Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... F... a demandé au tribunal administratif de Mayotte, en premier lieu, d'annuler la décision implicite par laquelle le président de la collectivité départementale de Mayotte a refusé de prononcer sa promotion au grade d'attaché principal, les arrêtés portant nomination au grade d'attaché principal en application du tableau d'avancement à ce grade pour 2011, l'arrêté du 27 décembre 2012 prononçant sa promotion au grade d'attaché principal à compter du 1er avril 2012, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux tendant à sa nomination à ce grade au 1er octobre 2011, et, en second lieu, d'enjoindre au président de la collectivité départementale de Mayotte de prononcer sa promotion au grade d'attaché principal à compter du 1er octobre 2011 et de régulariser sa situation administrative et financière dans un délai de dix jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1200357-1300227 du 10 juin 2014, le tribunal administratif de Mayotte, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la requête n° 1200357, a, d'une part, annulé l'arrêté du 27 décembre 2012 susmentionné et la décision implicite de rejet de son recours gracieux tendant à sa nomination à ce grade au 1er octobre 2011, en tant qu'ils fixent la date de promotion de M. F... au 1er avril 2012 et, d'autre part, enjoint au président du conseil général de Mayotte de promouvoir M. F... au grade d'attaché principal à compter du 1er octobre 2011 et de procéder à une reconstitution de carrière à compter de cette date.
Par un arrêt n° 14BX02696 du 29 février 2016, la cour a rejeté la requête du département de Mayotte tendant à l'annulation de ce jugement du 10 juin 2014 du tribunal administratif de Mayotte, enjoint au département de Mayotte de promouvoir M. F... au grade d'attaché principal à compter du 1er octobre 2011 et de procéder à la reconstitution de carrière à compter de cette date, dans le délai de trois mois à compter de cet arrêt, et rejeté le surplus des conclusions présentées par M. F... dans le cadre de son appel incident.
Par un arrêt n° 17BX00517 du 16 février 2018, la cour a accueilli la demande d'exécution de l'arrêt n° 14BX02696 du 29 février 2016 en prononçant une astreinte de 500 euros par jour de retard à l'encontre du département de Mayotte s'il ne justifie pas avoir, dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt, avoir exécuté les mesures induites par l'arrêt du 29 février 2016.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 décembre 2018 et le 19 mai 2019, M. E... F... demande à la cour :
1°) de procéder à la liquidation d'office de l'astreinte prononcée par l'arrêt n° 17BX00517 de la cour sur la période comprise entre le 17 mars 2018 et la date de l'arrêt à intervenir ;
2°) de lui verser l'intégralité de l'astreinte liquidée assortie des intérêts à compter de la date de l'arrêt à intervenir ;
3°) de majorer le taux de l'astreinte à 2 000 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Il soutient que :
- le mémoire en défense du département de Mayotte est irrecevable car il a été enregistré postérieurement à la date initiale de la clôture de l'instruction ;
- que jusqu'au 15 avril 2019, le département de Mayotte n'a pas exécuté l'arrêt n° 14BX02696 du 29 février 2016 nonobstant quatre demandes en ce sens ;
- le département ne fait état d'aucune difficulté sérieuse faisant obstacle à l'exécution de l'arrêt du 29 février 2016. Les difficultés invoquées ne sont nullement justifiées ;
- l'arrêté du 15 avril 2019 ne correspond pas à l'exécution de l'arrêt du 29 février 2016 ;
- l'astreinte doit lui être intégralement versée car en dépit des courriers adressés aux services de l'Etat, ces derniers n'ont entrepris aucune diligence auprès du département de Mayotte.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 15 avril 2019 et le 23 juillet 2019, le département de Mayotte conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le premier mémoire en défense n'était pas tardif puisque la clôture de l'instruction a été reportée au 24 juillet 2019 par une ordonnance du 29 mai 2019 ;
- l'arrêt du 29 février 2016 a bien été exécuté par l'édiction de l'arrêté de reconstitution de carrière du 15 avril 2019 qui promeut l'intéressé au grade d'attaché principal à compter du 1er octobre 2011 et, par voie de conséquence, au deuxième échelon de ce grade à compter du 1er avril 2012. La suite de sa carrière n'a pas été lésée ;
- l'astreinte doit être supprimée ou, à tout le moins réduite, en raison de la réorganisation de service intervenue de 2016 à 2017 et des difficultés logistiques rencontrées par le service en charge de la carrière de M. F... à la suite du départ de l'intéressé en 2016 et de la clôture subséquente de son dossier administratif ;
- M. F... a même bénéficié d'un trop perçu sur rémunération d'un montant de 13 882, 74 euros qu'il n'a pas remboursé.
Par ordonnance du 24 juillet 2019, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 7 août 2019 à midi.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code monétaire et financier ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D... A...,
- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,
- et les observations de M. E... F....
Considérant ce qui suit :
Sur la recevabilité des écritures en défense :
1. Aux termes de l'article R. 613-1 du code de justice administrative : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. (...) ". L'article R. 613-3 de ce code dispose que : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction ". Lorsqu'il décide de soumettre au contradictoire, après la clôture de l'instruction, une production de l'une des parties, le président de la formation de jugement doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction. Il lui appartient, dans tous les cas, de clore l'instruction ainsi rouverte et, le cas échéant, de fixer une nouvelle date d'audience.
2. Il ressort des pièces du dossier que la clôture de l'instruction devant la cour de céans avait été initialement fixée au 15 avril 2019 à midi. Si le premier mémoire en défense du département de Mayotte a été enregistré postérieurement à cette date, le 15 avril 2019 à 15 h 05, et a été communiqué, il ressort également des pièces du dossier que l'instruction a été rouverte à deux reprises par deux ordonnances des 16 avril et 24 juillet 2019 pour fixer en dernier lieu la clôture de l'instruction au 7 août 2019 à midi. Dès lors, contrairement à ce que soutient M. F..., le mémoire en défense du département de Mayotte enregistré le 15 avril 2019 ne peut être regardé comme tardif. La fin de non-recevoir opposée à ce titre par M. F... doit donc être rejetée.
Sur la liquidation de l'astreinte :
3. Aux termes de l'article L. 911-7 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation. Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée ". Selon l'article L. 911-6 : " L'astreinte est provisoire ou définitive. Elle doit être considérée comme provisoire à moins que la juridiction n'ait précisé son caractère définitif. Elle est indépendante des dommages et intérêts. " Aux termes de l'article R. 921-7 du même code : " (...) La formation de jugement statue sur la liquidation de l'astreinte. Lorsqu'il est procédé à la liquidation de l'astreinte, copie du jugement ou de l'arrêt prononçant l'astreinte et de la décision qui la liquide est adressée au ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière. ". Enfin, aux termes de l'article L. 911-8 du code de justice administrative : " La juridiction peut décider qu'une part de l'astreinte ne sera pas versée au requérant. / Cette part est affectée au budget de l'Etat. ". En vertu de ces dispositions, l'astreinte a pour finalité de contraindre la personne qui s'y refuse à exécuter les obligations qui lui ont été assignées par une décision de justice. Sa liquidation a pour objet de tirer les conséquences du refus ou du retard mis à exécuter ces obligations.
4. Par un arrêt n° 14BX02696 du 29 février 2016, la cour de céans a enjoint au président du département de Mayotte de promouvoir M. F..., attaché territorial de cette collectivité départementale, au grade d'attaché territorial principal à compter du 1er octobre 2011 et de procéder à la reconstitution de carrière à compter de cette date jusqu'au 1er juin 2016, date de sa démission, dans un délai de trois mois à compter de cet arrêt. En l'absence d'exécution de cette injonction, la cour de céans a, par un arrêt n° 17BX00517 du 16 février 2018, prononcé à l'encontre du département de Mayotte une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la notification de cet arrêt.
5. Il résulte de l'instruction que l'arrêt n° 17BX00517 a été notifié au département de Mayotte le 19 février 2018. Or, par un arrêté du 15 avril 2019, le président du conseil départemental de Mayotte a procédé à la reconstitution de carrière de M. F... en le promouvant au grade d'attaché territorial principal à compter du 1er octobre 2011, puis en le promouvant au 2ème échelon de ce grade à compter du 1er avril 2012, date à partir de laquelle le déroulé de carrière de M. F... se poursuit conformément aux arrêtés établis. Si M. F... soutient qu'il ne s'agit que d'une reproduction de l'arrêté du 27 décembre 2012 précédemment annulé, cela n'est nullement le cas puisque cet arrêté le promouvait au grade d'attaché territorial principal au 1er échelon à compter du 1er avril 2012. Il ressort au contraire des termes de l'arrêté du 15 avril 2019 qu'il répond intégralement à l'injonction prononcée par l'arrêt n° 14BX02696 de la cour de céans assurant ainsi l'exécution de cette décision.
6. Toutefois, le département de Mayotte a méconnu, entre le 20 mars 2018 et le 15 avril 2019, l'injonction qui lui était faite de reconstituer la carrière de M. F... nonobstant l'injonction prononcée à son encontre. Le département de Mayotte soutient que ce retard dans l'exécution résulterait de difficultés rencontrées en raison de la réorganisation des services intervenue de 2016 à 2017 et du départ de l'intéressé à la suite de sa démission. Cependant, le département de Mayotte, au demeurant peu précis sur la nature des difficultés rencontrées pour l'édiction de l'arrêté du 15 avril 2019, n'explique pas en quoi ces circonstances, qui remontent à des années antérieures à celle du prononcé de l'astreinte, ont pu retarder l'exécution de l'injonction. Il y a lieu, dès lors, de procéder au bénéfice de M. F... à la liquidation définitive de l'astreinte pour la période comprise entre le 20 mars 2018 et le 15 avril 2019 inclus et de fixer, dans les circonstances de l'espèce son taux à 50 euros. Il en résulte que le département de Mayotte doit verser, au titre de cette liquidation définitive de l'astreinte, une somme de 19 550 euros. Dans les circonstances de l'espèce, et eu égard notamment à l'inaction des services de l'Etat en dépit des multiples courriers adressés par M. F..., il n'y a pas lieu d'affecter une part de l'astreinte au budget de l'Etat.
7. Aux termes de l'article 1231-7 du code civil : " En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement (...) ". Aux termes de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier : " En cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision (...) ".
8. La décision par laquelle la juridiction administrative condamne une partie à verser une somme au titre de la liquidation définitive de l'astreinte a le caractère d'une condamnation à une indemnité, au sens de l'article 1231-7 du code civil, et d'une condamnation pécuniaire au sens de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier. M. F... demande à ce que le versement de l'astreinte soit assorti des intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt. Il résulte de ces dispositions que, même en l'absence de demande en ce sens et même lorsque le juge ne l'a pas explicitement prévu, tout jugement prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts, du jour de son prononcé jusqu'à son exécution, au taux légal puis au taux majoré, s'il n'est pas exécuté dans les deux mois de sa notification. Par suite, les conclusions de M. F... tendant à ce que la somme qui lui est allouée porte intérêt à compter de la date de l'arrêt sont dépourvues de tout objet et doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le département de Mayotte est condamné à verser la somme de 19 550 euros à M. F... au titre de la liquidation définitive de l'astreinte prononcée par l'arrêt de la cour n°17BX00517 du 16 février 2018.
Article 2 : Le surplus des conclusions de M. F... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... F... et au département de Mayotte. Copie en sera adressée au ministre des Outre-mer et au procureur près la Cour de discipline budgétaire et financière.
Délibéré après l'audience du 23 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme C... B..., présidente-assesseure,
M. D... A..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 21 octobre 2019.
Le rapporteur,
Paul-André A...
Le président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Caroline Brunier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX04587