Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...F...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 16 décembre 2011 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité territoriale de la Meuse a autorisé la société Miler Gaz à la licencier pour motif économique.
Par un jugement n° 1200288, 1200289, 1200290 et 1200291 du 31 décembre 2015, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 février et 21 septembre 2016, Mme D...F..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 31 décembre 2015 ;
2°) d'annuler la décision du 16 décembre 2011 de l'inspectrice du travail de l'unité territoriale de la Meuse ;
3°) de mettre à la charge de la société Miler Gaz, aux droits de laquelle vient la société Barrois Gaz, une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens ;
4°) de rejeter la demande formulée par la société Barrois Gaz sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont omis de statuer sur de nombreux moyens présentés devant eux ;
- la question renvoyée au juge judiciaire relevait de la compétence de la juridiction administrative ;
- le tribunal administratif ne pouvait rejeter sa demande au motif qu'elle n'aurait pas produit de preuve de saisine de la juridiction judiciaire, dès lors qu'un avis d'audience devant ce conseil lui a été transmis et que, en outre, le tribunal n'a fixé aucun délai pour l'obtention d'une décision du conseil des prud'hommes ;
- le conseil des prud'hommes s'étant également estimé incompétent, elle est victime d'un déni de justice ;
- le ministre du travail a abrogé la décision du 16 décembre 2011 ; la nullité de cette décision doit être confirmée par la juridiction administrative ;
- à titre subsidiaire, la décision contestée est entachée d'un défaut de motivation ;
- la société Butagaz était son co-employeur avec la société Miler Gaz ;
- le motif économique invoqué pour la licencier n'est pas réel ; son contrat de travail a été transféré à la société Logi Gaz à la date du 30 juin 2011 ;
- la société Miler Gaz a été négligente ; son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 24 juin et 24 octobre 2016, la société Barrois Gaz, venant aux droits de la société Miler Gaz, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête présentée par Mme F...et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à sa charge sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée n'a pas été retirée ;
- la requérante n'a fait preuve d'aucune diligence afin de faire trancher la question préjudicielle qu'il lui appartenait de poser ;
- la cessation d'activité de la société Miler Gaz était totale et définitive ;
- aucun des autres moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Fuchs,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de Me E...pour Mme F...et de Me C...pour la société Barrois gaz.
1. Considérant que Mme F...était employée par la société Miler Gaz et avait la qualité de salariée protégée ; que cette entreprise a sollicité l'autorisation de la licencier pour motif économique ; que par la décision contestée du 16 décembre 2011, l'inspectrice du travail de l'unité territoriale de la Meuse a accordé cette autorisation ; que le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande d'annulation de cette décision, par le jugement attaqué du 31 décembre 2015, au motif que la requérante ne justifiait pas avoir accompli les diligences nécessaires pour faire trancher par le juge judiciaire la question préjudicielle qu'il avait posée par un jugement avant-dire droit du 24 juin 2014 ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par une décision du 6 avril 2012, prise dans le délai de quatre mois dont elle disposait, l'inspectrice du travail de l'unité territoriale de la Meuse a retiré d'office la décision du 16 décembre 2011 autorisant le licenciement de la requérante motif pris de son illégalité ; que la société Miler Gaz a introduit un recours hiérarchique contre cette décision du 6 avril 2012 qui a été reçu par le ministre chargé du travail le 8 juin 2012 ;
3. Considérant que, le 8 octobre 2012, le ministre chargé du travail a considéré que la décision du 6 avril 2012 était illégale en raison de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure et, par l'article premier de sa décision, a prononcé son annulation ; que le ministre a ensuite estimé, malgré la circonstance que la décision initiale de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement était alors à nouveau en vigueur et sans rapporter explicitement cette décision, qu'il lui appartenait de statuer sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société Miler Gaz ; qu'il a alors constaté qu'à la date à laquelle il se prononçait il n'existait plus de lien contractuel entre la requérante et son ancien employeur et, par le second article de sa décision du 8 octobre 2012, il a rejeté la demande d'autorisation de licenciement ;
4. Considérant, d'une part, qu'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif ; que si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait plus lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite de la requête dont il était saisi ; qu'il en va ainsi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution ;
5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de (...) l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision " ; qu'il résulte de ces dispositions que cette notification doit, s'agissant des voies de recours, mentionner, le cas échéant, l'existence d'un recours administratif préalable obligatoire ainsi que l'autorité devant laquelle il doit être porté ou, dans l'hypothèse d'un recours contentieux direct, indiquer si celui-ci doit être formé auprès de la juridiction administrative de droit commun ou devant une juridiction spécialisée ;
6. Considérant toutefois que le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance ; qu'en une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable ; qu'en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les parties ont eu connaissance de la décision du ministre chargé du travail au plus tard le 14 novembre 2012, date à laquelle la juridiction leur a communiqué cette décision dans le cadre de la première instance ; qu'ainsi, et alors même que le courrier de notification produit au dossier n'est pas accompagné d'un accusé de réception permettant d'établir la date à laquelle la décision du 8 octobre 2012 a été notifiée, cette décision doit être regardée comme ne pouvant plus faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir à compter du 14 novembre 2013 ;
8. Considérant qu'en statuant à nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement de la requérante présentée par la société Miler Gaz et en la rejetant, le ministre doit être regardé comme ayant, implicitement mais nécessairement, annulé la décision initiale du 16 décembre 2011 autorisant le licenciement, cette dernière décision ne pouvant subsister concomitamment à la décision prise par le ministre ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 7, la décision du ministre du travail du 8 octobre 2012, qui n'a pas été contestée dans le délai de recours contentieux, est devenue définitive ; que, par suite, la décision du 16 décembre 2011 a été retirée en cours d'instance par une décision ayant acquis un caractère définitif ; qu'il en résulte que, quand bien même la décision ministérielle du 8 octobre 2012 serait entachée d'illégalité et alors que la décision du 16 décembre 2011 a produit des effets, puisque la requérante a été licenciée, les conclusions à fin d'annulation de cette dernière décision étaient devenues sans objet ; que le jugement du tribunal administratif de Nancy, qui a statué sur cette demande, doit donc être annulé, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres conclusions des parties ou d'examiner les autres moyens ; qu'il y a lieu d'évoquer les conclusions de la demande ainsi devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de constater qu'il n'y a pas lieu d'y statuer ;
9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société Barrois Gaz la somme demandée par Mme F...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas non plus lieu de mettre à la charge de la requérante la somme demandée par la société Barrois Gaz sur ce même fondement ; qu'en l'absence de dépens, les conclusions sur ce point ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 31 décembre 2015 est annulé en tant qu'il statue sur la demande présentée par MmeF....
Article 2 : Il n'y pas lieu de statuer sur la demande présentée par Mme F...devant le tribunal administratif de Nancy.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...F..., à la société Barrois Gaz et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
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N° 16NC00379