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29/04/2019 | FRANCE | N°17MA03488

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 29 avril 2019, 17MA03488


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes de l'Oriente a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la délibération du 29 avril 2015 par laquelle le conseil municipal de la commune de Linguizzetta a décidé d'instituer la taxe de séjour forfaitaire pour l'année 2015 à son profit sur son territoire et en a fixé les tarifs.

Par un jugement n° 1500412 du 8 juin 2017, rectifié par ordonnance du 20 juin 2017, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes de l'Oriente a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la délibération du 29 avril 2015 par laquelle le conseil municipal de la commune de Linguizzetta a décidé d'instituer la taxe de séjour forfaitaire pour l'année 2015 à son profit sur son territoire et en a fixé les tarifs.

Par un jugement n° 1500412 du 8 juin 2017, rectifié par ordonnance du 20 juin 2017, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 août 2017 et le 8 mars 2019, la communauté de communes de l'Oriente, représentée par Me A...de la SELARL DELSOL Avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 juin 2017 du tribunal administratif de Bastia ;

2°) d'annuler la délibération du conseil municipal de la commune de Linguizzetta du 29 avril 2015 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Linguizzetta la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la délibération en cause méconnaît l'article L. 5211-21 du code général des collectivités territoriales ainsi que l'article 2 du code civil qui pose le principe de non-rétroactivité de la loi ;

- la faculté dont disposent les communes en vertu de l'article L. 5211-21 du code général des collectivités territoriales de s'opposer à l'institution de la taxe de séjour ne peut en effet être utilisée que pour les délibérations des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) instituant la taxe de séjour à compter du 1er janvier 2015 et n'a pas pour effet de remettre en cause les délibérations de ces établissements ayant, avant cette date, décidé d'instituer la taxe de séjour sur leur territoire ;

- le législateur a autorisé une commune membre d'un EPCI à adopter une délibération s'opposant à l'institution de la taxe de séjour par cet établissement uniquement si ce dernier ne dispose pas d'ores et déjà de cette compétence avant le 1er janvier 2015 ;

- dès lors que la taxe de séjour avait été instituée par la communauté de communes par délibération du 30 juin 2010, cette dernière a mis fin à la compétence en cette matière de la commune, qui ne pouvait plus décider d'instituer la taxe de séjour sur son territoire ;

- en adoptant la délibération litigieuse, la commune a méconnu le principe d'exclusivité de la communauté de communes ;

- les communes qui peuvent exercer cette faculté sont celles dont les délibérations sont encore en vigueur ;

- or, la délibération de la commune du 15 avril 1999 n'est plus en vigueur puisque la taxe de séjour a été depuis collectée au niveau intercommunal.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 avril 2018 et le 30 janvier 2019, la commune de Linguizzetta, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de la communauté de communes de l'Oriente la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'à la date à laquelle a été prise la délibération litigieuse, l'article L. 5211-21 du code général des collectivités territoriales lui permettait de s'opposer à la perception de la taxe de séjour par la communauté de communes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duran-Gottschalk,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la commune de Linguizzetta.

Une note en délibéré présentée pour la commune de Linguizzetta a été enregistrée le 9 avril 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 16 avril 2008 du préfet de la Haute-Corse a été créée la communauté de communes de l'Oriente, compétente notamment en matière de développement touristique. Par une délibération du 30 juin 2010, votée à l'unanimité des membres présents, le conseil communautaire de cet établissement public de coopération intercommunale, dont est membre la commune de Linguizzetta, a décidé l'institution de la taxe de séjour forfaitaire sur son territoire à compter du 1er janvier 2011. Le conseil municipal de la commune de Linguizzetta a, par délibération du 29 avril 2015 prise sur le fondement de l'article L. 5211-21 du code général des collectivités territoriales, décidé d'instituer la taxe de séjour forfaitaire 2015 à son profit sur son territoire et en a fixé les tarifs. La communauté de communes de l'Oriente relève appel du jugement du 8 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande d'annulation de la délibération du conseil municipal de la commune de Linguizzetta du 29 avril 2015.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales : " I. - La communauté de communes exerce de plein droit au lieu et place des communes membres, pour la conduite d'actions d'intérêt communautaire, les compétences relevant de chacun des deux groupes suivants : (...) 2° Actions de développement économique intéressant l'ensemble de la communauté ". Selon l'article L. 5211-5 du même code : " L'établissement public de coopération intercommunale est substitué de plein droit, à la date du transfert des compétences, aux communes qui le créent dans toutes leurs délibérations et tous leurs actes ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 5211-21 du code général des collectivités territoriales applicable à la date de la délibération du 30 juin 2010 prise par la communauté de communes de l'Oriente : " Dans les établissements publics de coopération intercommunale érigés en stations classées, dans ceux bénéficiant de l'une des dotations prévues à l'article L. 5211-24, dans ceux qui réalisent des actions de promotion en faveur du tourisme ainsi que dans ceux qui réalisent, dans la limite de leurs compétences, des actions de protection et de gestion de leurs espaces naturels, la taxe de séjour ou la taxe de séjour forfaitaire peut être instituée par décision de l'organe délibérant dans les conditions prévues à l'article L. 2333-26. Les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale ayant institué la taxe de séjour ou la taxe de séjour forfaitaire ne peuvent percevoir celles-ci ". Aux termes du même article, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014, applicable à compter du 1er janvier 2015 selon le III de l'article 67 de cette loi : " I. - La taxe de séjour mentionnée aux articles L. 2333-29 à L. 2333-39 ou la taxe de séjour forfaitaire mentionnée aux articles L. 2333-40 à L. 2333-47 peut être instituée par décision de l'organe délibérant dans les conditions prévues à l'article L. 2333-26, sauf délibération contraire des communes qui ont déjà institué la taxe pour leur propre compte, par : 1° Les groupements de communes touristiques et de stations classées de tourisme relevant de la section 2 du chapitre IV du titre III du livre Ier du code du tourisme ; 2° Les établissements publics de coopération intercommunale bénéficiant de l'une des dotations prévues à l'article L. 5211-24 du présent code ; 3° Les établissements publics de coopération intercommunale qui réalisent des actions de promotion en faveur du tourisme ainsi que ceux qui réalisent, dans la limite de leurs compétences, des actions de protection et de gestion de leurs espaces naturels ; 4° La métropole de Lyon. Les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale ayant institué la taxe de séjour ou la taxe de séjour forfaitaire ne peuvent percevoir ces taxes (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 2333-26 du code général des collectivités territoriales : " I. -Sous réserve de l'article L. 5211-21, une taxe de séjour ou une taxe de séjour forfaitaire peut être instituée par délibération du conseil municipal : 1° Des communes touristiques et des stations classées de tourisme relevant de la section 2 du chapitre III du titre III du livre Ier du code du tourisme ; 2° Des communes littorales, au sens de l'article L. 321-2 du code de l'environnement ; 3° Des communes de montagne, au sens de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne ;4° Des communes qui réalisent des actions de promotion en faveur du tourisme ainsi que de celles qui réalisent des actions de protection et de gestion de leurs espaces naturels ; 5° Ou des communes qui ont adopté la délibération contraire mentionnée au I de l'article L. 5211-21 du présent code ".

4. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que dès lors que, par une délibération du 30 juin 2010, prise antérieurement à l'entrée en vigueur de l'article 64 de la loi du 29 décembre 2014 précitée, le conseil communautaire de la communauté de communes de l'Oriente avait décidé d'instituer la taxe de séjour forfaitaire sur son territoire à compter du 1er janvier 2011, le conseil municipal de la commune de Linguizzetta ne pouvait pas, en se fondant sur les dispositions de l'article L. 5211-21 du code général des collectivités territoriales, voter le 29 avril 2015 une délibération décidant d'instaurer cette même taxe à son profit pour l'année 2015, alors même que, par délibération du 26 juin 2009, il avait déjà instauré cette taxe à compter du 1er janvier 2010.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la communauté de communes de l'Oriente est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande d'annulation de la délibération du 29 avril 2015 du conseil municipal de la commune de Linguizzetta. Il y a lieu d'annuler le jugement et la délibération contestés.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté de communes de l'Oriente, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme à la commune de Linguizzetta, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Linguizzetta la somme de 1 500 euros à verser à la communauté de communes sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 8 juin 2017 du tribunal administratif de Bastia et la délibération du 29 avril 2015 du conseil municipal de la commune de Linguizzetta sont annulés.

Article 2 : La commune de Linguizzetta versera à la communauté de communes de l'Oriente la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes de l'Oriente et à la commune de Linguizzetta.

Délibéré après l'audience du 8 avril 2019, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.

Lu en audience publique, le 29 avril 2019.

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N° 17MA03488


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA03488
Date de la décision : 29/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Organisation de la commune - Organes de la commune - Conseil municipal - Délibérations.

Collectivités territoriales - Coopération - Établissements publics de coopération intercommunale - Questions générales.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Karine DURAN-GOTTSCHALK
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : CABINET MUSCATELLI

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-04-29;17ma03488 ?
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