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12/12/2019 | FRANCE | N°18DA02608

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 12 décembre 2019, 18DA02608


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, la délibération du 9 juin 2015 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Cap Calaisis a supprimé son emploi de directeur de projet " fibre optique très haut débit " ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 7 octobre 2015, et, d'autre part, de condamner la communauté d'agglomération Cap Calaisis, en réparation des préjudices moral et financier

subis, au versement d'une indemnité globale de 452 207,88 euros, avec intérê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, la délibération du 9 juin 2015 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Cap Calaisis a supprimé son emploi de directeur de projet " fibre optique très haut débit " ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 7 octobre 2015, et, d'autre part, de condamner la communauté d'agglomération Cap Calaisis, en réparation des préjudices moral et financier subis, au versement d'une indemnité globale de 452 207,88 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 7 août 2015 et capitalisation.

Par un jugement n° 1510104 du 23 octobre 2018 le tribunal administratif de Lille a annulé la délibération du 9 juin 2015 et la décision implicite de rejet du recours gracieux de M. E..., mis à la charge de l'établissement public une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 21 décembre 2018 et le 11 octobre 2019, M. D... E..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande indemnitaire ;

2°) de condamner la communauté d'agglomération Cap Calaisis, en réparation des préjudices moral et financier subis, au versement d'une indemnité globale de 50 000 euros pour préjudice moral, et d'une indemnité globale de 402 207,88 euros couvrant le préjudice financier pour la période du 9 juin 2015 à la date de l'arrêt à intervenir, avec intérêts au taux légal à compter du 7 août 2015 et capitalisation ;

3°) d'enjoindre à la communauté d'agglomération Cap Calaisis de procéder à sa réintégration, sur le poste de chargé de mission Fibre Optique THO, à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Cap Calaisis la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur ;

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public ;

- et les observations de Me A..., représentant M. E... et de Me C... représentant la communauté d'agglomération Grand Calais Terres et Mers.

Considérant ce qui suit :

1.M. E..., ingénieur territorial en chef de classe exceptionnelle, a exercé les fonctions de directeur général adjoint des services de la communauté d'agglomération Cap Calaisis aux droits desquels est substituée la communauté d'agglomération Grand Calais Terres et Mers, avant d'être nommé directeur de projet " fibre optique très haut débit " au sein de cette même collectivité. Par une délibération du 9 juin 2015, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Cap Calaisis a supprimé l'emploi de directeur de projet " fibre optique très haut débit ". Par jugement du 23 octobre 2018 le tribunal administratif de Lille a annulé la délibération du 9 juin 2015 et la décision implicite de rejet du recours gracieux de M. E... et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. M. E... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande indemnitaire. Par la voie de l'appel incident, la communauté d'agglomération Grand Calais Terres et Mers demande l'annulation du jugement et le rejet de la requête.

Sur la recevabilité de l'appel incident de la communauté d'agglomération Grand Calais Terres et Mers :

2. La communauté d'agglomération Grand Calais Terres et Mers relève appel incident du jugement du tribunal administratif de Lille du 23 octobre 2018 en tant qu'il a annulé, pour excès de pouvoir, la délibération du 9 juin 2015 et la décision implicite de rejet du recours gracieux de M. E.... Toutefois, cet appel incident présente à juger un litige distinct de celui ouvert par l'appel principal de M. E..., qui ne conteste ce jugement qu'en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation des préjudices dont il fait état. Il suit de là que l'appel incident ainsi formé par cette dernière, hors du délai de recours, est irrecevable et doit, dès lors, être rejeté.

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

3. La contradiction de motifs affecte le bien-fondé d'une décision juridictionnelle et non sa régularité. Il en est de même du moyen tiré de ce que le tribunal a rejeté à tort la demande indemnitaire de M. E... sur la base d'allégations tirées de la réorganisation des services non démontrées. Par suite, ces moyens tirés de ce que le tribunal administratif de Lille aurait entaché son jugement d'une contradiction de motifs ou de motifs fondés sur des allégations non démontrées, sont sans influence sur la régularité du jugement attaqué.

4. Le motif par lequel le juge de l'excès de pouvoir s'est fondé sur l'un des quelconques moyens de légalité soulevés devant lui ou des moyens d'ordre public qu'il relève d'office, suffit à justifier l'annulation de la décision administrative contestée. Il s'ensuit que, sauf dispositions législatives contraires, le juge de l'excès de pouvoir n'est, en principe, pas tenu, pour faire droit aux conclusions à fin d'annulation dont il est saisi, de se prononcer sur d'autres moyens que celui qu'il retient explicitement comme étant fondé. Toutefois, si la requête de première instance développait des moyens à fin d'excès de pouvoir, les mêmes moyens, qui n'étaient pas tous inopérants, étaient aussi articulés aux fins de plein contentieux s'agissant du défaut de consultation de la commission administrative paritaire préalablement à la suppression de son emploi par la délibération en litige, de l'insuffisance de l'information des élus communautaires, en ce qu'aucune note de synthèse ne leur a été communiquée préalablement à leur délibération, du défaut de communication du procès-verbal de la séance du comité technique paritaire au délégué régional du centre national de la fonction publique territoriale, de l'erreur de droit entachant la délibération, en ce que le conseil communautaire n'aurait pas exercé sa compétence en entérinant seulement une décision de sa présidente, de ce que la délibération ne pouvait être adoptée sans procéder à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement au sein de la collectivité, du détournement de pouvoir dont elle serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation commise par la collectivité employeur et de ce que la délibération est illégale en ce qu'elle se fonde sur la décision du 22 avril 2013 mettant fin à son détachement dans l'emploi de directeur général adjoint des services, est illégale car entachée d'erreur de droit dans l'application de l'article 53 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 et d'un détournement de pouvoir. Les premiers juges devaient, dans ces conditions, examiner l'ensemble des moyens de la requête. M. E... est ainsi fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer.

5. Il y a lieu, dans cette mesure, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Lille.

6. M. E... se prévaut de différentes fautes et d'agissements qu'aurait commis la communauté d'agglomération Grand Calais Terres et Mers caractérisant des fautes de nature à entraîner la responsabilité de la collectivité lui ayant causé, directement et de manière certaine, des préjudices.

En ce qui concerne le préjudice allégué consécutif à la délibération du conseil de la communauté d'agglomération :

7. En premier lieu, la délibération du 9 juin 2015 est entachée d'un vice de procédure tiré du défaut d'information des membres du comité technique, paritaire, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Lille dans son jugement qui est devenu définitif en l'absence de recours, en tant qu'il a statué sur les conclusions d'excès de pouvoir.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 30 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les commissions administratives paritaires connaissent (...) des questions individuelles résultant de l'application, notamment de l'article 25 du titre 1er du statut général des fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales et des articles de la présente loi ".

9. Les dispositions précitées faisaient obligation à la présidente de la communauté d'agglomération Grand Calais Terres et Mers de recueillir, comme elle l'a fait, l'avis de la commission administrative paritaire émis le 15 octobre 2015, avant la prise en charge de M. E..., par le Centre national de la fonction publique territoriale. Elle n'était pas tenue toutefois, de recueillir cet avis, alors même que certains documents dénués de toute valeur juridique, édités par certains centres de gestions le recommandent, avant de présenter, au conseil communautaire, la délibération supprimant l'emploi de directeur de projet " fibre optique très haut débit ", dès lors que la décision de suppression d'un emploi dépasse la question de l'individu qui occupe l'emploi dont la suppression est envisagée, il s'agit d'une mesure d'organisation du service. Par suite, l'absence d'avis de la commission administrative paritaire sur une question de suppression d'emploi préalable à la délibération du 9 juin 2015, qui ne présente pas, ainsi, le caractère d'une question individuelle au sens de l'article 30 de la loi du 26 janvier 1984, doit être écarté comme étant inopérant.

10. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article 97 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 susvisée : " 1. -Un emploi ne peut être supprimé qu'après avis du comité technique sur la base d'un rapport présenté par la collectivité territoriale ou l'établissement public. Le _président du centre de gestion dans le ressort duquel se trouve la collectivité ou l'établissement est rendu destinataire en même temps que les représentants du comité technique du procès-verbal de la séance du comité technique concernant la suppression de l'emploi. Si le fonctionnaire concerné relève de l'un des cadres d'emplois de catégorie A auxquels renvoie l'article 45 ce document est communiqué au délégué régional ou interdépartemental du Centre national de la fonction publique territoriale. Si la collectivité ou l'établissement ne peut lui offrir un emploi... " et aux termes de l'article 33 de la même loi : " Les comités techniques sont consultés pour avis sur les questions relatives : / 1° A l'organisation et au fonctionnement des services ... ; ".

11. D'autre part, aux termes de premier alinéa de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal ". Il résulte de ces dispositions, rendues applicable aux conseils communautaires des établissements publics de coopération intercommunale comportant au moins une commune de trois mille cinq-cents habitants et plus par l'article L. 5211-1 du même code, que le défaut d'envoi avec la convocation aux réunions du conseil municipal d'une commune de trois mille cinq-cents habitants et plus, de la note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour prévue à l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, entache d'irrégularité les délibérations prises, à moins que le maire n'ait fait parvenir aux membres du conseil municipal, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d'une information adéquate pour exercer utilement leur mandat. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions. Elle n'impose pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises.

12. Il ressort des pièces du dossier qu'aucune note de synthèse n'avait été transmise avec la convocation et que si le directeur général adjoint a fait une communication orale, le projet de délibération n'a fait l'objet d'aucun rapport tel que prescrit par le premier alinéa du I de l'article 97 précité de la loi du 26 janvier 1984. Toutefois le projet de délibération, qui a été adressé avec l'ordre du jour aux élus, à l'appui de leur convocation, comportait le rappel de l'avis du comité technique réunie le 31 mars 2015, les motifs avancés pour justifier la suppression de son emploi, tirés de la nécessite de réorganiser les services et de contraintes budgétaires suite à la baisse de la dotation de l'Etat permettait à ceux-ci d'appréhender le contexte et de comprendre les motifs de fait et de droit de la mesure envisagée. Ainsi, l'information des élus communautaires, prise en ce qu'aucune note de synthèse ne leur a été transmise préalablement à la délibération à adopter, n'était pas insuffisante.

13. En quatrième lieu, si l'article 97 de la loi précitée prévoit aussi la communication du procès-verbal de la séance du comité technique et le rapport de présentation au comité technique au délégué régional du Centre national de la fonction publique territoriale, il n'exige pas qu'une telle formalité soit préalable à la décision de suppression d'un emploi. En tout état de cause, le défaut de communication préalable n'est pas susceptible d'avoir privé M. E... d'une garantie, ou d'avoir exercé une influence sur le sens de la délibération.

14. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction que la délibération en litige révèle sans ambigüité que le conseil communautaire a usé pleinement de sa compétence en décidant de supprimer les emplois occupés par les intéressés. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le conseil communautaire n'a fait qu'entériner la décision de la présidente de la communauté d'agglomération Grand Calais Terres et Mers et que la délibération serait entachée d'une erreur de droit.

15. En sixième lieu, si les dispositions de l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984 font obligation à la collectivité publique de rechercher des possibilités de reclassement dès que l'emploi en question est susceptible d'être supprimé, une telle obligation de reclassement ne doit pas nécessairement avoir abouti préalablement à la décision de suppression de l'emploi. Par suite M. E... n'est pas fondé à soutenir que la délibération 9 juin 2015 supprimant son emploi ne pouvait être adoptée sans procéder à une recherche sérieuse quant aux possibilités de reclassement.

16. Il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal de séance du 9 juin 2015 du conseil de la communauté d'agglomération que l'emploi de directeur de projet " fibre optique très haut débit " occupé par M. E... a été supprimé pour cause de réorganisation des services au regard des contraintes budgétaires consécutives aux baisses de dotation de l'Etat, l'emploi en cause ne présentant plus d'utilité pour la collectivité. La communauté d'agglomération relève, à cet égard, que le rapport de la Chambre régionale des comptes la concernant précise que les effectifs avaient augmenté de 11 % entre 2010 et 2014, et qu'il était nécessaire de maîtriser l'augmentation de la masse salariale, qui avait été de 2,2 millions d'euros sur la période contrôlée. Elle précise aussi avoir fait le choix de transférer les missions de M. E... à deux agents déjà en poste pour le suivi technique financier et pour les missions opérationnelles, à deux autres agents déjà en charge de la réhabilitation des réseaux. Dans ces conditions M. E... n'établit pas que la réorganisation des services n'aurait pas été menée dans l'intérêt du service. Il n'établit pas plus que la décision de suppression de son emploi aurait été prise dans le seul but de l'évincer et qu'elle serait, de ce fait entachée d'un détournement de pouvoir et de procédure.

17. M. E..., en se bornant à soutenir que la délibération en litige est entachée d'erreur d'appréciation et inadéquate par rapport aux motifs qui la fondent, n'assortit son allégation d'aucun élément probant permettant d'établir une quelconque illégalité fautive de la communauté d'agglomération Grand Calais Terres et Mers.

18. Enfin la délibération du 9 juin 2015 ne trouve pas son fondement légal dans la décision du 22 avril 2013 mettant fin au détachement de M. E... dans l'emploi fonctionnel de directeur général adjoint des services et ces deux décisions ne constituent pas non plus une opération complexe. Par suite, M. E..., n'est pas fondé à soutenir que la délibération du 9 juin 2015 est illégale dans la mesure où elle se fonde sur la décision du 22 avril 2013 mettant fin à son détachement dans l'emploi fonctionnel de directeur général adjoint des services elle-même illégale, car entachée d'erreur de droit dans l'application de l'article 53 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et d'un détournement de pouvoir.

19. Il résulte de l'ensemble ce qui a été énoncé aux points précédents que la délibération du 9 juin 2015 supprimant l'emploi occupé par M. E... n'est pas illégale pour un autre motif que celui tiré du vice de procédure mentionné au point 7. Le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Grand Calais Terres et Mers aurait ainsi pu légalement prendre la même décision au terme d'une procédure régulière. Dès lors, les préjudices que M. E... soutient avoir subis du fait de l'illégalité de la délibération en question, ne peuvent être regardés comme la conséquence du vice dont cette délibération était entachée. Ses conclusions à fin d'indemnisation, fondées sur l'illégalité fautive de cette délibération, doivent, par suite, être rejetées.

En ce qui concerne le préjudice consécutif à des faits de harcèlement moral :

20. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) ".

21. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

22. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

23. M. E... soutient qu'il a fait l'objet de harcèlement moral résultant de critiques de certains syndicalistes restées sans réponse de la part de la communauté d'agglomération Grand Calais Terres et Mers, du défaut de réponse à sa demande de protection fonctionnelle, de propos désobligeants de la présidente de la communauté d'agglomération, d'un " lâchage " face aux attaques dans la presse locale évoquant des emplois fictifs, de ce que son reclassement a été assimilé par certains à une mise au placard, et fait valoir qu'il a dû ensuite être mis en congé maladie pendant trois mois, qu'il a fait l'objet d'actes contradictoires d'octroi puis de retrait de droits, et qu'à la suite du retrait, à la demande du préfet, de l'arrêté renouvelant son détachement dans l'emploi fonctionnel de directeur général adjoint des services techniques, il est demeuré sans affectation correspondant à son grade du 22 avril 2013 au 1er décembre 2014. En défense, la communauté d'agglomération Grand Calais Terres et Mers soutient que les critiques des représentants syndicaux ne sauraient lui être imputables, que M E... n'exerçant plus de fonctions d'encadrement, il ne pouvait plus bénéficier de la nouvelle bonification indiciaire, que le retrait d'un arrêté du 12 octobre 2012 concernant sa situation administrative ne relevait pas de sa volonté, mais était la conséquence du déféré préfectoral formé par le préfet du Pas-de­ Calais. Elle fait valoir en outre que la décision de suppression de l'emploi est motivée par des considérations exclusivement liées à l'intérêt du service.

24. Il résulte de l'instruction, s'agissant de la citation complètement sortie de son contexte de la présidente nouvellement élue de la communauté d'agglomération Grand Calais Terres et Mers, qu'elle n'a fait que répondre à l'intervention d'un élu qui a, le premier, évoqué une mise au placard de M . E... et que la communauté d'agglomération Grand Calais Terres et Mers a pu réorganiser ses services, et aussi, dans l'intérêt du service, supprimer l'emploi occupé par l'intéressé en le plaçant en surnombre, sans qu'il puisse bénéficier de la nouvelle bonification indiciaire, puisqu'il n'exerçait plus de fonctions d'encadrement. M.E... ne verse en outre aux débats, aucun élément permettant de démontrer la réalité de ses allégations s'agissant de propos désobligeants portés à son endroit par des représentants de la communauté d'agglomération. Il n'est de surcroît nullement établi que les arrêts de travail dont il a bénéficié auraient été en lien avec des faits de harcèlement moral au sein du service. Pendant sa période d'absence d'affectation, le traitement et le régime indemnitaire du à l'intéressé, à l'exception de l'indemnité spécifique de service et de la prime de service et de rendement, liées à l'exercice effectif de fonctions permettant l'appréciation de sa manière de servir, ont été maintenus. Dans ces conditions, l'ensemble des faits allégués, qui ne peuvent être appréciés sans tenir compte du comportement de l'intéressé et de l'intérêt du service, ne permet pas de conclure à l'existence d'un harcèlement moral exercé à l'encontre, de M. E... au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983. Dès lors, ils ne présentent pas le caractère d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration. Par suite, les prétentions indemnitaires de M. E... fondées sur une faute de nature à engager la responsabilité de la communauté d'agglomération en raison du harcèlement moral, doivent être rejetées.

En ce qui concerne les conclusions d'appel à fin d'injonction:

25. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le motif d'annulation de la délibération du 9 juin 2015, par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Grand Calais Terres et Mers a supprimé l'emploi de directeur de projet " fibre optique très haut débit ", n'implique pas nécessairement la réintégration de M. E.... Par suite, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, tendant à ce que la cour enjoigne sa réintégration, ne peuvent être accueillies.

26. Il résulte de tout ce qui précède que M. E..., sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la communauté d'agglomération Grand Calais Terres et Mers, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 23 octobre 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Les conclusions qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées. L'appel incident de la communauté d'agglomération Grand Calais Terres et Mers, ainsi que les conclusions présentées par celle-ci au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être aussi rejetés.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1510104 du tribunal administratif de Lille du 23 octobre 2018 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de plein contentieux de M. E....

Article 2 : La demande indemnitaire de M. E... et les conclusions tendant à l'octroi de frais de procédure devant le tribunal administratif de Lille sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions d'appel de M. E... est rejeté.

Article 4 : Les conclusions incidentes et les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de la communauté d'agglomération Grand Calais Terres et Mers sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et à la communauté d'agglomération Grand Calais Terres et Mers.

4

N°18DA02608


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA02608
Date de la décision : 12/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Divers.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SCP BIGNON LEBRAY et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-12-12;18da02608 ?
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