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25/02/2020 | FRANCE | N°18BX01450

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 25 février 2020, 18BX01450


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 13 juillet 2015 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son congé de longue durée à compter

du 27 septembre 2013.

Par un jugement n° 1502242 du 23 janvier 2018, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision et enjoint au directeur du CHU de Poitiers de reconnaître l'imputabilité au service du co

ngé de longue durée.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 avri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 13 juillet 2015 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son congé de longue durée à compter

du 27 septembre 2013.

Par un jugement n° 1502242 du 23 janvier 2018, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision et enjoint au directeur du CHU de Poitiers de reconnaître l'imputabilité au service du congé de longue durée.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 avril 2018 et un mémoire enregistré le 17 juin 2019,

le CHU de Poitiers, représenté par la SCP KPL Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de Mme B... ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est suffisamment motivée ;

- le compte-rendu de consultation du 5 mars 2014 sur lequel le tribunal s'est fondé repose sur le ressenti de Mme B... par rapport à la réorganisation des services et ne tient pas compte de son état pathologique préexistant ; le rapport d'expertise du docteur Lévy-Chavignat n'indique pas en quoi les antécédents de Mme B... ont pu avoir un rôle dans l'apparition de la pathologie ; l'état psychologique et anxio-dépressif particulièrement lourd pour lequel Mme B... est suivie depuis 1998 suffit à expliquer la décompensation dont la réorganisation du service n'a été que le facteur déclenchant ; ainsi, c'est à tort que le tribunal a retenu un lien entre la pathologie et le service ;

- les moyens de légalité externe invoqués devant le tribunal ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 juillet 2018, Mme B..., représentée par la SELARL Grimaldi-Molina, conclut au rejet de la requête et demande à la cour d'enjoindre au CHU de Poitiers de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et de mettre à la charge du CHU de Poitiers une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête d'appel est insuffisamment motivée dès lors qu'elle se borne à reprendre les écritures de première instance et ne comporte l'énoncé d'aucun moyen juridique ;

- à titre subsidiaire, tous les avis médicaux concordent pour reconnaître le caractère professionnel de sa pathologie, et si elle était occasionnellement suivie par un psychiatre, son état dépressif ne trouve pas son origine dans l'évolution autonome d'un état préexistant.

Par une ordonnance du 17 juin 2019, la clôture d'instruction a été reportée

au 8 juillet 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., assistante socio-éducative principale en fonctions au CHU de Poitiers, a été placée en congé de maladie, ultérieurement requalifié en congé de longue durée, à compter du 27 septembre 2013. Le 24 novembre 2014, elle a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie. Sa demande a été rejetée par une décision du 13 juillet 2015.

Le CHU de Poitiers relève appel du jugement du 23 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision.

2. D'une part, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Si la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l'exercice des fonctions, les périodes fixées ci-dessus sont respectivement portées à cinq ans et trois ans. (...). " Aux termes de l'article 21 du décret

du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière : " La demande tendant à ce que la maladie ouvrant droit à congé de longue durée soit reconnue comme ayant été contractée dans l'exercice des fonctions doit être transmise à la commission départementale de réforme des agents des collectivités locales. / Lorsque l'administration est amenée à se prononcer sur l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident, elle peut, en tant que de besoin, consulter un médecin expert agréé. / (...). "

3. D'autre part, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'expertise réalisée à la demande

de l'administration, que Mme B..., qui exerçait depuis 2002 des fonctions d'assistante sociale auprès des patients du service de cancérologie, a été affectée à compter du 1er juillet 2013, dans le cadre d'une réorganisation, au " médipool " constitué des services de médecine interne, d'ORL, de chirurgie plastique et d'ophtalmologie, où elle a dû faire face à une importante modification de ses conditions de travail, les courtes durées de séjour des patients induisant

de fortes contraintes de rapidité dans la constitution des dossiers sociaux, et s'est en outre trouvée isolée de ses collègues. Elle n'est pas parvenue à s'adapter à ce changement, la charge de travail lui paraissant démesurée au regard du temps disponible et de ses propres exigences de qualité, et a présenté en septembre 2013 une grave dépression décrite par son psychiatre traitant comme un " effondrement psychique (...) autour de problématiques professionnelles réveillant un passé traumatique chez une professionnelle surinvestissant son métier depuis plusieurs années ". Si Mme B... présentait une fragilité psychique caractérisée par des périodes de fortes angoisses, il est constant que la réorganisation du service a constitué le facteur déclenchant de la décompensation, aggravant l'état initial. Dès lors que la pathologie présente ainsi un lien direct avec l'exercice des fonctions, elle doit être regardée comme imputable au service.

5. Il résulte de ce qui précède que sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par Mme B..., le CHU de Poitiers n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision

du 13 juillet 2015.

6. Le présent arrêt n'annulant pas le jugement qui a enjoint au CHU de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie, les conclusions de Mme B... tendant à ce que la cour prononce une telle injonction sont sans objet. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de prononcer l'astreinte qu'elle demande.

7. Le CHU de Poitiers, qui est la partie perdante, n'est pas fondé à demander l'allocation d'une somme sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... à l'occasion du présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du CHU de Poitiers est rejetée.

Article 2 : Le CHU de Poitiers versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au CHU de Poitiers et à Mme D... B....

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

Mme A... C..., présidente-assesseure,

Mme Marie-Pierre Beuve-Dupuy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 février 2020.

La rapporteure,

Anne C...

Le président,

Catherine GiraultLa greffière,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX01450


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX01450
Date de la décision : 25/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-02 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de longue durée.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : SCP PIELBERG KOLENC

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-25;18bx01450 ?
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