LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme E... a été engagée le 8 novembre 1992 en qualité de secrétaire polyvalente par le syndicat CFDT union régionale interprofessionnelle de La Réunion ; qu'à la suite d'un différend portant sur la classification indiciaire de la salariée, les parties ont conclu en 2007 une transaction prévoyant le versement d'un rappel de salaire et, à compter du 1er janvier 2008, le classement de Mme E... à un nouveau coefficient ; que l'exécution du contrat de travail s'étant poursuivie, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant notamment au paiement de diverses sommes au titre d'une discrimination salariale ;
Sur les deuxième et troisième moyens :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens, ci-après annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles 2044 et 2052 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, 2048 et 2049 du même code ;
Attendu que pour déclarer irrecevables les demandes de la salariée au titre de la discrimination syndicale, l'arrêt retient que l'objet originel du litige éteint par la transaction est distinct des demandes actuelles, que cependant, la transaction a un objet plus large que les simples revendications originelles de la salariée, qu'au titre des concessions réciproques, la salariée a renoncé aux droits nés ou à naître et à toute instance relative à l'exécution du contrat de travail, qu'en matière des effets de la transaction la doctrine de la chambre sociale de la Cour de Cassation a évolué, les renonciations stipulées dans l'accord transactionnel n'étant plus éludées en référence au seul litige originel, que dès lors, les demandes de reconnaissance et d'indemnisation de la discrimination salariale, afférentes à l'exécution du contrat de travail, sont couvertes par les renonciations stipulées qui doivent recevoir plein effet ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la renonciation du salarié à ses droits nés ou à naître et à toute instance relative à l'exécution du contrat de travail ne rend pas irrecevable une demande portant sur des faits survenus pendant la période d'exécution du contrat de travail postérieure à la transaction et dont le fondement est né postérieurement à la transaction, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que les demandes tendant à la reconnaissance et à la réparation de la discrimination sont irrecevables, l'arrêt rendu le 28 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;
Condamne le syndicat CFDT union régionale interprofessionnelle de La Réunion aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le syndicat CFDT union régionale interprofessionnelle de La Réunion à payer à la SCP Gatineau la somme de 3 000 euros à charge pour elle de renoncer à percevoir l'indemnité prévue par l'Etat ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour Mme E...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement en ce qu'il avait rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée, d'AVOIR dit que la transaction signée entre Mme E... et son employeur fin 2007 avait autorité de chose jugée même pour les renonciations stipulées en son article 3, d'AVOIR dit que les demandes tendant à la reconnaissance et à la réparation de la discrimination salariale subie par Mme E... étaient irrecevables et d'AVOIR condamné la salariée à payer à son employeur la somme de 800€ au titre de l'article 700 ainsi qu' aux dépens d'appel.
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la CFDT reprend in limine litis la fin de non-recevoir, déjà présentée en non retenue en première instance, tenant à l'autorité de la chose jugée attachée à la transaction signée par les parties fin 2007 ; aux termes de celle-ci, Madame E... estimait que le reclassement indiciaire dont elle avait bénéficié ne prenait pas en compte son embauche originelle en CES au 8 novembre 1992 et qu'elle devait être reclassée au niveau 2, coefficient 340 ; ce reclassement n'est pas explicité par la transaction, mais au regard des pièces produites et des explications de la salariée, la reclassification revendiquée était fondée sur l'accord d'entreprise du 09 octobre 2000 et le fait qu'une collègue ayant les mêmes fonctions, Madame B..., avait été reclassée au niveau revendiqué alors qu'elle-même l'avait été à un niveau inférieur ; Aux termes de la transaction, les parties ont mis fin au litige, la CFDT a accepté de verser à Madame E... la somme de 3.672,58 euros bruts et cette dernière a été élevée à l'échelon souhaité à effet du 1er janvier 2008 ; les parties ont aussi convenu un article 3 stipulant : Moyennant bonne et fidèle exécution de ce qui précède, Madame E... U... déclare entièrement rempli de tous ces droits, quelle qu'en soit la nature, nés ou à naître qu'elle pouvait tenir tant de son contrat de travail que du droit commun ou des conventions ou accords collectifs qui étaient applicables au sein de l'UIR CFDT ; Madame E... renonce expressément à toute instance, a tout recours et où contestation de quelque nature que ce soit dérivant directement ou indirectement de l'exécution de son contrat de travail ; elle reconnaît n'avoir plus aucune demande à formuler et ceci vis-à-vis de l'UIR CFDT ; déclare être rempli de tous ses droits au titre de l'exécution de son contrat de travail ; elle renonce pour elle-même, et ses ayant droits en application de l'article 1121 du code civil, à toute prétention et à toute indemnité, et à tout recours envers l'UIR CFDT ; elle reconnaît d'autre part, depuis que le projet et la présente transaction lui ont été proposée, avoir disposé de l'observation d'un délai de réflexion suffisant pour avoir pu en toute connaissance de cause apprécier l'étendue de ses droits et obligations en fonction de quoi a été convenue la présente transaction ' (sic) ; les demandes de Madame E... concerne une période postérieure à la transaction dont la reconnaissance d'une discrimination salariale par application de la règle ' à travail égal, salaire égal ' au regard du taux horaire supérieur appliqué à Madame R..., laquelle existe ' depuis l'origine ' (conclusions récapitulatives page 9, 5°§), pour laquelle elle demande le paiement du différentiel de salaire à compter de mai 2008 soit la somme de 22.969,19 euros arrêtée à juillet 2016 plus 2.259,83 euros en application de la négociation annuelle obligatoire de 2015 ; elle demande de plus l'annulation d'une sanction ayant consisté en une mise à pied disciplinaire et l'indemnisation à concurrence de la somme de 10.000 euros en réparation de divers préjudices subis ; ces éléments permettent de retenir que l'objet originel du litige, pour la salariée, éteint par la transaction (prise en compte de l'ancienneté réelle et discrimination salariale par rapport à Madame B...) est distinct des demandes actuelles ; mais la transaction a un objet plus large que les simples revendications originelles de la salariée ; au titre des concessions réciproques Madame E... a accepté les termes de l'article 3 précité (renonciation aux droits nés ou à naître et à toute instance relative à l'exécution du contrat de travail) ; il convient de préciser qu'en matière des effets de la transaction la doctrine de la chambre sociale de la Cour de Cassation a évolué, après l'arrêt de l'assemblée plénière (Cass. Ass. Plé. 04 juillet 1997, 93-43375), notamment par les arrêts rendus les 05 novembre 2014 et 11 janvier 2017 (respectivement référencés : 13-18984 et 15-20040) ; désormais, les renonciations stipulées dans l'accord transactionnel ne sont plus éludées en référence au seul litige originel ; dès lors, les demandes de reconnaissance et d'indemnisation de la discrimination salariale, afférentes à l'exécution du contrat de travail, sont couvertes par les renonciations stipulées à l'article 3 précité qui doivent recevoir plein effet ; la fin de non-recevoir tiré de la chose jugée attachée à la transaction est donc fondée ; les demandes relatives à la discrimination salariale sont consécutivement irrecevables et le jugement est infirmé pour avoir dit le contraire (...) le syndicat CFDT doit être indemnisé de ses frais irrépétibles à concurrence de la somme de 800 € ; les dépens d'appel sont à la charge de Mme E... qui succombe » ;
1.ALORS QUE la stipulation dans une transaction d'une renonciation du salarié à ses droits nés ou à naître et à toute instance relative à l'exécution du contrat de travail, ne rend pas irrecevable, lorsque le contrat de travail se poursuit, une demande du salarié afférente aux conditions d'exécution du contrat de travail postérieures à la conclusion de ladite transaction, peu important qu'elles aient existé depuis l'origine de la relation contractuelle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que si la salariée invoquait une discrimination salariale par application de la règle « à travail égal, salaire égal » qui existait dès l'origine, elle demandait le paiement d'un différentiel de salaire à compter de mai 2008, de sorte que sa demande concernait une période d'exécution du contrat de travail postérieure à la transaction qu'elle avait conclue en 2007 avec son employeur ; qu'en jugeant irrecevables les demandes relatives à la discrimination salariale subie par la salariée à compter de 2008 au prétexte que l'article 3 de la transaction conclue fin 2007 avec son employeur prévoyait une renonciation aux droits nés ou à naitre et à toute instance relative à l'exécution du contrat de travail la cour d'appel a violé l'article 1134 devenu 1103 et 2048 du code civil ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande formée au titre de l'annulation de sa sanction et de l'AVOIR condamnée à payer à son employeur la somme de 800 € au titre de l'article 700 ainsi qu'aux dépens.
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Madame E... conteste la mise à pied disciplinaire de cinq jours prononcée à son encontre le 19 février 2015 ; il s'agit d'une contestation du bien fondé de la mise en oeuvre du pouvoir disciplinaire de l'employeur ; Celle-ci n'est pas couverte par les renonciations précitées ; la sanction vise en premier lieu un courrier de la salariée du 07 décembre 2014 à destination de conseillers de la CFDT et d'autres personnes n'appartenant pas à son conseil et au traitement de l'adhésion d'un ancien membre ayant fait l'objet d'une radiation ; sur le premier point, le courrier de notification vise un contenu irrévérencieux et accusateur envers la déléguée en charge du personnel son envoi à des « personnes ne relevant pas des instances décisionnaires sur la gestion du personnel » ; ce courrier a été envoyé par messagerie électronique à 97 destinataires ; Madame E... élude cette problématique qui caractérise un abus d'exercice de la liberté d'expression dès lors que les faits dénoncés mettaient en cause, à tort ou à raison, tant la déléguée en charge du personnel qu'une collègue et que la transmission n'a pas été limitée au secrétaire général et aux instances représentatives du personnel ; ce seul constat justifie la sanction nullement disproportionnée à la faute commise ; Madame E... est en conséquence déboutée de sa demande tendant à l'annulation de la sanction, au paiement du salaire de la mise à pied et à la réparation du préjudice en découlant (
) le syndicat CFDT doit être indemnisé de ses frais irrépétibles à concurrence de la somme de 800 € ; les dépens d'appel sont à la charge de Mme E... qui succombe» ;
ALORS QUE les juges doivent motiver leur décision ; qu'en affirmant que le courrier du 7 décembre 2014 envoyé par la salariée avait été adressé par messagerie électronique à 97 destinataires et que cette problématique caractérisait un abus d'exercice de sa liberté d'expression dès lors que la transmission n'avait pas été limitée au secrétaire général et aux instances représentatives du personnel sans même viser ou analyser sommairement les éléments sur lesquels elle se fondait pour parvenir à cette constatation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code civil ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande indemnitaire au titre du préjudice moral et de l'AVOIR condamnée à payer à son employeur la somme de 800 € au titre de l'article 700 ainsi qu'aux dépens.
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Madame E... demande l'indemnisation de son préjudice moral en raison de mesures vexatoires et d'intimidations faisant suite à la saisine du conseil de prud'hommes ; la sanction dont il vient d'être fait état est présentée comme l'aboutissement de ce processus ; mais la sanction étant validée, le moyen devient inopérant ; pour le reste, la salariée évoque une souffrance au travail, problématique d'ailleurs suivie par le médecin du travail, mais ne fait état d'aucun harcèlement moral ou d'aucun manquement de l'employeur à l'une de ses obligations ; elle exprime d'ailleurs son ressenti dans ses conclusions « se sent donc marginalisée ressent une hostilité profonde de la part de
faisant fonction de DRH » ; en l'absence de manquement de l'employeur, Madame E... ne peut qu'être déboutée de sa demande indemnitaire ; le jugement est confirmé de ce chef ainsi que sur les dépens le syndicat CFDT doit être indemnisé de ses frais irrépétibles à concurrence de la somme de 800 € ; les dépens d'appel sont à la charge de Mme E... qui succombe » ;
1.ALORS QUE la censure qui interviendra sur le second moyen relatif à l'annulation de la sanction prononcée à l'encontre de la salariée le 19 février 2015 entrainera, par application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la censure de l'arrêt en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation formulée par Mme E... au titre du préjudice moral ;
2. ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; que dans ses conclusions oralement reprises à la barre, la salariée indiquait que si elle n'avait effectivement pas soutenu avoir été victime d'un harcèlement moral, elle avait cependant fait l'objet d'une discrimination dans ses conditions de travail (conclusions p.7) dès lors qu'elle devait, depuis plusieurs années, faire face à une augmentation constante de sa charge de travail et à un dysfonctionnement de l'organisation et des conditions de travail qui avait été constaté par la médecine du travail et que, marginalisée, en proie à l'hostilité de sa supérieure hiérarchique, elle subissait au quotidien des pressions morales qui l'avaient, à plusieurs reprises, contrainte à écrire à la déléguée du personnel afin de l'alerter sur son mal être et sur le stress au travail qu'elle subissait du fait de ses conditions de travail (conclusions p.15) ; qu'en affirmant cependant, pour juger que Mme E... devait être déboutée de sa demande indemnitaire, que la salariée ne faisait état d'aucun manquement de l'employeur à ses obligations, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la salariée et violé le principe susvisé.