Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 8 février 2016 par lequel le préfet de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1602509 du 18 octobre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en production de pièces, enregistrés les 20 janvier et 8 février 2017, M.A..., représenté par Me Cesso, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 18 octobre 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 8 février 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou à défaut de procéder au réexamen de sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence ;
- le préfet de la Gironde a commis une erreur de droit ou entaché sa décision d'une insuffisance de motivation en lui opposant d'emblée le défaut de justification de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels pour une admission au séjour au titre de 1'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans tenir compte de la promesse d'embauche qu'il a présentée à l'appui de sa demande de titre, qui peut devenir un motif exceptionnel en fonction des autres éléments de sa situation ;
- en considérant que l'emploi proposé ne faisait pas partie des métiers caractérisés par des difficultés particulières de recrutement, ni ne figurait sur la liste annexée à l'arrêté ministériel du 18 janvier 2008, alors que la régularisation prévue par l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas soumise à ces conditions, le préfet a commis une erreur de droit ;
- il justifie de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine ; sa famille a été décimée lors de l'attentat de Gaziantep du 20 août 2016, survenu durant le mariage de son cousin, à quelques rues du domicile qu'ils occupaient dans cette ville ; il bénéficie d'une promesse d'embauche ; sa fille est scolarisée ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il justifie d'une ancienneté de séjour de plus de deux ans ; sa fille est scolarisée ; son couple n'est pas défavorablement connu par les services de police ; à la date de la décision attaquée, son épouse suivait un traitement hormonal en prévision d'une ponction dans le cadre d'une fécondation in vitro et une réimplantation embryonnaire par la suite, qui ne pouvait être arrêté sans mettre en danger la santé de la mère et qui a abouti à la naissance d'un enfant ; la décision les contraint à arrêter la procédure alors qu'il est impossible de suivre un tel traitement en Turquie ; les traitements ne sont pas pris en charge par le système d'assistance sociale turc et, s'ils existent en Turquie, ils sont exclusivement à Ankara et Istanbul et sont très chers ;
- l'annulation du refus de séjour pour l'un ou l'autre des deux époux doit aboutir à l'annulation pour le second, sauf à méconnaître l'article 3§1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
-la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- entrant dans les catégories ouvrant de plein droit à l'octroi d'un titre de séjour, il était protégé contre une mesure d'éloignement, en sorte que celle-ci doit être annulée ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- la décision d'éloignement est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où une procédure de procréation médicalement assistée est en cours et que le préfet était avisé de l'existence de cette procédure ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en 2013, il a été sollicité par le PKK pour participer à la construction d'un cimetière destiné aux combattants de l'organisation ; après son inauguration, des poursuites ont été engagées à l'encontre de l'ensemble des parties, de sorte qu'il était recherché et qu'il a dû prendre la fuite ; les pièces produites, qui présentent toutes les garanties d'authenticité, en justifient.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 mars 2017, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête en s'en rapportant à ses observations de première instance.
Par ordonnance du 21 février 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 23 mars 2017 à 12 heures.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 décembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Cécile Cabanne ;
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant turc, est entré en France le 25 octobre 2013. Sa demande d'asile déposée à son arrivée a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 juin 2014, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 5 mai 2015. Par arrêté du 8 février 2016, le préfet de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A...relève appel du jugement du 18 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.
Sur la légalité de l'arrêté du 8 février 2016 :
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. ".
3. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
4. L'arrêté attaqué rejette la demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée par M.A..., aux motifs que sa situation personnelle et familiale ne répond pas à des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels et " qu'ainsi la circonstance qu'il présente une promesse d'embauche conclue avec la SARL DECO DJYVAN sise à Bordeaux en qualité de " peintre " ne peut être accueillie dès lors qu'il n'établit pas que sa demande répond à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels " et qu' " en tout état de cause, l'emploi proposé de " peintre " ne fait pas partie des métiers caractérisés par des difficultés particulières de recrutement et ne figure pas sur la liste annexée à l'arrêté ministériel du 18 janvier 2008 ".
5. Une telle rédaction implique que le préfet a estimé ne pas devoir rechercher, dans les conditions rappelées ci-dessus, si la promesse d'embauche pouvait constituer dans les circonstances de l'espèce un motif exceptionnel. Il s'est ainsi abstenu d'examiner l'ensemble des éléments de fait susceptibles de l'éclairer sur la réalité des motifs invoqués par le demandeur, et notamment, la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger, ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule pour justifier sa demande. En outre, il a considéré qu'à titre subsidiaire l'absence du métier de peintre sur la liste annexée à l'arrêté ministériel du 18 janvier 2008 ferait obstacle à la régularisation de l'intéressé. Or, en supprimant, par l'article 27 de la loi du 16 juin 2011, la référence antérieurement faite par l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au troisième alinéa de l'article L. 313-10 du même code, le législateur a entendu ne plus limiter le champ de l'admission exceptionnelle au bénéfice de la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " aux cas dans lesquels cette admission est sollicitée pour exercer une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national. Dans ces conditions, il appartenait au préfet d'examiner la capacité de l'intéressé à exercer les fonctions envisagées et l'état du marché du travail dans ce secteur, sans pouvoir se borner à constater que le métier de peintre n'apparaissait pas sur la liste annexée à l'arrêté ministériel du 18 janvier 2008. Par suite, M. A...est fondé à soutenir qu'en lui refusant par les motifs invoqués le bénéfice d'une carte de séjour salarié, le préfet de la Gironde a fait une inexacte application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et à demander par suite l'annulation de l'arrêté.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 8 février 2016.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
7. L'exécution du présent arrêt n'implique pas nécessairement la délivrance d'un titre de séjour à M.A..., mais seulement que sa demande de titre de séjour soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de la Gironde de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Cesso, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de celui-ci le versement à Me Cesso de la somme de 1 000 euros.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement 1602509 du 18 octobre 2016 du tribunal administratif de Bordeaux et l'arrêté du préfet de la Gironde du 8 février 2016 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de M. A...dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'État versera à Me Cesso, avocat de M.A..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l 'État.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 mai 2017.
Le rapporteur,
Cécile CABANNELe président,
Catherine GIRAULTLe greffier,
Delphine CÉRON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX00229