Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner l'Etat, pris en la personne du ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social et du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) du Limousin, à lui verser la somme de 43 320,23 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision du 7 septembre 2009 par laquelle l'administration du travail s'est déclarée incompétente pour statuer sur la demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude physique présentée par son employeur, la commune de Saint-Yrieix-la-Perche, par lettre du 21 août 2009.
Par un jugement n° 1401773 du 16 février 2017, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête complétée par des pièces enregistrées les 17 et 30 mars 2017, M. C...A..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 février 2017 du tribunal administratif de Limoges ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 43 320,23 euros susmentionnée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal, la décision du 7 septembre 2009 est entachée d'une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de l'Etat dès lors que l'article L. 2411-5 du code du travail est applicable à l'ensemble des salariés protégés, qu'ils soient employés dans une structure publique ou privée, de sorte que l'inspecteur devait statuer sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par son employeur, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'il exerçait ses fonctions dans une régie municipale d'abattoir ;
- ce refus de statuer apparaît d'autant plus surprenant que l'administration du travail avait accepté d'instruire une précédente demande d'autorisation de licenciement présentée par la commune au cours de l'année 2006 ;
- si, dans le cadre de la procédure prud'homale, la DIRECCTE du Limousin a tenté de justifier sa décision du 7 septembre 2009 en se prévalant d'une note de la mission centre d'appui et de coordination des services extérieurs du travail et de l'emploi du 16 juin 1992, un tel document n'a aucune valeur réglementaire ou législative et ne saurait faire échec à 1'application des dispositions protectrices des salariés protégés ;
- en revanche, c'est à tort que le tribunal a rejeté ses demandes indemnitaires, dès lors que cette illégalité fautive lui a causé un préjudice matériel et moral important, en ce qu'il a fait l'objet d'un licenciement qui était, en réalité, entaché de nullité, nullité que le conseil des prud'hommes n'a pu prononcer, dans la mesure où il n'avait pas compétence pour examiner la légalité de la décision de l'inspection du travail, qui s'impose à l'employeur ;
- à cet égard, si le tribunal a indiqué que rien ne permet de considérer que la DIRECCTE aurait prononcé un refus à la demande d'autorisation de licenciement, il est au contraire hautement probable que tel aurait été le cas, dès lors que, d'une part, l'administration du travail avait opposé un précédent refus au cours de l'année 2006 et que, d'autre part, le conseil de prud'hommes de Limoges, dans son jugement du 6 septembre 2013, a considéré que la commune avait méconnu son obligation de reclassement prévue à l'article L. 1226-10 du code du travail ;
- il est donc fondé à solliciter une indemnité de 43 320,23 euros correspondant au préjudice matériel et moral subi de ce fait, constitué forfaitairement par la rémunération qu'il aurait perçue depuis son éviction jusqu'à la fin de sa période de protection.
Par ordonnance du 29 mai 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Axel Basset,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public ;
- et les observations de MeB..., représentant M.A....
Considérant ce qui suit :
1. Par une lettre du 21 août 2009, le maire de la commune de Saint-Yrieix-la-Perche (Haute-Vienne) a sollicité de l'administration du travail l'autorisation de licencier pour inaptitude physique M. C...A..., recruté par contrat à durée indéterminée du 15 décembre 2001, à compter du 1er janvier 2002, en qualité d'agent technique d'entretien pour le service de l'abattage des animaux et des opérations annexes au sein de la régie municipale de l'abattoir de la commune et titulaire du mandat représentatif de délégué du personnel depuis le 26 février 2008. Par une décision du 7 septembre 2009, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) du Limousin s'est déclaré incompétent. Licencié par lettre du maire de la commune du 17 septembre 2009, M. A...a saisi le conseil des Prud'hommes de Limoges lequel a, par un jugement du 6 septembre 2013, condamné la collectivité territoriale à lui verser les sommes de 17 724 euros " au titre du non-respect des dispositions relatives au reclassement " et 1 280,86 euros au titre des " heures supplémentaires effectuées ". Puis, par une lettre du 10 juillet 2014 adressée par l'intermédiaire de son conseil, M. A...a sollicité de l'inspecteur du travail la somme de 43 320,23 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision du 7 septembre 2009. M. A...relève appel du jugement du 16 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser cette somme de 43 320,23 euros.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Saint-Yrieix-la-Perche :
2. Aux termes de l'article L. 2111-1 du code du travail : " Les dispositions du présent livre sont applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu'à leurs salariés. / Elles sont également applicables au personnel des personnes publiques employé dans les conditions du droit privé, sous réserve des dispositions particulières ayant le même objet résultant du statut qui régit ce personnel. ". Aux termes de l'article L. 2411-1 de ce code, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, y compris lors d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le salarié investi de l'un des mandats suivants : (...) / 2° Délégué du personnel (...). ". L'article L. 2411-5 du même code, alors applicable, dispose : " Le licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. / Cette autorisation est également requise durant les six premiers mois suivant l'expiration du mandat de délégué du personnel ou de la disparition de l'institution. ".
3. En vertu de l'article L. 2222-1 du code général des collectivités territoriales : " Les communes et les syndicats de communes peuvent exploiter directement des services d'intérêt public à caractère industriel ou commercial. / Sont considérées comme industrielles ou commerciales les exploitations susceptibles d'être gérées par des entreprises privées, soit par application de la loi des 2-17 mars 1791, soit, en ce qui concerne l'exploitation des services publics communaux, en vertu des contrats de concession ou d'affermage. ". Aux termes de l'article L. 2221-4 de ce même code : " Les régies mentionnées aux articles L. 2221-1 et L. 2221-2 sont dotées : / 1° Soit de la personnalité morale et de l'autonomie financière, si le conseil municipal ou le comité du syndicat en a ainsi décidé ; / 2° Soit de la seule autonomie financière. ". En principe, les agents exerçant leurs missions dans un service public industriel et commercial sont soumis à un régime de droit privé, à l'exception du directeur de l'établissement et de son comptable lorsqu'il a la qualité de comptable public.
4. D'une part, il est constant que la régie municipale de l'abattoir de la commune de Saint-Yrieix-la-Perche, au sein de laquelle M. A...a été recruté par contrat à durée indéterminée conclu le 15 décembre 2001 avec le maire de la collectivité territoriale, également président du conseil d'exploitation de l'abattoir, constitue un service d'intérêt public à caractère industriel ou commercial. En outre, M.A..., qui y exerçait les fonctions d'agent technique d'entretien pour le service de l'abattage des animaux et des opérations annexes, n'était ni directeur ni comptable public de ladite Régie de l'abattoir. Dès lors, il constitue un personnel d'une personne publique employé dans les conditions du droit privé au sens des dispositions précitées de l'article L. 2111-1 du code du travail. D'autre part, il est également constant qu'à la suite du premier tour des élections des délégués du personnel, le 26 février 2008, M. A...a été élu délégué du personnel titulaire. Il s'ensuit qu'ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal administratif de Limoges, le licenciement de l'intéressé requérait au préalable l'autorisation de l'inspecteur du travail territorialement compétent. Dès lors, en refusant, par la décision litigieuse du 7 septembre 2009, de se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude physique qui lui avait été présentée par lettre du 21 août 2009, au motif tiré de ce qu'il n'était pas compétent pour " traiter la demande d'autorisation de licenciement concernant un salarié d'une régie municipale ", l'inspecteur du travail de la DIRECCTE du Limousin a entaché cette décision d'une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de l'Etat.
En ce qui concerne le préjudice :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. ".
6. M. A...qui - ainsi qu'il a déjà été dit au point 1 - a obtenu, par jugement du 6 septembre 2013 du conseil des Prud'hommes de Limoges, la condamnation de la commune de Saint-Yrieix-la-Perche à lui verser les sommes de 17 724 euros " au titre du non-respect des dispositions relatives au reclassement " et 1 280,86 euros au titre des " heures supplémentaires effectuées ", soutient que le refus de l'inspecteur du travail de statuer sur la demande d'autorisation de licenciement entache de nullité le licenciement prononcé par son employeur par lettre du 17 septembre 2009 et que, contrairement à ce qu'ont indiqué les premiers juges, il est très probable que l'administration du travail aurait opposé un refus à une telle demande, ainsi qu'elle l'avait d'ailleurs déjà fait lors de l'examen d'une précédente demande d'autorisation de licenciement instruite au cours de l'année 2006, dès lors que le conseil de prud'hommes de Limoges a, dans son jugement du 6 septembre 2013, considéré que la commune avait méconnu son obligation de reclassement prévue par les dispositions précitées de l'article L. 1226-10 du code du travail. Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment d'une lettre du maire de la commune du 7 août 2009, que le 26 mai 2009, l'intéressé a été victime d'une rechute d'un précédent accident du travail survenu le 13 février 2002 et qu'à la suite de visites médicales organisées les 21 juillet et 4 août 2009, le médecin du travail a estimé, après une étude approfondie de son poste et de ses conditions de travail à l'abattoir, qu'il était inapte à l'emploi d'ouvrier d'entretien et de maintenance, indiquant à cette occasion que l'intéressé ne pouvait plus effectuer de marche prolongée, de piétinement, de port de charges et de travail sur échelle. Or le requérant n'établit ni même n'allègue, qu'eu égard aux diverses contre-indications médicales ainsi formulées par le médecin du travail, il aurait pu, nonobstant l'édiction de la décision litigieuse du 7 septembre 2009, continuer d'exercer d'autres fonctions tant au sein de la régie municipale de l'abattoir qu'au sein de la commune de Saint-Yrieix-la-Perche, jusqu'à l'expiration de son mandat de délégué syndical. Dès lors, M. A...n'apporte pas la preuve qui lui incombe de ce que l'illégalité de ladite décision aurait occasionné pour lui de manière directe et certaine le préjudice financier qu'il invoque. Il s'ensuit que ses conclusions tendant au paiement de la somme de 43 320,23 euros, qui n'est d'ailleurs assortie d'aucun élément de calcul, ne peuvent qu'être rejetées.
7. En second lieu, le requérant qui entend obtenir la condamnation de la personne publique à réparer les conséquences dommageables qu'il impute à l'illégalité d'une décision administrative doit justifier de l'ensemble des préjudices qu'il invoque, en faisant état d'éléments personnels et circonstanciés pertinents. En se bornant à faire valoir que son préjudice est " constitué forfaitairement par la rémunération qu'il aurait perçue depuis son éviction jusqu'à la fin de sa période de protection ", l'appelant n'apporte aucun élément de nature à établir le préjudice moral qu'il allègue avoir subi du fait de l'illégalité de la décision de l'inspecteur du travail du 7 septembre 2009. Dès lors, il ne saurait davantage réclamer aucune somme à ce titre.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre du travail. Copie en sera transmise à la direction régionale de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Nouvelle Aquitaine.
Délibéré après l'audience du 13 février 2019 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Pierre Bentolila, président assesseur,
M. Axel Basset, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 mars 2019.
Le rapporteur,
Axel BassetLe président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre du travail, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N° 17BX00836