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31/01/2019 | FRANCE | N°17NT01204

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 31 janvier 2019, 17NT01204


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société V. Mané et Fils a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2014 et des cotisations foncières des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 à 2014 à raison de l'établissement qu'elle exploite à Quéven.

Par un jugement n° 1400359-1400967-1501969-1501951-1504774-1602123 du 8 février 2017, le tribunal admi

nistratif de Rennes a donné acte du désistement des conclusions tendant au versement des int...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société V. Mané et Fils a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2014 et des cotisations foncières des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 à 2014 à raison de l'établissement qu'elle exploite à Quéven.

Par un jugement n° 1400359-1400967-1501969-1501951-1504774-1602123 du 8 février 2017, le tribunal administratif de Rennes a donné acte du désistement des conclusions tendant au versement des intérêts moratoires (article 1er), dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à concurrence de 156 974 euros, 43 340 euros, 39 771 euros, 40 954 euros et 22 221 euros en ce qui concerne les cotisations de taxe foncière des années 2010 à 2014 et à concurrence de 30 893 euros, 31 483 euros et 28 995 euros en ce qui concerne les cotisations foncières des entreprises des années 2011 à 2013 (article 2), a déchargé la société V. Mané et Fils de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties de l'année 2014 correspondant à une réduction de la base d'imposition de 67 575 euros (article 3), a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros à la société V. Mané et Fils sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 4) et a rejeté le surplus des conclusions des requêtes (article 5).

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 14 avril 2017 et 4 avril 2018, la société V. Mané et Fils, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties à hauteur de 51 165 euros au titre des années 2008 à 2010, 26 903 euros au titre de l'année 2011, 31 739 euros au titre de l'année 2012, 31 385 euros au titre de l'année 2013 et 33 021 euros au titre de l'année 2014 ainsi que la décharge des cotisations foncières des entreprises à hauteur de 10 078 euros au titre de l'année 2011, 10 449 euros au titre de l'année 2012, 14 065 euros au titre de l'année 2013 et 23 831 euros au titre de l'année 2014.

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est fondée à faire appel de ce qu'a jugé le tribunal administratif en matière de taxe foncière de l'année 2010 ;

- en procédant à un examen critique des extraits des comptes 211, 212 et 213 qu'elle a fournis lors de la phase contentieuse, l'administration fiscale a mis en oeuvre une vérification de comptabilité en dehors des formes procédurales légales et l'a privée des garanties applicables ;

- en opérant de nouveau un examen critique de données comptables ayant déjà fait l'objet d'une vérification de comptabilité antérieure, l'administration fiscale a enfreint l'interdiction qui lui est faite de renouveler ce type de contrôle ;

- l'administration fiscale ne peut effectuer sur le fondement de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales une compensation entre des dégrèvements reconnus justifiés et des insuffisances constatées au cours d'opérations de contrôle diligentées postérieurement à la présentation de sa réclamation ;

- la valeur de toutes les constructions additionnelles et des aménagements inclus dans le crédit-bail qu'elle a comptabilisés doit être exclue des bases imposables à la taxe foncière ;

- la valeur locative des années 2009 et 2010 ne pouvait être rectifiée que par l'émission de rôles supplémentaires et le délai pour procéder à ces rectifications était expiré compte tenu de la découverte de la prétendue insuffisance en 2008 ;

- les modalités de calcul de l'imposition complémentaire résultant du rôle particulier sont erronées dans la mesure où l'administration n'a pas pris en compte le taux de l'année 2008 ;

- dès lors que le redevable légal de l'imposition est le propriétaire du sol et donc des constructions additionnelles comme des agencements qu'elle a commandés, la valeur locative des constructions additionnelles, aménagements et agencements doit être ôtée de la base imposable ;

- l'instruction administrative 6 C-421 n°16 devenue BOI-IF-TFB-10-20-10 n°150 ainsi que la réponse Zimmermann du 1er février 2011 confirment que, s'agissant de constructions louées en dehors d'un bail à construction ou d'un bail emphytéotique, le principe est que la taxe foncière est nécessairement établie au nom du propriétaire bailleur, lequel est réputé être propriétaire des constructions élevées par le locataire dès l'origine, dès lors que ce dernier est tenu de les lui abandonner à l'expiration de la location, sans indemnité ; l'instruction administrative 6 C-421 n°18 devenue BOI-IF-TFB-10-20-10 n°170 et n°190 précise que le propriétaire du sol est redevable de la taxe foncière sur les propriétés bâties afférentes aux constructions qui y sont édifiées même à son insu ;

- à supposer qu'une compensation puisse être opérée, ne peut être pris en compte l'ensemble des immobilisations comptabilisées au poste 213 dès lors qu'une partie d'entre elles constitue des outillages ou autres moyens matériels d'exploitation exonérés sur le fondement des dispositions du 11° de l'article 1382 du code général des impôts et de l'instruction administrative BOI-IF-TFB-10-50-30 n°160.

Par un mémoire, enregistré le 2 novembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- dès lors que le tribunal administratif de Rennes n'a pas statué sur la cotisation foncière des entreprises au titre de l'année 2010, le jugement, en tant qu'il a statué sur les impositions relatives à la taxe foncière sur les propriétés bâties des années 2008 à 2010, n'est pas susceptible d'appel ;

- les moyens présentés ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 6 avril 2018 par ordonnance du 13 mars 2018.

Un mémoire, présenté pour la société V. Mané et Fils, a été enregistré le 8 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Malingue,

- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public,

- les observations de MeA..., substituant MeB..., représentant la société V. Mané et Fils.

Considérant ce qui suit :

1. La société V. Mané et Fils, qui exerce une activité de fabrication d'arômes et était crédit-preneur d'un établissement situé rue Einstein à Queven avant d'en devenir propriétaire à la suite de la levée d'option intervenue le 21 décembre 2012, relève appel du jugement du 8 février 2017 en tant que le tribunal administratif de Rennes a rejeté partiellement ses demandes tendant à la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2014, et des cotisations foncières des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 à 2014.

Sur la compétence de la cour :

2. Il résulte des dispositions du 5° de l'article R. 222-13 du code de justice administrative et de l'article R. 811-1 du même code que si le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort sur les litiges concernant la taxe foncière, les jugements relatifs à cette taxe peuvent toutefois faire l'objet d'un appel devant la cour administrative d'appel lorsque le premier juge a statué par un seul jugement, d'une part, sur des conclusions relatives à la taxe foncière, d'autre part, sur des conclusions relatives à la cotisation foncière des entreprises à la demande du même contribuable, et que ces impositions reposent, en tout ou partie, sur la valeur des mêmes biens appréciée la même année.

3. Le tribunal administratif de Rennes a, par son jugement du 8 février 2017, statué sur les conclusions de la société requérante relatives aux cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2014 et celles relatives aux cotisations foncières des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 à 2014 à raison de l'établissement qu'elle exploite à Quéven. Il résulte de l'instruction que le rôle particulier émis au titre de l'année 2010, qui vise à compenser les insuffisances des bases d'imposition au titre des années 2008 à 2010, a été établi en taxant une base de 492 755 euros déterminée par la multiplication par trois de la différence entre la base avant redressement de 30 111 euros et la base après redressement de 194 356 euros, sans que soit portée une appréciation de la valeur des biens au titre de l'année 2008. Dès lors, l'absence de litige portant sur la cotisation foncière des entreprises au titre de l'année 2010 ne fait pas obstacle, dans la mesure où était contestée l'imposition due au titre de la cotisation foncière des entreprises de l'année 2012, à ce que la cour statue sur les conclusions portant sur les impositions recouvrées par le rôle particulier. L'exception d'incompétence opposée par le ministre de l'action et des comptes publics en défense doit donc être écartée.

4. En revanche, dès lors que le tribunal n'a pas statué, par ce même jugement, sur des conclusions relatives aux cotisations foncières des entreprises des années 2015 et 2016, la cour n'est pas compétente pour statuer sur les conclusions relatives aux cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties des années 2013 et 2014. Il y a, dès lors, lieu, en application des dispositions de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, de renvoyer ces conclusions au Conseil d'Etat.

Sur la qualité de redevable de l'imposition due au titre des constructions additionnelles :

5. La société V. Mané et Fils soutient qu'elle n'est pas redevable de l'imposition due au titre des constructions additionnelles réalisées en 2002 sur l'établissement de Queven qu'elle a commandées, financées et immobilisées dans sa comptabilité en compte 213 dès lors que le redevable légal de cette imposition est le propriétaire du sol, soit le crédit-bailleur.

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

6. Aux termes du I de l'article 1400 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions des articles 1403 et 1404, toute propriété bâtie ou non bâtie doit être imposée au nom du propriétaire actuel (...) ". Aux termes de l'article 555 du code civil : " Lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l'alinéa 4, soit d'en conserver la propriété, soit d'obliger le tiers à les enlever (...) ". En application de ces dispositions, l'accession à la propriété des biens construits par un tiers sur le terrain que lui loue son propriétaire ne peut avoir lieu qu'à l'expiration du bail conclu avec ce tiers, sauf stipulations contraires.

7. En vertu de l'article 10 D de l'avenant au crédit-bail du 13 décembre 2000 conclu entre la société Batiroc devenue Oseo et la société requérante, les constructions réalisées par le crédit-preneur seront réputées être sa propriété pendant la durée du crédit-bail et deviendront de plein droit, sans indemnité, par accession, la propriété du crédit-bailleur à l'expiration normale du contrat si le crédit-preneur ne lève pas l'option qui lui est consentie ou en cas de résiliation anticipée du contrat. Ces stipulations, qui attribuent clairement la propriété des constructions additionnelles en litige à la société V. Mané et Fils pendant la durée du crédit-bail, ne sont pas contraires au principe rappelé au point précédent aux termes duquel l'accession à la propriété des biens construits par le crédit-bailleur ne peut avoir lieu qu'à l'expiration du bail. Par conséquent, en sa qualité de propriétaire des constructions additionnelles tant en application des dispositions du code civil que de ces stipulations contractuelles, la société V. Mané et Fils est redevable des impositions dues à ce titre pendant la durée du crédit-bail.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

8. En premier lieu, l'instruction administrative 6 C-421 n°16 devenue BOI-IF-TFB-10-20-10 n°150 prévoit que si la construction est faite par le locataire pour remplir une obligation volontairement acceptée et si elle doit, à l'expiration du bail, être abandonnée sans indemnité au propriétaire, ce dernier en a la propriété dès son édification et doit seul être imposé à la fois pour le sol et pour l'élévation. Dès lors qu'il n'est ni établi ni même soutenu que les constructions additionnelles ont été faites par la société V. Mané et Fils pour remplir une obligation volontairement acceptée, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, de cette instruction administrative dans les prévisions de laquelle elle ne rentre pas.

9. En deuxième lieu, l'instruction 6 C-421 n° 18 devenue BOI-IF-TFB-10-20-10 n°170 prévoit que si un locataire apporte des améliorations à l'immeuble loué (ou effectue, le cas échéant, une addition de construction), celles-ci doivent être comprises dans les bases de la taxe foncière établie au nom du propriétaire, dès lors qu'aucune clause du contrat de location ne restreint le droit de ce dernier à conserver sans indemnité les améliorations à l'expiration du bail. Toutefois, dès lors qu'ainsi qu'il a été rappelé au point 7, le contrat prévoit que les constructions réalisées par la requérante sont sa propriété pendant la durée du crédit-bail, cette instruction, qui ne s'applique pas à des contrats ne comportant pas une telle clause, ne correspond pas à la situation de la société requérante qui ne peut donc s'en prévaloir.

10. En troisième lieu, l'instruction 6 C-421 n° 18 devenue BOI-IF-TFB-10-20-10 n°190 prévoit que le propriétaire du sol est le redevable légal de la taxe foncière sur les propriétés bâties afférente aux constructions qui y ont été édifiées à son insu. Dès lors qu'il n'est ni établi ni même soutenu que les constructions additionnelles ont été édifiées à l'insu du crédit-bailleur, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, de cette instruction administrative dans les prévisions de laquelle elle ne rentre pas.

11. En dernier lieu, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir de la réponse ministérielle n° 93596 du 1er février 2011 qui concerne le régime fiscal applicable aux habitations légères de loisirs.

Sur la régularité de la procédure d'émission d'un rôle particulier au titre de l'année 2010 :

12. L'article 1508 du code général des impôts dans sa rédaction applicable dispose que : " Les rectifications pour insuffisances d'évaluation résultant du défaut ou de l'inexactitude des déclarations des propriétés bâties prévues aux articles 1406 et 1502, font l'objet de rôles particuliers jusqu'à ce que les bases rectifiées soient prises en compte dans les rôles généraux. / Les cotisations afférentes à ces rehaussements sont calculées d'après les taux en vigueur pour l'année en cours. Sans pouvoir être plus que quadruplées, elles sont multipliées : / Soit par le nombre d'années écoulées depuis la première application des résultats de la révision, / Soit par le nombre d'années écoulées depuis le 1er janvier de l'année suivant celle de l'acquisition ou du changement, s'il s'agit d'un immeuble acquis ou ayant fait l'objet de l'un des changements visés à l'article 1517 depuis la première application des résultats de la révision. ". L'article 1406 du même code, dans sa rédaction applicable, dispose que : " I. - Les constructions nouvelles, ainsi que les changements de consistance ou d'affectation des propriétés bâties et non bâties, sont portés par les propriétaires à la connaissance de l'administration, dans les quatre-vingt-dix jours de leur réalisation définitive et selon les modalités fixées par décret. (...) ".

13. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 11 du présent arrêt que la société V. Mané et Fils était propriétaire des constructions additionnelles en cause. Par conséquent, contrairement à ce qu'elle soutient, elle était tenue à l'obligation déclarative prévue à l'article 1406 du code général des impôts. L'absence de déclaration ayant engendré une insuffisance d'évaluation des bases imposables, l'administration fiscale était fondée à mettre en application les dispositions de l'article 1508 du code général des impôts et à recourir à la procédure d'émission d'un rôle particulier jusqu'à ce que les bases rectifiées soient prises en compte dans les rôles généraux.

14. La société requérante n'est pas fondée à soutenir que cette possibilité était limitée à l'année 2008 dès lors que l'insuffisance d'évaluation résultant du défaut de déclaration était réitérée chaque année sur l'ensemble de la période, notamment en 2010, année au titre de laquelle des rectifications ont été mises en oeuvre par voie de rôle particulier.

15. En troisième lieu, l'article L. 175 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable prévoit que : " En ce qui concerne la taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe d'habitation et les taxes annexes établies sur les mêmes bases, les omissions ou les insuffisances d'imposition peuvent être réparées à toute époque lorsqu'elles résultent du défaut ou de l'inexactitude des déclarations des propriétés bâties mentionnées aux articles 1406 et 1502 du code général des impôts. ". Il résulte de ces dispositions combinées avec celles citées au point 12 que les omissions ou insuffisances d'imposition peuvent être réparées à tout moment et les cotisations rehaussées dans les limites prévues à l'article 1508 du code général des impôts, sans que puissent être utilement opposées les dispositions de l'article L. 173 du livre des procédures fiscales limitant le droit de reprise de l'administration fiscale à la fin de l'année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir de la prescription prévue par les dispositions de l'article L. 173 du livre des procédures fiscales pour soutenir que le délai pour procéder à des rectifications résultant des omissions déclaratives des années 2008 et 2009 était expiré.

16. En dernier lieu, dès lors que les dispositions de l'article 1508 du code général des impôts prévoient clairement que les cotisations sont calculées d'après les taux en vigueur pour l'année en cours, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les modalités de calcul du rôle particulier émis au titre de l'année 2010 sont erronées, faute de ne pas avoir pris en compte le taux en vigueur en 2008.

Sur la compensation :

17. En s'appuyant sur une liste d'immobilisations produites pour la première fois devant le tribunal administratif de Rennes, l'administration fiscale a procédé à des compensations entre les dégrèvements qu'elle accordait sur certaines impositions et les omissions constatées à l'occasion de l'examen de cette liste. La société requérante conteste le principe même de cette compensation ainsi que ses modalités de mise en oeuvre.

18. D'une part, l'article L. 203 du livre des procédures fiscales dispose que : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande ". Il résulte de ces dispositions que l'administration est fondée à invoquer des insuffisances ou omissions de toute nature pendant l'instruction de la demande laquelle doit s'entendre comme prenant effet au plus tôt à compter de l'examen de la réclamation du contribuable par l'administration et se poursuivant pendant toute la durée du contentieux devant le juge administratif statuant au fond sur le litige. Par conséquent, contrairement à ce que soutient la requérante, l'administration fiscale était fondée, sans que la prescription puisse lui être utilement opposée, à effectuer des compensations devant le tribunal administratif.

19. D'autre part, l'exploitation de la liste des immobilisations produites par la société V. Mané et Fils n'a impliqué aucun examen critique de la comptabilité de la société. L'administration fiscale s'étant bornée à faire usage du droit de contrôle sur pièces que lui confère l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration fiscale a, en procédant à l'examen de cette liste, mis en oeuvre une vérification de comptabilité en la privant des garanties attachées à ce type de contrôle et enfreint l'interdiction qui lui est faite de renouveler la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité.

Sur l'exonération des biens et équipements spécialisés :

20. Pour bénéficier de l'exonération prévue par le 11° de l'article 1382 du code général des impôts, les outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels doivent, d'une part, participer directement à l'activité industrielle de l'établissement, d'autre part, être dissociables des immeubles et ne pas faire corps avec eux.

21. En l'absence de production de tout élément justifiant de leur participation directe à l'activité industrielle de l'établissement et de leur caractère dissociable des immeubles, il ne résulte pas de l'instruction que peuvent être exonérés sur le fondement du 11° de l'article 1382 du code général des impôts les éléments dénommés " travaux coupe-feu des tremies ", " réalisation rétention en béton ", " centrale + capteurs détect.gaz ", " projecteur tout atomiseur ", " alimentation broyeur ", " complt detection gaz chauffer ", " chassis de reception palettes ", " mise conformite eclairages ", " mise conformite exutoire fumee ", " travaux modification delta jet ", " passerelle d'acces cuve ", " amenag.ligne indust/couverture ", " amenag.ligne indusc-e electri ", " amenag.ligne indusc-e ventila ", " rampe d'acces en tole acier ", " pose d'un oculus ", " passerelle tube inox 2000x1200 ", " centrale gemini def ", " modif.eclairage extrudeur rdc ", " gaine extract melandeur lodige ", " gaine extraction melangeur wam ", " kit agri jupiter FR-9200-1208 ", " amenagements poste broyage ", " remplact 3 TC poste livraison ", " passerelle d'acces inox 304L ", " mise en confo local autoclave ", " alimentation etuve de sechage ", " portail entree magas.1240x700 ", " complt amenag poste broyage ", " plafond suspendu labo hplc ", " tourelle extraction moyen liquide ", " empierrement sole pour pose local algeco ", " detection incendie algeco ", " ligne electrique supplementaire pour algeco ", " plinthe spéciale en inox atelier moyen liquides ", " plinthe speciale en inox atelier prepa pdr " et " climatiseur daikin type FTX35 local info ".

22. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté les demandes sur lesquelles il est statué par le présent arrêt. Ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Les conclusions de la société V. Mané et Fils tendant à la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014 dans les rôles de la commune de Quéven sont renvoyées au Conseil d'Etat.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société V. Mané et Fils est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société V. Mané et Fils et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 janvier 2019.

Le rapporteur,

F. MalingueLe président,

F. Bataille

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°17NT01204

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01204
Date de la décision : 31/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : SCP POMMIER COHEN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-01-31;17nt01204 ?
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