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27/03/2018 | FRANCE | N°17NC01850-17NC01851

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 27 mars 2018, 17NC01850-17NC01851


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 13 novembre 2015, notifiée le 20 novembre 2015, par laquelle le maire de la commune de Florange a refusé de procéder au renouvellement de son contrat de travail, ainsi que la décision du 17 décembre 2015, notifiée le 28 décembre 2015, rejetant son recours gracieux, et de condamner la commune de Florange à lui verser la somme de 10 638,28 euros en réparation de ses préjudices.

Par un jugement n° 1603389 du 30

mai 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les décisions du 13 no...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 13 novembre 2015, notifiée le 20 novembre 2015, par laquelle le maire de la commune de Florange a refusé de procéder au renouvellement de son contrat de travail, ainsi que la décision du 17 décembre 2015, notifiée le 28 décembre 2015, rejetant son recours gracieux, et de condamner la commune de Florange à lui verser la somme de 10 638,28 euros en réparation de ses préjudices.

Par un jugement n° 1603389 du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les décisions du 13 novembre 2015 et du 17 décembre 2015, a condamné la commune de Florange à verser la somme de 1 000 euros à Mme E...en réparation de ses préjudices, a enjoint à cette commune de procéder à la reconstitution de la carrière de l'intéressée dans un délai de deux mois, et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 24 juillet 2017 sous le n° 17NC01850, la commune de Florange, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 mai 2017 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme D...E...devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de Mme E...le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Mme E...ne pouvait prétendre à la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée sur le fondement de l'article 21 de la loi du 12 mars 2012 dès lors qu'elle n'avait pas été recrutée pour occuper un emploi permanent ;

- la décision du 13 novembre 2015 a pour objet le non renouvellement du contrat de l'intéressée, lequel a fait l'objet de reconductions tacites pour une période d'un an à compter du 1er janvier de chacune des années 2013, 2014 et 2015 ;

- cette décision n'est pas soumise à l'obligation de motivation et n'avait pas à être précédée d'une communication de son dossier à l'intimée ;

- celle-ci ne bénéficiait d'aucun droit à une titularisation dans la fonction publique territoriale ;

- la décision contestée n'est entachée d'aucun détournement de procédure dès lors qu'elle est justifiée par l'intérêt du service et non par l'état de santé de MmeE... ;

- sa responsabilité n'est pas engagée en l'absence d'illégalité fautive ;

- en tout état de cause, la réalité des préjudices allégués n'est pas établie.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 décembre 2017, Mme D...E..., représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la commune de Florange au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la décision du 13 novembre 2015 doit être regardée comme une décision de licenciement ;

- cette décision n'est pas motivée et n'a pas été précédée de la communication de son dossier ;

- la commune n'établit pas qu'elle aurait été recrutée pour assurer un remplacement momentané ;

- la conclusion d'un contrat à durée indéterminée ou une titularisation aurait dû lui être proposée ;

- la commune aurait dû procéder à un licenciement pour inaptitude ;

- les fautes imputables à la commune justifient l'allocation d'une somme de 1 000 euros à titre de réparation.

II. Par une requête enregistrée le 24 juillet 2017 sous le n° 17NC01851, la commune de Florange, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 mai 2017 ;

2°) de mettre à la charge de Mme D...E...le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Florange soutient que les moyens invoqués dans la requête susvisée enregistrée sous le n° 17NC01850 sont sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet de la demande présentée par Mme E...devant le tribunal administratif.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 décembre 2017, Mme D...E..., représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la commune de Florange au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne présentent pas de caractère sérieux et ne sont pas de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me C...pour la commune de Florange.

1. Considérant que Mme E...a été recrutée par la commune de Florange en qualité d'agent d'entretien temporaire, par un contrat à durée déterminée conclu pour la période du 9 janvier au 28 février 2006 et qui a ensuite été renouvelé à plusieurs reprises ; que l'intéressée, en congé de maladie depuis le 20 novembre 2011, a été déclarée inapte aux fonctions d'agent d'entretien par un avis du médecin agréé de la commune du 30 avril 2015 ; que, par une décision du 13 novembre 2015, notifiée le 20 novembre suivant, la commune de Florange a refusé de procéder au renouvellement du contrat de Mme E...au-delà du 31 décembre 2015 ; que, par un courrier du 3 décembre 2015, la requérante a contesté la décision de non renouvellement de son contrat en sollicitant l'engagement d'une procédure de licenciement pour inaptitude ; que ce recours a été rejeté par une décision du 17 décembre 2015, notifiée le 28 décembre suivant ; que la demande présentée par Mme E...le 18 février 2016 en vue d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices a également été rejetée par une décision du 17 mai 2016 ; que, par un jugement du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Strasbourg, saisi par MmeE..., a annulé les décisions des 13 novembre et 17 décembre 2015, a enjoint à la commune de Florange de procéder à la reconstitution de la carrière de l'intéressée et a condamné ladite commune à lui verser une somme de 1 000 euros en réparation de ses préjudices ; que, par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, la commune de Florange fait appel de ce jugement et demande qu'il soit sursis à son exécution dans l'attente que la cour se prononce sur cet appel ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité des décisions du 13 novembre 2015 et du 17 décembre 2015 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 21 de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique : " A la date de publication de la présente loi, la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée est obligatoirement proposée à l'agent contractuel, employé par une collectivité territoriale ou un des établissements publics mentionnés à l'article 2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée conformément à l'article 3 de la même loi, dans sa rédaction antérieure à celle résultant de la présente loi, qui se trouve en fonction ou bénéficie d'un congé prévu par le décret pris en application de l'article 136 de ladite loi. / Le droit défini au premier alinéa du présent article est subordonné à une durée de services publics effectifs, accomplis auprès de la même collectivité ou du même établissement public, au moins égale à six années au cours des huit années précédant la publication de la présente loi (...) / Le contrat accepté par l'agent intéressé est réputé avoir été conclu à durée indéterminée à compter de la date de publication de la présente loi " ; qu'aux termes de l'article 22 de la même loi : " Le contrat proposé en application de l'article 21 de la présente loi à un agent employé sur le fondement des deux premiers alinéas de l'article 3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, dans sa rédaction antérieure à celle résultant de la présente loi, peut prévoir la modification des fonctions de l'agent, sous réserve qu'il s'agisse de fonctions du même niveau de responsabilités. L'agent qui refuse cette modification de fonctions reste régi par les stipulations du contrat en cours à la date de publication de la présente loi " ; qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction antérieure à celle résultant de la loi précitée du 12 mars 2012 : " Les collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 ne peuvent recruter des agents non titulaires pour occuper des emplois permanents que pour assurer le remplacement momentané de fonctionnaires autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel ou indisponibles en raison d'un congé de maladie, d'un congé de maternité, d'un congé parental ou d'un congé de présence parentale, ou de l'accomplissement du service civil ou national, du rappel ou du maintien sous les drapeaux, de leur participation à des activités dans le cadre de l'une des réserves mentionnées à l'article 74, ou pour faire face temporairement et pour une durée maximale d'un an à la vacance d'un emploi qui ne peut être immédiatement pourvu dans les conditions prévues par la présente loi. / Ces collectivités et établissements peuvent, en outre, recruter des agents non titulaires pour exercer des fonctions correspondant à un besoin saisonnier pour une durée maximale de six mois pendant une même période de douze mois et conclure pour une durée maximale de trois mois, renouvelable une seule fois à titre exceptionnel, des contrats pour faire face à un besoin occasionnel. / Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 du titre Ier du statut général, des emplois permanents peuvent être occupés par des agents contractuels dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; / 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient. / Toutefois, dans les communes de moins de 1 000 habitants et dans les groupements de communes dont la moyenne arithmétique des nombres d'habitants ne dépasse pas ce seuil, des contrats peuvent être conclus pour pourvoir des emplois permanents à temps non complet pour lesquels la durée de travail n'excède pas la moitié de celle des agents publics à temps complet ou pour pourvoir l'emploi de secrétaire de mairie quelle que soit la durée du temps de travail. Dans les communes de moins de 2 000 habitants et dans les groupements de communes de moins de 10 000 habitants, lorsque la création ou la suppression d'un emploi dépend de la décision d'une autorité qui s'impose à la collectivité en matière de création, de changement de périmètre ou de suppression d'un service public, la collectivité peut pourvoir à cet emploi par un agent non titulaire. / Les agents recrutés conformément aux quatrième, cinquième et sixième alinéas sont engagés par des contrats à durée déterminée, d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables, par reconduction expresse. La durée des contrats successifs ne peut excéder six ans. / Si, à l'issue de la période maximale de six ans mentionnée à l'alinéa précédent, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée (...) " ;

3. Considérant que les dispositions précitées de l'article 21 de la loi du 12 mars 2012 prévoient que la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée est obligatoirement proposée à l'agent contractuel d'une collectivité territoriale ou d'un des établissements publics relevant des communes, des départements et des régions qui est employé dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 dans sa rédaction antérieure à celle résultant de la loi du 12 mars 2012 ; que si cette obligation de transformation ne s'applique qu'aux contrats des agents qui, le 13 mars 2012, date de publication de ladite loi, se trouvent en fonction ou bénéficient d'un congé prévu par le décret pris en application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 et qui justifient d'une certaine durée de services publics effectifs accomplis auprès de la même collectivité ou du même établissement public, il résulte des termes mêmes des articles 21 et 22 de la loi du 12 mars 2012 que cette transformation doit être proposée à l'ensemble des agents recrutés conformément aux dispositions de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction antérieure à celle résultant de la loi du 12 mars 2012, que ces agents aient été recrutés pour assurer le remplacement momentané d'un fonctionnaire, pour faire face temporairement à une vacance d'emploi ou pour répondre à un besoin saisonnier ou occasionnel, dans les conditions prévues par les 1er et 2ème alinéas de l'article 3, ou pour occuper un emploi correspondant à un besoin permanent, dans les conditions prévues par les 4ème, 5ème et 6ème alinéas de ce même article ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que Mme E... a été employée de manière continue par la commune de Florange à compter du 9 janvier 2006, sous couvert de contrats à durée déterminée successifs expressément renouvelés, en dernier lieu, pour la période du 1er mars au 31 décembre 2012 ; qu'ainsi, MmeE..., qui bénéficiait à la date du 13 mars 2012 d'un congé de maladie prévu par le décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984, justifiait à la même date de six années de service auprès de la même commune au cours des huit années précédant la publication de la loi du 12 mars 2012 ; que dès lors, elle remplissait les conditions fixées par les dispositions précitées de l'article 21 de cette loi pour que la commune de Florange soit tenue, en application de ces mêmes dispositions, de lui proposer la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Florange, qui fait valoir que le contrat à durée déterminée de Mme E...a été tacitement reconduit pour une durée d'un an, le 1er janvier de chacune des années 2013, 2014 et 2015, ne pouvait mettre fin à son engagement contractuel en se bornant à refuser tout renouvellement au-delà du 31 décembre 2015 ;

En ce qui concerne l'indemnisation des préjudices de MmeE... :

6. Considérant que, contrairement à ce que soutient la commune de Florange, l'illégalité fautive des décisions des 13 novembre et 17 décembre 2015 engage sa responsabilité et ouvre à Mme E...le droit d'obtenir réparation de ses préjudices ;

7. Considérant que le non renouvellement du contrat de MmeE... , alors que l'administration était tenue de lui proposer une transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée, est à l'origine pour l'intéressée d'un préjudice professionnel et d'un préjudice moral dont les premiers juges n'ont pas fait une appréciation excessive en les évaluant à la somme totale de 1 000 euros ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Florange n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les décisions des 13 novembre et 17 décembre 2015 et l'a condamnée à indemniser les préjudices de Mme E...;

Sur les conclusions à fin de sursis :

9. Considérant que le présent arrêt statuant sur les conclusions aux fins d'annulation du jugement attaqué, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées par la commune de Florange ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeE..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont la commune de Florange demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune de Florange une somme de 1 500 euros à verser à Mme E...sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête n° 17NC01850 de la commune de Florange est rejetée.

Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 17NC01851 de la commune de Florange.

Article 3 : La commune de Florange versera à Mme E...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Florange et à Mme D... E....

2

N° 17NC01850, 17NC01851


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC01850-17NC01851
Date de la décision : 27/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-12-03 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : MERLL

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-03-27;17nc01850.17nc01851 ?
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