Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2016 par lequel le recteur de l'académie d'Aix-Marseille l'a radiée du corps des professeurs de lycée professionnel, ainsi que la décision du 23 février 2016 rejetant son recours gracieux et la décision du 22 juin 2016 rejetant son recours hiérarchique.
Par une ordonnance n° 1605259 du 1er août 2016, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, des mémoires et des pièces complémentaires, enregistrés le
3 octobre 2016, le 18 octobre 2016, le 21 février 2017 et le 15 mars 2017, Mme B...A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Marseille du 1er août 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2016, par lequel le recteur de l'académie d'Aix-Marseille l'a radiée du corps des professeurs de lycée professionnel pour abandon de poste, ainsi que la décision du 23 février 2016 rejetant son recours gracieux et la décision du 22 juin 2016 rejetant son recours hiérarchique ;
3°) d'enjoindre au recteur de l'académie d'Aix-Marseille de la réintégrer dans le corps des professeurs de lycée professionnel et de procéder à la reconstitution de sa carrière et au versement des traitements et indemnités correspondantes ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande présentée devant le tribunal administratif n'était pas tardive ;
- la lettre de mise en demeure précédant la décision de radiation des cadres a été prise par une autorité incompétente ;
- la lettre de mise en demeure ne comporte pas les mentions nécessaires pour que le refus de s'y soumettre caractérise une situation d'abandon de poste.
Par un mémoire enregistré le 27 février 2017, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête sont infondés.
Un courrier du 16 février 2017, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Une ordonnance du 28 mars 2017 a fixé la clôture de l'instruction à la date de son émission, en application des dispositions des articles R. 613-1 et R. 611-11-1 du code de justice administrative.
Un mémoire, enregistré le 2 juin 2017, a été présenté par MmeA..., après la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Argoud,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Sur la régularité du jugement attaqué :
1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. " ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...a formé le
5 février 2016 un recours gracieux à l'encontre de l'arrêté du 21 janvier 2016 prononçant sa radiation des cadres ; que ce recours a été rejeté par une décision du 23 février 2016 mentionnant que, pour contester cette décision, l'intéressée pouvait former, dans le délai de deux mois, soit un recours hiérarchique soit un recours contentieux, et indiquait également à tort que l'exercice d'un recours hiérarchique conserverait la possibilité de former un recours contentieux ; que, par suite, l'intéressée étant ainsi induite en erreur sur le régime des délais de recours contentieux, sa demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille le 23 juin 2016, à la suite du rejet implicite le 22 juin 2016 du recours hiérarchique adressé au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, le 22 avril 2016, ne pouvait être regardée comme tardive ; que dès lors, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Marseille a déclaré à tort que la demande de Mme A...était irrecevable pour ce motif ; que son ordonnance du 1er août 2016 doit donc être annulée ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Marseille ;
Sur la légalité de l'arrêté du 21 janvier 2016 :
4. Considérant qu'une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer ; qu'une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il court d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision de radiation des cadres en litige a été précédée d'un courrier du 15 septembre 2015, se bornant à indiquer à Mme A...qu'elle n'avait pas justifié de ses absences depuis le 1er septembre 2015 et à lui demander de régulariser cette situation en l'informant qu'un envoi tardif de justificatifs d'arrêts de maladie l'exposait à une réduction de traitement ; que cette lettre ne mettant pas l'intéressée en demeure de rejoindre son poste, celle-ci ne peut pas être regardée comme ayant abandonné son poste faute d'avoir satisfait à la demande formulée dans ce courrier ; que Mme A...est donc fondée à soutenir que la décision prononçant sa radiation pour abandon de poste ainsi que les décisions confirmatives prises sur recours gracieux et sur recours hiérarchique sont entachées d'illégalité, et à en demander pour ce motif l'annulation ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;
7. Considérant que le présent arrêt implique nécessairement que l'administration procède à la réintégration et à la reconstitution de carrière de MmeA... mais n'implique pas que l'administration verse à l'intéressée les traitements et indemnités qu'elle aurait perçus si elle n'avait pas été illégalement exclue de ses fonctions ; qu'il appartient à l'administration de verser à Mme A...une indemnité prenant en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressée avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions en déduisant, le cas échéant, le montant des rémunérations que Mme A...a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction ; qu'il y a lieu d'enjoindre au recteur de l'académie d'Aix-Marseille de procéder à la réintégration et à la reconstitution de carrière de Mme A...et de lui verser une indemnité dans les conditions qui viennent d'être indiquées, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A...et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance du 1er août 2016 du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Marseille, l'arrêté du 21 janvier 2016, par lequel le recteur de l'académie
d'Aix-Marseille a radié Mme A...du corps des professeurs de lycée professionnel, ainsi que la décision du 23 février 2016 prise sur recours gracieux et la décision du 22 juin 2016 prise sur recours hiérarchique sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au recteur de l'académie d'Aix-Marseille de réintégrer Mme A...dans ses fonctions, de procéder à la reconstitution de la carrière de cette dernière et de lui verser une indemnité dans les conditions prévues au point 7.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A...la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'éducation nationale.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2017, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. Renouf, président assesseur,
- M. Argoud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 juillet 2017.
N° 16MA03807