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14/11/2019 | FRANCE | N°17BX03143

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 14 novembre 2019, 17BX03143


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Aquitaine Construction a demandé au tribunal administratif de Bordeaux la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période allant du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2013 et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1505323 en date du 20 juillet 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires compléme

ntaires enregistrés le 20 septembre 2017 et les 20 septembre et 20 novembre 2018, la SARL Aquitaine Co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Aquitaine Construction a demandé au tribunal administratif de Bordeaux la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période allant du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2013 et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1505323 en date du 20 juillet 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés le 20 septembre 2017 et les 20 septembre et 20 novembre 2018, la SARL Aquitaine Construction, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Elle soutient que :

- l'administration ne rapporte pas la preuve qu'elle a sciemment participé à un système de factures de complaisance ; elle a émis des chèques au porteur pour des entreprises régulièrement immatriculées et assujetties à la TVA ; elle ignorait que ces entreprises utiliseraient ces chèques pour régler d'autres dépenses ;

- l'administration conteste pour la première fois dans son mémoire en défense la qualité de fournisseur des entreprises ayant adressé les factures litigieuses ; la proposition de rectification du 23 septembre 2014 ne remettait pas en cause la réalité des prestations fournies en sous-traitance ; l'administration n'apporte aucune preuve sur ce point ;

- les conditions de forme étaient satisfaites pour déduire le montant de la TVA figurant sur les factures litigieuses dès lors que les factures sont conformes et qu'elle en a réglé le montant ; elle pouvait payer ces sommes par chèque au porteur sans que cela remette en cause la mise à disposition des sommes ;

- si les circonstances ne permettent pas de conclure à l'absence de qualité d'assujetti du fournisseur et que les autres conditions matérielles sont remplies, le droit à déduction ne peut être remis en cause que s'il est invoqué frauduleusement ou abusivement ; la fraude ou l'abus est établi s'il est démontré, au vu d'éléments objectifs et sans exiger du destinataire de la facture des vérifications qui ne lui incombent pas, que l'opérateur qui entend se prévaloir du droit à déduction, savait ou aurait dû savoir qu'il participait à un circuit de fraude (CJUE 13 février 2014 aff. 18/13 ; CJUE 10 novembre 2016 aff. 446/15) ;

- l'administration n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, qu'elle a sciemment accepté l'utilisation d'un prête-nom ; il n'y avait donc pas lieu de lui infliger l'amende prévue par les dispositions de l'article 1737 du code général des impôts.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 mars 2018, et un mémoire complémentaire enregistré le 13 novembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... B...,

- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la SARL Aquitaine Construction.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Aquitaine Construction, qui exploite une activité de peinture, revêtement de sol, carrelage et maçonnerie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, qui a porté sur la période du 25 mars 2009 au 30 septembre 2011. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) portée sur les factures émises par six fournisseurs et lui a infligé une amende sur le fondement de l'article 1737 du code général des impôts. La SARL Aquitaine Construction interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux en date du 20 juillet 2017 a rejeté sa requête tendant à la décharge des rappels de TVA et des pénalités y afférentes.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Il résulte du c du 2 de l'article 269 et de l'article 271 du code général des impôts que le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé la fourniture de prestations de services prend naissance, sauf option pour les débits, lors de l'encaissement du prix par le prestataire qui en devient redevable.

3. Lorsque des opérations passibles de la taxe sur la valeur ajoutée donnent lieu à des factures de complaisance, la déduction de la taxe facturée par une personne autre que le fournisseur ne peut être refusée qu'à la double condition que les faits soient constitutifs d'un comportement frauduleux et qu'il soit établi, au vu d'éléments objectifs, que le client savait ou aurait dû savoir que l'opération était impliquée dans cette fraude. Dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient notamment à l'administration d'établir que celui qui a reçu la facture savait ou ne pouvait ignorer que, même si les biens ou services lui ont été fournis, la taxe qui lui avait été facturée ne serait pas reversée au trésor public par le prestataire qui en était redevable.

4. Il résulte de l'instruction qu'à la suite d'une vérification de comptabilité dans la société Aquitaine Construction et de l'exercice du droit de communication auprès des établissements bancaires teneurs des comptes de la société, l'administration n'a pas remis en cause la réalité et le montant des prestations de sous-traitance fournies à la société, mais a néanmoins établi que les paiements imputés en comptabilité à six fournisseurs n'avaient pas été encaissés par ces derniers mais par des tiers. Par suite, l'administration a estimé que des factures enregistrées en charge de sous-traitance présentaient un caractère de complaisance. Elle a remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux factures émises par six sous-traitants et a ainsi opéré un rappel de cette taxe pour un montant de 76 864 euros pour la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012 et de 79 100 euros au titre de la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013.

5. L'analyse des mouvements comptables des comptes fournisseurs de la société concernant ces prestataires et le recoupement de ces données avec les informations obtenues des établissements bancaires tenant les comptes de la société a permis au service fiscal d'établir que, sur les périodes concernées, ces sous-traitants avaient émis moins de soixante factures pour le paiement desquelles, d'une part, la société Aquitaine Construction avait procédé à l'émission de 651 chèques selon des périodicités atypiques et inexpliquées dont 645 ont été encaissés par de personnes autres que l'un des six sous-traitants mentionnés en comptabilité, exerçant des activités sans rapport avec les prestations de sous-traitance mentionnées sur les factures, et, d'autre part, avait opéré de nombreux versements en espèces imputés sur les comptes fournisseurs de ces sous-traitants.

6. L'administration a aussi établi le caractère quasi-systématique et l'ampleur du procédé qui ne pouvait dès lors être tenu pour une négligence ou un accommodement de circonstance, dès lors qu'il portait sur des facturations d'un montant de 384 087,78 euros HT pour l'exercice 2011/2012 et 400 480,42 euros pour l'exercice 2012/2013, sans que la société fournisse d'explication quant au recours au paiement au moyen de chèques qui n'étaient pas libellés à l'ordre du sous-traitant ou au moyen de paiement en espèces. L'administration justifie ainsi que la société Aquitaine Construction ne pouvait ignorer que ces modalités de paiement des factures n'avaient d'autre finalité que de soustraire les entreprises sous-traitantes au paiement de la TVA qu'elles facturaient mais n'encaissaient ni ne reversait au trésor public et qu'ainsi, la société avait participé en toute connaissance de cause à un système de facturation de complaisance dans lequel le règlement des prestations n'était pas opéré entre les mains des opérateurs pourtant redevables de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces dernières. C'est dès lors à bon droit que l'administration à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée en litige.

Sur les pénalités :

7. Aux termes du I de l'article 1737 du code général des impôts : " I.- Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant : / 1. Des sommes versées ou reçues, le fait de travestir ou dissimuler l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, les éléments d'identification mentionnés aux articles 289 et 289 B et aux textes pris pour l'application de ces articles ou de sciemment accepter l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom ; / 2. De la facture, le fait de délivrer une facture ne correspondant pas à une livraison ou à une prestation de service réelle ; (...) ". Il appartient à l'administration, lorsqu'elle a mis en recouvrement une amende fiscale sur le fondement de ces dispositions, d'apporter la preuve que les faits retenus à l'encontre du redevable entrent bien dans leurs prévisions.

8. Il résulte de ce qui précède que l'administration établit que la société Aquitaine Construction a sciemment travesti l'identité des personnes ayant perçu la rémunération des prestations de sous-traitance grevée de la TVA portée sur la facturation de ces prestations, en participant à un système de factures de complaisance. Dans ces conditions, elle a pu, à bon droit, appliquer l'amende prévue par les dispositions précitées de l'article 1737 du code général des impôts aux sommes versées en paiement de ces factures.

9. Il résulte de tout ce qui précède que, la société Aquitaine construction n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux, a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SARL Aquitaine Construction demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : La requête de la société Aquitaine Construction est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Aquitaine Construction et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. C... B..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 14 novembre 2019.

Le rapporteur,

Stéphane B... Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX03143


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17BX03143
Date de la décision : 14/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : DA ROS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-14;17bx03143 ?
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