Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner in solidum le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et son assureur, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), à lui verser la somme de 121 908,75 euros, au titre des sommes versées à M. D..., dans les droits duquel il est subrogé, la somme de 18 286,30 euros sur le fondement de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique et la somme de 2 100 euros au titre des frais d'expertise, d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter de la demande préalable, et de mettre à la charge in solidum du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de la SHAM les dépens et une somme de 2 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner in solidum le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et son assureur, la SHAM, à lui verser la somme totale de 71 455,44 euros, au titre des sommes versées à M. D... ou des futurs remboursements dont il bénéficiera, assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2016 et de la capitalisation des intérêts, de les condamner in solidum à lui verser la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et de mettre à la charge in solidum du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de la SHAM une somme de 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1501958 du 6 février 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et la SHAM à verser in solidum, d'une part, à l'ONIAM la somme de 90 306,45 euros, assortie des intérêts au taux légal, d'autre part, à la CPAM du Puy-de-Dôme la somme de 31 281,17 euros au titre des prestations de santé remboursées à M. D... et la somme de 1 055 euros sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de sécurité sociale, assorties des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, a mis à la charge solidaire du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de la SHAM le versement à l'ONIAM d'une somme de 1 000 euros et à la CPAM d'une somme de 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 13 avril 2018, sous le numéro 18LY01439, et un mémoire enregistré le 27 octobre 2019, l'ONIAM, représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 1501958 du 6 février 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il a retenu que la faute commise par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand a entraîné une perte de chance de 70% pour la victime ;
2°) de condamner in solidum le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et son assureur, la SHAM, à lui verser la somme de 121 908,75 euros en remboursement de la somme qu'il a versée à la victime, la somme de 2 100 euros au titre des frais d'expertise et la somme de 18 286,30 euros au titre de l'indemnité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de la demande préalable ;
3°) de mettre à la charge in solidum du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de la SHAM les entiers dépens ainsi que le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la responsabilité pour faute du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand est engagée sur le fondement du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ; le choix de réaliser une embolisation de l'artère maxillaire est fautif et engage la responsabilité pleine et entière du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand dans la survenue du dommage subi par M. D... et non seulement au titre d'une perte de chance, dès lors qu'il existait une alternative thérapeutique, consistant en une ligature endoscopique de l'artère sphénopalatine sous anesthésie générale, ne présentant pas de risque de perte fonctionnelle de l'oeil ; il n'a pas été tenu compte du risque de cécité complète pour M. D..., qui présentait déjà une cécité de l'oeil droit, ni de ce que l'angiographie carotidienne avait mis en avant un facteur majorant le risque de cécité au cours de l'embolisation ; M. D... ne présentait aucune contre-indication à une anesthésie générale permettant de réaliser une ligature endoscopique, qui présentait un taux de succès comparable, alors qu'un geste d'embolisation demeurait possible en cas d'échec de la méthode chirurgicale ; si la faute dans l'indication opératoire n'avait pas été commise, le risque de cécité qui s'est réalisé ne se serait pas produit ; il n'y a dès lors pas lieu de raisonner en termes de perte de chance ;
- l'ONIAM a, à titre transactionnel, indemnisé M. D... à hauteur de 1 578,75 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 3 900 euros au titre des souffrances endurées, 98 630 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 11 000 euros au titre du préjudice d'agrément, 800 euros au titre du préjudice esthétique et 6 000 euros au titre du préjudice d'affection subi par son fils, soit un montant total de 121 908,75 euros, qui n'est pas excessif ni déraisonnable ;
- compte tenu des conclusions claires des experts, il y a lieu de retenir un taux de 15% pour la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, soit la somme de 18 286,30 euros ;
- il est fondé à demander le remboursement des frais qu'il a supportés à hauteur de 2 100 euros au titre des opérations d'expertise effectuées par les docteurs Suc, Rémy et Canterino.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 13 juillet 2018 et le 17 septembre 2018, le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et la SHAM, représentés par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, concluent au rejet de la requête.
Ils soutiennent que :
- l'hémostase par embolisation ou chirurgicale donnent des résultats équivalents et le risque oculaire existe quelle que soit la technique opératoire retenue ; le patient étant sous traitement anticoagulant, il présentait un risque hémorragique accru contre-indiquant par principe tout recours à la chirurgie dès lors qu'il existait une alternative thérapeutique ; la forte dérivation de la cloison nasale de M. D... contre-indiquait également le recours à la chirurgie ; le recours à l'embolisation était ainsi le choix logique ; la responsabilité du centre hospitalier ne saurait dès lors être retenue ;
- à titre subsidiaire, compte tenu des pertes sanguines importantes causées par les épistaxis, le pronostic vital du patient était engagé, de sorte que le bien-fondé d'un geste d'hémostase est acquis ; la technique d'hémostase retenue n'a donc pu qu'être à l'origine d'une perte de chance, l'intervention étant pleinement justifiée dans son principe et le choix d'une autre technique d'hémostase présentant également un risque ;
- le taux de perte de chance retenu est excessif, l'alternative thérapeutique faisant également courir au patient un risque de cécité ;
- l'attestation d'imputabilité produite par la CPAM du Puy-de-Dôme ne justifie pas de frais pharmaceutiques en lien exclusif avec la cécité de l'oeil gauche de M. D... ; il n'est pas davantage justifié du différentiel de pension d'invalidité versée à M. D... ni d'ailleurs de l'imputabilité de la majoration de cette pension à la faute retenue à l'encontre de l'établissement de soins.
Par des mémoires, enregistrés le 13 juillet 2018 le 31 juillet 2018, la CPAM du Puy-de-Dôme, représentée par Me A..., conclut :
1°) à titre principal, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement du 6 février 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il a fait droit à sa demande de condamnation du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de la SHAM à hauteur seulement de la somme de 31 281,17 euros ;
2°) à la condamnation in solidum du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de la SHAM à lui verser la somme de 71 455,44 euros au titre des débours qu'elle a exposés, assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2016, date d'enregistrement de son premier mémoire au greffe du tribunal administratif, et leur capitalisation ;
3°) à la condamnation in solidum du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de la SHAM à lui verser la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
4°) à titre subsidiaire, à la confirmation du jugement du 6 février 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
5°) à ce que la somme de 600 euros soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, in solidum avec la SHAM, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Clermond-Ferrand est engagée sur le fondement du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;
- l'intégralité du préjudice, à savoir la cécité de M. D..., est lié au choix technique inadapté à l'état clinique et paraclinique de la victime ; ce fait générateur fautif initial étant la causalité adéquate du préjudice présenté par M. D..., il n'y a pas lieu d'appliquer un taux de perte de chance mais de condamner le centre hospitalier à indemniser l'intégralité du préjudice ;
- la notification des débours et l'attestation d'imputabilité confirment le montant des débours en lien direct et exclusif avec le préjudice de M. D... résultant de la faute commise par le centre hospitalier.
Par ordonnance du 28 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 13 novembre 2019.
II. Par une requête, enregistrée le 16 avril 2018, sous le numéro 18LY01482, et des mémoires, enregistrés le 13 juillet 2018 et le 17 septembre 2018, le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et la SHAM, représentés par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1501958 du 6 février 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
2°) de rejeter les conclusions présentées par l'ONIAM et la CPAM du Puy-de-Dôme.
Ils soutiennent que :
- la requête n'est pas tardive ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont le tribunal était saisi ;
- le risque de cécité existe tout autant en cas d'hémostase chirurgicale qu'en cas de recours à l'embolisation de sorte que ce risque ne pouvait constituer une critère de choix entre les deux techniques ; si l'accident est dû à une anomalie vasculaire, ce qui paraît être le cas, l'accident médical aurait conduit de la même manière à la cécité du patient ; dès lors qu'il existait une technique d'hémostase évitant de recourir à la chirurgie, il était préférable d'y recourir, limitant ainsi le risque hémorragique pour le patient, qui était accru par le traitement anticoagulant qui lui était administré ; la présence d'une déviation de la cloison nasale du patient constituait un argument supplémentaire pour opter pour l'embolisation ; le choix thérapeutique consistant à effectuer une embolisation de l'artère maxillaire ne constitue dès lors pas une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand ;
- à titre subsidiaire, le taux de perte de chance de 70% retenu par le tribunal administratif est excessif, dès lors que les experts ont estimé que le risque de lésion oculaire était minime ;
- le tribunal a procédé à une évaluation excessive des préjudices ;
- l'attestation d'imputabilité produite par la CPAM du Puy-de-Dôme ne justifie pas de frais pharmaceutiques en lien exclusif avec la cécité de l'oeil gauche de M. D... ; il n'est pas davantage justifié du différentiel de pension d'invalidité versée à M. D... ni d'ailleurs de l'imputabilité de la majoration de cette pension à la faute retenue à l'encontre de l'établissement de soins ;
- le refus de la SHAM de formuler une offre d'indemnisation étant fondé sur des éléments médicaux scientifiquement solides, il n'y avait pas lieu pour le tribunal de prononcer la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2019, l'ONIAM, représenté par Me B..., conclut :
1°) au rejet de la requête présentée par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et la SHAM ;
2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement n° 1501958 du 6 février 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il a retenu que la faute commise par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand a entraîné une perte de chance de 70% pour la victime ;
3°) à la condamnation in solidum du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de son assureur, la SHAM, à lui verser la somme de 121 908,75 euros en remboursement de la somme qu'il a versée à la victime, la somme de 2 100 euros au titre des frais d'expertise et la somme de 18 286,30 euros au titre de l'indemnité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de la demande préalable
4°) à ce qu'il soit mis à la charge in solidum du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de la SHAM les entiers dépens ainsi que le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la responsabilité pour faute du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand est engagée sur le fondement du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ; le choix de réaliser une embolisation de l'artère maxillaire est fautif et engage la responsabilité pleine et entière du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand dans la survenue du dommage subi par M. D... et non seulement au titre d'une perte de chance, dès lors qu'il existait une alternative thérapeutique, consistant en une ligature endoscopique de l'artère sphénopalatine sous anesthésie générale, ne présentant pas de risque de perte fonctionnelle de l'oeil ; il n'a pas été tenu compte du risque de cécité complète pour M. D..., qui présentait déjà une cécité de l'oeil droit, ni de ce que l'angiographie carotidienne avait mis en avant un facteur majorant le risque de cécité au cours de l'embolisation ; M. D... ne présentait aucune contre-indication à une anesthésie générale permettant de réaliser une ligature endoscopique, qui présentait un taux de succès comparable, alors qu'un geste d'embolisation demeurait possible en cas d'échec de ma méthode chirurgicale ; si la faute dans l'indication opératoire n'avait pas été commise, le risque de cécité qui s'est réalisé ne se serait pas produit ; il n'y a dès lors pas lieu de raisonner en termes de perte de chance ;
- l'ONIAM a, à titre transactionnel, indemnisé M. D... à hauteur de 1 578,75 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 3 900 euros au titre des souffrances endurées, 98 630 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 11 000 euros au titre du préjudice d'agrément, 800 euros au titre du préjudice esthétique et 6 000 euros au titre du préjudice d'affection subi par son fils, soit un montant total de 121 908,75 euros, qui n'est pas excessif ni déraisonnable ;
- compte tenu des conclusions claires des experts, il y a lieu de retenir un taux de 15% pour la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, soit la somme de 18 286,30 euros ;
- il est fondé à demander le remboursement des frais qu'il a supportés à hauteur de 2 100 euros au titre des opérations d'expertise effectuées par les docteurs Suc, Rémy et Canterino.
Par un mémoire, enregistré le 3 août 2018, la CPAM du Puy-de-Dôme, représentée par Me A..., conclut :
1°) au rejet de la requête présentée par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et la SHAM ;
2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement du 6 février 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il a fait droit à sa demande de condamnation du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de la SHAM à hauteur seulement de la somme de 31 281,17 euros ;
3°) à la condamnation in solidum du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de la SHAM à lui verser la somme de 71 455,44 euros au titre des débours qu'elle a exposés, assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2016, date d'enregistrement de son premier mémoire au greffe du tribunal administratif, et leur capitalisation ;
4°) à la condamnation in solidum du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de la SHAM à lui verser la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
5°) à titre subsidiaire, à la confirmation du jugement du 6 février 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
6°) à ce que la somme de 600 euros soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, in solidum avec la SHAM, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, la requête d'appel présentée par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et la SHAM est tardive et, par suite, irrecevable ;
- à titre subsidiaire, la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand est engagée sur le fondement du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;
- l'intégralité du préjudice, à savoir la cécité de M. D..., est liée au choix technique inadapté à l'état clinique et paraclinique de la victime ; ce fait générateur fautif initial étant la causalité adéquate du préjudice présenté par M. D..., il n'y a pas lieu d'appliquer un taux de perte de chance mais de condamner le centre hospitalier à indemniser l'intégralité du préjudice ;
- la notification des débours et l'attestation d'imputabilité confirment le montant des débours en lien direct et exclusif avec le préjudice de M. D... résultant de la faute commise par le centre hospitalier, y compris s'agissant des frais pharmaceutiques et de la pension d'invalidité.
Par ordonnance du 28 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 13 novembre 2019.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'arrêté du 27 décembre 2019 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. François-Xavier Pin, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Marie Vigier-Carrière, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et la SHAM.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 18LY01439 et 18LY01482 présentées respectivement pour l'ONIAM, d'une part, et pour le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et la SHAM, d'autre part, sont dirigées contre le même jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand. Il y a lieu de les joindre pour qu'il soit statué par un seul arrêt.
2. M. D... a été hospitalisé le 15 mars 2013 en urgence dans le service d'oto-rhino-laryngologie du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand afin d'y recevoir les soins nécessités par une épistaxis. L'hémorragie n'ayant pas été maîtrisée malgré plusieurs tentatives de tamponnement et alors que M. D... présentait une hypotension artérielle et une anémie aiguë, il a été procédé, le 16 mars 2013, à une embolisation bilatérale des artères maxillaires. Le 17 mars 2013, une occlusion de l'artère centrale de la rétine a été diagnostiquée entraînant une perte fonctionnelle de l'oeil gauche de l'intéressé. M. D..., qui était auparavant déjà atteint d'une cécité de l'oeil droit, présente, à la suite de cette intervention, une cécité bilatérale irréversible. L'intéressé a saisi le 16 avril 2013 la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) d'Auvergne, qui, après avoir prescrit une expertise rendue le 14 août 2013, a estimé, par un avis du 9 janvier 2014, que le dommage était imputable à une faute médicale dans le choix de la technique opératoire utilisée et qu'il revenait en conséquence à l'assureur du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand d'indemniser l'intéressé. La société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM) ayant refusé de faire une proposition d'indemnisation, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), qui s'est substitué à celle-ci à la demande de M. D..., a conclu les 24 septembre 2014 et 16 février 2015, avec l'intéressé et le fils de celui-ci, deux protocoles d'indemnisation transactionnelle pour un montant total de 121 908,75 euros. L'ONIAM, subrogé à l'issue de cette transaction dans les droits de la victime et de son fils, à concurrence des sommes qu'il leur a versées, a saisi la cour de conclusions d'appel principal et d'appel incident formées contre le jugement du 6 février 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il a retenu que la faute commise par le centre hospitalier avait entraîné une perte de chance de 70 % pour M. D... de conserver l'usage de son oeil gauche et n'a fait droit à sa demande de remboursement des sommes sollicitées qu'à hauteur de 90 306,45 euros. Par la voie de l'appel principal et de l'appel incident, le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et la SHAM concluent au rejet des conclusions d'appel de l'ONIAM, à l'annulation de ce même jugement et au rejet des demandes de première instance présentées par l'ONIAM et la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme. La CPAM du Puy-de-Dôme conclut à la réformation de ce jugement en ce que les juges de première instance n'ont pas fait droit à l'intégralité de sa demande indemnitaire.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la CPAM du Puy-de-Dôme à la requête du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de la SHAM :
3. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 (...) ". Aux termes de l'article R. 751-3 de ce code : " (...) Lorsqu'une requête, un mémoire en défense ou un mémoire en intervention a été présenté par plusieurs personnes physiques ou morales, la décision est notifiée au représentant unique mentionné, selon le cas, à l'article R. 411-5 ou à l'article R. 611-2. Cette notification est opposable aux autres signataires. Lorsqu'une requête, un mémoire en défense ou un mémoire en intervention a été présenté par un mandataire pour le compte de plusieurs personnes physiques ou morales, la décision est notifiée à celle des personnes désignées à cette fin par le mandataire avant la clôture de l'instruction ou, à défaut, au premier dénommé. Cette notification est opposable aux autres auteurs de la requête, du mémoire en défense ou du mémoire en intervention ". Aux termes de l'article R. 751-4-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Par dérogation aux articles R. 751-2, R. 751-3 et R. 751-4, la décision peut être notifiée par le moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1 aux parties qui sont inscrites dans cette application. Ces parties sont réputées avoir reçu la notification à la date de première consultation de la décision, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de huit jours à compter de la date de mise à disposition de la décision dans l'application, à l'issue de ce délai. Sauf demande contraire de leur part, les parties sont alertées de la notification par un message électronique envoyé à l'adresse choisie par elles. Cette notification ne fait pas obstacle au droit de la partie intéressée de demander ultérieurement la délivrance d'une expédition de la décision, en application de l'article R. 751-7 ".
4. Il ressort de l'examen du dossier de première instance que le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand est la première personne morale dénommée dans le mémoire en défense commun qu'il a présenté devant le tribunal administratif conjointement avec son assureur, la SHAM. Le jugement attaqué, mis à la disposition du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand dans l'application Télérecours le 15 février 2018, a fait l'objet d'une première consultation le 19 février suivant, soit dans le délai de huit jours alors prévu à l'article R. 751-4-1 précité, et est ainsi réputé lui avoir été notifié à cette date. En conséquence, la requête d'appel du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de la SHAM, enregistrée le 16 avril 2018, dans le délai d'appel de deux mois, n'est pas tardive. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la CPAM du Puy-de-Dôme doit être écartée.
Sur la régularité du jugement attaqué :
5. Le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et la SHAM, en se bornant à soutenir de manière générale que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé, n'assortissent pas leur moyen des précisions permettant d'en apprécier la portée et le bien-fondé. Il s'ensuit que ce moyen doit être écarté.
Sur l'action subrogatoire de l'ONIAM :
6. L'article L. 1142-1 du code de la santé publique prévoit que les conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins sont réparées par le professionnel ou l'établissement de santé dont la responsabilité est engagée. Les articles L. 1142-4 à L. 1142-8 et R. 1142-13 à R. 1142-18 de ce code organisent une procédure de règlement amiable confiée aux CRCI. En vertu des dispositions de l'article L. 1142-14 du même code, si la CRCI, saisie par la victime ou ses ayants droit, estime que la responsabilité du professionnel ou de l'établissement de santé est engagée, l'assureur qui garantit la responsabilité civile de celui-ci adresse aux intéressés une offre d'indemnisation. Aux termes de l'article L. 1142-15 : " En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, (...) l'office institué à l'article L. 1142-22 est substitué à l'assureur. (...) L'acceptation de l'offre de l'office vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil. (...) L'office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur ou le fonds institué à l'article L. 426-1 du même code. Il peut en outre obtenir remboursement des frais d'expertise. En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l'assureur ou le responsable à verser à l'office une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue. Lorsque l'office transige avec la victime, ou ses ayants droit, en application du présent article, cette transaction est opposable à l'assureur ou, le cas échéant, au fonds institué au même article L. 426-1 du code des assurances ou au responsable des dommages sauf le droit pour ceux-ci de contester devant le juge le principe de la responsabilité ou le montant des sommes réclamées. Quelle que soit la décision du juge, le montant des indemnités allouées à la victime lui reste acquis ".
7. En application de ces dispositions, il incombe au juge, saisi d'une action de l'ONIAM subrogé, à l'issue d'une transaction, dans les droits d'une victime à concurrence des sommes qu'il lui a versées, de déterminer si la responsabilité du professionnel ou de l'établissement de santé est engagée et, dans l'affirmative, d'évaluer les préjudices subis afin de fixer le montant des indemnités dues à l'office. Lorsqu'il procède à cette évaluation, le juge n'est pas lié par le contenu de la transaction intervenue entre l'ONIAM et la victime.
Sur la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand :
8. Si les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique font obstacle à ce que l'ONIAM supporte au titre de la solidarité nationale la charge de réparations incombant aux personnes responsables d'un dommage en vertu du I du même article, elles n'excluent toute indemnisation par l'office que si le dommage est entièrement la conséquence directe d'un fait engageant leur responsabilité. Dans l'hypothèse où un accident médical non fautif est à l'origine de conséquences dommageables mais où une faute commise par une personne mentionnée au I de l'article L. 1142-1 a fait perdre à la victime une chance d'échapper à l'accident ou de se soustraire à ses conséquences, le préjudice en lien direct avec cette faute est la perte de chance d'éviter le dommage corporel advenu et non le dommage corporel lui-même, lequel demeure tout entier en lien direct avec l'accident non fautif. Si un tel accident ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale si l'ensemble de ses conséquences remplissent les conditions posées au II de l'article L. 1142-1, et présentent notamment le caractère de gravité requis, l'indemnité due par l'ONIAM est réduite du montant de celle mise, le cas échéant, à la charge du responsable de la perte de chance, égale à une fraction du dommage corporel correspondant à l'ampleur de la chance perdue.
9. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise ordonnée par la CRCI d'Auvergne et réalisée conjointement par un médecin-chirurgien oto rhino laryngologiste, un ophtalmologiste et médecin radiologue, qu'eu égard au caractère récidivant de l'épistaxis dont souffrait M. D... malgré plusieurs tentatives préalables de tamponnement de l'hémorragie, et au diagnostic d'une anémie aigüe du fait de ce saignement excessif, la réalisation en urgence d'un geste d'hémostase, tel qu'il a été décidé par l'équipe médicale du centre hospitalier universitaire de Clermont Ferrand, était indiquée. Il résulte également de l'instruction que le contrôle d'une telle hémorragie peut être assuré soit par embolisation sélective des vaisseaux irriguant la fosse nasale au cours d'une angiographie réalisée sous anesthésie locale soit par une ligature chirurgicale endoscopique de l'artère sphénopalatine réalisée sous anesthésie générale et que l'un et l'autre de ces gestes médicaux présentent une efficacité comparable, avec un taux d'échec équivalent compris entre 5% et 8%. Il résulte du rapport d'expertise, d'une confirmation donnée par l'un des experts le 6 janvier 2014, et de la littérature scientifique récente citée par le médecin référent de l'ONIAM à l'appui de son rapport du 30 juin 2016 que la pratique de l'embolisation visant à mettre fin à un épisode persistant d'épistaxis est susceptible de conduire, dans 1% à 2% des cas, à des complications entraînant la cécité d'un oeil, ce risque n'étant pas répertorié parmi les conséquences d'une ligature chirurgicale. Ces données ne sont pas suffisamment remises en cause par le rapport critique rédigé par un professeur en neuroradiologie pour le compte de la SHAM qui n'établit pas, en se référant à cet égard à une seule étude scientifique plus ancienne que celle sur laquelle se sont fondés les experts commis par la CRCI, que la pratique d'une ligature chirurgicale selon les techniques actuelles serait également susceptible d'entraîner un même risque de cécité. Le complément apporté le 14 décembre 2015 à cette analyse critique, qui se borne à s'approprier les résultats d'une étude citée par le professeur Mom, oto rhino laryngologiste au centre hospitalier universitaire de Clermont Ferrand, ne remet pas en cause de manière probante les données citées ci-dessus quant au risque de cécité. En outre, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que l'angiographie réalisée lors de l'embolisation n'a pas permis de visualiser l'artère ophtalmique gauche de M. D..., augmentant le risque de survenue d'une occlusion de l'artère centrale de la rétine. Les assertions tirées du rapport critique produit par le centre hospitalier universitaire de Clermont Ferrand et la SHAM, selon lesquelles le traitement anticoagulant qui était prescrit à M. D... aurait aggravé le risque hémorragique en cas de recours à la chirurgie et que la déviation de la cloison nasale du patient justifiait de recourir à une embolisation plutôt qu'à une ligature chirurgicale, ne sont pas assorties d'éléments suffisamment précis et étayés permettant de remettre en cause les conclusions des experts. Enfin, il n'est pas contesté que l'état de santé général de M. D... ne présentait pas de contre indication à la réalisation d'une anesthésie générale nécessitée pour l'intervention chirurgicale.
10. Au vu de l'ensemble de ces circonstances et compte tenu de ce que M. D... était déjà atteint d'une cécité de l'oeil droit à la suite d'un accident intervenu antérieurement, en faisant le choix de recourir à l'embolisation plutôt qu'à l'alternative thérapeutique chirurgicale pour mettre fin à l'épistaxis dont il souffrait, alors que cette technique, contrairement à la chirurgie, entraînait un risque de cécité d'un oeil de 1% à 2%, accru en l'espèce par l'absence de visualisation angiographique de l'artère centrale de la rétine, le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand a commis une faute qui a causé à l'intéressé une perte de chance de se soustraire aux conséquences dommageables de l'embolisation liée à la cécité bilatérale dont il est désormais atteint. Toutefois, la faute ainsi commise n'est pas, contrairement à ce que soutient l'ONIAM, la cause directe de l'entier dommage subi par M. D... mais cette erreur d'indication thérapeutique lui a seulement fait perdre une chance d'échapper à la perte de son oeil gauche. Il résulte ainsi de l'instruction, notamment de l'expertise, que la perte fonctionnelle de l'oeil gauche de M. D... est imputable à la fois au choix thérapeutique erroné fait par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, à hauteur de 70%, et à l'aléa thérapeutique, pour 30%.
11. Il résulte de l'instruction que les complications liées à la cécité de l'oeil gauche qu'a subies M. D... résultent d'un aléa thérapeutique correspondant à un risque connu, estimé entre 1% et 2%, consécutif à la pratique d'une embolisation maxillaire. La perte fonctionnelle de l'oeil gauche de M. D..., directement imputable à cette embolisation, constitue donc une conséquence anormale au regard de l'état initial de la victime ou de l'évolution prévisible de cet état. A la suite de l'embolisation, M. D... présente une cécité bilatérale correspondant à une incapacité permanente partielle évaluée à 60% par les experts, tenant compte de son état antérieur, qui l'empêche de poursuivre son activité professionnelle. Dès lors, le dommage subi, dont il n'est pas contesté que la gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1 du code de la santé publique, doit être regardé comme satisfaisant également à la condition d'anormalité prévue par les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du même code. Il s'ensuit que le dommage subi par M. D... ouvrait droit à indemnisation au titre de la solidarité nationale. Toutefois, contrairement à ce que soutient l'ONIAM, si la solidarité nationale doit assurer la réparation des préjudices, l'indemnité due par l'ONIAM à ce titre doit être réduite du montant de celle mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, responsable de la perte de chance, égale à une fraction du dommage corporel correspondant à l'ampleur de la chance perdue. L'ONIAM, subrogé dans les droits de M. D..., ne peut donc prétendre obtenir du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de son assureur le remboursement de l'intégralité des sommes versées à la victime et à son fils mais seulement de la part correspondant à l'application du taux de perte de chance afférent à la faute commise par le centre hospitalier. Il résulte de l'ensemble des circonstances qui viennent d'être rappelées que la part de responsabilité du centre hospitalier correspondant à la perte de chance pour l'intéressé d'éviter les complications consécutives à l'embolisation maxillaire doit être fixée à une fraction de 70% des différents chefs de préjudices subis. Il y a lieu, dès lors, de confirmer le taux de perte de chance de M. D... d'échapper à la perte fonctionnelle de l'oeil gauche fixé par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand à 70%.
Sur le préjudice indemnisable :
En ce qui concerne les préjudices subis par M. D... et son fils pris en charge par l'ONIAM :
12. En premier lieu, l'ONIAM fait valoir que la somme de 115 908,75 euros qu'elle a versée à titre transactionnel à M. D... - hors l'indemnité de 6 000 euros versée au titre du préjudice d'affection subi par son fils - et dont elle demande le remboursement n'est ni excessive ni déraisonnable. Si le centre hospitalier et la SHAM ont indiqué dans leur requête sommaire que le tribunal administratif a procédé à une évaluation excessive des préjudices subis par M. D... et son fils, en l'absence de précisions sur ce point dans leurs différents mémoires, ils n'apportent pas suffisamment d'éléments permettant à la cour d'apprécier le bien-fondé de ce moyen. Par suite, après application du taux de perte de chance de 70%, il y a lieu de confirmer la somme globale de 81 136 euros mise à la charge solidaire du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de la SHAM et allouée à l'ONIAM en première instance, en réparation des préjudices subis de M. D....
13. En second lieu, les premiers juges n'ont pas fait une appréciation insuffisante du préjudice d'affection subi par le fils de M. D... en allouant à l'ONIAM à ce titre une indemnité d'un montant de 1 400 euros, après application du taux de perte de chance, mise à la charge solidaire du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de la SHAM.
En ce qui concerne les frais d'expertise exposés devant la CRCI d'Auvergne :
14. Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique : " L'office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur ou le fonds institué à l'article L. 426-1 du même code. Il peut en outre obtenir remboursement des frais d'expertise ".
15. L'ONIAM justifie avoir supporté les frais de 1'expertise diligentée dans le cadre de la procédure de règlement amiable devant la CRCI pour un montant de 2 100 euros. Ces frais, qui ne sont pas contestés par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et son assureur, ne font pas partie du préjudice patrimonial subi par M. D... mais constituent des dépenses que l'ONIAM a directement exposées. Dès lors, l'ONIAM est fondé à demander à être remboursé de l'intégralité de cette somme en application des dispositions précitées du quatrième alinéa l'article L. 1142-15 du code de la santé publique. Il y a lieu de mettre la somme de 2 100 euros à la charge solidaire du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de son assureur.
Sur les droits de la CPAM du Puy-de-Dôme :
16. La CPAM du Puy-de-Dôme sollicite le remboursement de frais d'hospitalisation, de frais médicaux et de frais pharmaceutiques, à hauteur de 22 510,38 euros, de frais de dépenses futures, consistant en une consultation ophtalmologique annuelle, à hauteur de 318,64 euros et la somme de 48 626,42 euros au titre d'arrérages échus de la rente accident de travail " catégorie 3 " versés à M. D... du 1er avril 2013 au 24 novembre 2014.
17. Toutefois, d'une part, il résulte de la production d'un relevé de débours définitif et de deux attestations d'imputabilité établies les 27 novembre 2014 et 26 juillet 2018 par le médecin-conseil, que la caisse ne justifie pas avoir exposé de frais pharmaceutiques à hauteur de 203,24 euros en relation avec la faute médicale retenue. Ainsi, elle ne justifie des dépenses de santé alléguées en lien avec cette faute qu'à hauteur de la somme de 22 625,78 euros.
18. D'autre part, et ainsi que l'ont retenu les premiers juges, M. D... bénéficiait, du fait de la cécité préalable de son oeil droit, d'une pension d'invalidité de catégorie 2. La faute médicale commise, ayant entraîné la perte de son oeil gauche, lui ouvre droit désormais à une pension d'invalidité de catégorie 3, incluant une assistance par tierce personne. Dès lors, et ainsi que le font valoir le centre hospitalier et son assureur, la CPAM du Puy-de-Dôme n'est fondée à solliciter que le remboursement du différentiel entre la pension d'invalidité de catégorie 2 et celle de catégorie 3, et non l'intégralité des arrérages versés au titre de cette pension. Il résulte de l'instruction, notamment du calcul non contesté effectué en première instance par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, que ce différentiel s'élève, sur la période dont se prévaut la CPAM, à la somme de 22 061,60 euros.
19. Il s'ensuit qu'eu égard au taux de perte de chance retenu, la CPAM du Puy-de-Dôme n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont condamné solidairement le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et la SHAM à lui verser la somme de 31 281,17 euros.
Sur la pénalité prévue par les dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique :
20. Aux termes du cinquième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique : " En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l'assureur ou le responsable à verser à l'office une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue ".
21. Il résulte de l'instruction que l'assureur du centre hospitalier a refusé de faire une offre d'indemnisation à M. D... alors que les experts désignés par la CRCI avaient estimé que le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand avait commis une faute ayant fait perdre à M. D... une chance d'éviter la perte fonctionnelle de son oeil gauche et il résulte de ce qui a été dit précédemment que cette faute n'était pas sérieusement contestable. Par suite, contrairement à ce que soutiennent le centre hospitalier et son assureur, l'ONIAM peut prétendre à l'indemnité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique. Dans les circonstances de l'espèce, c'est à juste titre que les premiers juges ont condamné solidairement le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et son assureur à payer à l'ONIAM une somme égale à 7,5 % de l'indemnité allouée, taux qui n'est ni insuffisant ni excessif. Dès lors, il y a lieu de fixer cette pénalité à la somme de 6 347,70 euros.
22. Il résulte de tout ce qui précède que l'ONIAM, subrogé dans les droits de la victime et de son fils, est seulement fondé à demander que la somme de 90 306,45 euros que le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et la SHAM ont été solidairement condamnés à lui verser par le jugement attaqué du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 6 février 2018 soit portée à la somme de 90 983,70 euros. Les conclusions présentées par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et la SHAM tendant à l'annulation de ce jugement ainsi que celles de la CPAM du Puy-de-Dôme tendant à sa réformation doivent être rejetées.
Sur les intérêts :
23. L'ONIAM a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 90 983,70 euros à compter du 12 août 2015, date de réception par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand de sa demande préalable.
Sur l'indemnité prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :
24. Le jugement du 6 février 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a accordé à la caisse, au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale, une somme de 1 055 euros correspondant au plafond fixé par l'arrêté du 26 décembre 2016 alors en vigueur. Si le plafond de cette indemnité a été réévalué par la suite, la CPAM du Puy-de-Dôme ne peut prétendre à une augmentation du montant de l'indemnité forfaitaire de gestion dès lors que ses conclusions indemnitaires sont rejetées par le présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
25. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par la CPAM du Puy-de-Dôme doivent dès lors être rejetées.
26. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de l'ONIAM présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La somme de 90 306,45 euros que le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et la SHAM ont été solidairement condamnés à verser à l'ONIAM par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 6 février 2018 est portée à 90 983,70 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 août 2015.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 6 février 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La requête n°18LY01482 présentée par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et la SHAM est rejetée.
Article 4 : Le surplus des conclusions de l'ONIAM dans les instances n°s 18LY01439 et 18LY01482 est rejeté.
Article 5 : Les conclusions d'appel incident et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par la CPAM du Puy-de-Dôme dans les instances n°s 18LY01439 et 18LY01482 sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au centre hospitalier de Clermont-Ferrand, à la société hospitalière d'assurances mutuelles et à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 6 février 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 10 mars 2020.
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N° 18LY01482,...