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02/10/2018 | FRANCE | N°17MA02088

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre - formation à 3, 02 octobre 2018, 17MA02088


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge :

- des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 à 2011 ;

- des contributions sociales supplémentaires auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 à 2011 ;

- des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008.

Par un jugement n° 160060

7 du 20 mars 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge :

- des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 à 2011 ;

- des contributions sociales supplémentaires auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 à 2011 ;

- des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008.

Par un jugement n° 1600607 du 20 mars 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 22 mai 2017, le 21 février 2018, le 2 mai 2018 et le 24 juillet 2018, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 mars 2017 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 à 2011 et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 à 2011, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008, et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- s'agissant des rappels au titre des années 2006 à 2008, en l'absence de toute activité occulte de sa part, l'administration fiscale a procédé à des rectifications portant sur une période prescrite ;

- pour le même motif, l'administration fiscale ne pouvait procéder à une évaluation d'office et à une taxation d'office ;

- pour le même motif, seule la société Centre méditerranéen de diagnostic pouvait être imposée ;

- la vérification de comptabilité a commencé avant l'envoi d'un avis ;

- en l'absence de notification des redressements à son épouse, les droits de celle-ci ont été méconnus ;

- n'exerçant qu'une activité médicale, il ne peut donc être assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ;

- pour le même motif, les revenus qu'il a perçus pendant l'ensemble de la période sont des bénéfices non commerciaux et non des bénéfices industriels et commerciaux ;

- s'agissant des cotisations supplémentaires relatives au titre des années 2009 à 2011, l'avis de vérification du 18 juin 2012 a été adressé à lui-même et à son épouse, alors que l'administration connaissait leur séparation ;

- les soldes créditeurs des comptes courants d'associé ouverts à son nom dans les écritures des sociétés Polyclinique Saint-Joseph et Clinique du Valois résultent d'un prêt consenti par la société de droit américain Medical Prevent à présent remboursé et ne peuvent donc être regardés comme des revenus réputés distribués au titre de l'année 2009 ;

- le solde créditeur du compte courant d'associé ouvert à son nom dans les écritures de la société Polyclinique Saint-Joseph résulte d'un prêt consenti par la société de droit américain Seven Inc, filiale de la société Medical Prevent, à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée K'Santé et comptabilisé par erreur sur ce compte courant d'associé ;

- en tout état de cause, les revenus distribués par la société Medical Prevent ne sont imposables qu'en application de la convention fiscale conclue entre la France et les Etats-Unis.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 décembre 2017, le 17 avril 2018, le 13 juillet 2018 et le 1er août 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention signée le 31 août 1994 entre la France et les Etats-Unis ;

- le code général des impôts, ensemble le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barthez,

- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... fait appel du jugement du 20 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires et rappels d'impôts et de taxes mis à sa charge à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2006 à 2008 et d'un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle portant sur les années 2009 à 2011.

I. Sur l'étendue du litige :

2. Par décision du 14 décembre 2017 postérieure à l'introduction de la requête, le directeur de la direction nationale des vérifications de situations fiscales a prononcé le dégrèvement partiel, en droits et pénalités, à concurrence d'une somme de 15 926 euros au titre de la cotisation supplémentaire de contributions sociales à laquelle M. B... a été assujetti au titre de l'année 2011, réduisant ainsi cette cotisation à la somme de 193 080 euros en droits et pénalités. Les conclusions de la requête relatives à cette imposition sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

II. Sur le surplus des conclusions de la requête :

II. 1. En ce qui concerne les conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour les années 2006 à 2008 :

3. L'administration fiscale a considéré que M. B... exerçait une activité occulte d'organisateur de parcours de soins distincte de celle de médecin urgentiste. Elle a, en conséquence, estimé que les sommes versées par les sociétés Europ Assistance France et Europ Assistance Suisse constituaient le prix des prestations exercées dans ce cadre. Elle a donc assigné à M. B... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée assis sur les montants correspondants.

4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu (...), le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. (...) ". Selon le troisième alinéa du même article, ce droit de reprise s'exerce jusqu'à la fin de la sixième année, ce délai étant porté jusqu'à la fin de la dixième année par la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008, " lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 176 du même livre : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts. (...) ". Selon le troisième article, ce droit de reprise s'exerce jusqu'à la fin de la sixième année, ce délai étant porté jusqu'à la fin de la dixième année par la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008, " lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et n'a pas fait connaître à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce ". Dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, son activité est réputée occulte s'il n'est pas en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives.

5. Il résulte des documents transmis par la société Europ Assistance France à l'administration fiscale que cette société enregistrait dans un compte fournisseur intitulé " Centre médical Odysse " des factures libellées à l'entête du " Centre méditerranéen de diagnostic " et signées par M. B.... Le relevé d'identité bancaire joint aux factures afin d'en permettre le règlement est ouvert aux noms de " M. D... B... ", du " Centre méditerranéen de diagnostic " et du " Centre médical Odysseum ". En outre, il est constant que la société " Centre méditerranéen de diagnostic " a été créée à la fin de l'année 2006. Par ces éléments, l'administration n'établit pas que M. B..., et non la société " Centre méditerranéen de diagnostic ", exerçait lui-même l'activité d'organisation des soins qui aurait ainsi présenté, en l'absence de toute déclaration, un caractère occulte. Ainsi l'administration ne saurait se prévaloir de la prolongation du délai de reprise intervenant lorsque le contrôle a révélé l'existence d'une activité occulte. Dès lors, à la notification de la proposition de rectification le 13 juin 2014, le délai de reprise était expiré.

6. Les impositions contestées étant ainsi prescrites, M. B... est donc fondé à demander la décharge des cotisations supplémentaires et rappels d'impôts et de taxes mis à sa charge à la suite de la vérification de comptabilité portant sur les années 2006 à 2008, et des pénalités correspondantes.

II. 2. En ce qui concerne les conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2009 à 2011 :

II. 2. 1. Quant à la régularité de la procédure d'imposition :

7. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'avis d'examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle portant sur les années 2009 à 2011 a été adressé au nom de M. et Mme B... et notifié le 18 juin 2012 et que les époux ont alors indiqué vivre séparément, l'épouse établissant faire l'objet d'une imposition distincte au Luxembourg. A supposer que l'administration ait été déjà informée de cette séparation avant l'envoi de l'avis, la circonstance qu'elle l'ait également adressé à son épouse n'a privé M. B... d'aucune garantie et n'entache la procédure d'aucune irrégularité.

8. En second lieu, le moyen selon lequel les procédures d'imposition seraient irrégulières car les avis d'imposition sur le revenu au titre des années 2009 à 2011 ont été adressés à son seul nom sans porter la mention de celui de son épouse, violant " ainsi les droits de la défense de Mme C... ", n'est pas assorti des précisions suffisantes pour permettre au juge d'en apprécier la portée. Il ne peut qu'être écarté.

II. 2. 2. Quant au bien fondé de l'imposition :

9. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ". Les sommes portées au crédit d'un compte courant d'associé sont réputées correspondre, sauf preuve contraire apportée par le titulaire du compte courant relative notamment à l'existence d'une contrepartie, à des revenus distribués appréhendés par le bénéficiaire et imposables en son nom dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

10. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le compte courant d'associé ouvert au nom de M. B... dans les écritures de la société Polyclinique Saint-Joseph était créditeur de la somme de 230 000 euros correspondant à plusieurs versements effectués au cours de l'année 2009 et que celui ouvert également à son nom dans les écritures de la société Clinique du Valois présentait un solde créditeur de 120 000 euros correspondant à un versement effectué le 11 février 2009. Afin d'établir l'existence d'une contrepartie, M. B... produit un contrat de prêt du 16 juin 2008 et son avenant que lui aurait consenti la société de droit américain Medical Prevent, détenue exclusivement par son beau-père et son beau-frère. Cependant, ce contrat n'a pas été enregistré et sa date n'est pas certaine. En outre, le contrat produit, par le montant d'intérêts qu'il mentionne pour le mois de septembre 2009 et la table d'amortissement qui est jointe, correspond à un prêt devant être intégralement versé dès le mois de juillet 2008. Par suite, M. B... n'établit pas que les sommes mentionnées aux crédits des comptes courants d'associé ouverts à son nom correspondraient au prêt du 16 juin 2008. Il n'est donc pas fondé à soutenir que la somme de 350 000 euros ne pouvait être imposée à son nom dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre de l'année 2009.

11. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que les sommes de 60 000 euros et de 620 000 euros ont été portées au crédit du compte courant d'associé ouvert au nom de M. B... dans les écritures de la société Polyclinique Saint-Joseph, respectivement en 2010 et 2011. Afin d'établir l'existence d'une contrepartie, M. B... soutient que ces sommes proviendraient d'un prêt consenti par la société de droit américain Seven, filiale à 100 % de la société Medical Prevent, à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée K'Santé dont il est l'unique associé et que c'est par erreur que ces sommes auraient été portées au crédit du compte courant d'associé ouvert à son nom. Cependant, les sommes ainsi versées proviennent du compte ouvert au Luxembourg par la société Medical Prevent. En outre, l'existence d'une erreur comptable n'est pas établie. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que les sommes de 60 000 euros et de 620 000 euros ne pouvaient être imposées à son nom dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre respectivement des années 2010 et 2011.

12. En troisième lieu, le moyen selon lequel les revenus distribués au titre des années 2009, 2010 et 2011 ne sont imposables qu'en application de la convention fiscale conclue entre la France et les Etats-Unis, ce qui n'est pas mentionné dans la proposition de rectification, n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre au juge d'en apprécier la portée. Il ne peut qu'être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier ne lui a pas accordé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 à 2008 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008, ainsi que des pénalités correspondantes.

III. Sur les frais liés au litige :

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat quelque somme que ce soit à verser à M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. B... tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire de contributions sociales à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2011 en tant qu'elle excède la somme de 193 080 euros.

Article 2 : Il est accordé à M. B... la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 à 2008 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de M. B... est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de M. B... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 18 septembre 2018, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- M. Maury, premier conseiller.

Lu en audience publique le 2 octobre 2018.

7

N° 17MA02088

jm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA02088
Date de la décision : 02/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Détermination du revenu imposable.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Personnes et opérations taxables - Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : LE GO

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-10-02;17ma02088 ?
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