Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Punch Powerglide Strasbourg a demandé au tribunal administratif de Strasbourg notamment d'annuler la décision du 21 février 2013 par laquelle l'inspectrice du travail de la 7ème section de l'unité territoriale du Bas-Rhin a exigé le retrait du dernier alinéa de l'article 3 du règlement intérieur et de la disposition relative à la " tolérance zéro alcool " figurant dans l'annexe au règlement intérieur relative aux contrôles d'ébriété.
Par un jugement n° 1301524 du 7 avril 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 31 mai 2016 et 30 octobre 2017, la société Punch Powerglide Strasbourg, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 7 avril 2016 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'article 7 de la décision du 21 février 2013 par laquelle l'inspectrice du travail de la 7ème section de l'unité territoriale du Bas-Rhin a exigé le retrait de la disposition relative à la " tolérance zéro alcool " figurant dans l'annexe au règlement intérieur relative aux contrôles d'ébriété ;
2°) d'annuler l'article 7 de la décision du 21 février 2013 par laquelle l'inspectrice du travail de la 7ème section de l'unité territoriale du Bas-Rhin a exigé le retrait de la disposition relative à la " tolérance zéro alcool " figurant dans l'annexe au règlement intérieur relative aux contrôles d'ébriété.
Elle soutient que :
- la tolérance zéro alcool est circonscrite à des postes de travail exposés à une situation particulière de danger ou de risque ; tous les postes ne sont pas visés par l'annexe au règlement intérieur ;
- les postes limitativement visés dans l'annexe au règlement intérieur le sont de manière justifiée ; le document unique d'évaluation des risques professionnels le démontre ; l'atteinte à la liberté des travailleurs est proportionnée à la nécessité de préserver la santé et la sécurité des salariés ;
- la société a connu des accidents du travail aux conséquences parfois dramatiques.
Par un mémoire, enregistré le 21 juillet 2016, le syndicat CGT General Motors Strasbourg, représenté par la SCP Bourgun Dörr, a présenté des observations et conclut à ce que la cour mette à la charge de la société Punch Powerglide Strasbourg, le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Une mise en demeure restée sans réponse a été adressée le 3 octobre 2016 au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Par ordonnance du 13 octobre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 31 octobre 2017 à 16 heures.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Tréand,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour la société Punch Powerglide Strasbourg.
1. Considérant que la société Punch Powerglide Strasbourg a révisé son règlement intérieur qui est entré en vigueur, dans sa nouvelle version, le 20 novembre 2012 et qui comprend 22 articles et une " annexe au règlement intérieur concernant les contrôles d'état d'ébriété " ; que les salariés occupant des " postes de sûreté, de sécurité ou à risque ", tels que définis dans l'annexe, sont soumis à une " tolérance zéro alcool " ; qu'en application de l'article L. 1322-1 code du travail, l'inspectrice du travail de la 7ème section de l'unité territoriale du Bas-Rhin a, par l'article 7 de sa décision du 21 février 2013, exigé le retrait de la disposition relative à la " tolérance zéro alcool " figurant dans l'annexe au règlement intérieur relative aux contrôles d'ébriété ; que la société a demandé l'annulation notamment de cet article au tribunal administratif de Strasbourg qui a rejeté cette demande par le jugement du 7 avril 2016, dont l'appelante relève appel dans cette mesure ;
Sur l'intervention du syndicat CGT General Motors Strasbourg :
2. Considérant que le syndicat CGT General Motors Strasbourg a intérêt au maintien du jugement attaqué ; qu'il y a lieu d'admettre son intervention ;
Sur les conclusions d'annulation de l'article 7 de la décision du 21 février 2013 de l'inspectrice du travail de la 7ème section de l'unité territoriale du Bas-Rhin :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1121-1 du code du travail : " Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché " ; que son article L. 1321-1 dispose : " Le règlement intérieur est un document écrit par lequel l'employeur fixe exclusivement : / 1° Les mesures d'application de la réglementation en matière de santé et de sécurité dans l'entreprise ou l'établissement, notamment les instructions prévues à l'article L. 4122-1 (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1321-3 de ce code : " Le règlement intérieur ne peut contenir : (...) 2° Des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché " ; qu'enfin, l'article L. 4121-1 du même code dispose que : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs " ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 4228-20 du code du travail, dans sa version alors applicable : " Aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail. " ;
5. Considérant qu'il résulte des articles cités ci-dessus que si l'employeur peut, lorsque des impératifs de sécurité le justifient, insérer dans le règlement intérieur des dispositions qui limitent la consommation de boissons alcoolisées de manière plus stricte que la tolérance posée par l'article R. 4228-20 du code du travail, de telles dispositions doivent, conformément à l'article L. 1321-3 de ce code, être justifiées et rester proportionnées au but de sécurité recherché, alors même qu'il appartient à l'employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer, conformément à l'article L. 4121-1 du même code, la sécurité et la santé des travailleurs ;
6. Considérant que l'annexe au règlement intérieur concernant les contrôles d'état d'ébriété ne définit pas avec précision les postes dont les titulaires seront soumis à une " tolérance zéro alcool " ; qu'elle se contente d'évoquer les caractéristiques générales des " postes de sûreté et de sécurité ou à risque " puis d'établir une liste des " postes de conduite ", des " postes de maintenance " et des " autres postes " qui entrent dans le périmètre de l'interdiction ; que, plus que des postes, elle vise des métiers sans que soit justifiée la restriction imposée en l'absence d'élément caractérisant l'existence d'une situation particulière de danger ou de risque liée à la consommation faible d'alcool par le personnel exerçant ces missions ; que si, pour la première fois en appel, la société requérante tente de cerner les postes visés, elle ne produit pas les fiches de postes correspondantes, se contentant de renvoyer au document unique d'évaluation des risques professionnels, auquel il n'est fait aucune référence dans l'annexe au règlement intérieur, et à des tableaux répertoriant les accidents de travail dans l'entreprise, sans les exploiter ; qu'elle n'apporte, par conséquent, pas la preuve du caractère justifié et proportionné de l'interdiction imposée aux salariés occupant ces postes ;
7. Considérant qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la disposition relative à la " tolérance zéro alcool " excède, par son champ d'application imprécis, l'étendue des sujétions que l'employeur peut légalement imposer en application des dispositions précitées de l'article L. 4121-1 du code du travail et des restrictions qu'il peut légalement apporter à la liberté individuelle des salariés ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Punch Powerglide Strasbourg n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'article 7 de la décision du 21 février 2013 par laquelle l'inspectrice du travail de la 7ème section de l'unité territoriale du Bas-Rhin a exigé le retrait de la disposition relative à la " tolérance zéro alcool " figurant dans l'annexe au règlement intérieur relative aux contrôles d'ébriété ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que le syndicat CGT General Motors Strasbourg, intervenant en défense n'étant pas partie à la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à la condamnation de la société Punch Powerglide Strasbourg à payer audit syndicat la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : L'intervention du syndicat CGT General Motors Strasbourg est admise.
Article 2 : La requête de la société Punch Powerglide Strasbourg est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par le syndicat CGT General Motors Strasbourg sur le fondement de l'article L. 761-1 du code administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Punch Powerglide Strasbourg, à la ministre du travail et au syndicat CGT Général Motors Strasbourg.
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N° 16NC01005