Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association de propriétaires chasseurs et non chasseurs de Saorge (APCNC) a demandé au tribunal administratif de Nice l'annulation de la délibération du 31 octobre 2014 par laquelle le conseil municipal de Saorge a accordé à la société de chasse de Saorge un bail de chasse sur la totalité du territoire communal pour une durée de 9 ans en tant qu'elle refuse de lui accorder le bénéfice d'un bail de chasse, d'enjoindre à la commune de réexaminer sa demande de droit de chasse sur une partie du territoire communal, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir, et de mettre à la charge de la commune de Saorge la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1405210 du 3 octobre 2017, le tribunal administratif de Nice a annulé la délibération du 31 octobre 2014.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 décembre 2017, le 1er mars 2018 et 25 avril 2018, la commune de Saorge, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 3 octobre 2017 ;
2°) de rejeter la demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'association APCNC la somme de 2000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a pas méconnu l'article 542 du code civil ;
- la délibération est justifiée par des motifs de sécurité ;
- la différence de traitement entre les deux associations est justifiée par les différences de situations et par des motifs d'intérêt général ;
- la demande de l'association est abusive.
Par un des mémoires en défense, enregistrés le 27 février 2018 et le 17 avril 2018, l'association APCNC, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit mis à la charge de la commune une somme de 5000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à ce qu'il soit enjoint à la commune de réexaminer la demande sous astreinte de 500 euros.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable, le maire ne disposant pas d'habilitation à ester ;
- l'autorité de la chose jugée impose la décision du tribunal ;
- les autres moyens soulevés par la commune de Saorge ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marcovici,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant la commune de Saorge, et de Me B..., représentant l'association de propriétaires chasseurs et non chasseurs de Saorge.
Considérant ce qui suit :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité du mémoire de la commune :
1. Par délibération du 31 octobre 2014, le conseil municipal de Saorge a décidé de résilier le précédent bail de chasse accordé à la société de chasse de Saorge et d'accorder à cette société un bail de chasse sur la totalité du territoire communal pour une durée de 9 ans étendue à la fin de la saison de chasse soit au 31 mars 2023. L'association de propriétaires chasseurs et non chasseurs de Saorge, devenue société de chasse communale de Saorge, qui avait également demandé le bénéfice d'un bail de chasse sur le territoire communal, a demandé l'annulation de cette délibération en tant qu'elle lui a refusé la conclusion d'un bail de chasse, ainsi qu'il soit enjoint à la commune de Saorge de réexaminer sa demande. La commune de Saorge relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé cette délibération.
2. Aux termes de l'article 542 du code civil : " Les biens communaux sont ceux à la propriété ou au produit desquels les habitants d'une ou plusieurs communes ont un droit acquis ". Il résulte de ces dispositions que seuls les habitants de la commune, permanents ou non, ont vocation à utiliser les biens communaux.
3. Les statuts de l'association requérante prévoient, aux termes de leur article 8, que sont membres de droit les propriétaires de la commune qui ont fait apport de leurs droits de chasse et que sont membres actifs, " tout chasseur habitant sur la commune conformément aux dispositions de l'article 542 du code civil.... ". La commune ne pouvait légalement opposer le caractère non permanent de la résidence des habitants de la commune de Saorge adhérant à l'association. Elle ne pouvait pas davantage fonder son refus de conclusion d'un bail de chasse avec l'association sur l'absence de justification par cette dernière de ce que tous ses membres seraient habitants de la commune. La délibération attaquée a donc méconnu les dispositions précitées de l'article 542 du code civil.
4. La commune de Saorge, comme l'a jugé le tribunal administratif ne saurait, sans méconnaître l'égale vocation de l'ensemble des habitants de la commune à utiliser les biens communaux, en réserver l'usage à une personne ou une catégorie de personnes sans que les différences de traitement en résultant, qui doivent être en rapport avec l'usage des biens communaux, procèdent de différences de situation ou répondent à un but d'intérêt général. La commune de Saorge soutient que la nécessité d'assurer la sécurité des habitants de la commune et des chasseurs en limitant le droit de chasser sur les biens communaux à une seule association de chasse justifie qu'il soit dérogé au principe de libre disposition d'un bien communal résultant de l'article 542 du code civil pour un motif d'intérêt général. S'il ressort des motifs de la délibération attaquée que la sécurité " est un point sensible et très important dans l'organisation de la chasse sur un territoire bien défini ", il n'est cependant pas établi, en première instance pas davantage qu'en appel, en quoi il ne pouvait être procédé à l'attribution de baux de chasse sur des terrains différents relevant des biens communaux. Par suite, ce second motif ne pouvait pas davantage que le motif mentionné au point précédent légalement fonder la délibération attaquée.
5. Il résulte de ce qui précède que la commune n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a annulé la délibération en cause.
En ce qui concerne la demande d'injonction :
6. Le présent arrêt rejette la demande de la commune. La demande de l'association tendant à ce que la Cour prononce une injonction est sans objet, dès lors que le tribunal a déjà ordonné à la commune de procéder à un nouvel examen de la demande de l'association de propriétaires chasseurs et non chasseurs de Saorge de délivrance d'un bail de chasse sur le territoire communal. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de prononcer une astreinte à l'encontre de la commune, dès lors qu'une procédure a été diligentée par l'association aux fins d'exécution du jugement, laquelle demeure en instance devant la cour administrative d'appel.
Sur les frais de l'instance :
7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". Une somme de 2 000 euros est mise à la charge de la commune de Saorge au titre de ces dispositions au profit de l'association requérante. Il y a lieu de rejeter les conclusions présentées au même titre par la commune de Saorge.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Saorge est rejetée.
Article 2 : Les conclusions à fins d'injonction présentées en appel et d'astreintes formulées par l'association de propriétaires chasseurs et non chasseurs de Saorge devenue la société de chasse communale de Saorge, sont rejetées.
Article 3 : Une somme de 2 000 euros est mise à la charge de la commune de Saorge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au profit de l'association de propriétaires chasseurs et non chasseurs de Saorge devenue la société de chasse communale de Saorge.
Article 4 :L'arrêt sera notifié à l'association de propriétaires chasseurs et non chasseurs de Saorge devenue la société de chasse communale de Saorge, à la commune de Saorge, et à la société de chasse de Saorge.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 11 juin 2018, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président-assesseur,
- Mme Marchessaux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 juin 2018.
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N° 17MA04639