La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/06/2019 | FRANCE | N°17NT02469

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 21 juin 2019, 17NT02469


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G...F..., M. B...F...et Mme I...F...ont demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen à leur verser respectivement les sommes de 319 227,04 euros, 8 382,85 euros et 5 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison des fautes commises par cet établissement lors de la prise en charge de Mme G...F...en 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1600952 du 8 juin 2017, le tribunal administratif de Caen a condamné le CHU de

Caen à verser la somme de 84 520,45 euros à Mme G...F..., la somme de 1 00...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G...F..., M. B...F...et Mme I...F...ont demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen à leur verser respectivement les sommes de 319 227,04 euros, 8 382,85 euros et 5 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison des fautes commises par cet établissement lors de la prise en charge de Mme G...F...en 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1600952 du 8 juin 2017, le tribunal administratif de Caen a condamné le CHU de Caen à verser la somme de 84 520,45 euros à Mme G...F..., la somme de 1 000 euros à M. B...F...et la somme de 4 445,99 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados. Il a rejeté les conclusions de Mme I...F...ainsi que celles de la caisse du régime social des indépendants Auvergne tendant au remboursement de ses débours.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête et des mémoires enregistrés le 4 août 2017, le 5 juin 2018 et les 5 janvier, 25 mars et 24 avril 2019 sous le n° 17NT02469, la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants - agence Auvergne, venant aux droits du régime social des indépendants Auvergne, représentée par MeH..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 8 juin 2017 en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner le CHU de Caen à lui verser la somme de 78 972,57 euros en remboursement des frais exposés pour la prise en charge de Mme G...F... ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Caen la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité du CHU de Caen est engagée ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, elle justifie avoir exposé pour Mme G...F...des dépenses en lien direct avec la faute commise par le CHU de Caen pour un montant de 78 972,57 euros.

Par des mémoires enregistrés les 27 novembre 2017 et 12 mars 2019 la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Calvados, représentée par MeA..., déclare s'en rapporter à la sagesse de la cour quant au bien-fondé de la requête de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants - agence Auvergne, demande que la somme de 4 445,99 euros que le CHU de Caen a été condamné à lui verser soit assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2017, que le montant de l'indemnité forfaitaire qui lui a été allouée soit porté à 1 080 euros et que soit mise à la charge du CHU de Caen la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que, la responsabilité du CHU de Caen étant engagée tant au titre du défaut d'information que de la faute médicale, elle a droit au remboursement de ses débours.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 juillet 2018 le CHU de Caen, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants - agence Auvergne et des conclusions de la CPAM du Calvados.

Il fait valoir que :

- la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants- agence Auvergne ne justifie pas plus en appel qu'en première instance du lien direct et exclusif entre les actes de soin et prestations dont elle demande le remboursement et les fautes retenues par les premiers juges ;

- la CPAM du Calvados n'est pas fondée à demander une somme au titre des frais de l'instance.

II - Par une requête et des mémoires enregistrés le 7 août 2017 et les 18 juin et 25 septembre 2018 sous le n° 17NT02469, Mme G...F..., M. B...F...et Mme I...F..., représentés par MeJ..., demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement du 8 juin 2017 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il a insuffisamment indemnisé certains de leurs préjudices et qu'il a limité à 1 500 euros la somme qui leur a été accordée au titre de leurs frais de première instance ;

2°) de condamner le CHU de Caen à verser à Mme G...F...la somme de 319 429,35 euros (à titre principal) ou de 288 957,89 euros (à titre subsidiaire), à M. B...F...la somme de 10 435,25 euros (à titre principal) ou de 10 105,13 euros (à titre subsidiaire), selon le niveau de perte de chance retenu, et à Mme I...F...la somme de 7 300 euros ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Caen une somme totale de 8 000 euros (5 000 euros pour Mme G...F...et 1 500 euros chacun pour M. B...et Mme I...F...) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité du CHU est Caen est engagée ;

- le taux de perte de chance doit être porté de 85 % à 95% ;

- les premiers juges ont insuffisamment évalué le montant des indemnités dues à Mme G... F...et à M. B...F... et ont écarté à tort la demande indemnitaire présentée par Mme I...F... ;

- il aurait dû leur être accordé une somme totale de 5 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (4 000 euros pour Mme G...F...et 800 euros chacun pour M. B...et Mme I...F...).

Par des mémoires enregistrés les 27 novembre 2017 et 12 mars 2019 la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Calvados, représentée par MeA..., déclare s'en rapporter à la sagesse de la cour quant au bien-fondé de la requête des consortsF..., demande que la somme de 4 445,99 euros que le CHU de Caen a été condamné à lui verser soit assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2017, que le montant de l'indemnité forfaitaire qui lui a été allouée soit porté à 1 080 euros et que soit mise à la charge du CHU de Caen la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que, la responsabilité du CHU de Caen étant engagée tant au titre du défaut d'information que de la faute médicale, elle a droit au remboursement de ses débours.

Par des mémoires enregistrés le 5 juin 2018 et les 5 janvier, 25 mars et 24 avril 2019 la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants - agence Auvergne, venant aux droits du régime social des indépendants Auvergne, représentée par MeH..., conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que dans sa requête n° 17NT02469.

Par des mémoires en défense enregistrés le 6 juillet 2018 et le 15 mars 2019 le CHU de Caen, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête et des conclusions de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants - agence Auvergne.

Il fait valoir que les moyens invoqués par les consorts F...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 27 décembre 2018 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Berthon,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant Mme G...F...et autres.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G...F..., alors âgée de 32 ans, a été opérée, le 21 décembre 2009, d'une endométriose au CHU de Caen. Plusieurs complications sont apparues pendant et dans les suites de cette intervention : des lésions de l'uretère gauche et du côlon sigmoïde, une fuite urétérale gauche, un globe vésical, un uropéritoine et une fistule digestive. Des examens et de nouvelles interventions ont été nécessaires pour traiter ces séquelles. Les 13 et 15 janvier 2010 une iléostomie de dérivation et une néphrostomie ont notamment été pratiquées. Mme F...a également été hospitalisée du 31 janvier au 15 février 2010 à l'hôpital d'Equemauville pour une réadaptation fonctionnelle et nutritionnelle. Elle a saisi, le 16 septembre 2010, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Basse-Normandie. Celle-ci, sur la base d'une expertise déposée le 21 juillet 2011 par deux chirurgiens, a considéré, dans un avis du 13 janvier 2012, que la responsabilité pour faute du CHU de Caen était engagée. Mme F... a demandé une seconde expertise au juge des référés du tribunal administratif de Caen. Un urologue, assisté d'un psychiatre, ont été désignés. Ils ont remis leur rapport le 11 juin 2015. Le 9 mai 2016, les consorts F...ont saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande indemnitaire dirigée contre le CHU de Caen. Par un jugement du 8 juin 2017, le tribunal administratif de Caen a condamné le CHU de Caen à verser respectivement à Mme G... F...et à M. B...F...les sommes de 84 520,45 euros et de 1 000 euros, ainsi que la somme de 4 445,99 euros à la CPAM du Calvados. Il a rejeté les conclusions de Mme I...F...et celles du régime social des indépendants Auvergne tendant au remboursement de ses débours. Dans l'instance n°17NT02469, la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants - agence Auvergne, venant aux droits du régime social des indépendants Auvergne, demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande indemnitaire. Dans l'instance n° 17NT02493, qu'il y a lieu de joindre à la première, les consorts F...demandent la réformation de ce jugement en tant qu'il a insuffisamment évalué leurs droits et la condamnation du CHU de Caen à leur verser les sommes respectives de 319 227,04 euros, 8 382,85 euros et 5 000 euros. La CPAM du Calvados demande dans les deux instances que la somme de 4 445,99 euros qui lui a été accordée soit assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de sa demande de première instance et que son indemnité forfaitaire de gestion soit portée de 1 055 à 1 080 euros.

Sur la responsabilité du CHU de Caen :

2. Les experts mentionnés au point 1 s'accordent à dire que si les plaies urétérale et digestive provoquées par l'intervention du 21 décembre 2009 n'ont pas été fautives, le diagnostic et le traitement de ces lésions ont été tardifs, ce qui a majoré significativement leurs conséquences et rendu nécessaires des traitements lourds et une prise en charge psychologique. Ils indiquent également que le CHU de Caen a manqué à son obligation d'information et que Mme F...n'a pas été correctement alimentée pendant sa prise en charge, ce qui a contribué un peu plus encore à l'aggravation de son état de santé. Ces fautes ne sont pas contestées en défense. La responsabilité du CHU de Caen est donc engagée.

Sur le taux de perte de chance :

3. Les fautes commises par le CHU de Caen ont causé à Mme F...une perte de chance d'éviter l'aggravation de son état de santé qui a été évaluée à 80% par les experts désignés par la CRCI et à au moins 90% par l'expert urologue désigné par le tribunal administratif. Il ne résulte pas de l'instruction que le taux de 85% arrêté sur ces bases par les premiers juges serait erroné. Il y a donc lieu de le confirmer en appel.

Sur les préjudices de Mme G...F... :

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

Quant aux frais médicaux

4. Les consorts F...demandent la majoration de l'indemnité de 1 033,45 euros qui leur a été accordée en première instance par application d'un taux de perte de chance supérieur à celui de 85% retenu par le tribunal administratif. Mais, ainsi qu'il a été dit au point 3, ce taux doit être confirmé. Il n'y a donc pas lieu de réformer le jugement attaqué sur ce point.

Quant aux frais de médecin-conseil

5. Mme F...a notamment été assistée par un urologue, un gastroentérologue, et un psychiatre. Ces médecins ont participé aux opérations d'expertises qui ont eu lieu en 2011 à Lille, en 2014 à Rennes et en 2015 à Saint-Grégoire (35). Leur intervention a donc été utile à la solution du litige. Par suite, Mme F...est fondée à demander le remboursement de 85 % des honoraires qu'elle a versés à ces médecins à hauteur respectivement de 3 019 euros, 1 500 euros et 1 390 euros. En revanche, l'utilité de l'intervention du gynécologue-obstétricien dont Mme F... a sollicité l'appui ne résulte pas de l'instruction, pas plus que celle d'un rapport établi par le psychiatre, facturé 400 euros, qui n'a d'ailleurs pas été produit à l'instance. Par conséquent, il y lieu de porter l'indemnité allouée en première instance au titre de ce chef de préjudice de 1 181,50 euros à 5 022,65 euros.

Quant aux frais de déplacement

6. Mme F...justifie avoir engagé des dépenses à hauteur de 2 830,58 euros pour se rendre aux différentes réunions d'expertises. La circonstance que les voyages qu'elle a effectués en 2014 et en 2015 depuis les Etats-Unis, pays où elle a résidé à partir de 2014, n'auraient pas été exclusivement motivés par la nécessité de répondre aux convocations des experts est à cet égard sans incidence sur son droit à indemnisation. En revanche, Mme F...n'est pas fondée à demander le remboursement des frais de déplacement qu'elle a exposés pour rencontrer son avocat, qui relèvent de l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a donc lieu, après application du taux de perte de chance de 85%, de porter la somme qui lui a été allouée en première instance de 1 500 euros à 2 405,99 euros.

Quant aux autres frais divers

7. Mme F...ne justifie pas plus en appel qu'en première instance avoir engagé des frais d'envoi de son dossier médical et des frais de stationnement. Il y a donc lieu de confirmer les premiers juges qui ont rejeté ses demandes au titre de ces chefs de préjudices.

Quant à l'assistance par une tierce personne

8. Lorsque le juge administratif indemnise la victime d'un dommage corporel à raison de la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de celle-ci et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire permettant, dans les circonstances de l'espèce, le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat, sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier.

9. L'expert judiciaire a évalué le besoin en assistance par tierce personne non spécialisée de Mme F...à quatre heures par jour du 15 février au 7 avril 2010, trois heures par jour du 18 avril au 26 mai 2010 et une heure par jour du 4 juin au 18 juillet 2010. Sur la base d'un taux horaire moyen de rémunération de 12,40 euros, charges patronales comprises, et d'une majoration de rémunération pour travail le dimanche et les jours fériés et tenant compte des congés payés, Mme F...a droit à une indemnité de 4 445,50 euros, après prise en compte du taux de perte de chance de 85%. L'indemnité accordée par les premiers juges doit donc être portée à ce montant.

Quant à la perte de revenus professionnels

10. Mme F...était propriétaire et gérante d'un bar de nuit qu'elle avait acheté à Caen en mars 2009 et qu'elle exploitait donc depuis environ neuf mois lorsqu'elle a été opérée au CHU de Caen. Elle a fermé cet établissement dès le 31 janvier 2010 et l'a revendu en mai 2010. Mme F...demande que soit réparée la perte de revenus causée par la cessation de cette activité professionnelle. Toutefois, il est constant qu'elle n'a tiré aucun revenu à titre personnel de son commerce. De plus, elle n'établit pas, comme elle le soutient, qu'elle aurait été en mesure de se verser un salaire de 1 500 euros par mois à partir d'avril 2010 si elle avait eu la possibilité de poursuivre son activité. Enfin, il résulte de l'instruction qu'elle a perçu environ 500 euros par mois d'indemnités journalières qui lui ont été versées par le régime social des indépendants entre le 21 décembre 2009 et le 30 octobre 2011. Dans ces conditions, le caractère certain et indemnisable de la perte de revenus qu'elle invoque n'est pas démontré.

Quant à la moins-value réalisée

11. Alors même qu'elle a été placée en congé pour maladie jusqu'au 31 octobre 2011 en raison des séquelles de l'intervention du 21 décembre 2009, Mme F...ne justifie pas que la fermeture de son bar, dès le 31 janvier 2010, et sa vente, en mai 2010, seraient les conséquences directes et certaines des fautes commises par le CHU de Caen dans la prise en charge de ses séquelles. Elle n'est donc pas fondée à demander la réparation de la moins-value qu'elle a réalisée à l'occasion de cette vente.

Quant à l'incidence professionnelle

12. A supposer que Mme F...ait entendu demander la réparation de ce chef de préjudice, il résulte de l'instruction que le dommage qu'elle a subi n'a pas eu pour effet de la rendre inapte, même partiellement, à l'exercice d'une activité professionnelle et qu'elle a d'ailleurs retrouvé un emploi dès le 15 avril 2012 dans son secteur d'activité.

En ce qui concerne les préjudices personnels :

Quant au déficit fonctionnel temporaire

13. L'expertise judiciaire a fixé la consolidation de l'état de santé de Mme F...au 15 août 2014. Il résulte de cette même expertise que Mme F...a subi un déficit fonctionnel temporaire de 100 % pendant 60 jours, de 90% pendant 612 jours, de 70% pendant 364 jours, de 50% pendant 300 jours, de 30% pendant 320 jours et de 10% pendant 1 390 jours. Le tribunal administratif a fait une exacte appréciation de ce chef de préjudice en condamnant le CHU de Caen à verser à Mme F...une somme de 850 euros au titre de la période de 60 jours d'incapacité totale et une somme de 4 661,40 euros au titre des autres périodes. Il y a donc lieu de confirmer le jugement attaqué sur ce point.

Quant aux souffrances endurées

14. Elles ont été évaluées à 6 sur 7 par l'expert judiciaire. Le tribunal administratif de Caen, se fondant par erreur sur un niveau de souffrances de 5,5 sur 7, a accordé à Mme F...une somme de 16 150 euros au titre de ce chef de préjudice. Il en sera fait une plus juste appréciation en portant cette somme à 20 000 euros, après application du taux de perte de chance.

Quant au préjudice esthétique temporaire

15. Mme F...a subi un important préjudice esthétique, évalué à 5 sur 7 par l'expert judiciaire, lié en particulier à la nécessité de supporter une iléostomie pendant 87 jours et une néphrostomie pendant 133 jours. Ce préjudice sera plus justement réparé en portant l'indemnité allouée en première instance de 3 500 euros à 5 000 euros, après application du taux de perte de chance.

Quant au déficit fonctionnel permanent

16. Il a été évalué à 27% par l'expert judiciaire. Les premiers juges ont insuffisamment évalué ce chef de préjudice en condamnant le CHU à verser à Mme F...la somme de 40 800 euros. Il y lieu de porter cette somme à 44 000 euros, après application du taux de perte de chance.

Quant au préjudice esthétique permanent

17. Mme F...a subi un préjudice esthétique permanent évalué à 1 sur 7 par l'expert judiciaire. La somme de 1 530 euros allouée en première instance pourra être confirmée.

Quant au préjudice sexuel

18. L'expert judicaire a retenu l'existence d'un préjudice sexuel qui sera, comme en première instance, justement indemnisé en accordant à Mme F...une somme de 2 000 euros.

Quant au préjudice d'impréparation :

19. Indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée.

20. Il résulte de l'instruction que Mme F...n'a pas pu se préparer aux conséquences du dommage qu'elle a subi, en particulier à l'obligation de supporter une iléostomie de dérivation et une néphrostomie, et qu'elle a donc subi un préjudice moral qui peut être justement évalué à la somme de 3 000 euros, dont la réparation incombe dans sa totalité au CHU de Caen. Il y a lieu de réformer le jugement attaqué sur ce point, qui a limité à 1 500 euros l'indemnisation de MmeF....

Quant aux préjudices d'établissement et au préjudice d'agrément

21. Les sommes de 2 550 euros et 3 400 euros accordées en première instance ne sont pas contestées par les parties. Il y a donc lieu de les confirmer en appel.

Sur les préjudices de M. B...et Mme I...F... :

22. Il résulte de l'instruction que M. B...F..., père et médecin traitant de Mme G...F..., a assisté celle-ci lors des différentes réunions d'expertise. Il sera fait une plus juste appréciation des frais qu'il a exposés à cette occasion en portant à 3 000 euros l'indemnité de 1 000 euros qui lui a été allouée par les premiers juges.

23. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Caen, il résulte de l'instruction et n'est pas sérieusement contesté que M. et Mme F...ont apporté à leur fille un appui moral et matériel important pendant ses périodes d'hospitalisation et de convalescence et lors des opérations d'expertise. Leur préjudice moral est donc établi et sera justement réparé en leur allouant à chacun une indemnité de 2 000 euros tenant compte du taux de perte de chance de 85%.

24. Il résulte de ce qui précède que Mme G...F...et autres sont seulement fondés à demander que les indemnités accordées en première instance à Mme G...F...et à M. B...F...soient respectivement portées à 99 898,99 euros et à 5 000 euros et que Mme I...F...perçoive une somme de 2 000 euros.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

25. Mme G...F...et autres ont droit aux intérêts au taux légal sur les sommes mentionnées au point précédent à compter du 11 mars 2016, date de réception de leur demande indemnitaire par le CHU de Caen. La capitalisation des intérêts a été demandée le 9 mai 2016. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 11 mars 2017, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les droits de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants - agence Auvergne :

26. La caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants - agence Auvergne produit pour la première fois en appel une attestation d'imputabilité signée par un médecin-conseil. Toutefois, cette attestation et le tableau récapitulatif de dépenses qui y est joint ne permettent pas davantage qu'en première instance d'imputer les frais médicaux et pharmaceutiques, dont il est indiqué sans plus de précision qu'ils ont été exposés du 29 décembre 2009 au 30 octobre 2011, aux seuls soins rendus nécessaires par les fautes commises par le CHU de Caen. En revanche, les frais d'hospitalisation, dans la mesure où ils correspondent au traitement des dommages subis par MmeF..., pourront être indemnisés à hauteur de 54 520,70 euros après application du taux de perte de chance de 85%. Il en va de même des indemnités journalières servies à Mme F...entre le 19 janvier 2010, date à laquelle celle-ci aurait, selon les premiers experts, pu reprendre une activité professionnelle en l'absence de complications, et le 30 octobre 2011, pour un total de 9 431 euros tenant compte du taux de perte de chance de 85 %. Par suite, le CHU de Caen doit être condamné à verser à la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants - agence Auvergne la somme totale de 63 951,70 euros.

27. La caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants - agence Auvergne a droit à l'indemnité forfaitaire régie par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale pour le montant de 1 080 euros auquel elle a été fixée par l'arrêté du 27 décembre 2018 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale.

28. Il résulte de ce qui précède que la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants est fondée, dans la mesure indiquée aux points 26 et 27, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les droits de la CPAM du Calvados :

29. La CPAM du Calvados a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 4 445,99 euros que le tribunal administratif de Caen lui a allouée, qui n'est pas contestée en appel, à compter du 18 mai 2017, date de l'enregistrement de sa demande par le greffe du tribunal administratif de Caen.

30. La somme de 1 055 euros que le tribunal administratif de Rennes a condamné le CHU de Caen à verser à la CPAM du Calvados au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale doit être portée à 1 080 euros en application de l'arrêté du 27 décembre 2018 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale.

Sur les frais d'instance :

31. Il y a lieu de laisser à la charge du CHU de Caen les frais de l'expertise liquidés et taxés à la somme de 4 478,87 euros par une ordonnance du 9 octobre 2015 du président du tribunal administratif de Caen.

32. Il y a lieu de mettre à la charge du CHU de Caen une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme G...F...et autres et non compris dans les dépens, ainsi que la somme de 1 000 euros demandée au même titre par la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants - agence Auvergne. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y lieu de rejeter la demande présentée par la CPAM du Calvados ainsi que les conclusions de Mme G...F...et autres tendant à ce que la somme qui leur a été accordée en première instance soit majorée.

DÉCIDE :

Article 1er : Les sommes de 84 520,45 euros et 1 000 euros que le tribunal administratif de Caen a condamné le CHU de Caen à verser respectivement à Mme G...F...et à M. B... F...sont portées à 99 898,99 euros et 5 000 euros.

Article 2 : Le CHU de Caen est condamné à verser à Mme I...F...la somme de 2 000 euros.

Article 3 : Les sommes que le CHU de Caen est condamné à verser selon les articles 1er et 2 porteront intérêt au taux légal à compter à compter du 11 mars 2016. Les intérêts échus le 11 mars 2017 seront capitalisés à cette date puis à chaque échéance annuelle ultérieure pour produire eux-mêmes des intérêts.

Article 4 : Le CHU de Caen est condamné à verser à la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants - agence Auvergne la somme de 63 951,70 euros.

Article 5 : La somme de 4 445,99 euros que le tribunal administratif de Caen a condamné le CHU de Caen à verser à la CPAM du Calvados portera intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2017.

Article 6 : L'indemnité forfaitaire de 1 055 euros que le tribunal administratif de Caen a condamné le CHU de Caen à verser à la CPAM du Calvados est portée à 1 080 euros.

Article 7 : Le CHU versera à la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants - agence Auvergne la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 8 : Le jugement n°1600952 du tribunal administratif de Caen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 9 : Le surplus des conclusions des requêtes de Mme G...F...et autres et de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants - agence Auvergne est rejeté, ainsi que les conclusions de la CPAM du Calvados tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 10 : Les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 4 478,87 euros, sont mis à la charge définitive du CHU de Caen.

Article 11 : Le CHU de Caen versera à Mme G...F...et autres la somme de 1 500 euros et à la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants - agence Auvergne la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 12 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants - agence Auvergne, au CHU de Caen, à la CPAM du Calvados, à Mme G...F..., à M.B... F... et à Mme I...F....

Délibéré après l'audience du 6 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur

- M. Berthon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 juin 2019.

Le rapporteur,

E. BerthonLe président,

I. Perrot

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT02469, 17NT02493


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT02469
Date de la décision : 21/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : HERVE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-06-21;17nt02469 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award