Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...B...a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Sainte-Suzanne a rejeté sa demande du 26 juillet 2013 tendant à la révision de sa carrière, d'enjoindre à cette collectivité de procéder à la reconstitution de sa carrière et de lui verser en conséquence les rappels de traitement dus.
Par un jugement n° 1301349 du 15 décembre 2014, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 15BX00494 du 27 février 2017, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête de M. B...relevant appel de ce jugement.
Par une décision n° 410123 du 18 juin 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur saisine de M.B..., a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 27 février 2017 en tant qu'il statue sur le chef de conclusions relatif à la prise en compte de la durée du service national accompli par le requérant et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la cour, où elle a été enregistrée le 19 juin 2018.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 février 2015 et un mémoire enregistré, après cassation, le 27 septembre 2018, M.B..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 15 décembre 2014 ;
2°) d'annuler la décision implicite du maire de Sainte-Suzanne refusant de faire droit à sa demande du 26 juillet 2013 tendant à la révision de sa carrière ;
3°) d'enjoindre au maire de Sainte-Suzanne de reconstituer sa carrière, de lui communiquer les arrêtés et feuilles de paye rectifiés, de lui verser les sommes ainsi dues à titre de salaires pour la période postérieure au 26 juillet 2008, celles-ci devant être assorties des intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 2013 et de la capitalisation des intérêts échus à cette date ;
4°) de condamner la commune de Sainte-Suzanne au versement, à son profit, de la somme de 10 000 euros au titre du préjudice qu'il estime avoir subi en raison de la perte de salaires ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Sainte-Suzanne la somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, qui se sont fondés sur le caractère définitif des décisions d'avancement, il ne demandait pas l'annulation de ces actes mais leur révision quant à la prise en compte de l'ancienneté ;
- le tribunal n'a pas fait la différence entre les conséquences de la reconstitution de carrière d'un agent à la suite de l'annulation d'une décision le sanctionnant et sa demande qui portait sur la reconstitution des droits attachés à la carrière, s'effectuant sur la base des lois et règlements en vigueur aux dates des décisions concernées ;
- il n'a pas été tenu compte, en particulier, en méconnaissance de l'article L. 63 du code du service national, de l'accomplissement de ce service, pendant une année ;
- la cour devra ordonner la reconstitution de sa carrière en prenant en compte, d'une part, son ancienneté, telle qu'elle figure dans le tableau qu'il produit, lors de ses différentes nominations, d'autre part, l'accomplissement du service national ;
- il a droit, en conséquence, à se voir délivrer de nouveaux arrêtés rectifiés et au versement des traitements afférents à la revalorisation opérée à compter du 26 juillet 2008.
La procédure a été régulièrement communiquée à la commune de Sainte-Suzanne, qui n'a pas présenté d'observations en défense.
Par ordonnance du 29 septembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 12 octobre 2018 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du service national ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 2006-1695 du 22 décembre 2006 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux cadres d'emplois des fonctionnaires de la catégorie A de la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laurent Pouget,
- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...a été recruté le 1er mai 1983 par la commune de Sainte-Suzanne (La Réunion) en qualité d'agent contractuel. Il a été nommé agent administratif stagiaire par un arrêté du 19 juillet 1996 du maire de cette collectivité et titularisé le 1er août 1997. L'intéressé a ensuite été intégré dans le cadre d'emplois des agents territoriaux d'animation, et promu au grade d'animateur territorial stagiaire à compter du 1er janvier 2001 par un arrêté municipal du 8 janvier 2001, avant d'être titularisé le 1er janvier 2002. Par un arrêté du 23 janvier 2009, M. B... a été nommé attaché territorial stagiaire à compter du 1er février 2009 et sa titularisation dans ce grade est intervenue le 25 février 2010, avec prise d'effet au 1er août 2009. Par un courrier du 26 juillet 2013, il a sollicité du maire de la commune de Sainte-Suzanne la reconstitution de sa carrière au motif que son ancienneté n'avait pas été correctement prise en compte. Cette demande ayant été implicitement rejetée par le maire, M. B...a porté le litige devant le tribunal administratif de La Réunion lequel, par un jugement du 15 décembre 2014, n'a pas fait droit à ses prétentions. Par un arrêt n° 15BX00494 du 27 février 2017, la cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé ce jugement. Saisi par M. B..., le Conseil d'Etat, statuant au contentieux par une décision n° 410123 du 18 juin 2018, a annulé l'arrêt de la cour en tant qu'il statuait sur les conclusions du requérant relatives à la prise en compte de la durée de son service national, et lui a renvoyé l'affaire afin qu'elle statue de nouveau au fond, dans cette seule mesure.
2. L'article 2 du décret du 22 décembre 2006 susvisé dispose : " Les personnes nommées dans l'un des cadres d'emplois mentionnées à l'article 1er sont classées à un échelon du premier grade de ce cadre d'emplois, déterminé sur la base des durées maximales fixées par le statut particulier de ce cadre d'emplois pour chaque avancement d'échelon, en application des articles 3 à 11. Le classement est prononcé à la date de nomination dans le cadre d'emploi. / La situation et les périodes d'activité antérieure prises en compte pour le classement en application des articles 4 à 10 sont appréciées à la date à laquelle intervient le classement. / Lors de la titularisation, l'ancienneté acquise en qualité de stagiaire dans le cadre d'emplois considéré est prise en compte pour l'avancement, dans la limite de la durée normale de stage. (...) ". L'article 1er du même décret précise que ces dispositions " s'appliquent aux personnes nommées dans les cadres d'emplois de fonctionnaires de catégorie A de la fonction publique territoriale ", parmi lesquels figure celui des attachés territoriaux. Et, en vertu de l'article 11 du décret : " La durée effective du service national accompli en tant qu'appelé est prise en compte pour sa totalité en application de l'article L. 63 du code du service national ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 63 du code du service national : " Le temps de service national actif est compté, dans la fonction publique, pour sa durée effective dans le calcul de l'ancienneté de service exigée pour l'avancement et pour la retraite ".
3. L'agent nommé en qualité de stagiaire dans un corps de fonctionnaires doit accomplir une période probatoire de services durant laquelle il n'est pas titularisé dans un grade de la hiérarchie afférente à ce corps. En raison des effets attachés à cette situation, et sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, le classement de l'agent en cause dans la hiérarchie du corps concerné tenant compte d'un éventuel rappel d'ancienneté pour services civils ou militaires antérieurs et se traduisant par un avancement immédiat dans la hiérarchie dudit corps, ne peut intervenir que lors de sa titularisation, qui donne seule un caractère définitif à sa nomination dans le corps.
4. A l'appui de son recours dirigé contre la décision implicite du maire de Sainte-Suzanne rejetant sa demande du 26 juillet 2013 tendant à la révision de sa carrière, M. B...invoque, par voie d'exception, l'illégalité de l'arrêté du 25 février 2010 le titularisant dans le grade d'attaché territorial, dont il est constant qu'il lui a été notifié sans mention des voies et délais de recours. Il fait valoir que cet acte ne tient pas compte, pour le calcul de son ancienneté, du temps passé en service national actif, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 63 du code du service national. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que c'est effectivement au moment de sa titularisation dans le cadre d'emplois des attachés territoriaux, par l'effet de l'arrêté du 25 février 2010, que l'autorité compétente devait procéder à son classement en prenant en considération sa situation et ses périodes d'activité antérieures. Or, il est constant que ledit arrêté ne prend pas en compte, pour établir le classement de M.B..., la période de service national de douze mois qu'il a effectuée du 12 juillet 1981 au 12 juillet 1982. Ainsi, le requérant est fondé à soutenir que l'arrêté du 25 février 2010 est illégal à cet égard. En rejetant implicitement sa demande en date du 26 juillet 2013 tendant à la révision de son classement à compter du 25 février 2010 et à la reconstitution subséquente de carrière, le maire de Sainte-Suzanne a donc, sur ce point, entaché sa décision d'une erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision contestée, en ce qu'elle porte sur la reprise d'ancienneté sur le fondement de l'article L. 63 du code du service national.
Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :
6. Le motif d'annulation de la décision contestée retenu ci-dessus implique que le maire de Sainte-Suzanne procède au reclassement de M. B...résultant de la prise en considération, à compter du 1er août 2009, date d'effet de sa titularisation prononcée par l'arrêté du 25 février 2010, d'une ancienneté supplémentaire d'un an au titre de l'accomplissement du service national, et qu'il reconstitue sa carrière en conséquence. Cette reconstitution impliquera le cas échéant un rappel de traitement et la communication d'un bulletin de paye de régularisation. Dès lors que le courrier adressé au maire de Sainte-Suzanne en date du 26 juillet 2013, que la commune ne conteste pas avoir réceptionné, peut s'analyser en une demande de paiement des traitements dus, ceux-ci seront assortis des intérêts moratoires au taux légal à compter de cette date pour ceux de ces traitements qui étaient alors déjà échus et, pour les traitements dus après cette date, à compter de chaque échéance de paiement mensuel correspondante. M. B...a demandé pour la première fois la capitalisation de ces intérêts dans sa requête enregistrée à la cour administrative d'appel le 16 février 2015. Il y a lieu de faire également droit à cette demande de capitalisation dès lors qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêt, puis à chaque échéance annuelle. Un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt est imparti à la commune de Sainte-Suzanne pour exécuter la présente injonction, qu'il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir d'une astreinte.
Sur les conclusions indemnitaires :
7. Si M. B...demande la condamnation de la commune de Sainte-Suzanne à lui verser une indemnité de 10 000 euros au titre d'une perte de salaires, il ne justifie en tout état de cause d'aucun préjudice à ce titre dans la mesure où l'exécution de l'injonction prononcée ci-dessus implique qu'il se verra verser le différentiel pouvant exister entre les traitements qu'il aurait dû percevoir et ceux qu'il a effectivement perçus depuis le 25 février 2010.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Sainte-Suzanne la somme de 1 500 euros à verser à M. B...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La décision implicite du maire de Sainte-Suzanne rejetant la demande de M. B...en date du 26 juillet 2013 est annulée en tant qu'elle refuse de faire droit à sa demande de reclassement en considération de la période de service national qu'il a accomplie.
Article 2 : Il est enjoint à la commune de Sainte-Suzanne de procéder, dans les conditions indiquées au point 6 du présent arrêt, au reclassement de M. B... avec reconstitution de sa carrière et versement des rappels de traitements éventuellement dus, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le jugement n° 1301349 du 15 décembre 2014 du tribunal administratif de La Réunion est annulé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 4 : La commune de Sainte-Suzanne versera à M. B...la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et à la commune de Sainte-Suzanne.
Copie en sera adressée au ministre des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 25 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
M. David Katz, premier conseiller,
Lu en audience publique le 29 novembre 2018.
Le rapporteur,
Laurent POUGET Le président,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Catherine JUSSY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
4
N° 18BX02387