finances publiques - impôts sous la référence BOI-IF-TFB-20-10-10-30, aux points 490 et 500. Selon ces prévisions, la catégorie de biens constituée des locaux commerciaux et biens divers passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties " comprend, d'une manière générale, toutes les propriétés ou fractions de propriété passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties qui ne sont ni des locaux d'habitation ou servant à l'exercice soit d'une activité salariée à domicile, soit d'une activité professionnelle non commerciale au sens du 1 de l'article 92 du CGI, ni des établissements industriels (CGI art. 1498) ". Elle précise que : " Parmi ces biens doivent être compris notamment : (...) les locaux appartenant à des sociétés civiles immobilières, lesquelles ne peuvent pas être considérées comme exerçant une véritable profession (...) " et que " sont de même assimilés à ces divers locaux, les établissements industriels (terrains et constructions) dont le propriétaire exploitant (...) n'a pas la qualité de commerçant (tel est le cas, par exemple, d'une société civile immobilière). ". Ces prévisions relatives aux locaux appartenant à des sociétés civiles immobilières se rapportent à la détermination de la valeur locative de ces locaux pour l'imposition à la cotisation foncière des entreprises de ces sociétés lorsqu'elles en sont elles-mêmes redevables. Par suite, la société Caillaud Bourleyre n'est pas fondée à se prévaloir de ces prévisions dans le champ desquelles elle n'entre pas.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Caillaud Bourleyre n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SARL Caillaud Bourleyre la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Caillaud Bourleyre est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Caillaud Bourleyre et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 18 février 2020 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme B..., présidente-assesseure,

Mme F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction, le 3 avril 2020.

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N° 18LY02163

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02163
Date de la décision : 03/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-03-045-03-01 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : CABINET FIDAL CLERMONT-FERRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-04-03;18ly02163 ?
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