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04/03/2021 | FRANCE | N°18DA01860

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 04 mars 2021, 18DA01860


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) C... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010, à hauteur de la somme de 365 452 euros.

Par un jugement n° 1510002 du 12 juillet 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 septem

bre 2018 et le 15 avril 2019, la SCI C..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) C... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010, à hauteur de la somme de 365 452 euros.

Par un jugement n° 1510002 du 12 juillet 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 septembre 2018 et le 15 avril 2019, la SCI C..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010, à hauteur de la somme de 365 452 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 67-837 du 28 septembre 1967 ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Binand, président-assesseur,

- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- les observations de Me A..., pour la SCI C....

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) C..., qui a pour activité la location de locaux professionnels, a contracté le 17 mars 1995, pour une durée de quinze ans, un contrat de crédit-bail immobilier, avec la société immobilière pour le commerce et l'industrie (SICOMI) UCB-Locabail, portant sur l'exploitation d'un terrain et d'immeubles à usage industriel et de bureaux, qu'elle a sous-loués à plusieurs sociétés. Au terme de ce contrat, la SCI C... a levé l'option d'achat de ces biens pour le montant stipulé de quinze centimes d'euros. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période comprise entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2010, l'administration a relevé que la SCI C... n'avait pas réintégré dans les résultats de l'exercice clos en 2010 la fraction des loyers qui aurait dû l'être, selon elle, à la suite de cette acquisition et a, en conséquence, assujetti cette société à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de cet exercice, pour un montant total de 365 452 euros, en droits et pénalités. Après avoir vainement présenté une réclamation à l'administration, la SCI C... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de ces impositions supplémentaires. Par un jugement du 12 juillet 2018, dont la société relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. La SCI C... soutient que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen qu'elle faisait valoir, tiré de ce que l'incompatibilité avec le statut de SICOMI de la sous-location d'un bien donné en crédit-bail n'emportait de conséquences fiscales défavorables que pour la SICOMI crédit-bailleur et non pour le crédit-preneur. Toutefois, le tribunal administratif, qui a visé ce moyen, l'a implicitement mais nécessairement écarté en indiquant, au point 2 et au point 3 du jugement attaqué, que, dès lors que la sous-location consentie par la SCI C... méconnaissait les dispositions de l'article 5 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 régissant le statut des SICOMI, le contrat conclu par cette société avec la société UCB-Locabail ne pouvait être regardé comme une opération de crédit-bail avec une SICOMI, au sens et pour l'application des dispositions du code général des impôts applicables en la matière. Par suite, et à le supposer réellement soulevé, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché, à ce titre, d'une insuffisance de motivation doit être écarté.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

3. D'une part, aux termes de l'article 239 sexies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I. - Lorsque le prix d'acquisition, par le locataire, de l'immeuble pris en location par un contrat de crédit-bail conclu avec une société immobilière pour le commerce et l'industrie est inférieur à la différence existant entre la valeur de l'immeuble lors de la signature du contrat et le montant total des amortissements que le locataire aurait pu pratiquer s'il avait été propriétaire du bien depuis cette date, le locataire acquéreur est tenu de réintégrer, dans les résultats de son entreprise afférents à l'exercice en cours au moment de la cession, la fraction des loyers versés pendant la période au cours de laquelle l'intéressé a été titulaire du contrat et correspondant à ladite différence diminuée du prix de cession de l'immeuble. (...) / Toutefois, lorsque la durée du contrat de crédit-bail est d'au moins quinze ans, cette réintégration est limitée à la différence entre le prix de revient du terrain sur lequel la construction a été édifiée et le prix de cession de l'immeuble au locataire. / (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 239 sexies B de ce code : " Les dispositions du premier alinéa du I (...) de l'article 239 sexies sont applicables aux locataires qui acquièrent des immeubles qui leur sont donnés en crédit-bail par des sociétés ou organismes autres que des sociétés immobilières pour le commerce et l'industrie ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 5 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 relative aux opérations de crédit-bail et aux sociétés immobilières pour le commerce et l'industrie : " Peuvent seules être autorisées à prendre et à conserver la dénomination de "sociétés immobilières pour le commerce et l'industrie" les sociétés qui satisfont aux conditions suivantes : / (...) / b) Avoir pour objet exclusif la location d'immeubles à usage professionnel. / La propriété des immeubles loués peut être transférée aux utilisateurs dans le cadre d'un contrat de crédit-bail régi par l'article 1er de la loi n° 66-455 du 2 juillet 1966, modifié par l'article 1er de la présente ordonnance ; / (...) ". Il résulte de la lettre même de ces dispositions que les contrats de crédit-bail conclus par les sociétés qui entendent se prévaloir des avantages fiscaux attachés au statut de SICOMI ne peuvent prévoir un transfert de propriété qu'au profit des entreprises qui occupent et utilisent effectivement les immeubles loués.

5. Il résulte de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que la SCI C... a sous-loué l'ensemble des biens qu'elle avait pris en location en exécution du contrat conclu avec la société UCB-Locabail, à des sociétés tierces qui les ont utilisées pour les besoins de leur propres activités industrielles et commerciales. Dès lors, le contrat de crédit-bail conclu le 17 mars 1995 ne peut être regardé comme conclu avec une SICOMI, faute pour la société UCB-Locabail d'avoir satisfait aux modalités d'intervention définies par les dispositions précitées de l'article 5 de l'ordonnance du 28 septembre 1967. Il s'ensuit que, indépendamment des conséquences emportées par cette sous-location sur la situation fiscale propre de la société UCB-Locabail, l'administration a pu à bon droit rehausser le résultat de l'exercice de la SCI C... clos en 2010 sur le fondement des dispositions précitées de l'article 239 sexies B du code général des impôts, sans faire application des dispositions de l'article 239 sexies de ce code qui sont exclusivement applicables aux acquisitions d'immeubles opérées dans le cadre d'un contrat de crédit-bail conclu par une SICOMI.

Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :

6. En premier lieu, la SCI C... se prévaut de l'instruction du 28 mai 1970, référencée 4 H-11-70, publiée au bulletin officiel de la direction générale des impôts, qui prévoit que les SICOMI peuvent, sans que cela emporte la perte des avantages fiscaux attachés aux opérations qu'elles réalisent, autoriser le crédit-preneur à consentir des contrats de sous-location " entre deux sociétés faisant partie d'un même groupe ou unies par des liens de filiation au sens de l'article 145 du code général des impôts ". Cette interprétation de la loi fiscale, de sa lettre même, ne s'applique pas au seul cas des sociétés visées à l'article 145 du code général des impôts mais concerne également celui, dont la SCI C... se prévaut, des sociétés faisant partie d'un même groupe. A défaut d'être définies dans cette instruction, les sociétés faisant partie d'un même groupe s'entendent, selon l'acception qui en est donnée par la loi fiscale en matière d'impôt sur les sociétés, et à laquelle il convient de se référer, sans rechercher la finalité poursuivie par l'auteur de cette instruction, des sociétés constituant un groupe au sens des articles 223 A et suivants du code général des impôts, c'est-à-dire formé autour d'une " société mère ", soumise à l'impôt sur les sociétés et dotée d'un capital comme le précise le troisième alinéa de l'article 223 A de ce code. Cette " société mère " est donc nécessairement une personne morale.

7. Or, il est constant que les locaux faisant l'objet du crédit-bail ont tout d'abord été sous-loués par la SCI C... à trois sociétés, qui, chacune, détenaient 10 % de son capital, puis, après le placement de celles-ci en liquidation judiciaire en 2003, à la société à responsabilité limitée (SARL) Cardon Scholtès, filiale de l'une de ces trois sociétés. Par un acte du 12 septembre 2005, l'intégralité des parts de la SARL Cardon Scholtès a été cédée à la société de droit belge Stockfresh, qui, durant la période d'exécution du contrat de crédit-bail, est demeurée détenue, à 99 %, par la société de droit belge MGS. Dès lors, ainsi que les premiers juges l'ont relevé à juste titre, à partir du 12 septembre 2005, la SCI C... n'entretenait aucun lien de participation ni avec le sous-locataire utilisateur des locaux, ni avec les sociétés Stockfresh ou MGS. En outre, si la société appelante fait valoir que les parts de ces deux dernières sociétés sont détenues, directement ou indirectement, par M. et Mme C... qui possèdent également 70 % du capital de la SCI C..., cette circonstance ne permet pas de regarder ces sociétés comme faisant partie d'un même groupe au sens de l'instruction du 28 mai 1970, dès lors que M. et Mme C..., personnes physiques, ne peuvent être regardés comme une " société mère ". Il s'ensuit que la SCI C... ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'interprétation de la loi fiscale contenue dans cette instruction, faute de remplir les conditions requises pour son application.

8. En second lieu, la SCI C... n'est pas fondée à se prévaloir du point n°8 de l'instruction référencée 4 H 4-96 selon lequel le non-respect de l'interdiction de sous-location fait perdre à la SICOMI son statut et entraîne la perte des avantages fiscaux qui lui sont accordés à ce titre, et notamment la réintégration de ses provisions, dès lors que ces éléments de doctrine, qui portent exclusivement sur la situation du bailleur et ne mentionnent pas le sort du crédit-preneur, ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application par le présent arrêt.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été soumise au titre de l'exercice clos en 2010, ainsi que des pénalités correspondantes. Il s'ensuit que sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière C... et au ministre délégué chargé des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

4

N°18DA01860


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA01860
Date de la décision : 04/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Opposabilité des interprétations administratives (art - L - 80 A du livre des procédures fiscales).

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Christophe Binand
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : CABINET VIVALDI AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-03-04;18da01860 ?
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