Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La communauté d'agglomération Chalon-Val-de-Bourgogne a demandé au tribunal administratif de Dijon, d'une part, d'annuler la décision implicite, née le 6 avril 2015, par laquelle le département de Saône-et-Loire a rejeté son recours gracieux du 5 février 2015 relatif à l'acquittement de sommes contractuellement dues pour les opérations de prolongement de la rocade urbaine à Chalon-sur-Saône et Saint-Rémy et pour la déviation de la rue du Bourg à Chatenoy-le-Royal, et d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à ce département de s'acquitter de la somme de 591 620,81 euros.
Par un jugement n° 1501600 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Dijon a, d'une part, condamné le département de Saône-et-Loire à verser à la communauté d'agglomération de Chalon-Val-de-Bourgogne les sommes de 4 496,23 euros au titre de la convention du 1er novembre 1999, 404 817,66 euros au titre de la convention du 30 mars 2005 et 182 306,92 euros au titre de la convention du 31 juillet 2004 et d'autre part, mis à la charge de ce département la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 février et 27 avril 2017, le département de Saône-et-Loire, représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon du 1er décembre 2016 ;
2°) de rejeter la demande de la communauté d'agglomération Chalon-Val-de-Bourgogne.
Il soutient que :
- la minute du jugement n'est pas signée ;
- les premiers juges n'ont pas tenu compte de sa note en délibéré alors qu'elle comportait des éléments de droit déterminants ;
- c'est à tort que les premiers juges ont requalifié la demande de première instance, qui n'était pas recevable ;
- les sommes réclamées par la communauté d'agglomération étaient prescrites à la date d'introduction de la requête ;
- la délibération du 17 juin 2011 clôt définitivement les relations financières issues de conventions ainsi que les certificats de paiements des 12 novembre 2009 et 30 novembre 2012 ; par suite, aucune somme ne demeurait due ;
- la résiliation de la convention s'imposait compte tenu du bouleversement dans l'équilibre des conventions.
Par un mémoire en défense, enregistré les 3 août 2017, la communauté d'agglomération Chalon-Val-de-Bourgogne, représentée par la SELARL Cabinet d'Avocats Philippe Petit et associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge du département de Saône-et-Loire sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le jugement est régulier ;
- sa demande de première instance qui tendait au paiement des sommes dues par le département était recevable ;
- le département, qui ne pouvait procéder unilatéralement à une clôture financière des conventions, n'a pas respecté ses engagements contractuels ;
- les créances n'étaient pas prescrites ;
- le département ne peut soutenir qu'il se serait déjà acquitté des sommes dues en application des conventions ;
- ces conventions ne peuvent être regardées comme ayant été résiliées par le département de Saône-et-Loire ;
- il n'y a eu ni disparition de l'objet de ces conventions ni bouleversement de leur équilibre.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lesieux ;
- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;
- les observations de M.C..., directeur des affaires juridiques du conseil départemental de Saône-et-Loire et celles de MeA..., représentant la communauté d'agglomération de Chalon-Val de Bourgogne.
Vu la note en délibéré produite le 28 février 2019 pour la communauté d'agglomération de Chalon-Val de Bourgogne.
Considérant ce qui suit :
1. La communauté d'agglomération de Chalon-Val-de-Bourgogne et le département de Saône-et-Loire ont conclu des conventions ayant pour objet de définir les modalités de leur participation respective au financement de travaux routiers réalisés dans le cadre du " dossier de voirie de l'agglomération chalonnaise " (DVAC). Ainsi, une convention du 15 novembre 1999, modifiée par avenant du 12 mai 2004, a fixé les conditions de leur participation au financement de la phase " études " et " acquisitions foncières " de l'achèvement de la rocade. Une convention du 30 mars 2005 a précisé les conditions de leur participation au financement des travaux de prolongement de cette rocade urbaine. Par ailleurs, une convention du 13 juillet 2004 a fixé les conditions de leur participation au financement des études préliminaires pour le projet de déviation de la rue du Bourg à Châtenoy-le-Royal. Selon les stipulations de ces conventions, qui prévoient le budget prévisionnel de chacune de ces opérations, la communauté d'agglomération de Chalon-Val-de-Bourgogne et le département de Saône-et-Loire se sont engagés à un financement paritaire à hauteur des " sommes réellement mandatées. ". Le 5 février 2015, le président de la communauté d'agglomération a sollicité du département le paiement des sommes de 4 496,23 euros, 404 817,66 euros et 183 306,92 euros, correspondant à des dépenses mandatées en 2009 et restant dues au titre de ces conventions. En l'absence de réponse, la communauté d'agglomération a saisi le tribunal administratif de Dijon, qui par un jugement du 1er décembre 2016, a condamné le département à lui verser ces sommes. Le département de Saône-et-Loire relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public. ". Aux termes de l'article 2 de cette même loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. (...) Toute émission de moyen de règlement, même si ce règlement ne couvre qu'une partie de la créance ou si le créancier n'a pas été exactement désigné. (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. (...) ".
3. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Dijon, dès lors que les conventions conclues entre la communauté d'agglomération de Chalon-Val-de-Bourgogne et le département de Saône-et-Loire ne fixaient pas de manière certaine les montants dus par ce dernier, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que le délai de prescription quadriennale aurait commencé à courir à la date de la signature de chacune de ces conventions. Il résulte de l'instruction que la communauté d'agglomération de Chalon-Val-de-Bourgogne a, par courrier du 11 juin 2009, transmis au département de Saône-et-Loire, trois états-acomptes n°s 10, 8 et 7 relatifs à l'opération d'achèvement de la rocade en phase " études et acquisitions foncières ", à cette même opération en phase " travaux " et à l'opération de déviation de la rue du Bourg à Chatenoy-le-Royal en phase " études ", pour des montants respectifs de 4 496, 23 euros, 763 386,57 euros et 182 306,82 euros. Par un courrier du 1er juillet 2009, le département a informé la communauté d'agglomération que l'assemblée départementale avait voté le budget de la collectivité pour 2009 en y intégrant une somme de 2,1 millions d'euros pour les opérations routières concernant Chalon-sur-Saône. Ayant déjà versé au titre de l'année 2009, la somme de 1 741 431,09 euros, il n'a accepté de verser à la communauté d'agglomération qu'un reliquat de 358 868,91 euros. La communauté d'agglomération a décidé d'affecter cette somme à l'opération d'achèvement de la rocade en phase " travaux ", laissant subsister une dette du département à son égard de 404 817,68 euros au titre de l'acompte n° 8. Il résulte de ce qui précède que les créances dont se prévaut la communauté d'agglomération de Chalon-Val-de-Bourgogne, étaient certaines dans le courant de l'année 2009. Par suite, le point de départ du délai de prescription quadriennale doit être fixé, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, à la date du 1er janvier 2010.
4. En revanche, si le cours de la prescription quadriennale est interrompu par une demande effectuée par l'intermédiaire d'un mandataire qualifié, le comptable public ne dispose pas, en cette seule qualité, d'un mandat pour réclamer le paiement des sommes dues à la communauté d'agglomération de Chalon-Val-de-Bourgogne. Il résulte en effet des dispositions de l'article 20 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, reprises à l'article 9 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique que " Les fonctions d'ordonnateur et de comptable public sont incompatibles. (...) ". Si le comptable public est en charge de l'action en recouvrement des recettes, il appartient au seul ordonnateur de mettre en oeuvre les actions en paiement des sommes dues dans les délais de prescriptions applicables aux créances en cause et notamment avant l'expiration du délai de prescription quadriennale, lorsque la collectivité ou l'établissement public est le créancier d'une autre personne publique. C'est par suite à tort que le tribunal administratif de Dijon s'est fondé sur la circonstance que le comptable public de la trésorerie de Chalon-sur-Saône avait, au titre de son action en recouvrement des créances, envoyé le 7 octobre 2012, au département, trois mises en demeure de payer les sommes dues, pour en déduire qu'un nouveau délai de prescription quadriennale avait commencé à courir à compter du 1er janvier 2013.
5. Il ne résulte pas de l'instruction que l'ordonnateur de la communauté d'agglomération de Chalon-Val-de-Bourgogne aurait, dans le délai de prescription quadriennale, adressé au département une demande ou une réclamation ayant trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement des sommes dues au titre des états d'acompte n° 10, 8 et 7. Ainsi, à la date à laquelle le président de cet établissement public a demandé au département de lui verser ces sommes, soit le 5 février 2015, les créances de la communauté d'agglomération étaient atteintes par la prescription quadriennale.
6. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués par les parties, le département de Saône-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon l'a condamné à verser à la communauté d'agglomération de Chalon-Val-de-Bourgogne les sommes de 4 496,24 euros, 404 817,66 euros et 182 306,92 euros. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par la communauté d'agglomération de Chalon-Val-de-Bourgogne tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1501600 du 1er décembre 2016 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la communauté d'agglomération de Chalon-Val-de-Bourgogne devant le tribunal administratif de Dijon et le surplus de ses conclusions en appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au département de Saône-et-Loire et à la communauté d'agglomération Chalon-Val-de-Bourgogne.
Délibéré après l'audience du 28 février 2019, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président de chambre,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Lesieux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 mars 2019.
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N° 17LY00561