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27/03/2019 | FRANCE | N°17-22083

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 27 mars 2019, 17-22083


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Catia automobiles (la société Catia) était concessionnaire des marques Chrysler, Jeep et Dodge, à Caen, depuis 2001 ; que, le 25 mai 2010, la société Chrysler France (la société Chrysler), qui assurait en France l'importation et la distribution des véhicules de ces marques, a résilié l'ensemble des contrats de distribution de véhicules neufs, de vente de pièces détachées et d'après-vente à effet au 31 mai 2011 ; que la société Chrysler a cédé son

fonds de commerce à la société Fiat France, aux droits de laquelle est venue l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Catia automobiles (la société Catia) était concessionnaire des marques Chrysler, Jeep et Dodge, à Caen, depuis 2001 ; que, le 25 mai 2010, la société Chrysler France (la société Chrysler), qui assurait en France l'importation et la distribution des véhicules de ces marques, a résilié l'ensemble des contrats de distribution de véhicules neufs, de vente de pièces détachées et d'après-vente à effet au 31 mai 2011 ; que la société Chrysler a cédé son fonds de commerce à la société Fiat France, aux droits de laquelle est venue la société FCA France (la société FCA) ; que, le 31 mai 2010, la société FCA a annoncé aux distributeurs du réseau qu'elle reprendrait la distribution en France des marques Lancia et Jeep et les a invités à faire acte de candidature pour la signature de nouveaux contrats ; que la société Catia, candidate pour la distribution de véhicules neufs et l'activité de réparation, a transmis, le 19 juillet 2010, à la société FCA le dossier de candidature que celle-ci lui avait envoyé le 18 juin 2010 ; que, par lettre du 7 janvier 2011, la société FCA a informé la société Catia de sa décision de refus d'agrément ; que, contestant ce refus et reprochant à la société FCA d'avoir confié la représentation des marques en cause à la société Socadia, qui était le distributeur Lancia "sur le même marché de référence", la société Catia l'a assignée, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, en réparation des préjudices résultant de son refus fautif d'agrément et de son retard dans la notification de ce dernier ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble les principes de liberté contractuelle et de liberté du commerce et de l'industrie ;

Attendu que pour dire que le refus d'agrément de la société Catia constitue une faute de la société FCA et condamner la seconde à payer à la première une indemnité, l'arrêt, après avoir constaté que la société FCA était à la tête d'un réseau de distribution sélective quantitative, énonce que le "concédant" est tenu, dès la phase précontractuelle, de respecter son obligation générale de bonne foi dans le choix de son cocontractant et en déduit que le titulaire du réseau doit sélectionner ses distributeurs sur le fondement de critères définis et objectivement fixés et appliquer ceux-ci de manière non-discriminatoire ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'exigence de bonne foi ne requiert pas, de la part de la tête d'un réseau de distribution la détermination et la mise en œuvre d'un tel processus de sélection, la cour d'appel a violé les texte et principe susvisés ;

Et sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu que pour condamner la société FCA à payer à la société Catia la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice causé par la tardiveté de la notification du refus d'agrément, l'arrêt retient que, la société FCA ayant, par la lettre du 31 mai 2010, adressée à la société Catia comme à l'ensemble des anciens distributeurs Lancia et Chrysler-Jeep-Dodge, "fait part de son souhait de maintenir les relations avec tous les concessionnaires", a indûment entretenu la société Catia dans l'espoir d'être agréée dans le nouveau réseau et lui a donné une incitation contraire à la reconversion, que le préavis d'un an avait pour but de permettre ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la lettre du 31 mai 2010 mentionnait que "l'un des principaux objectifs de Chrysler et Fiat sera de préserver, dans toute la mesure du possible, leurs réseaux de distribution actuels et leurs relations avec la plupart des distributeurs actuels" et que "Chrysler et Fiat envisagent donc de proposer à la plupart de leurs distributeurs actuels de participer à la nouvelle opportunité de développement , en concluant un nouveau contrat de distributeur agréé", la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de ce document, a méconnu le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 mai 2017, entre les parties, par la cour d‘appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Catia automobiles aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société FCA France la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société FCA France

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le refus d'agrément de la société Catia Automobiles constitue une faute de la société FCA France et d'avoir condamné la société FCA France à payer à la société Catia Automobiles une somme de 268 236 euros (229 712 + 13 039 + 5 485 + 20 000), assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2011, date de l'assignation, lesdits intérêts étant capitalisés ;

AUX MOTIFS QUE « le règlement européen d'exemption sur la distribution automobile (règlement n° 1400/2002 de la Commission du 31 juillet 2002 concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile, JO n° L 203 du 01/08/2002 p. 0030 - 0041) définit, dans son article 1er, g), le système de distribution sélective quantitative dans les termes suivants : "un système de distribution sélective dans lequel le fournisseur applique, pour sélectionner les distributeurs et les réparateurs, des critères qui limitent directement le nombre de ceux-ci" ; que ce règlement d'exemption permet d'exonérer, au titre de leur contribution au progrès économique sur le fondement de l'alinéa 3 de l'article 101 du TFUE, les ententes résultant de pratiques menées au sein des réseaux de distribution sélective quantitatif qui seraient qualifiables sur le fondement de l'alinéa 1 de l'article 101 du TFUE, dès lors que le concédant détient une part de marché inférieure à 40 %, en vertu de son article 3 qui dispose : "(...) le seuil de part de marché pour l'application de l'exemption est de 40 % pour les accords établissant des systèmes de distribution sélective quantitative pour la vente de véhicules automobiles neufs" ; qu'échappent toutefois à cette exemption automatique les clauses dites "caractérisées", constituées de restrictions à la libre formation des prix ou des restrictions territoriales ;
que la part de marché de la société FCA France sur le marché de la distribution des véhicules neufs des marques Jeep et Lancia, dont il n'est pas contesté qu'elle est inférieure à 40 %, permet de faire bénéficier son réseau de l'exemption automatique, sous réserve des éventuelles pratiques caractérisées qu'elle pourrait mettre en oeuvre ;
que les refus d'agrément discriminatoires ou injustifiés, ne constituant pas des "restrictions caractérisées", sont couverts par les seuils de minimis et le règlement d'exemption ;
qu'en revanche, sur le marché de la réparation, la société FCA France détient nécessairement une part supérieure à 80 % et ne bénéficie pas d'une exemption automatique ; que toutefois, il n'en résulte pas pour autant que cette pratique constitue une entente anticoncurrentielle, ce que la société Catia ne tente d'ailleurs pas de démontrer ;
mais que l'exemption d'un refus d'agrément, qui le fait échapper à la qualification de pratique anticoncurrentielle, ne le fait pas pour autant échapper au droit général des contrats, le concédant étant tenu, dès la phase précontractuelle, de respecter son obligation générale de bonne foi dans le choix de son cocontractant ;
qu'indépendamment de l'article L. 420-1 du code de commerce ou de l'article 101 du TFUE, s'il appartient, en stricte application du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, à tout fournisseur d'organiser le mode de distribution de ses produits et de procéder aux modifications et rationalisations jugées nécessaires sans que ses cocontractants ne bénéficient d'un droit acquis à y demeurer, le titulaire du réseau se doit, néanmoins, de sélectionner ses distributeurs sur le fondement de critères définis et objectivement fixés et d'appliquer ceux-ci de manière non-discriminatoire ;
qu'il ne peut sélectionner ses concessionnaires à la suite d'un appel à candidature, sans justifier les motifs de son choix au regard des critères de sélection qu'il s'est lui-même fixé ;
qu'ayant choisi d'adopter un système de distribution sélectif quantitatif, le concédant se devait, dans le processus de sélection de ses concessionnaires auquel il procédait après leur avoir préalablement adressé un courrier d'appel à candidature, de sélectionner ses concessionnaires selon les critères qu'il s'était fixé, au nom du principe général de bonne foi, applicable dès la phase précontractuelle, même si le choix de ces critères relevait de sa libre appréciation ;
que s'agissant du marché de référence de Caen où les parties s'accordent pour reconnaître qu'un seul concessionnaire pouvait être installé, la société Fiat devait choisir un des deux concessionnaires présents sur cette zone, soit la société Catia Automobiles, ancien concessionnaire Chrysler, soit la société Socadia, concessionnaire Lancia, et qui étaient donc en compétition pour obtenir l'agrément ;
qu'il n'est donc pas exact de dire que, comme elle le prétend, la société Fiat France était libre de choisir entre les sociétés Socadia et Catia Automobiles pour le marché de référence client (MRC) de Caen sans avoir besoin de justifier cette décision ;
que l'arrêt Rolex de la cour de céans, cité par la société intimée, n'est pas pertinent en l'espèce, car il concerne un refus d'agrément opposé par un fabricant à un commerçant qui souhaitait spontanément, et, pour la première fois, entrer dans le réseau de distribution, et non le processus de sélection de plusieurs distributeurs opéré par le concédant lui-même, à son initiative ;
que l'exigence de justifier de l'application régulière et non discriminatoire des critères de sélection impose de vérifier, en premier lieu, que les critères ont été notifiés à tous les candidats dans les mêmes conditions, et préalablement à leur réponse ;
qu'or, la société Catia Automobiles souligne que les critères ne lui ont été communiqués que le 22 avril 2011, cinq semaines avant l'expiration du contrat en cours et postérieurement au rejet de sa candidature par la société Fiat France ;
mais que la cour considère que la sélection s'est opérée à partir des "6 critères d'appréciation", figurant dans le courrier du 18 juin 2010, même si la société Fiat France n'a fourni son contrat de concession, détaillant les critères, qu'a posteriori ; que ces 6 critères sont les suivants : "1. La localisation : Qualité de l'emplacement du site proposé ; Visibilité ; Facilité d'accès ; Possibilité de parking ; 2. La qualité de la représentation : Qualité des structures (bâtiment, ergonomie, environnement), Surfaces disponibles pour Véhicules Neufs (VN), Véhicules d'Occasion (VO), Atelier, Magasin, Parkings ; 3. La qualité des structures financières : Qualité/solidité bilan (niveaux Equity Ratio = capitaux propres/situation nette, ratio d'endettement), Garantie Bancaire Autonome (à 1ère demande émanant d'un établissement bancaire et conforme à notre texte type) d'un montant adapté à votre activité commerciale et à la structure financière de la société titulaire du contrat, Envoi réalisé des états financiers trimestriels ; 4. Les performances commerciales : Réalisations des objectifs de vente sur les trois dernières années en VN, Pièces de Rechange et Accessoires (PRA), VO, Part de marché sur Marché de Référence Client vs part de marché national sur territoire couvert ; 5. La qualité du management : Organisations commerciales et Après-vente, actuelles et prévisionnelles, Compétence et stabilité des équipes, Pérennité du ou des dirigeants(s) ; 6. Qualité du service : Notation CSI RPM (indices satisfaction clientèle) sur les trois dernières années (par rapport à la moyenne France, évolution)" ;
que le processus de sélection objectif nécessite, en deuxième lieu, que le refus soit motivé et permette ainsi de vérifier que les candidatures ont été examinées avec sérieux ;
qu'or, le refus d'agrément est en l'espèce insuffisamment motivé, puisqu'il n'est pas accompagné d'appréciations littérales ou chiffrées au regard des critères exposés plus haut ;
que s'agissant de la candidature de la société Catia Automobiles à la distribution des véhicules Lancia, la lettre de refus du 7 janvier 2011 contient les mentions suivantes : "Après examen des différents éléments que vous nous avez retournés, et sur la base des 6 critères d'appréciation préalablement indiqués (
), nous sommes au regret de vous confirmer que vous n'êtes pas retenu pour représenter la marque Jeep à compter du 1er Juin 2011" ;
qu'au titre de la candidature de la société Catia Automobiles à la représentation de la marque Jeep, la société Fiat France a ajouté, dans sa lettre de refus, la précision selon laquelle : "Le net recul de vos performances commerciales traduit un désengagement pour les trois marques Chrysler, Dodge et Jeep, radicalement préjudiciable à leur commercialisation. Il en découle par ailleurs une perte de confiance à l'égard de la société que vous représentez qui exclut d'autant plus d'envisager tout nouveau partenariat pour la marque Jeep" ;

qu'au regard de ces courriers de refus qui témoignent du défaut d'examen sérieux de sa candidature, la société Catia Automobiles met en évidence, sans être sérieusement contredite sur ce point par la société Fiat France, que la société Socadia, candidat retenu, ne remplissait pas les standards financiers finalement communiqués a posteriori le 19 avril 2011, de 2009 à 2011, à savoir le respect des paramètres d'endettement financier net / situation nette (= 3,5) et de l'equity ratio (situation nette / total du bilan = 8 %), sauf en 2010, alors qu'elle-même les remplissait tous les ans (cf. page 21 des conclusions d'appel de la société Catia) ; que la société Fiat France ne peut se retrancher derrière l'argument selon lequel seule l'année 2010 serait probante, l'agrément étant donné pour 2011, et les années antérieures étant significatives pour examiner la solidité des ratios ;
qu'en troisième lieu, la sélection ne doit pas être discriminatoire ;
que la société Fiat France tente de justifier a posteriori sa sélection de la société Socadia par ses meilleures performances commerciales ;
qu'elle expose que le critère 3 était le plus important et que c'est celui qui a entraîné son choix, car "visant une comparaison entre les objectifs de vente et les ventes réalisées, (il) permettait d'apprécier l'efficacité commerciale du distributeur. C'est en réalité ce critère qui importe le plus dans la présente procédure de sélection puisque c'est celui qui a fondé essentiellement la décision du refus de FCA France et le choix de Socadia" ;
qu'elle souligne que la société Catia Automobiles avait vendu 17 véhicules en 2010 pour un objectif de 42, et 41 véhicules en 2009 pour un objectif de 47, toutes marques confondues c'est-à-dire pour les marques Chrysler (désormais intégrées dans la gamme Lancia faisant l'objet d'un objectif de 137 véhicules) et Jeep (faisant l'objet à elle seule d'un objectif de 41 véhicules) ;
que si l'on compare les performances commerciales de la société Socadia pour la marque Lancia avec celles de la société Catia sur le même marché de référence, la société Fiat France souligne qu'avec des objectifs comparables (46 pour Socadia contre 42 pour Catia en 2010), Socadia a vendu 33 véhicules ce qui représente une atteinte des objectifs de 72 % et un volume de ventes du double de celui de la société Catia qui n'en a vendu que 17 en 2010 ; que sur les cinq premiers mois de l'année 2011, la société Catia Automobiles n'aurait vendu que 2 véhicules alors que la société Socadia en aurait vendu 15 ; que ces mauvaises performances commerciales traduiraient "un désengagement de ce distributeur pour les trois marques démontré par les différents manquements aux standards de commercialisation des véhicules" ;
mais que cette comparaison n'est pas probante ; que les performances de la société Socadia, qui ne distribuait pas des marques en cessation de commercialisation, ne peuvent sérieusement être comparées, en 2009 et 2010, avec celles de la société Catia Automobiles, qui faisait face alors à une baisse drastique des stock de véhicules neufs Chrysler ;
qu'en effet, la société Catia justifie de 2005 à 2008 d'un respect constant de ses objectifs ; que sa situation ne se dégrade qu'en 2009 et, principalement en 2010, à cause de la baisse des importations de véhicules par Chrysler ; qu'il résulte en effet de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, du 10 février 2015, versé aux débats, que "Chrysler France a réduit sensiblement voire progressivement cessé, à compter de 2010, l'importation de véhicules de marques Chrysler et Dodge" ; que selon la cour, "cette pratique n'est pas la conséquence de la réduction des ventes mais a empêché une commercialisation normale des véhicules de cette année ; elle a nécessairement entraîné une baisse des ventes étant observé, que sur l'ensemble du réseau, une chute de 95 % des ventes de ces véhicules a été enregistrée de 2007 à 2011, 331 automobiles étant vendues en 2011 sur l'intégralité du territoire national" ;
que la société Fiat France prétend que la demande d'agrément en tant que distributeur agréé Jeep et Lancia présentée par la société Catia Automobiles l'a été de mauvaise foi, tant en raison de ses conditions d'exécution des contrats de distribution et de réparation Chrysler-Jeep-Dodge, que des conditions même de sa demande d'agrément ;
mais que l'existence de son contentieux avec la société Chysler ne saurait avoir d'impact sur sa bonne foi de contracter avec la société Fiat France ;
que par ailleurs, dans son dossier de candidature, elle aurait volontairement occulté ses objectifs de vente sur les années 2009 et 2010, et ses mauvaises réalisations par rapport à ces objectifs ;
mais que, comme il a été vu plus haut, cette réticence s'explique par l'absence de caractère significatif de ces chiffres et n'est pas dolosive ;
qu'en outre, le refus d'agrément a été notifié par Monsieur F..., directeur Chrysler Jeep Dodge de la société Fiat France, qui occupait précédemment les fonctions de directeur général de la société Chrysler France ; qu'à ce titre, Monsieur F... connaissait de longue date la société candidate et disposait de l'ensemble des données commerciales relatives à son point de vente ;
que le véritable motif du refus d'agrément de la société Catia Automobiles par la société Fiat France résulte de l'action en justice engagée contre la société Chrysler par le concessionnaire et la critique dirigée contre certains modèles des véhicules de la marque éponyme ; que ces motifs ne figurent pas au nombre des critères d'agrément retenus par la société Fiat ; que la société Fiat ne peut se retrancher derrière une "perte de confiance" que seule la société Chrysler elle-même, personne morale distincte, aurait pu, à la rigueur, tenter d'alléguer ;
qu'en refusant d'agréer la société Catia Automobiles, la société Fiat France a donc engagé sa responsabilité délictuelle, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, dans sa version alors en vigueur ;

(
) que sur l'indemnisation du refus, le refus d'agrément a privé la société Catia Automobiles de la faculté de distribuer les véhicules de marques Lancia et Jeep et d'exercer son activité de concessionnaire, ainsi que les services après-vente ; que son manque à gagner sera a minima évalué au volume de ventes qu'elle réalisait en moyenne chaque année, au cours des années 2006 à 2008 (années non affectées par la rupture de stock des véhicules de marque Chrysler), soit 112 véhicules par an, multiplié par la marge moyenne sur coûts variables réalisée par véhicule neuf, soit 2 051 euros, ce qui donne un montant global de 229 712 euros (états financiers de 2008 : pièce 20 de la société Catia) ;
que le préjudice résultant du non écoulement des stocks découle du refus d'agrément, car si la société Catia Automobiles avait pu conclure un contrat de concession avec Fiat, elle aurait pû vendre son stock de véhicules Chrysler, qu'elle ne peut à présent plus écouler après l'expiration de son contrat de concession Chrysler ; qu'il y a lieu d'évaluer ce préjudice à la somme de 13 039 euros (état des stocks de Catia : pièce 27 de Catia) ;
que de même, les frais de rupture conventionnelle d'une personne salariée sont imputables au refus d'agrément ; qu'il convient de lui allouer de ce chef la somme de 5 485 euros à titre de dommages-intérêts » ;

1°/ ALORS QUE le titulaire d'un réseau de distribution sélective quantitative, qui dispose d'une liberté de choix de ses distributeurs agréés, est simplement tenu d'appliquer des critères suffisamment précis pour être vérifiés ; que le principe de bonne foi ne lui impose pas de se fonder sur des critères objectifs mis en oeuvre de manière indifférenciée ; qu'en affirmant le contraire, et en en déduisant que la société FCA France aurait commis une faute en adressant à la société Catia Automobiles, candidat non retenu, des lettres de refus insuffisamment motivées et en procédant à une comparaison de performances qui ne serait pas probante, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble les principes de liberté contractuelle et de liberté du commerce et de l'industrie ;

2°/ ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties telles qu'elles résultent de leurs dernières conclusions et que le juge doit se prononcer seulement sur ce qui lui est demandé ; qu'en cause d'appel, la société Catia Automobiles sollicitait l'indemnisation de la « perte de son fonds de commerce », correspondant à la perte de la clientèle qu'elle avait fidélisée depuis 2001 (p. 30-31 de ses conclusions d'appel) ; que la cour d'appel a cependant condamné l'exposante à réparer le « manque à gagner » qu'aurait subi la société Catia Automobiles en étant « privée de la faculté de distribuer les véhicules de marques Lancia et Jeep et d'exercer son activité de concessionnaire » (arrêt attaqué, p. 10 § 6) ; qu'en statuant ainsi sur un préjudice qu'il ne lui était pas demandé d'indemniser, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

3°/ ALORS QUE les circonstances constitutives d'une faute dans l'exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels ne sont pas la cause du préjudice résidant dans la non-conclusion du contrat ; que la faute imputée à la société FCA France consiste à avoir fait preuve de déloyauté dans le choix et l'application des critères de sélection de son distributeur sur le marché de Caen ; qu'en décidant que le préjudice en résultant pour la société Catia Automobiles, candidat non retenu, correspondrait aux gains que cette société aurait obtenus et aux pertes qu'elle aurait évitées si le contrat avait été conclu, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

4°/ ALORS, SUBSIDIAIRMENT, QUE le dommage dont la réalisation est affectée d'un aléa constitue une perte de chance, dont la réparation doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'en l'espèce, à supposer que le préjudice causé par la faute imputée à la société FCA France puisse résider dans le défaut de conclusion du contrat de distribution envisagé, il ne pourrait alors s'analyser que comme en une perte de chance de conclure ce contrat ; qu'en décidant pourtant que ce préjudice correspondrait à la totalité des gains que la société Catia Automobiles aurait obtenus et des pertes qu'elle aurait évitées si le contrat avait été conclu, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la tardiveté de la notification du refus d'agrément de la société Catia Automobiles constitue une faute de la société FCA France et d'avoir condamné la société FCA France à payer à la société Catia Automobiles une somme de 268 236 euros (229 712 + 13 039 + 5 485 + 20 000), assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2011, date de l'assignation, lesdits intérêts étant capitalisés ;

AUX MOTIFS QU' « Il y a lieu de rechercher si le retard de notification du refus d'agrément est fautif et s'il a causé par un lien de causalité direct et certain un ou plusieurs chefs de préjudice ;
que le retard dans la notification de la décision de refus d'agrément, qui aurait pu être signifiée beaucoup plus tôt, avant l'automne 2010, compte tenu de son caractère désinvolte et lacunaire et son absence totale de motivation, et que la société Catia a sollicitée à plusieurs reprises, a pu entretenir celle-ci indûment dans l'espoir d'être agréée dans le nouveau réseau, d'autant que la société Fiat France, dans son courrier du 31 mai 2010, avait fait part de son souhait de maintenir les relations avec tous les concessionnaires : "L'un des principaux objectifs de Chrysler et Fiat sera de préserver, dans toute la mesure du possible, leurs réseaux de distribution actuels et leurs relations avec la plupart des distributeurs actuels que Chrysler et Fiat considèrent tous deux comme des atouts majeurs" ; que ce retard a pu lui donner une incitation contraire à la reconversion, que le préavis d'un an avait pour but de permettre ; que toutefois, le préavis délivré le 25 mai 2010 expirait le 31 mai 2011 ; qu'il restait donc cinq mois à la société Catia, après la notification du refus, pour se reconvertir, ce qui, compte tenu de la durée des relations contractuelles entretenues antérieurement avec Chrysler, de dix années, peut être considéré comme insuffisant ; qu'il lui sera alloué de ce chef une indemnité de 20 000 euros » ;

1°/ ALORS QUE dans son courrier du 31 mars 2010 adressé à la société Catia Automobiles, comme à l'ensemble des anciens distributeurs Lancia et Chrysler-Jeep-Dodge, le Groupe Fiat indiquait que l'un de ses principaux objectifs était de « préserver, dans toute la mesure du possible, [ses] réseaux de distribution actuels et [ses] relations avec la plupart des distributeurs actuels » (p. 2 avant-dernier §) et qu'il envisageait donc de « proposer à la plupart de [ses] distributeurs actuels de participer à la nouvelle opportunité de développement » (p. 2 dernier §) ; qu'il ajoutait qu'il souhaitait présenter son projet de manière plus détaillée à la société Catia Automobiles, en sa qualité de « membre potentiel du nouveau réseau » (p. 3 § 2) ; que les termes employés dans cette lettre faisaient clairement ressortir que la société FCA France ne reprendrait pas tous les anciens distributeurs Lancia et Jeep et que la sélection de la société Catia Automobiles en qualité de distributeur du réseau réorganisé n'était donc nullement acquise ; qu'en affirmant cependant que ce courrier du 31 mai 2010 ferait part du souhait de la société FCA France de maintenir les relations avec « tous les concessionnaires » (arrêt attaqué, p. 10 dernier §), pour en déduire que la société Catia Automobiles aurait été « entreten[ue] dans l'espoir d'être agréée dans le nouveau réseau » et que l'exposante aurait dès lors commis une faute en tardant à lui notifier sa décision de refus d'agrément, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce courrier, en méconnaissance de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;

2°/ ALORS QUE les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'après avoir ordonné l'indemnisation du préjudice tenant aux manque à gagner et pertes subis par la société Catia Automobiles du fait de l'absence de conclusion d'un contrat de distribution avec l'exposante, la cour d'appel a ordonné la réparation du préjudice résidant dans l'insuffisance du délai laissé à cette société pour se reconvertir ; qu'en indemnisant ainsi tout à la fois l'impossibilité d'exercer l'activité de concessionnaire Lancia et Jeep et l'absence de temps suffisant pour se reconvertir dans une autre activité, la cour d'appel a méconnu le principe de réparation intégrale, ensemble l'article 1382, devenu 1240, du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-22083
Date de la décision : 27/03/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CONTRATS DE DISTRIBUTION - Distribution - Distribution sélective - Distributeurs - Choix - Bonne foi - Détermination et mise en oeuvre d'un processus de sélection - Critères définis et objectivement fixés - Nécessité (non)

L'exigence de bonne foi ne requiert pas, de la part de la tête d'un réseau de distribution, la détermination et la mise en oeuvre d'un processus de sélection de ses distributeurs sur le fondement de critères définis et objectivement fixés


Références :

article 1382, devenu 1240, du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 24 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 27 mar. 2019, pourvoi n°17-22083, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat(s) : SCP Bénabent, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.22083
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