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28/05/2020 | FRANCE | N°18-26512

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 28 mai 2020, 18-26512


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 mai 2020

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 449 FS-P+B+R+I

Pourvoi n° Q 18-26.512

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2020

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Loire-Atlantique, dont

le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Q 18-26.512 contre le jugement rendu le 8 novembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité so...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 mai 2020

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 449 FS-P+B+R+I

Pourvoi n° Q 18-26.512

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2020

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Loire-Atlantique, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Q 18-26.512 contre le jugement rendu le 8 novembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nantes, dans le litige l'opposant à Mme E... D..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vigneras, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Vigneras, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, Mmes Vieillard, Taillandier-Thomas, Coutou, Renault-Malignac, M. Rovinski, conseillers, Mmes Brinet, Palle, Le Fischer, M. Gauthier, Mme Dudit, conseillers référendaires, M. Gaillardot, premier avocat général, et Mme Szirek, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal des affaires de sécurité sociale de Nantes, 8 novembre 2018), rendu en dernier ressort, la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique (la caisse) a réclamé, les 5 septembre 2014 et 9 juillet 2015, à Mme D... (l'assurée), le remboursement de deux indus de pension d'invalidité.

2. La commission de recours amiable de la caisse ayant rejeté sa demande de remise de dette, l'assurée a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief au jugement d'accorder à l'assurée la remise gracieuse de la totalité des indus de pension d'invalidité litigieux, et de débouter les parties de toutes leurs demandes, alors que « seul l'organisme social, à l'exclusion du juge du contentieux général de la sécurité sociale, dispose de la faculté de remettre ou de réduire, en cas de précarité de la situation du débiteur, le montant de sa créance ; qu'en accordant à l'assurée la remise totale de sa dette, les juges du fond ont violé l'article L. 256-4 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article L. 256-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017, applicable au litige, sauf en ce qui concerne les cotisations et majorations de retard, les créances des caisses nées de l'application de la législation de sécurité sociale peuvent être réduites en cas de précarité de la situation du débiteur par décision motivée de la caisse.

5. Il entre dans l'office du juge judiciaire de se prononcer sur le bien-fondé de la décision administrative d'un organisme de sécurité sociale déterminant l'étendue de la créance qu'il détient sur l'un de ses assurés, résultant de l'application de la législation de sécurité sociale.

6. Dès lors qu'il est régulièrement saisi d'un recours contre la décision administrative ayant rejeté en tout ou partie une demande de remise gracieuse d'une dette née de l'application de la législation de sécurité sociale au sens du texte susmentionné, il appartient au juge d'apprécier si la situation de précarité du débiteur justifie une remise totale ou partielle de la dette en cause.

7. Pour accorder à l'assurée la remise totale de deux indus de pension d'invalidité, le jugement retient que celle-ci fait valoir qu'elle ne dispose d'aucun salaire, qu'elle est bénéficiaire de l'allocation aux adultes handicapés depuis une reconnaissance de la maison départementale des personnes handicapées en 2016, que le montant de sa retraite à compter du mois de janvier 2019 s'élèvera à 550 euros par mois, qu'il y a lieu, en conséquence, compte tenu de la situation de précarité de la débitrice, dont au surplus la bonne foi n'est pas remise en question, de lui accorder une remise totale de sa dette.

8. De ces constatations procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve débattus devant lui, le tribunal a pu décider que la situation de précarité de l'assurée justifiait la remise de sa dette.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille vingt, et signé par lui et M. Prétot, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile, et par Mme Caratini, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique.

Le jugement attaqué encourt la censure ;

EN CE QU' il a reçu Mme D... en ses recours, accordé à Mme D... une remise gracieuse de la totalité de l'indu de pension d'invalidité perçue pour les mois de juillet 2014 et mai 2015 pour un total de 493,24 euros et rejeté la demande reconventionnelle de la Caisse ;

AUX MOTIFS QUE « Madame D... ne conteste pas le caractère indu, en application de l'article R.341-15 du Code de la sécurité sociale, des prestations de sa pension d'invalidité versées entre le 1er et le 31 juillet 2014 puis entre le 1 er et le 31 mai 2015. Aux termes de l'article L.256-4 du Code de la sécurité sociale dans sa version modifiée par la loi n°88-16 du 5 janvier 1988 : Sauf en ce qui concerne les cotisations et majorations de retard, les créances des caisses nées de l'application de la législation de sécurité sociale, notamment dans des cas mentionnés aux articles L. 244-8, L 374-1, L. 376-1 à L. 376-3, L. 452-2 à L. 452-6, L. 454-1 et L. 811-6, peuvent être réduites en cas de précarité de la situation du débiteur par décision motivée par la caisse. » Ce même texte dans sa version résultant de la loi n°2017-1836 du 30 décembre 2017 en vigueur depuis le 1er janvier 2018 dispose : « A l'exception des cotisations et majorations de retard, les créances des caisses nées de l'application de la législation de sécurité sociale, notamment dans des cas mentionnés aux articles L. 244-8, L. 374-1, L. 376-1 à L. 376-3, L. 452-2 à L. 452-5, L. 454-1 et L. 811-6, peuvent être réduites en cas de précarité de la situation du débiteur par décision motivée par la caisse, sauf en cas de manoeuvre frauduleuse ou de fausses déclarations. » Aux termes de l'article L.142-1 du Code de la sécurité sociale : « Il est institué une organisation du contentieux général de la sécurité sociale. Cette organisation règle les différends auxquels donnent lieu l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole, et qui ne relèvent pas, par leur nature, d'un autre contentieux, ainsi que le recouvrement mentionné au 5° de l'article L. 213-1 » Aux termes de l'article L.142-2 du même Code : « Le tribunal des affaires de sécurité sociale connaît en première instance des litiges relevant du contentieux général de la sécurité sociale, de ceux relatifs à l'application de l'article L. 4162-13 du Code du travail ainsi que de ceux relatifs au recouvrement des contributions, versements et cotisations mentionnés aux articles L. 143-11-6, L. 1233-66, L. 1233-69, L. 351-3-1 et L. 351-14 du Code du travail. La Cour d'appel statue sur les appels interjetés contre les décisions rendues par le tribunal des affaires de sécurité sociale. » Aux termes de l'article L.142-3 du même Code, les dispositions de l'article L. 142-2 ne sont pas applicables : 1°) aux contestations régies par l'article L. 143-1 ; 2°) au contrôle technique exercé à l'égard des praticiens ; 3°) aux recours formés contre les décisions des autorités administratives ou tendant à mettre en jeu la responsabilité des collectivités publiques à raison de telles décisions ; 4°) aux poursuites pénales engagées en application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole. » Aux termes de l'article R. 142-1 du même Code, dans sa version modifiée par décret n°2016-941 du 8 juillet 2016 : « Les réclamations relevant de l'article L.142-1 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil d'administration de chaque organisme. Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation. La forclusion ne peut être opposée aux intéressés que si cette notification porte mention de ce délai. » Ainsi, dès lors que les dispositions du Code de la sécurité sociale ouvrent à l'assuré, contre la décision de la Commission de recours amiable ayant rejeté sa demande de remise d'un indu, et à la condition préalable de cette saisine de la Commission, la possibilité d'un recours devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale, elles attribuent nécessairement compétence à cette juridiction pour se prononcer sur la demande de l'assuré, y compris lorsque cette demande tend exclusivement à la remise de sa dette en raison de sa situation de précarité alléguée. Il convient en outre de noter que le Conseil d'Etat admet le contrôle par les juridictions administratives, compétentes en matière de contentieux relatif au RSA, de la décision préalable sur la remise de dette (CE, avis, 23 mai 2011, req n°344970). Il est constant en l'espèce que la Commission de recours amiable, dont les notifications de décisions par courriers des 13 novembre 2014 et 27 août 2015 ont expressément informé Madame D... des délai et voie de recours devant la présente juridiction que lui ouvrait la notification de chacune de ces décisions, n'était saisie que d'une demande de remise de sa dette par l'intéressée, laquelle n'a jamais contesté le caractère indu des sommes réclamées par la Caisse. La demande de Madame D... devant ce Tribunal est donc recevable, et ce Tribunal compétent pour statuer. En l'espèce Madame DU VAL fait valoir :
- qu'elle ne dispose actuellement d'aucun salaire, - qu'elle est bénéficiaire de l'Allocation Adulte Handicapé depuis une reconnaissance de la MDPH en 2016, - que le montant de sa retraite à compter du mois de janvier 2019 s'élèvera à 550 euros par mois. Il y a lieu en conséquence, compte tenu de la situation de précarité de la débitrice, dont au surplus la bonne foi n'est pas remise en question, de lui accorder une remise totale de sa dette. Il ne sera en conséquence pas fait droit à la demande reconventionnelle de la Caisse. » ;

ALORS QUE seul l'organisme social, à l'exclusion du juge du contentieux général de la sécurité sociale, dispose de la faculté de remettre ou de réduire, en cas de précarité de la situation du débiteur, le montant de sa créance ; qu'en accordant à l'assurée la remise totale de sa dette, les juges du fond ont violé l'article L. 256-4 du code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-26512
Date de la décision : 28/05/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE - Caisse - Créances - Réduction - Précarité de la situation du débiteur - Office du juge

POUVOIRS DES JUGES - Applications diverses - Sécurité sociale - Caisse - Créance d'indu - Réduction totale ou partielle

Dès lors qu'il est régulièrement saisi d'un recours contre la décision administrative ayant rejeté en totalité ou en partie une demande de remise gracieuse d'une dette née de l'application de la législation de sécurité sociale au sens de l'article L. 256-4 du code de la sécurité sociale, il entre dans l'office du juge d'apprécier si la situation de précarité du débiteur justifie une remise totale ou partielle de la somme litigieuse


Références :

article L. 256-4 du code de la sécurité sociale

Décision attaquée : Tribunal des affaires de sécurité sociale de la Loire-Atlantique, 08 novembre 2018

En sens contraire :2e Civ., 29 novembre 2018, pourvoi n° 17-20278, Bull. 2018, (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 28 mai. 2020, pourvoi n°18-26512, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 21/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.26512
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