Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Supermarchés Match a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la délibération du 12 décembre 2016 par laquelle le conseil municipal de Strasbourg a approuvé le statut relatif à l'ouverture des exploitations commerciales les dimanches et jours fériés à Strasbourg et l'arrêté du 22 décembre 2016 par lequel le maire de Strasbourg a adopté ledit statut.
Par un jugement n° 1700380 du 14 juin 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, annulé l'arrêté du maire de Strasbourg du 22 décembre 2016, d'autre part, annulé la délibération du conseil municipal de Strasbourg du 12 décembre 2016 en tant qu'elle autorisait les commerces à prédominance alimentaire dont la surface de vente est comprise entre 1 000 m² et 2 000 m² hors " drive ", situés en zones franches urbaines et dans les quartiers prioritaires de la ville, à déroger à l'interdiction d'ouvrir le dimanche et certains jours fériés et, enfin, rejeté le surplus de la demande de la société.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 août 2017 et des mémoires complémentaires, enregistrés le 12 mars 2018 et le 29 mai 2018, la société Supermarchés Match, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 3 du jugement du 14 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) d'annuler l'ensemble de la délibération du 12 décembre 2016 par laquelle le conseil municipal de Strasbourg a approuvé le statut relatif à l'ouverture des exploitations commerciales les dimanches et jours fériés à Strasbourg ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Strasbourg une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la délibération a été prise par une autorité incompétente ; seul le maire était compétent pour édicter le statut relatif à l'ouverture des exploitations commerciales les dimanches et jours fériés à Strasbourg ;
- la délibération est entachée d'une erreur de droit dès lors que les modalités du repos dominical doivent être les mêmes pour toutes les exploitations commerciales ou, à tout le moins, au sein d'une même branche d'activité ; elles doivent être les mêmes pour toutes les sociétés exerçant la même activité ; le critère de la surface de vente retenu dans la délibération du 12 décembre 2016 pour fixer une dérogation pour les commerces à prédominance alimentaire dont la surface de vente est inférieure ou égale à 1 000 m² n'est pas prévu par la loi ; en tout état de cause, le seuil de 1 000 m² retenu par la délibération litigeuse n'est pas adapté et ne permet pas de caractériser une branche d'activité ;
- en prévoyant une dérogation pour les commerces à prédominance alimentaire dont la surface de vente est inférieure ou égale à 1 000 m², la ville de Strasbourg a porté atteinte au principe d'égalité pour des motifs étrangers aux objectifs de la réglementation sur le repos dominical ;
- la dérogation pour les commerces à prédominance alimentaire dont la surface de vente est inférieure ou égale à 1 000 m² génère une distorsion de concurrence et porte atteinte au principe de libre concurrence.
Par des mémoires, enregistrés le 5 janvier 2018, le 21 mars 2018, le 16 mai 2018 et le 20 juin 2018, la commune de Strasbourg, représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler l'article 2 du jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la délibération du conseil municipal de Strasbourg du 12 décembre 2016 en tant qu'elle autorisait les commerces à prédominance alimentaire dont la surface de vente est comprise entre 1 000 m² et 2 000 m² hors " drive " situés en zones franches urbaines et dans les quartiers prioritaires de la ville à déroger à l'interdiction d'ouvrir le dimanche et certains jours fériés ;
3°) de mettre à la charge de la société Supermarchés Match, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au titre des frais de justice de 1ère instance et une somme de 4 000 euros au titre de la procédure d'appel.
Elle fait valoir que :
- aucun des moyens invoqués par la société requérante n'est fondé ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que les commerces à prédominance alimentaire dont la surface de vente est comprise entre 1 000 m² et 2 000 m² hors " drive " situés en zones franches urbaines et dans les quartiers prioritaires de la ville ne constituaient pas une branche d'activité au sens de l'article L. 3134-4 du code du travail ;
- pour annuler l'article 2, le tribunal s'est fondé sur un moyen qui n'était pas invoqué par la société.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- le code du travail et notamment le chapitre IV intitulé " Dispositions particulières aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin " du titre II, du livre I, de la 3ème partie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Haudier,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de Me C...pour la société Supermarchés Match et de Me A... et Mme B...pour la commune de Strasbourg.
1. Considérant que, par une délibération du 12 décembre 2016, le conseil municipal de Strasbourg a adopté un nouveau statut relatif au repos dominical prévoyant, en son article 1er, une interdiction d'ouvrir au public les exploitations commerciales et d'y occuper des salariés les dimanches et jours fériés et, en son article 2, des dérogations pour les boucheries-charcuteries, les marchands de fleurs, les boulangeries et les boulangeries-pâtisseries ; que l'article 3 du statut prévoit, en outre, une dérogation pour les commerces à prédominance alimentaire, hors " drive ", dont la surface de vente est inférieure ou égale à 1 000 m², ainsi que pour les commerces à prédominance alimentaire, hors " drive ", dont la surface de vente est inférieure ou égale à 2 000 m² qui sont situés dans les territoires délimités par une zone franche urbaine (ZFU - territoires entrepreneurs) et dans les quartiers prioritaires de la ville (QPV) ; qu'en conséquence, ces deux catégories d'exploitations commerciales sont autorisées à ouvrir les dimanches et jours fériés le matin et au maximum jusqu'à 13 heures, pendant 4 heures au plus ; que la société Supermarchés Match, qui exploite un supermarché de plus de 2 000 m2 à Strasbourg, a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la délibération du conseil municipal de Strasbourg du 12 décembre 2016 ; que, par un jugement du 14 juin 2017, le tribunal administratif a annulé la délibération en tant qu'elle autorisait les commerces à prédominance alimentaire dont la surface de vente est comprise entre 1 000 m² et 2 000 m², hors " drive ", situés en zone franche urbaine et dans les quartiers prioritaires de la ville à déroger à l'interdiction d'ouvrir le dimanche et certains jours fériés et a rejeté le surplus des conclusions à fin d'annulation de cette délibération présentées par la société Supermarchés Match ; que la société relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à ces conclusions ; que, par la voie de l'appel incident, la commune de Strasbourg relève appel du jugement en tant qu'il a annulé une partie de la délibération litigieuse ;
Sur l'appel principal de la société Supermarchés Match :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3134-4 du chapitre IV susvisé du code du travail intitulé " Dispositions particulières aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin " : " Dans les exploitations commerciales, les salariés ne peuvent être employés le premier jour des fêtes de Noël, de Pâques ou de Pentecôte. / Les autres dimanches et jours fériés, leur travail ne peut dépasser cinq heures. / Par voie de statuts ayant force obligatoire, adoptés après consultation des employeurs et des salariés et publiés selon les formes prescrites, les départements ou communes peuvent réduire la durée du travail ou interdire complètement le travail pour toutes les exploitations commerciales ou pour certaines branches d'activité. (...) / Pendant les quatre dernières semaines précédant Noël ou pour certains dimanches et jours fériés pour lesquels les circonstances locales rendent nécessaire une activité accrue, l'autorité administrative peut porter le nombre d'heures travaillées jusqu'à dix. (...) " ;
En ce qui concerne la compétence de l'auteur de la délibération litigieuse :
3. Considérant que, contrairement à ce que soutient la société requérante, la compétence attribuée par les dispositions de l'article L. 3134-4 du code du travail aux communes et départements ne relève pas des pouvoirs de police du maire ou du président du conseil départemental ; que seul l'organe délibérant de ces collectivités est compétent pour adopter les statuts locaux prévus par ces dispositions ; que, par suite, la société Supermarchés Match n'est pas fondée à soutenir que la délibération a été prise par une autorité incompétente ;
En ce qui concerne les moyens dirigés contre la délibération en tant qu'elle prévoit une dérogation pour les commerces à prédominance alimentaire, hors " drive ", dont la surface de vente est inférieure ou égale à 1 000 m² :
4. Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions des deux premiers alinéas de l'article L. 3134-4 du code du travail que, dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, les exploitations commerciales peuvent ouvrir les dimanches et jours fériés, hormis le premier jour des fêtes de Noël, Pâques ou Pentecôte ; que si les départements ou communes peuvent, par voie de statuts ayant force obligatoire, réduire la durée du travail ou interdire complètement le travail dans les exploitations commerciales les dimanches et jours fériés, ces dérogations doivent concerner toutes les exploitations commerciales ou certaines branches d'activité dans leur ensemble ;
5. Considérant, d'autre part, que si la superficie des commerces peut constituer un critère pour déterminer l'existence d'une branche d'activité s'agissant des commerces à prédominance alimentaire, celui-ci doit être combiné avec d'autres critères tels que, notamment, la nature des produits commercialisés ou celle des activités réalisées ; qu'en outre, l'organe délibérant de la commune ou du département statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 3134-4 du code du travail ne peut définir une branche d'activité en fonction des besoins de la population de son territoire, cet élément d'appréciation ne pouvant être retenu que par le préfet lorsqu'il fait usage de son pouvoir de dérogation aux statuts locaux, en application des dispositions de l'article L. 3134-7 du même code ;
6. Considérant qu'en l'espèce, le conseil municipal de la commune de Strasbourg a prévu une dérogation à l'interdiction d'ouvrir les exploitations commerciales au public les dimanches et jours fériés pour les commerces à prédominance alimentaire, hors " drive ", dont la surface de vente est inférieure ou égale à 1 000 m² ; que la commune expose qu'elle n'a entendu accorder cette dérogation qu'aux seuls commerces de proximité " maillant " l'espace urbain, constitués des petits commerces, des supérettes et des petits supermarchés de centre-ville à prédominance alimentaire, répondant à des besoins plus immédiats de la population, à l'exclusion des grands supermarchés et hypermarchés ; que, pour justifier le choix du seuil de 1 000 m² en litige, la commune se borne à se référer à une décision de l'Autorité de la concurrence du 3 mars 2010 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur du commerce d'alimentation générale de proximité, laquelle identifie un marché pertinent d'alimentation générale de proximité incluant notamment l'ensemble des magasins de cette nature de moins de 1 000 m² ; que, compte tenu de ce qui a été dit aux points précédents et alors que la commune de Strasbourg ne peut utilement se fonder sur les besoins de la population de son territoire, cette seule référence ne permet pas d'établir que les commerces à prédominance alimentaire dont la surface de vente est inférieure à 1 000 m² constitueraient une branche d'activité au sens des dispositions de l'article L. 3134-4 du code du travail ; que, par suite, la commune de Strasbourg a fait une inexacte application de ces dispositions ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société Supermarchés Match est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de la commune de Strasbourg en tant qu'elle autorise les commerces à prédominance alimentaire, hors " drive ", dont la surface de vente est inférieure ou égale à 1 000 m² à ouvrir les dimanches et jours fériés, le matin et au maximum jusqu'à 13 heures, pendant 4 heures au plus ;
Sur l'appel incident de la ville de Strasbourg :
8. Considérant, en premier lieu, que la société Supermarchés Match soutenait, devant le tribunal administratif, qu'en distinguant des établissements selon le nombre de mètres carrés de surface de vente et leur localisation géographique et en instaurant un régime différencié au sein d'une même branche d'activité, le statut local en litige, qui prévoit des dérogations au repos dominical pour certains commerces à prédominance alimentaire, méconnaissait les dispositions de l'article L. 3134-4 du code du travail ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la commune, le tribunal administratif ne s'est pas fondé sur un moyen qui n'avait pas été invoqué par la société pour annuler partiellement la délibération litigieuse ;
9. Considérant, en second lieu et compte tenu de ce qui a été dit aux points 4 et 5, que la seule référence aux besoins de la population ne permet pas d'établir que les commerces à prédominance alimentaire dont la surface de vente est comprise entre 1 000 m² et 2 000 m², hors " drive ", situés en zones franches urbaines et dans les quartiers prioritaires de la ville constitueraient une même branche d'activité au sens des dispositions de l'article L. 3134-4 du code du travail ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Strasbourg n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la délibération de son conseil municipal en tant qu'elle autorisait les commerces à prédominance alimentaire dont la surface de vente est comprise entre 1 000 m² et 2 000 m², hors " drive ", situés en zones franches urbaines et dans les quartiers prioritaires de la ville à déroger à l'interdiction d'ouvrir le dimanche et certains jours fériés ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Supermarchés Match, qui n'est pas la partie principalement perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune de Strasbourg au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Supermarchés Match et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La délibération du conseil municipal de la commune de Strasbourg du 12 décembre 2016 est annulée en tant qu'elle autorise les commerces à prédominance alimentaire, hors " drive ", dont la surface de vente est inférieure ou égale à 1 000 m² à ouvrir les dimanches et jours fériés, le matin et au maximum jusqu'à 13 heures, pendant 4 heures au plus.
Article 2 : Le jugement n° 1700380 du 14 juin 2017 du tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La commune de Strasbourg versera à la société Supermarchés Match une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus de la requête de la société Supermarchés Match est rejeté.
Article 5 : L'appel incident et les conclusions de la commune de Strasbourg tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Supermarchés Match et à la commune de Strasbourg.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Bas-Rhin et à la ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2018 à laquelle siégeaient :
- Mme Sichler, présidente,
- M. Kolbert, président de chambre,
- M. Marino, président de chambre,
- M. Meslay, président de chambre,
- Mme Stéfanski, président assesseur,
- M. Dhers, président assesseur,
- Mme Haudier, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 19 juillet 2018.
Le rapporteur,
Signé : G. HAUDIER
La présidente,
Signé : F. SICHLER
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN
La République mande et ordonne au préfet du Bas-Rhin en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
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N° 17NC01984