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22/05/2018 | FRANCE | N°16NT03131

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 22 mai 2018, 16NT03131


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux demandes M. A...G... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler respectivement :

- l'arrêté du président du conseil départemental de la Manche en date du 15 octobre 2015 par lequel il a été suspendu de ses fonctions à compter du lendemain ;

- l'arrêté du président du conseil départemental de la Manche en date du 23 décembre 2015, prononçant son exclusion temporaire de fonctions du 1er janvier au 31 décembre 2016.

Par un jugement n° 1502456-1600391 du 13 juil

let 2016, le tribunal administratif de Caen a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux demandes M. A...G... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler respectivement :

- l'arrêté du président du conseil départemental de la Manche en date du 15 octobre 2015 par lequel il a été suspendu de ses fonctions à compter du lendemain ;

- l'arrêté du président du conseil départemental de la Manche en date du 23 décembre 2015, prononçant son exclusion temporaire de fonctions du 1er janvier au 31 décembre 2016.

Par un jugement n° 1502456-1600391 du 13 juillet 2016, le tribunal administratif de Caen a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 septembre 2016 et 19 mars 2018, M.G..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 13 juillet 2016 en tant qu'il a rejeté ses conclusions en annulation de la sanction d'exclusion temporaire de fonctions prononcée le 23 décembre 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du président du conseil départemental de la Manche en date du 23 décembre 2015, prononçant son exclusion temporaire de fonctions ;

3°) de mettre à la charge du département de la Manche le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché de défaut de motivation dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu complètement au moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte en litige ;

- cette décision a été prise par une autorité incompétente ;

- sur la matérialité des faits et alors que les premiers juges se sont placés sur l'unique terrain de l'infraction sexuelle, il y a lieu de tenir compte du classement sans suite décidé sur ce même fondement par l'autorité judiciaire le 4 décembre 2015, soit antérieurement à cette sanction ;

- sur la qualification des faits et la disproportion entre la sanction et la gravité de la faute, la décision d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an constitue au regard des faits de l'espèce, dénaturés et aggravés, une sanction disproportionnée, dès lors qu'il ne s'agit que de taquineries entre collègues égaux, majeurs et consentants.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2017, le département de la Manche, représenté par MeI..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. G...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un mémoire présenté pour le département de la Manche, enregistré le 22 mars 2018, n'a pas été communiqué à défaut d'éléments nouveaux au sens de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi du 13 juillet 1983 portant statut général des fonctionnaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Francfort, président,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- les observations de MeB..., représentant M.G..., et celles de MeH..., représentant le département de la Manche.

Une note en délibéré, présentée pour le département de la Manche, a été enregistrée le 4 mai 2018.

1. Considérant que M. A...G...exerce depuis 2006, en sa qualité d'adjoint technique de deuxième classe des établissements d'enseignement, les fonctions d'agent polyvalent au collège de Saint-James (Manche) ; qu'à compter du 1er septembre 2015, il a été conduit à travailler avec Mme J..., âgée de 21 ans, recrutée par un contrat d'avenir ; que celle-ci, le 12 octobre 2015, après avoir alerté le principal du collège, a déposé plainte contre M. G... pour harcèlement sexuel ; que par arrêté du président du conseil départemental de la Manche du 15 octobre 2015, M. G... a été provisoirement suspendu de ses fonctions ; que l'intéressé a comparu le 9 décembre 2015 devant le conseil de discipline, qui s'est prononcé en faveur d'une exclusion temporaire de fonctions d'une durée d'un an ; que M. G...a fait l'objet de cette dernière sanction par un arrêté du 23 décembre 2015 ; qu'il a demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation tant de la décision de suspension que de l'exclusion temporaire de fonctions décidée à son encontre ; qu'il relève appel du jugement du 13 juillet 2016 en tant que les premiers juges ont rejeté ses conclusions dirigées contre la sanction prononcée à son encontre ;

Sur les conclusions à fins d'annulation :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 23 décembre 2015 prononçant la sanction d'exclusion pour une année à l'encontre de M. G...est signé par M. E... D..., directeur général des services du département, agissant sur le fondement d'une délégation de signature consentie le 4 novembre 2015 par M. A...F..., vice-président du conseil départemental, lequel exerçait alors provisoirement les fonctions de président du conseil départemental, compte tenu de l'empêchement du président, dont l'élection en tant que conseiller départemental avait été annulée par jugement du tribunal administratif en date du 24 septembre 2015 ;

3. Considérant, d'une part, qu'en ce qui concerne la direction des agents du département, la délégation de signature du 4 novembre 2015 ne vise expressément que la signature des " pièces relatives aux ordres de mission, à la gestion des congés, aux autorisations d'absences, aux états de frais de déplacement et aux heures supplémentaires ", et ne comporte aucune référence aux sanctions disciplinaires ; que si cette même délégation attribue compétence à M. D...pour signer les actes, courriers, pièces et docs énumérés l'arrêté de délégation de signature du même jour relatifs à la direction générale des services, ce dernier arrêté ne procède lui-même à aucune délégation en matière de sanctions disciplinaires ;

4. Considérant, d'autre part, que si le dernier alinéa de l'article 1er de l'arrêté de délégation invoqué confère à M. D...le pouvoir de signer " généralement, en application des délibérations du conseil départemental et de sa commission permanente et dans le cadre de l'exercice des pouvoirs du président du conseil départemental, tous actes, courriers, pièces et documents concernant les affaires administratives et contentieuses du département de la Manche, à l'exception des rapports du conseil départemental et de sa commission permanente ", ces termes, par ailleurs très généraux, ne visent que les actes que le président du conseil départemental est amené à prendre en tant qu'organe exécutif de la collectivité, à l'exclusion des mesures, telles que les sanctions disciplinaires, par lesquelles il met en oeuvre ses compétences propres, et notamment celles qu'il tient, en tant que chef des services du département, de l'article L. 3221-3 du code général des collectivités territoriales ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la délégation consentie à M. D...ne l'habilitait pas à décider, au nom du président du conseil départemental de la Manche, d'une mesure disciplinaire à l'encontre d'un fonctionnaire de ce département ; qu'ainsi, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens de la requête, la sanction prise à l'encontre de M. G..., décidée par une autorité incompétente, ne peut qu'être annulée ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que M. G...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les frais de procédure :

7. Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.G..., qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demande le département de la Manche au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

8. Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de la Manche le versement à M. G...d'une somme au même titre ;

DECIDE :

Article 1er : La sanction d'exclusion temporaire de fonction d'un an prononcée le 23 décembre 2015 à l'encontre de G...est annulée.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Caen en date du 13 juillet 2016 est annulé en tant qu'il est contraire aux dispositions de l'article 1er.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...G...et au département de la Manche.

Délibéré après l'audience du 4 mai 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Pons, premier conseiller,

- M. Bouchardon premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 mai 2018.

Le président,

J. FRANCFORTL'assesseur le plus ancien,

F. PONS

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT03131


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT03131
Date de la décision : 22/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SELARL JURIADIS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-05-22;16nt03131 ?
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