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12/03/2019 | FRANCE | N°17VE00724

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 12 mars 2019, 17VE00724


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Masterfoods Holding SAS a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés pour un montant de 258 405 euros et de contribution sociale pour un montant de 7 215 euros auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006 et 2007.

Par un jugement n°1506755 du 3 novembre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit à sa demande.

Procédure devant l

a Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 mars 2017, le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES F...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Masterfoods Holding SAS a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés pour un montant de 258 405 euros et de contribution sociale pour un montant de 7 215 euros auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006 et 2007.

Par un jugement n°1506755 du 3 novembre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 mars 2017, le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de remettre à la charge de la société Masterfoods Holding SAS les impositions dont la décharge a été prononcée par le tribunal.

Il soutient que :

- la société Royal Canin Tiernahrung GmbH et Co KommanditGesellschaft (KG) doit être assimilée à une société en commandite simple dont les distributions de bénéfices au profit des associés commanditaires sont constitutifs d'un revenu mobilier imposable en France au nom de ces derniers en application des dispositions du 2° de l'article 120 du code général des impôts ;

- le tribunal a fait une confusion entre la participation correspondant aux droits des commanditaires dans les bénéfices réalisés par la société allemande et la distribution de ces bénéfices à ces mêmes commanditaires, alors que l'administration a seulement entendu imposer les distributions de bénéfices, lesquelles ne sont pas visées par le paragraphe 3 de l'article 4 de la convention fiscale franco-allemande, ni par son article 9 dans la mesure où elles ne constituent pas des dividendes mais des revenus innommés visés par l'article 18, imposables dans l'État contractant dont le bénéficiaire de ces revenus est résident, en l'occurrence, en France ;

- le moyen soulevé devant les 1ers juges par la société Masterfoods Holding SAS tiré de l'atteinte à la liberté d'établissement n'est pas fondé, la situation de la société Royal Canin Tiernahrung GmbH et Co KG devant être comparée, non pas à celle d'une société de personnes, mais à celle d'une société française commanditaire d'une société en commandite simple située en France ; le régime qui lui serait appliqué est identique à celui des dividendes reçus par la SAS Royal Canin de sa filiale allemande ;

- le moyen tiré de l'incompatibilité de l'application de la quote-part pour frais et charges avec la jurisprudence découlant de l'arrêt de la CJUE du 2 septembre 2016 aff. C-386/14 Steria n'est pas fondé, la preuve n'étant pas apportée que si la société de droit allemand avait été établie en France, celle-ci aurait rempli l'ensemble des critères prévus aux articles 223 A et suivants du code général des impôts pour pouvoir bénéficier du régime de l'intégration fiscale.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la convention entre la France et la République fédérale d'Allemagne tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, du 21 juillet 1959 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ribeiro-Mengoli,

- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Royal Canin SAS, associée commanditaire de la société de droit allemand Royal Canin Tiernahrung GmbH et Co Kommanditgesellschaft (KG), est membre d'un groupe fiscalement intégré dont la société Masterfoods Holding SAS est la société mère.

A l'issue d'une vérification de comptabilité, le service a remis en cause la déduction du résultat fiscal au titre de l'exercice clos en 2006 de la quote-part des revenus perçus par la société Royal Canin SAS de la société Royal Canin Tiernahrung GmbH et Co KG. Estimant que ces revenus constituaient des revenus de capitaux mobiliers imposables en France sur le fondement du 2° de l'article 120 du code général des impôts, le service a fait application du régime des sociétés mères prévu aux articles 145 et 216 du code général des impôts en réintégrant ces revenus à hauteur de leur quote-part pour frais et charges de 5 %. Le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES fait appel du jugement du 3 novembre 2016, par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société Masterfoods Holding SAS des impositions supplémentaires mises à sa charge à la suite de cette réintégration.

Sur le régime applicable au regard de la loi fiscale française :

2. Aux termes du 2° de l'article 120 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus au sens du présent article : " (...) Les intérêts, produits et bénéfices des parts d'intérêt et commandites dans les sociétés, compagnies et entreprises ayant leur siège social à l'étranger et dont le capital n'est pas divisé en actions (...) ". Aux termes du 4° de l'article 206 du code général des impôts : " (...) Même à défaut d'option, l'impôt sur les sociétés s'applique, sous réserve des dispositions de l'article 1655 ter, dans les sociétés en commandite simple et dans les sociétés en participation, y compris les syndicats financiers, à la part de bénéfices correspondant aux droits des commanditaires et à ceux des associés autres que ceux indéfiniment responsables ou dont les noms et adresses n'ont pas été indiqués à l'administration. ".

3. Il appartient au juge de l'impôt, saisi d'un litige portant sur le traitement fiscal d'une opération impliquant une société de droit étranger, d'identifier d'abord, au regard de l'ensemble des caractéristiques de cette société et du droit qui en régit la constitution et le fonctionnement, le type de société de droit français auquel la société de droit étranger est assimilable. Compte tenu de ces constatations, il lui revient ensuite de déterminer le régime applicable à l'opération litigieuse au regard de la loi fiscale française.

4. Pour retenir que la société Royal Canin Tiernahrung GmbH et Co Kommanditgesellschaft (KG) est assimilable à une société en commandite simple de droit français, et donc à une société de personnes, les premiers juges ont relevé, à bon droit, d'une part, que cette société est composée de deux catégories d'associés, les associés commandités indéfiniment et solidairement responsables des dettes de la société et les associés commanditaires, dont la responsabilité, à l'instar de celle de la société Royal Canin SAS, est limitée au montant de leur apport et, d'autre part, qu'était sans incidence sur cette assimilation la circonstance qu'en droit allemand le résultat d'une " Kommanditgesellschaft " est dans sa totalité imposé entre les mains des associés tant commandités que commanditaires alors qu'en droit français, seule la part de l'associé commandité dans les résultats de la société est imposée au nom de ce dernier en application des dispositions de l'article 8 du code général des impôts lorsque la société n'a pas exercé l'option pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés, tandis que l'impôt sur les sociétés s'applique à la part de bénéfices correspondant aux droits des commanditaires conformément aux dispositions du 4° de l'article 206 du code général des impôts. Dans ces conditions, sous réserve des stipulations d'une convention fiscale internationale, la part de la société Royal Canin SAS, associée commanditaire, dans les bénéfices de la société Royal Canin Tiernahrung GmbH et Co Kommanditgesellschaft (KG), doit être regardée comme devant donner lieu à la perception d'un revenu imposable en application du 2° de l'article 120 du code général des impôts.

Sur l'application de la convention fiscale franco-allemande :

5. Aux termes du paragraphe 3 de l'article 4 de la convention signée entre la France et l'Allemagne visée ci-dessus : " Les participations d'un associé aux bénéfices d'une entreprise constituée sous forme de société de droit civil, de société en nom collectif ou de société en commandite simple ainsi que les participations aux bénéfices d'une " société de fait ", d'une " association en participation " ou d'une " société civile " de droit français ne sont imposables que dans l'Etat où l'entreprise en question a un établissement stable, mais en proportion seulement des droits de cet associé dans les bénéfices dudit établissement ". Aux termes du § 6 de l'article 9 de ladite convention : " Le terme " dividendes " employé dans le présent article désigne les revenus provenant d'actions, actions ou droits de jouissance, parts de mine, parts de fondateur ou autres parts bénéficiaires à l'exception des créances. Aux termes du § 7 de ce même article : " Dans la mesure où les dispositions des articles 4 et 6 confèrent à la France le droit d'imposer les bénéfices des sociétés mentionnées au paragraphe (3) de l'article 4, les revenus provenant de ces bénéfices, qui sont regardés comme des dividendes au sens de la législation française, sont imposables selon les dispositions du paragraphe (2) du présent article. ". Aux termes de l'article 18 de la même convention : " Les revenus non mentionnés aux articles précédents ne sont imposables que dans l'Etat contractant dont le bénéficiaire de ces revenus est résident ".

6. Les stipulations du § 3 de l'article 4 de la convention précitée, dont la version allemande renvoie précisément aux participations d'un associé dans les bénéfices d'une " Kommanditgesellschaft ", assujettissent à l'impôt en Allemagne, les " participations " de l'associé commanditaire résidant en France aux bénéfices réalisés par une société en commandite de droit allemand qui exerce son activité en Allemagne par le biais d'un établissement stable, en proportion de ses droits dans cette société. Par ailleurs, ainsi que le souligne l'administration, la participation du commanditaire dans les bénéfices d'une société en commandite de droit allemand qui est transparente fiscalement ne saurait constituer un dividende au sens des stipulations de l'article 9 de la convention signée entre la France et l'Allemagne. Par voie de conséquence, trouvaient, en l'espèce, à s'appliquer les stipulations du § 3 de l'article 4 aux revenus perçus par la société Royal Canin SAS, associé commanditaire d'une société en commandite de droit allemand ou Kommanditgesellschaft, et dès lors l'administration n'est pas fondée à soutenir qu'il y aurait lieu de taxer en France les sommes perçues par cette société dans les conditions fixées à l'article 18 de cette convention qui ne vise que les revenus non mentionnés aux articles précédents. Par suite, l'administration n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges, faisant application des stipulations ci-dessus du §3 de l'article 4 ont retenu qu'elle n'était pas fondée à imposer, en tant que revenu distribué, la part de la société Royal Canin SAS dans les bénéfices de la société Royal Canin Tiernahrung GmbH et Co Kommanditgesellschaft (KG) et ont, par suite, déchargé la société Masterfoods Holding, société mère intégrante, des impositions litigieuses.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le paiement à la société Masterfoods Holding SAS la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est rejetée.

Article 2 : L'État versera à la société Masterfoods Holding SAS la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 17VE00724


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE00724
Date de la décision : 12/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Conventions internationales.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables - Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Nathalie RIBEIRO-MENGOLI
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : SELARL NOMOS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-03-12;17ve00724 ?
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