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11/05/2018 | FRANCE | N°17MA02034

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 11 mai 2018, 17MA02034


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet des Alpes-Maritimes a déféré devant le tribunal administratif de Nice M. et Mme B... comme prévenus d'une contravention de grande voirie pour avoir maintenu plusieurs ouvrages, sans autorisation, sur le domaine public maritime sur le territoire de la commune de Théoule-sur-Mer.

Par un jugement n° 1500901 du 29 mars 2016 le tribunal administratif de Nice a condamné M. et Mme B..., d'une part, à payer une amende de 500 euros ainsi que la somme de 94,98 euros au titre des frais d'établisseme

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet des Alpes-Maritimes a déféré devant le tribunal administratif de Nice M. et Mme B... comme prévenus d'une contravention de grande voirie pour avoir maintenu plusieurs ouvrages, sans autorisation, sur le domaine public maritime sur le territoire de la commune de Théoule-sur-Mer.

Par un jugement n° 1500901 du 29 mars 2016 le tribunal administratif de Nice a condamné M. et Mme B..., d'une part, à payer une amende de 500 euros ainsi que la somme de 94,98 euros au titre des frais d'établissement du procès-verbal de contravention de grande voirie émis à leur encontre, d'autre part, à remettre le site dans son état d'origine, sous astreinte.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 mai 2017 et le 12 avril 2018, M. et Mme B..., représentés par Me A..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 mars 2016 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur requête a été formée dans le délai d'appel ;

- l'action publique est prescrite ;

- en l'absence de délimitation du domaine public maritime naturel, la contravention de grande voirie est dépourvue de base légale ;

- la présentation d'une demande d'occupation temporaire du domaine public maritime ne peut valoir reconnaissance de ce que les ouvrages en litige seraient situés sur ce domaine.

- le seuil, le mur de pierre et la grille en fer forgé sont situés sur leur propriété et ne sauraient faire l'objet d'une contravention de grande voirie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2018, le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... ont acquis, le 3 octobre 1992, une propriété dénommée " Villa Tahiti ", cadastrée section A n° 1066 à Théoule-sur-Mer au lieudit " La Figueirette ". Un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 9 août 2013 à l'encontre des intéressés pour avoir maintenu sans autorisation divers ouvrages construits sur le domaine public maritime pour une superficie totale de 48 m², soit un abri constitué de poutres et de piliers en bois recouvert d'une toiture en canisse, bétonné au sol et délimité par une jardinière côté mer sur une surface de 24 m², une rampe de 3 m² et deux marches en béton permettant d'accéder à cet abri et, en partie Ouest, une marche de pierre pour accéder à leur propriété ainsi qu'un muret en pierres d'une longueur de 11 mètres surmonté d'une barre métallique servant de garde-corps. Le préfet des Alpes-Martimes a déféré le 20 février 2015 M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Nice. Par un jugement du 29 mars 2016, le tribunal a condamné les intéressés, d'une part, au paiement d'une amende de 500 euros et d'une somme de 94,98 euros au titre des frais d'établissement du procès-verbal, d'autre part, à évacuer hors du domaine public maritime les installations et ouvrages mentionnés dans le procès-verbal de contravention de grande voirie du 9 août 2013. M. et Mme B... relèvent appel de ce jugement du 29 mars 2016 du tribunal administratif de Nice.

Sur la prescription de l'action publique :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 7 du code de procédure pénale : " En matière de crime, l'action publique se prescrit par dix années révolues à compter du jour où le crime a été commis si, dans cet intervalle, il n'a été fait aucun acte d'instruction ou de poursuite ". Et aux termes de l'article 9 du même code : " En matière de contravention, la prescription de l'action publique est d'une année révolue ; elle s'accomplit selon les distinctions spécifiées à l'article 7 ci-dessus ".

3. Il résulte de ces dispositions que seules peuvent être regardées comme des actes d'instruction ou de poursuite, en matière de contraventions de grande voirie, outre les jugements rendus par les juridictions et les mesures d'instruction prises par ces dernières, les mesures qui ont pour objet soit de constater régulièrement l'infraction, d'en connaître ou d'en découvrir les auteurs, soit de contribuer à la saisine du tribunal administratif ou à l'exercice par le ministre de sa faculté de faire appel ou de se pourvoir en cassation.

4. Il résulte de l'instruction que le délai écoulé entre la date à laquelle a été établi le procès-verbal de contravention de grande voirie, le 9 août 2013, et la date de sa notification par voie diplomatique, le 21 janvier 2015, est de dix-sept mois, et donc supérieur à une année. Si le ministre fait valoir qu'une " tentative " de notification de ce procès-verbal a été effectuée le 5 décembre 2013, il ne l'établit pas. Dans ces conditions, M. et Mme B... sont fondés à soutenir que la prescription de l'action publique engagée à leur encontre était acquise à la date à laquelle leur a été notifié le procès-verbal de contravention de grande voirie et qu'ils ne sauraient être condamnés au paiement d'une amende.

Sur le bien-fondé de l'action domaniale :

5. Aux termes de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public maritime naturel de L'Etat comprend : / 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. / Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; / (...) Les terrains soustraits artificiellement à l'action du flot demeurent.compris dans le domaine public maritime naturel sous réserve des dispositions contraires d'actes de concession translatifs de propriété légalement pris et régulièrement exécutés ".

6. Il appartient au juge, saisi d'un procès-verbal de grande voirie, de reconnaitre, au cas ou cette reconnaissance ne résulte pas d'une décision administrative opposable aux intéressés, les limites du domaine public et de décider si les terrains sur lesquels ont été commises les fautes a raison desquelles le procès-verbal a été dressé se trouvent ou non compris dans ces limites. Pour constater que l'infraction, à caractère matériel, d'occupation irrégulière du domaine public, est constituée, le juge de la contravention de grande voirie doit déterminer, au vu des éléments de fait et de droit pertinents, si la dépendance concernée relève du domaine public, en appliquant les critères fixés par l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques. Les constatations d'un acte de délimitation du domaine public maritime, purement recognitif, ne représentent que l'un des éléments d'appréciation soumis au juge.

7. M. et Mme B... ne peuvent dès lors utilement soutenir qu'il ne serait pas possible, en l'absence d'acte administratif portant délimitation du domaine public maritime au droit de leur propriété, de caractériser l'infraction en litige, le juge de la contravention de grande voirie n'étant, en tout état de cause, aucunement lié par les termes d'un tel acte, qui ne présente qu'un caractère déclaratif.

8. Il ne résulte pas de l'instruction que le procès-verbal de contravention de grande voirie du 9 août 2013, ou le mémoire par lequel le préfet a déféré M. et Mme B... devant tribunal administratif, ou encore le jugement attaqué seraient fondés sur les limites du domaine public maritime telles qu'elles résulteraient de la demande d'autorisation d'occupation du domaine public maritime présentée par les intéressés. Il s'en déduit que le moyen tiré de ce que la présentation de cette demande ne peut valoir reconnaissance de ce que les ouvrages en cause seraient situés sur le domaine public maritime est inopérant.

9. Il résulte de l'instruction et en particulier du procès-verbal qui fait foi jusqu'à preuve contraire, dressé à l'encontre de M. et Mme B... le 9 août 2013 par un agent assermenté chargé de la surveillance du domaine public maritime, que le terrain servant d'assiette aux divers ouvrages en litige faisait partie du domaine public maritime. Ce constant est au demeurant corroboré par les énonciations de l'acte notarié du 3 octobre 1992, selon lesquelles les propriétaires antérieurs de la propriété acquise par M. et Mme B... avaient l'usage des escaliers et constructions édifiées sur le " domaine maritime ", cet acte précisant qu'ils se conformeraient " à la réglementation en la matière ". L'acte indique encore que l'accès au garage à bateau creusé dans le pied du rocher au-dessus duquel a été édifiée la maison d'habitation des appelants n'est possible qu'" en sortant de l'enceinte de la propriété et en passant sur le domaine public de la plage ".

10. Le moyen tiré de ce que les ouvrages en cause, mentionnés au point 1, seraient établis sur la propriété de M. et Mme B... n'est appuyé par aucun élément de preuve. Notamment, l'allégation des intéressés selon laquelle la dalle et la rampe ont été construites il y a plus d'un siècle afin de mettre la barque du pêcheur à sec sur la dalle ne suffit pas à démontrer, qu'antérieurement à la création de la plage artificielle autorisée par arrêté préfectoral du 4 octobre 1974, les plus hauts flots en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles n'auraient jamais atteint ce niveau. Dès lors, en application du dernier alinéa de l'article L. 1121-4 du code général de la propriété des personnes publiques précité, il y a lieu de regarder la bande de terrain qui confronte côté mer le mur de pierres et la grille de fer forgé au droit de la propriété des appelants et qui supporte les ouvrages en litige comme ayant constitué, avant la date à laquelle a été aménagée la plage artificielle qui l'a prolongée, une dépendance du domaine public maritime naturel. En l'absence d'acte de concession translatif de propriété, cette bande de terrain soustraite artificiellement à l'action du flot est demeurée dans le domaine public maritime naturel. Il en résulte que les ouvrages en litige sont bien situés sur ce domaine.

11. Aux termes de l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende. / Nul ne peut en outre, sur ce domaine, procéder à des dépôts ou à des extractions, ni se livrer à des dégradations ".

12. D'une part, les dispositions précitées de l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques tendent à assurer, au moyen de l'action domaniale qu'elles instituent, la remise du domaine public maritime naturel dans un état conforme à son affectation publique en permettant aux autorités chargées de sa protection d'ordonner au propriétaire d'un bien irrégulièrement construit, qu'il l'ait ou non édifié lui-même, sa démolition, ou de confisquer des matériaux. D'autre part, la personne qui peut être poursuivie pour contravention de grande voirie est, soit celle qui a commis ou pour le compte de laquelle a été commise l'action qui est à l'origine de l'infraction, soit celle sous la garde de laquelle se trouvait l'objet qui a été la cause de la contravention.

13. Ainsi qu'il a été dit au point 10, les ouvrages mentionnés au point 1 se trouvent sur le domaine public maritime. Les poursuites engagées par le préfet sur le fondement de l'article L. 2132-2 du code général de la propriété des personnes publiques sont dès lors fondées.

14. Il ne résulte pas de l'instruction qu'un seuil, un mur de pierre et une grille en fer forgé seraient au nombre des ouvrages visés par le procès-verbal du 9 août 2013. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que ces ouvrages seraient implantés sur la parcelle privée des appelants est, en tout état de cause, inopérant.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice les a condamnés au paiement d'une amende de 500 euros.

Sur les frais liés au litige :

16. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. et Mme B... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nice du 29 mars 2016 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 27 avril 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Maury, premier conseiller,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique le 11 mai 2018.

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N° 17MA02034


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA02034
Date de la décision : 11/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Domaine - Domaine public - Consistance et délimitation - Domaine public naturel - Délimitation du domaine public naturel.

Domaine - Domaine public - Protection du domaine - Contraventions de grande voirie.


Composition du Tribunal
Président : M. GUIDAL
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : ELBAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-05-11;17ma02034 ?
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