Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs techniques et spécialisés du département du Loiret (SPP-PATS 45), représenté par son président en exercice, a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la délibération n° 2014-A19-217 du 17 mars 2014 prise par le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Loiret et portant règlement intérieur relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels.
Par un jugement n° 1402171 du 22 novembre 2016, le tribunal administratif d'Orléans a, d'une part, dans son article 1er annulé le règlement intérieur annexé à la délibération n° 2014-A19-217 du 17 mars 2014 en tant qu'il opère une comptabilisation des arrêts de travail, maladie et accident de travail à hauteur de 4,87 heures de travail effectif au-delà du quatrième jour d'arrêt maladie et, d'autre part, dans son article 2 rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée et régularisée les 26 et 31 janvier et un mémoire enregistré le 22 juin 2018 le syndicat autonome SPP-PATS 45, représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 22 novembre 2016 ;
2°) d'annuler dans son intégralité la délibération n° 2014-A19-217 du 17 mars 2014 du conseil d'administration du SDIS du Loiret modifiant le règlement intérieur en ce qui concerne le temps de travail des les sapeurs-pompiers professionnels ;
3°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours du Loiret la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu à la critique relative au dépassement des limites semestrielles du temps de travail effectif en raison des 54 astreintes de 12 heures exigés des sapeurs-pompiers logés en caserne ;
- la délibération du 17 mars 2014 ne se limite pas à rejeter le recours gracieux que le syndicat avait formé contre la précédente délibération du 2 décembre 2013 mais adopte de nouvelles dispositions ; elle est irrégulière car elle n'a pas été soumise à l'avis du comité technique paritaire ;
- cette délibération méconnaît l'article 17 de la directive 2003/88/CE ; le dispositif de temps de travail qu'elle adopte est dérogatoire aux articles 3, 4, 5 et 8 de cette directive ; l'institution d'un repos d'une durée égale après chaque période de garde de 12 ou 24 heures ne constitue pas les repos compensateurs devant être accordés ; s'agissant des agents logés eu égard à leurs périodes de garde et d'astreinte, ces temps de repos " prétendument " compensateurs ne sont pas applicables de manière effective en respectant la limite de 1 128 h de garde par semestre ;
- le cumul des gardes et des astreintes conduit à un repos compensateur insuffisant même s'il est d'une durée égale aux périodes de travail concernées ; les objectifs de sécurité prévus à l'article 17 de la directive sont méconnus ; il faudrait des repos compensateurs au titre de chaque dérogation à la directive ; une période de garde de 24 heures exige une période de repos compensateur de 48 heures ;
- la délibération méconnaît également les articles 6 et 17 de la directive 2003/88/CE relatifs à la durée maximale de travail ; s'agissant des sapeurs pompiers bénéficiant d'un logement pour nécessité de service, il est prévu l'obligation de réaliser, en sus du temps de travail applicable, 54 astreintes de 12 heures, exigence qui méconnaît les objectifs de la directive qui fixe à 1 128 heures par semestre le temps de travail maximum pouvant être exigé d'un agent ; tout heure d'astreinte effectuée par un agent doit donc être comptabilisée dans son intégralité comme un temps de travail au sens de la directive ; le total des gardes, heures de formation, journées au titre de la solidarité et des astreintes, soit 2 696 heures, dépasse de beaucoup les 2 256 heures annuelles maximales fixées par la directive ;
- la délibération méconnaît également le droit national ; les périodes d'astreinte sont en réalité des périodes de permanence où l'agent même à son domicile - lequel se confond avec le lieu de travail - est à la disposition immédiate, permanente de l'employeur et dans une situation de sollicitation permanente.
- s'agissant des autres moyens présentés devant le tribunal et écartés, il est expressément renvoyé aux écritures de première instance.
Par des mémoire enregistrés les 4 juillet 2017 et 20 juillet 2018 le service départemental d'incendie et de secours du Loiret, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge du syndicat autonome SPP-PATS 45 la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la requête est irrecevable faute qu'il soit justifié que le président en exercice du syndicat autonome SPP-PATS 45 tient des statuts ou d'une décision du bureau qualité pour le représenter en justice ;
- les moyens soulevés par le syndicat autonome SPP-PATS du SDIS du Loiret ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.
- le code général des collectivités locales ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code du travail ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- le décret n°2001-1382 du 31 décembre modifié, relatif au temps de travail des sapeurs pompiers professionnels ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 21 février 2018, Ville de Nivelles c/ Rudy Matzak (affaire C-518/15) ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
- les observations de MeC..., représentant le syndicat autonome SPP-PATS 45, et de MeB..., substituant MeA..., représentant le service départemental d'incendie et de secours du Loiret.
Une note en délibéré présentée pour le service départemental d'incendie et de secours du Loiret a été enregistrée le 8 octobre 2018.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération n° 2013-C12 du 2 décembre 2013, le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Loiret a, après avis de la commission administrative et technique du 18 novembre 2013 et du comité technique paritaire du 25 novembre 2013, approuvé le nouveau règlement intérieur relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels. Par un courrier du 30 janvier 2014 adressé au président du SDIS et reçu le 3 février 2014, le syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs techniques et spécialisés du département du Loiret (ci-après syndicat autonome SPP-PATS 45) a formé un recours gracieux contre cette délibération. Le 31 mars 2014, le président du conseil d'administration du SDIS du Loiret a répondu à ce recours en communiquant au syndicat la délibération n°2014-A19-2 du 17 mars 2014 relative au temps de travail des sapeurs pompiers professionnels ainsi que l'arrêté n°622 du 28 mars 2014 relatif au règlement intérieur du SDIS et son annexe. Le syndicat autonome SPP-PATS 45 a, le 30 mai 2014, saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à l'annulation de la délibération du 17 mars 2014.
2. Par un jugement du 22 novembre 2016, le tribunal administratif d'Orléans a, d'une part, dans son article 1er annulé le règlement intérieur annexé à la délibération n° 2014-A19-217 du 17 mars 2014 en tant qu'il opérait une comptabilisation des arrêts de travail, maladie et accident de travail à hauteur de 4,87 heures de travail effectif au-delà du quatrième jour d'arrêt maladie et, d'autre part, dans son article 2 rejeté le surplus de la demande dont il était saisi. Le syndicat autonome SPP-PATS 45 relève appel de ce jugement et demande à la cour d'en annuler l'article 2 ainsi que, dans son intégralité, la délibération du 17 mars 2014.
Sur la recevabilité de la requête :
3. Aux termes de l'article 15 des statuts du syndicat autonome SPP-PATS 45 versés aux débats de première instance : " Le président départemental représente, administre, dirige le syndicat. (...) Il applique les décisions du bureau départemental et de l'assemblée générale. / Pour l'exercice de la personnalité civile, le syndicat est représenté dans tous les actes de la vie juridique par le président départemental. / Le président départemental peut ester en justice. Il en informe le bureau départemental. ". Il résulte clairement de ces dispositions que le président en exercice du syndicat tient des statuts qualité pour le représenter en justice. Il s'ensuit que, contrairement à ce que fait valoir le SDIS du Loiret, la requête du syndicat autonome SPP-PATS 45, représenté par M. Christophe Mauger, président en exercice, est recevable.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Contrairement à ce que soutient le syndicat autonome SPP-PATS 45 en appel, le tribunal a répondu dans ses points 3 et 8 du jugement attaqué au moyen tiré de ce que la durée maximale imposée aux agents postés logés par la délibération litigieuse du 17 mars 2014 méconnaîtrait les articles 6 et 17 de la directive 2003/88/CE relatifs à la durée maximale de travail.
Sur la légalité de la délibération du 17 mars 2014 :
5. En premier lieu, il ressort de l'analyse comparée des termes des délibérations des 2 décembre 2013 et 17 mars 2014 mentionnées au point 1 que la délibération contestée du 17 mars 2014 se borne, malgré la formulation de son article 3 qui indique qu'il s'agit " d'approuver la modification du règlement intérieur du SDIS ", à rejeter le recours administratif formé par le syndicat contre la précédente délibération du 2 décembre 2013 arrêtant le règlement intérieur du SDIS du Loiret. Cette délibération a été précédée de la consultation du comité technique paritaire. Par suite, le moyen tenant à l'absence de consultation du comité technique paritaire doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail : " Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie au cours de chaque période de vingt-quatre heures d'une période minimale de repos de onze heure consécutives ". Son article 8 précise : " Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que : / a) le temps de travail normal des travailleurs de nuit ne dépasse pas huit heures en moyenne par période de vingt-quatre heures (...) ". Toutefois, l'article 17§3 de la même directive prévoit qu'il peut être dérogé à cette disposition, notamment " c) pour les activités caractérisées par la nécessité d'assurer la continuité du service ou de la production, notamment lorsqu'il s'agit : (...) iii) des services (...) de sapeurs-pompiers ou de protection civile ", le §2 du même article subordonnant cependant cette dérogation à "la condition que des périodes équivalentes de repos compensateur soient accordées aux travailleurs concernés ou que, dans des cas exceptionnels dans lesquels l'octroi de telles périodes équivalentes de repos compensateurs n'est pas possible pour des raisons objectives, une protection appropriée soit accordée aux travailleurs concernés ".
7. La délibération approuvée le 17 mars 2014 par le conseil d'administration du SDIS du Loiret prévoit " qu'après chaque période de 12 ou 24 heures, il y a lieu de prévoir une interruption de service d'une durée au moins égale et qu'il peut être dérogé à cette règle lorsque les circonstances exceptionnelles le justifient et pour une période limitée, par décision du chef de centre ou de service et que cette exception ne saurait se justifier dans le cadre des gardes programmées ". Elle institue ainsi, conformément à l'article 17§2. de la directive communautaire du 4 novembre 2003 et contrairement à ce que persiste à soutenir le syndicat requérant en appel, des temps de repos de sécurité correspondant à des repos compensateurs d'une durée égale aux périodes de travail effectif ou réel. Le syndicat requérant, en se bornant à des affirmations péremptoires sans argumentation ni justifications, n'établit pas que le dispositif mis en place par la délibération contestée serait, en matière de repos compensateur, contraire aux dispositions applicables du droit national et du droit communautaire. Par ailleurs, on ne saurait déduire des termes de la directive invoquée qu'elle imposerait d'octroyer, comme le soutient le syndicat, des repos compensateurs d'une durée égale au titre de chaque dérogation.
8. En troisième lieu, la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, définit, au point 1. de son article 2, le temps de travail comme " toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales " et prescrit aux Etats membres de fixer des règles minimales en matière de protection des travailleurs et, notamment, en son article 6, une durée maximale hebdomadaire de travail de quarante-huit heures, dont le calcul ne peut en principe s'opérer, en vertu de son article 16, que sur une période de référence de quatre mois au maximum. Cette période peut toutefois être portée, en vertu des dispositions du point 3) c) iii) de son article 17 et des dispositions de son article 19, à six mois, soit un maximum semestriel de 1 152 heures.
9. La délibération contestée prévoit, s'agissant des sapeurs-pompiers professionnels postés bénéficiant d'un logement pour nécessité de service, l'obligation de réaliser, en sus du temps de travail applicable à tout sapeur-pompier professionnel, 54 astreintes de 12 heures (soit 648 heures). Le règlement de temps de travail qu'elle comporte en annexe précise à cet égard que " les astreintes effectuées dans ce cadre permettent de solliciter l'agent pour un départ immédiat et nécessitant une disponibilité sans délai ". L'obligation ainsi édictée pour ce qui concerne les sapeurs-pompiers professionnels postés implique nécessairement qu'ils restent physiquement présents dans leur logement en caserne et limite de manière draconienne la possibilité pour eux de se consacrer à leurs intérêts personnels et sociaux. Dans ces conditions où le sapeur pompier doit en réalité se tenir à la disposition permanente et immédiate de son employeur, toute heure d'astreinte effectuée doit être comptabilisée dans son intégralité comme temps de travail au sens de la directive précitée telle qu'interprétée par la CJUE dans son arrêt du 21 février 2018 C518 / 15 Ville de Nivelle c. Rudy Matzak (points 60 à 65) et ce, sans qu'il soit possible de recourir à aucun mécanisme de pondération. Par suite, le syndicat requérant est fondé à soutenir que le total de 63 gardes de 24 heures, 31 gardes de 12 heures, 157 heures de formation, 7 heures de travail au titre de la journée de solidarité et 54 astreintes de 12 heures, qui correspond à 2 696 heures de travail effectif, dépasse le seuil maximal de 48 heures hebdomadaires en moyenne prévu par l'article 6 de la directive et correspondant à un équivalent annuel de 2 256 heures en tenant compte de 47 semaines de travail par an pour les sapeurs-pompiers. La délibération et le règlement qui y est annexé, ainsi pris en méconnaissance des prescriptions de la directive 2003/88, sont, par conséquent, entachés d'illégalité en tant qu'ils régissent le régime des astreintes des sapeurs pompiers postés logés et doivent, dans cette mesure, être annulés.
10. Le syndicat autonome SPP-PATS 45 déclare pour le surplus, reprendre en appel les autres moyens déjà présentés par lui devant le tribunal et indique renvoyer expressément à ses écritures de première instance, sans fournir les précisions indispensables à l'appréciation de leur bien-fondé ni joindre à sa requête une copie du mémoire de première instance qui contenait ces précisions. Ce faisant, il ne met pas la cour en mesure de se prononcer sur les erreurs que les premiers juges auraient pu commettre en écartant ces moyens.
11. Il résulte de tout ce qui vient d'être dit que le syndicat autonome SPP-PATS 45 est fondé à soutenir, en tant que la délibération contestée et le règlement qui y est annexé régissent le régime des astreintes des sapeurs-pompiers professionnels postés logés, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur les frais d'instance :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge du SDIS du Loiret le versement au syndicat requérant d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°1402171 du 22 novembre 2016 du tribunal administratif d'Orléans, en tant qu'il rejette la demande du syndicat autonome SPP-PATS 45 dirigée contre la délibération n°2014-A19-2 du 17 mars 2014 et le règlement qui y est annexé en ce qu'ils régissent le régime des astreintes des sapeurs-pompiers professionnels postés logés, est annulé. La délibération n°2014-A19-2 du 17 mars 2014 et le règlement intérieur qui y est annexé sont annulés dans la même mesure.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du syndicat autonome SPP-PATS 45 est rejeté.
Article 3 : Le service départemental d'incendie et de secours du Loiret versera la somme de 1 500 euros au syndicat autonome SPP-PATS 45 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs techniques et spécialisés du département du Loiret et au service départemental d'incendie et de secours du Loiret.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- M. Berthon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 octobre 2018.
Le rapporteur,
O. CoiffetLe président,
I. Perrot
Le greffier,
M. D...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
6
N° 17NT00382