Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 933 879,96 euros incluant la somme de 15 000 euros allouée par l'établissement à titre provisionnel, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de la requête et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices subis du fait de l'intervention chirurgicale subie le 4 mars 2010 à l'hôpital Beaujon.
Par un jugement n° 1409360 du 28 mars 2017, ce tribunal a condamné l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à verser, en premier lieu, à M. C... une somme de 116 871,30 euros sous déduction de la somme de 15 000 euros déjà accordée à titre provisionnel, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en deuxième lieu, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis une somme de 75 940,52 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation ainsi qu'une indemnité forfaitaire de gestion, en troisième lieu, à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France une somme de 208 972,51 euros, assortie des intérêts ainsi qu'une indemnité forfaitaire de gestion, en quatrième lieu, à l'institution Apicil Prévoyance une somme de 365 670,01 euros, en cinquième lieu, à la société Quatrem une somme de 3 332,77 euros, assortie des intérêts.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 mai 2017 et complétée par un mémoire du 6 septembre 2018, M. B... C..., représenté par Me Muller, avocat, demande à la Cour la réformation du jugement n° 1409360 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, la condamnation de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 1 025 420,74 euros en réparation des préjudices subis et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a été victime d'une infection nosocomiale reconnue par l'expert de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation d'Ile-de-France ;
- il sollicite l'application du barème de la Gazette du Palais de 2018 ;
S'agissant des préjudices patrimoniaux avant la consolidation de son état de santé :
- des dépenses de santé sont restées à sa charge pour 328,17 euros ;
- il devra être indemnisé au titre de l'assistance à tierce personne temporaire à hauteur de 24 753,84 euros ;
- les honoraires du médecin conseil qui l'a assisté pendant les opérations d'expertise se sont élevés à 2 140 euros et l'avis du docteur Schlayen lui a couté 420 euros ;
- il a subi des pertes de gains professionnels de 6 566,97 euros ;
S'agissant des préjudices patrimoniaux après consolidation :
- les dépenses de santé futures s'élèvent à 2 784,12 euros ;
- l'adaptation de son logement au handicap coûte 15 666,30 euros ;
- les frais d'adaptation du véhicule s'élèvent à 138 395,30 euros ;
- l'assistance par tierce personne non spécialisée cinq heures par semaine s'élève à 228 249,80 euros ;
- l'inaptitude professionnelle et la perte de gains professionnels futurs s'élèvent à 399 819,65 euros ;
- l'incidence professionnelle, portant notamment sur la perte de droits à la retraite, s'élève à 80 000 euros ;
S'agissant des préjudices extra-patrimoniaux avant consolidation :
- le déficit fonctionnel temporaire sera indemnisé à hauteur de 10 294,59 euros ;
- les souffrances endurées ont été évaluées à 5 sur 7 et seront indemnisées par une somme de 25 000 euros ;
S'agissant des préjudices extra-patrimoniaux permanents :
- le déficit fonctionnel permanent s'élève à 20 % et sera indemnisé à hauteur de 40 000 euros ;
- le préjudice esthétique permanent est évalué à 2,5 sur 7 et sera indemnisé par une somme de 4 500 euros ;
- le préjudice d'agrément sera réparé par l'allocation d'une somme de 15 000 euros ;
- il subit un préjudice sexuel devant être réparé par une somme de 20 000 euros ;
- il subit un préjudice d'établissement consistant en l'impossibilité de terminer seul les travaux de sa maison ; il sera indemnisé par une somme de 11 502 euros.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Margerit, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., pour l'institution Apicil Prévoyance.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., alors âgé de 34 ans, subit le 4 mars 2010 une intervention chirurgicale tendant à traiter une hernie discale L4-L5 droite. A compter du 6 mars, il ressent d'importantes douleurs lombaires et présente de la fièvre alors que le pourtour de sa cicatrice devient rouge. Le 9 mars, les prélèvements effectués la veille reviennent positifs au staphylocoque doré à coagulase positive. M. C... ne présente plus de fièvre mais un état somnolent et confus et un placard érythémateux atteint toute la région lombaire. Il est alors transféré en réanimation et opéré de nouveau le 10 mars, les prélèvements étant alors positifs au staphylocoque doré Méti-R. Il regagne son domicile le 30 mars dans le cadre d'une hospitalisation à domicile, mais un pic fébrile impose une nouvelle hospitalisation le 15 avril. Il ne quitte l'hôpital que le 27 mai 2010. Souffrant toujours d'importantes douleurs, il est déclaré inapte au travail en février 2012. Il saisit le 15 septembre 2011 la commission régionale de conciliation et d'indemnisation d'Ile-de-France, qui missionne deux experts et rend deux avis le 25 septembre 2012 et le 6 février 2014. Le 31 juillet 2014, l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris propose d'indemniser M. C... tout en rejetant certaines de ses demandes indemnitaires. M. C... saisit le tribunal administratif de Cergy-Pontoise pour demander réparation de l'intégralité de son préjudice. Le tribunal ayant fait partiellement droit à sa demande par un jugement du 28 mars 2017, M. C... fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.
Sur les conclusions indemnitaires :
2. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté, que, à la suite de l'intervention chirurgicale tendant à traiter sa hernie discale, M. C... a été victime d'une infection nosocomiale. Il résulte en outre de l'avis de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation du 6 février 2014 que M. C... est atteint d'un déficit fonctionnel permanent de 20 % inférieur au seuil de 25 % d'invalidité provoquée par une infection nosocomiale qui déclenche la mise en oeuvre de la solidarité nationale par le biais de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM). La responsabilité de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris doit donc être retenue au titre de l'infection nosocomiale dont a été atteint M. C....
3. Par ailleurs, il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que cette infection aurait nécessité la mise en place immédiate d'une association d'antibiotiques actifs sur la même bactérie et sur une durée bien plus longue que trois semaines et que cette faute a entraîné pour M. C... une hospitalisation et des souffrances supplémentaires et une probable altération de sa mobilité rachidienne.
4. Il résulte ainsi de ce qui précède que la responsabilité de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris doit être engagée aussi bien au titre de l'infection nosocomiale qui a atteint M. C... que de la faute qui en a aggravé les conséquences. L'ONIAM est dès lors fondé à demander sa mise hors de cause.
En ce qui concerne l'évaluation des préjudices patrimoniaux :
5. Il résulte de l'avis de la commission de conciliation et d'indemnisation du 6 février 2014 que l'état de santé de M. C... est consolidé depuis le 12 décembre 2012.
S'agissant des préjudices patrimoniaux temporaires :
Quant aux dépenses de santé :
6. En premier lieu, M. C... justifie par les pièces qu'il produit que la somme de 59,17 euros de dépenses de santé en lien avec son accident est restée à sa charge pour la période antérieure à la consolidation. Il produit également en appel, des relevés de l'assurance maladie établissant qu'il a gardé à sa charge 100 euros de franchises et autres participations forfaitaires en 2010, 85 euros en 2011 et 84 euros en 2012 dont l'imputabilité aux fautes commises apparait non sérieusement contestable au regard des nombreux actes médicaux subis de ce fait par M. C... au cours de ces trois années.
7. En deuxième lieu, l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris ne conteste pas que la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis justifie avoir exposé pour le compte de M. C... en lien avec les complications consécutives à son opération, les sommes de 38 733,70 euros pour 22 jours d'hospitalisation du 9 au 30 mars 2010, 7 500,10 euros et 703,37 euros pour les hospitalisations du 15 au 27 avril 2010 et du 8 juillet 2010, 2 381,34 euros de frais médicaux et pharmaceutiques, sur la période du 30 août 2010 au 3 décembre 2012, incluant de la rééducation fonctionnelle et des appareillages. Les dépenses de santé exposées par la caisse primaire s'élèvent à ainsi à 49 318,52 euros.
8. En troisième lieu, l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris ne conteste pas l'imputabilité aux fautes commises de dépenses prises en charge par la société Quatrem et portant notamment sur des frais d'hospitalisation à compter du 9 mars 2010, pour une somme totale de 3 332,77 euros.
8. Le préjudice indemnisable au titre des dépenses de santé s'élève donc à 52 979,46 euros. Il y a lieu de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à verser à M. C... la somme de 328,17 euros, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis la somme de 49 318,52 euros et la somme de 3 332,77 euros à la société Quatrem.
Quant aux frais d'assistance par tierce personne :
10. Lorsque, au nombre des conséquences dommageables d'un accident engageant la responsabilité d'une personne publique, figure la nécessité pour la victime de recourir à l'assistance d'une tierce personne à domicile pour les actes de la vie courante, la circonstance que cette assistance serait assurée par un proche est, par elle-même, sans incidence sur le droit de la victime à en être indemnisée.
11. Il résulte de l'avis de la commission et d'une attestation produite par l'épouse de M. C... et n'est pas contesté, que l'état de santé du requérant a rendu nécessaire l'assistance d'une tierce personne à raison de 24 heures sur 24 pour sa toilette, les repas, les soins, la surveillance, du 30 mars au 14 avril 2010, toute la nuit pour surveillance, 2 heures par jour pour les soins d'hygiène et 3 heures par semaine pour les courses notamment, du 27 avril au 20 juin 2010, 1 heure par jour d'aide personnelle et 3 heures par semaine pour les travaux lourds du 21 juin au 30 septembre 2010.
12. Contrairement à ce que soutient M. C..., c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la surveillance nocturne pouvait être indemnisée sur la base de trois heures de travail effectif. En revanche, il est bien fondé à soutenir que c'est à tort que sa situation familiale a été prise en compte pour écarter toute nécessité d'être assisté cinq heures par semaine par une aide ménagère.
13. Il sera fait une exacte appréciation de ce préjudice, compte tenu du taux horaire brut du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) et des congés payés, en l'indemnisant, sur la base d'un montant de 15 euros par heure d'assistance non spécialisée et de 18 euros par heure d'assistance spécialisée, à hauteur de 17 701 euros.
Quant aux pertes de gains professionnels actuelles :
14. D'une part, pour déterminer dans quelle mesure les préjudices ont été réparés par la pension d'invalidité, il y a lieu de regarder cette prestation comme réparant prioritairement les pertes de revenus professionnels et, par suite, comme ne réparant tout ou partie de l'incidence professionnelle que si la victime ne subit pas de pertes de revenus ou si le montant de ces pertes est inférieur à celui perçu au titre de la pension.
15. D'autre part, eu égard à sa finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail, qui lui est assignée par l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, et à son mode de calcul, appliquant au salaire de référence de la victime le taux d'incapacité permanente défini par l'article L. 434-2 du même code, la rente d'accident du travail doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité. Dès lors, le recours subrogatoire exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une rente d'accident du travail ne saurait, pour l'application des règles résultant de l'article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, dans sa rédaction issue du IV de l'article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, s'exercer que sur ces deux postes de préjudice. En particulier, une telle rente ne saurait être imputée sur un poste de préjudice personnel.
16. M. C... était, avant d'être opéré d'une hernie, gérant d'un magasin de matériel sanitaire, emploi qui l'amenait à la fois à exercer des activités sédentaires et à porter des charges lourdes. Il a été licencié le 27 mars 2012 pour inaptitude professionnelle sans possibilité de reclassement dans son entreprise. La commission régionale de conciliation et d'indemnisation d'Ile-de-France a considéré que M. C... devait être indemnisé de ses pertes de gains professionnels du 1er juillet 2010 au 12 décembre 2012, soit sur une période de 2 ans, 5 mois et 12 jours. M. C... justifie par la production de son avis d'imposition 2009 sur les revenus de 2008, dernière année où il a travaillé complètement, 30 927 euros de revenus. Il aurait donc dû percevoir sur cette période une somme de 75 771,17 euros. Il résulte de l'instruction qu'il a perçu sur cette même période une somme de 71 280,05 euros dont 26 622 euros d'indemnités journalières versées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis, 7 414,23 euros de pension d'invalidité versée par la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France, 20 310,78 euros d'indemnités journalières versées par Apicil Prévoyance, 12 901,94 euros de rente d'invalidité versée par Apicil Prévoyance. La perte de revenus subie par M. C... s'élève donc à 4 491,20 euros, qu'il convient d'actualiser au regard de l'évolution du SMIC entre 2008 et 2017. Les pertes de revenus actualisées subies par M. C... avant consolidation s'élèvent donc à 5 030 euros.
17. Le préjudice indemnisable au titre des pertes de revenus actuelles s'élève à 72 278,72 euros. Il y a donc lieu de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à verser à ce titre 5 030 euros à M. C..., 26 622 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis, 7 414,23 euros à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France et 33 212,72 euros à l'institution Apicil Prévoyance.
Quant aux frais divers :
18. M. C... justifie par des notes d'honoraires avoir versé la somme de 2 140 euros au médecin chargé de l'assister dans le cadre de la procédure d'indemnisation amiable suivie devant la commission de conciliation et d'indemnisation. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction que l'avis de l'expert médical sollicité par M. C... pour contester le jugement du tribunal administratif et qui ne fait que reprendre les constatations des précédentes expertises soit utile à la résolution du litige. Par suite, c'est par une juste appréciation que le tribunal a estimé que ces frais pouvaient être réparés par une somme de 2 140 euros.
S'agissant des préjudices patrimoniaux permanents :
Quant aux dépenses de santé futures :
19. M. C... se borne à demander une somme de 71 euros par an sans aucun élément de nature à démontrer que cette demande est directement en lien avec les séquelles de l'infection nosocomiale qu'il a subie. En l'absence, par ailleurs, de toute demande présentée par les tiers payeurs pour de telles dépenses, il n'y a pas lieu d'indemniser ce chef de préjudice.
Quant aux frais d'adaptation du logement :
20. La commission d'indemnisation et de conciliation a conclu à la nécessité, compte tenu de l'état de santé de M. C..., d'adapter la hauteur du lit et du canapé, d'aménager une douche à l'italienne et de rehausser les sièges. Si M. C... demande 10 314,30 euros d'indemnisation pour l'achat d'un nouveau lit et 990 euros pour l'achat de réhausseurs de canapé, il ne résulte pas de l'instruction que son handicap nécessiterait l'achat d'un nouveau lit. Il sera fait une juste appréciation des dépenses nécessaires pour l'adaptation du lit et du canapé en les évaluant à 2 000 euros. Le préjudice résultant de l'aménagement de la douche sera évalué à la somme de 4 362 euros, figurant sur le devis produit par le requérant pour l'aménagement d'une douche à l'italienne. Il y a lieu de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, qui ne conteste pas le principe de l'indemnisation de ces dépenses, à verser à M. C... la somme de 6 362 euros.
Quant aux frais d'adaptation du véhicule :
21. Il résulte des expertises et des avis de la commission que M. C... devra bénéficier d'un véhicule à assise haute et que le surcoût relatif à l'achat d'un tel véhicule devra être pris en charge par le responsable de son état de santé actuel. M. C... soutient que le surcoût correspondant à l'achat en février 2013 d'un véhicule avec assise haute s'élève à 18 472 euros. Cette somme n'est pas contestée par l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris. Il y a lieu, compte tenu de l'âge du requérant à la date de l'arrêt et de la nécessité de renouveler les dépenses tous les sept ans, de mettre à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris le versement d'une somme de 92 360 euros en réparation de ce chef de préjudice.
Quant à l'assistance par tierce personne :
22. Si l'avis de la commission du 6 février 2014 et l'attestation établie par Mme C... font état du besoin, depuis la date de la consolidation de l'état de santé de M. C..., de l'aide d'une tierce personne non spécialisée 5 heures par semaine, le lien direct de ce besoin avec le dommage imputable à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris n'est pas établi par les éléments versés aux débats et en particulier par le rapport d'expertise.
Quant aux pertes de gains professionnels après consolidation :
23. M. C... était, avant d'être opéré d'une hernie, gérant d'un magasin de matériel sanitaire, emploi qui l'amenait à la fois à exercer des activités sédentaires et à porter des charges lourdes. Il a été licencié le 27 mars 2012 pour inaptitude professionnelle sans possibilité de reclassement dans son entreprise. M. C... justifie par la production de son avis d'imposition 2009 sur les revenus de 2008, dernière année où il a travaillé complètement, 30 927 euros de revenus. Il aurait donc dû percevoir de la date de consolidation de son état de santé à la date de décision du présent arrêt, une somme de 255 147,75 euros. Il résulte de l'instruction qu'il a perçu sur cette même période, d'une part, du fait de la pension d'invalidité versée par la CRAMIF, 701,89 euros par mois jusqu'au 31 mars 2017 soit pendant 51 mois puis 733,22 euros par mois à compter du 1er avril 2017 soit pendant 48 mois pour un total de 70 991,11 euros, d'autre part, du fait de la rente versée par Apicil une somme de 116 213,13 euros. La perte de revenus subie par M. C... s'élève donc à 67 943,51 euros, somme qu'il convient de lui attribuer par priorité, le solde devant être versé aux caisses en proportion des sommes versées soit 71 137,52 euros pour la CRAMIF et 116 066,48 euros pour l'institution Apicil Prévoyance.
24. En revanche, dès lors que M. C... n'est pas dans l'incapacité de retrouver tout travail, la perte de gains professionnels postérieurement à la date de décision du présent arrêt n'est pas certaine et la demande présentée à ce titre ne peut qu'être rejetée. Dès lors, et quand bien même l'institution Apicil Prévoyance continuerait à verser une rente accident du travail à M. C..., elle n'est pas fondée à solliciter le remboursement de cette rente en sa qualité d'assureur subrogé en réparation du préjudice tiré des pertes de gains professionnels après consolidation.
Quant à l'incidence professionnelle :
25. Compte tenu du fait que M. C... ne pourra pas reprendre son activité professionnelle antérieure à l'accident et de l'incidence de son invalidité permanence partielle sur la possibilité de retrouver un emploi, c'est par une juste appréciation que le tribunal a évalué l'incidence professionnelle résultant des complications de l'opération subie le 4 mars 2010 à la somme de 10 000 euros.
26. En revanche, si M. C... soutient subir un préjudice de retraite résultant de ce que la retraite de base qui lui sera versée sera calculée uniquement sur le montant de sa pension d'invalidité, ce préjudice n'est pas établi dès lors qu'il ne résulte pas des éléments versés aux débats qu'il est dans l'impossibilité totale et définitive d'exercer la moindre activité professionnelle.
27. Il résulte de ce qui précède que l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris doit être condamnée à verser les sommes suivantes au titre des préjudices patrimoniaux :
- 204 864,68 euros à M. C...,
- 75 940,52 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis,
- 78 551,75 euros à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France,
- 3 332,77 euros à la société Quatrem,
- 149 279,20 euros à l'institution Apicil Prévoyance.
En ce qui concerne l'évaluation des préjudices extrapatrimoniaux :
S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux temporaires :
Quant au déficit fonctionnel temporaire :
28. Il résulte des conclusions de la commission et du premier rapport d'expertise que M. C... a subi un déficit fonctionnel temporaire évalué à 50 % du 10 mars au 10 avril 2010 correspondant à sa première hospitalisation, 75 % du 11 avril au 20 juin 2010 correspondant à la période où M. C... a beaucoup souffert après être rentré chez lui puis a été de nouveau hospitalisé, 50 % du 21 juin au 30 septembre 2010, 25 % du 1er octobre 2010 au 12 décembre 2012. C'est par une juste appréciation que le tribunal a évalué ce poste de préjudice à la somme de 4 820 euros.
Quant aux souffrances endurées :
29. Il résulte des conclusions des experts que M. C... a subi des souffrances importantes tenant à son hospitalisation en réanimation, à la mise en place d'une ventilation assistée, à l'hémodialyse qu'il a subie, à l'alitement à domicile et aux souffrances psychologiques qu'il a endurées. Il a également souffert du fait de l'infection elle-même qui lui a provoqué d'importantes douleurs et des troubles hémodynamiques. C'est par une juste appréciation que le tribunal a évalué ce poste de préjudice à la somme de 13 500 euros.
S'agissant des préjudices permanents :
Quant au déficit fonctionnel permanent :
30. Ce déficit a été évalué à 20 % par les experts et résulte du fait que M. C..., qui avait 36 ans à la date de consolidation de son état de santé, ressent des douleurs à la marche, qu'il ne peut plus rester en position assise ou debout prolongée et qu'il prend de puissants antalgiques quotidiennement qui altèrent ses capacités de concentration. Il y a lieu d'évaluer ce préjudice à la somme de 33 000 euros.
Quant au préjudice esthétique :
31. Ce préjudice a été évalué à 2,5 sur 7 par les experts et tient à la cicatrice lombaire de 5 cm de long sur autant de large que présente M. C.... C'est par une juste appréciation que le tribunal a évalué ce chef de préjudice à la somme de 2 500 euros.
Quant au préjudice d'agrément :
32. M. C... soutient qu'il avait un bon niveau de ski, qu'il pratiquait au moins quinze jours par an et qu'il jouait au basket-ball depuis son plus jeune âge. Il y a lieu d'évaluer son préjudice d'agrément à la somme de 2 000 euros.
Quant au préjudice sexuel :
33. La commission conclut à l'indemnisation de ce poste de préjudice. Si les experts ont noté que ce préjudice est seulement allégué par M. C..., et consisterait en une baisse de la libido, des difficultés positionnelles et mécaniques et une éjaculation précoce, il y a lieu au regard du siège des douleurs de regarder ce préjudice comme établi et en lien avec l'infection et de l'indemniser par une somme de 2 000 euros.
Quant au préjudice d'établissement :
34. M. C... soutient qu'en raison des séquelles de l'infection nosocomiale dont il a été victime, il n'est plus en mesure d'effectuer par lui-même les travaux de rénovation de sa maison d'habitation acquise en 2009 et demande à être indemnisé du coût des travaux qui devront être réalisés par des entreprises. Toutefois, il résulte des conclusions de la première expertise que c'est précisément en travaillant à la rénovation de sa maison que M. C... a été victime d'une hernie discale, laquelle a nécessité qu'il soit opéré. Ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, il n'établit pas dès lors qu'il aurait été en capacité, notamment physique, d'effectuer tout seul ces travaux, même en l'absence des séquelles qu'il subit. Cette demande doit donc être rejetée.
35. L'Assistance publique - Hôpitaux de Paris doit ainsi être condamnée à verser la somme de 54 820 euros à M. C... au titre de ses préjudices extrapatrimoniaux, soit, avec la somme fixée au point 27, un total de 259 684,68 euros.
Sur les intérêts et leur capitalisation :
36. En premier lieu, la condamnation prononcée au bénéfice de M. C... au point 35 portera intérêts à compter du 23 septembre 2014, date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal. La capitalisation des intérêts a été demandée le 23 septembre 2014. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 23 septembre 2015, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
37. En deuxième lieu, la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis demande que la condamnation prononcée à son bénéfice au point 27 soit assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2014. Toutefois, cette somme ne portera intérêts qu'à compter du 24 octobre 2014, date d'enregistrement de son mémoire, constituant la première demande de paiement. La capitalisation a été demandée dans le mémoire du 17 décembre 2015, date à laquelle une année d'intérêts avait couru. La capitalisation prendra donc effet au 17 décembre 2015, puis à chaque échéance annuelle.
38. En troisième lieu, la condamnation prononcée au point 27 au bénéfice de la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France portera intérêts à compter du 8 décembre 2014, date d'enregistrement de son premier mémoire.
39. En quatrième lieu, la condamnation prononcée au point 27 au bénéfice de la société Quatrem portera intérêts à compter du 7 novembre 2014, date d'enregistrement de son premier mémoire.
Sur les frais d'instance :
En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de gestion :
40. Dès lors que la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France n'obtient pas en appel de majoration de la somme due au titre de ses débours, elle n'est pas fondée à demander le rehaussement de la somme mise à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale afin de tenir compte de sa revalorisation postérieurement au jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
En ce qui concerne les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
41. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris la somme de 1 500 euros à verser à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions s'opposent à ce qu'il soit mis à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris les sommes que l'institution Apicil Prévoyance, la société Quatrem, la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis et la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France demandent.
DECIDE :
Article 1er : L'Assistance publique - Hôpitaux de Paris est condamnée à verser à M. C... une somme de 259 684,68 euros sous déduction de la somme de 15 000 euros déjà accordée à titre provisionnel, assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2014. Les intérêts échus au 23 septembre 2015 seront capitalisés à cette date puis à chaque date anniversaire pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : L'Assistance publique - Hôpitaux de Paris est condamnée à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis une somme de 75 940,52 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2014. Les intérêts échus au 24 octobre 2015 seront capitalisés à compter du 17 décembre 2015 puis à chaque date anniversaire pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : La somme que l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris est condamnée à verser à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France est ramenée à 78 551,75 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2014.
Article 4 : La somme que l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris est condamnée à verser à l'institution Apicil Prévoyance est ramenée à 149 279,20 euros.
Article 5 : L'Assistance publique - Hôpitaux de Paris est condamnée à verser à la société Quatrem une somme de 3 332,77 euros.
Article 6 : Le jugement n° 1409360 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 7 : L'Assistance publique - Hôpitaux de Paris versera à M. C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
N° 17VE01646 2