Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Toulon, afin qu'il puisse fixer la somme au versement de laquelle la société Electricité réseau distribution France (ERDF) doit être condamnée, d'ordonner une expertise tendant à la détermination du préjudice qu'il a subi en raison de l'accident d'électrisation dont il a été victime le 20 juillet 2006.
Par un jugement n° 1401247 du 10 juin 2016, le tribunal administratif de Toulon a sursis à statuer sur sa demande jusqu'à ce que le tribunal des affaires de sécurité sociale du Var se soit prononcé sur la question de savoir si les fautes commises par la société Colas, employeur de M.D..., doivent être qualifiées ou non de fautes inexcusables au sens du code de la sécurité sociale.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2016, M.D..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 10 juin 2016 ;
2°) d'ordonner, afin qu'il puisse fixer la somme au versement de laquelle la société ERDF doit être condamnée, une expertise tendant à la détermination du préjudice qu'il a subi ;
3°) de mettre à la charge de la société ERDF la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure qu'il a introduite devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Var à l'encontre de son employeur, la société Colas, et relative à une faute inexcusable concerne la rechute survenue le 26 avril 2013 et non l'accident du 20 juillet 2006 ;
- une action devant ce tribunal relative à l'accident du 20 juillet 2006 est prescrite depuis le 21 janvier 2010, en application de l'article L. 461-5 du code de la sécurité sociale ;
- à titre principal, la société ERDF est seule responsable du préjudice qu'il subit en raison des fautes commises lorsqu'elle a posé le câble qui est à l'origine de l'électrisation ;
- il est un tiers par rapport à l'ouvrage public qui a causé le dommage et la société ERDF est également responsable sans faute à son égard ;
- il n'a commis aucune faute ;
- à titre subsidiaire, l'exonération de la responsabilité de la société ERDF en raison des fautes qu'aurait commises son employeur, la société Colas, ne peut être que partielle.
Par des mémoires, enregistrés le 9 août 2016 et le 27 mars 2017, la caisse primaire d'assurance maladie du Var, représentée par MeF..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 10 juin 2016 ;
2°) de condamner la société ERDF à lui verser la somme de 92 609,54 euros ;
3°) de mettre à la charge de toute partie perdante la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en cas de faute inexcusable de l'employeur, M. D...dispose d'un recours contre la société Colas, ce qui fait obstacle à ce que la société ERDF se prévale du fait du tiers afin d'atténuer sa responsabilité à l'égard de la victime ;
- en tout état de cause, en raison de la prescription de toute action de M.D..., il appartenait au tribunal de statuer sur le fait du tiers ;
- elle a droit, en application de l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale, au remboursement, par la personne à qui l'accident est imputable, du montant de ses débours.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2017, la société Enedis, anciennement la société ERDF, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident :
- d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 10 juin 2016 ;
- de rejeter la demande de M.D... ;
3°) de mettre à la charge de M. D...la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la société Colas a commis des fautes qui l'exonèrent de toute responsabilité ;
- cette faute n'étant pas inexcusable et, en tout état de cause, l'action de M. D...à l'encontre de son employeur étant prescrite, elle peut utilement invoquer le fait du tiers dans le cadre d'un dommage de travaux publics ;
- M. D...a également commis des fautes qui l'exonèrent de toute responsabilité ;
- elle n'a commis aucune faute de nature à faire obstacle à une exonération de responsabilité.
La requête a été communiquée à la société Colas qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Barthez,
- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,
- et les observations de MeB..., substituant MeF..., représentant la caisse primaire d'assurance maladie du Var, et celles de MeA..., représentant la société Enedis.
Considérant ce qui suit :
1. M.D..., employé de la société Colas, a été victime d'une électrisation le 20 juillet 2006 à 10 heures 30 alors qu'il participait à des travaux de rénovation de la voie publique à Saint-Raphaël, l'engin pelleteur qu'il guidait ayant accroché un câble d'une tension de vingt mille volts. Il a saisi le tribunal administratif de Toulon d'une demande qui doit être regardée comme tendant à la condamnation de la société ERDF devenue la société Enedis à réparer le dommage qu'il estime avoir subi. Le tribunal, après avoir jugé que M. D..., en sa qualité de tiers victime d'un dommage de travaux publics, est fondé à rechercher la responsabilité sans faute de la société Enedis et que la société Colas avait commis des fautes, a sursis à statuer sur la demande dont il était saisi jusqu'à ce que le tribunal des affaires de sécurité sociale du Var se soit prononcé sur le caractère inexcusable des fautes commises par la société Colas.
2. M.D..., la caisse primaire d'assurance maladie du Var et la société Enedis interjettent appel de ce jugement avant dire droit. Toutefois, eu égard à la portée de la décision attaquée, le tribunal administratif de Toulon reste saisi des demandes, notamment de condamnation, que les parties ont formées devant lui. Par suite, les moyens et conclusions développés dans la présente instance afin d'expertise et de condamnation ne peuvent qu'être rejetés.
Sur le bien fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article R. 771-2 du code de justice administrative : " Lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction judiciaire, la juridiction administrative initialement saisie la transmet à la juridiction judiciaire compétente. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle ".
4. En cas de dommages de travaux publics, le fait du tiers est sans influence sur les obligations vis-à-vis de la victime, sauf dans le cas où le maître de l'ouvrage est privé de la possibilité d'exercer un recours en garantie contre les tiers si ces derniers sont exonérés par la loi de toute responsabilité vis-à-vis de la victime.
5. S'agissant des employeurs en cas d'accidents du travail, l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale fait obstacle à ce que la victime d'un tel accident exerce contre son employeur une action de droit commun tendant à la réparation des conséquences de l'accident, sauf en cas de faute inexcusable de l'employeur. En application de l'article L. 452-2 du même code, les indemnités que la victime perçoit doivent être majorées en cas de faute inexcusable de l'employeur. Selon l'article L. 452-4 : " A défaut d'accord amiable entre la caisse et la victime ou ses ayants droit d'une part, et l'employeur d'autre part, sur l'existence de la faute inexcusable reprochée à ce dernier, ainsi que sur le montant de la majoration et des indemnités mentionnées à l'article L. 452-3, il appartient à la juridiction de la sécurité sociale compétente, saisie par la victime ou ses ayants droit ou par la caisse primaire d'assurance maladie, d'en décider (...) ". Enfin, l'article L. 431-2 prévoit que les droits de la victime se prescrivent par deux ans à dater, notamment, du jour de l'accident de travail ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière.
6. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'accident de travail du 20 juillet 2006, M. D... a bénéficié d'indemnités journalières jusqu'au 20 janvier 2008. Il est constant qu'il n'a pas demandé à bénéficier d'une majoration des prestations en raison du caractère inexcusable de la faute qu'aurait commise son employeur. Ainsi, ses droits sont prescrits depuis le 21 janvier 2010. Par suite, la société Colas doit être regardée comme étant à présent exonérée de toute responsabilité à l'égard de M. D...et la société Enedis est donc privée de la possibilité d'exercer un recours en garantie contre elle, y compris en cas de faute inexcusable. Ainsi, même dans une telle circonstance, la société Enedis peut utilement invoquer le fait du tiers pour s'exonérer, le cas échéant partiellement, de sa responsabilité à l'égard de M.D..., victime d'un dommage de travaux publics. La solution du litige ne dépend donc pas du caractère inexcusable des fautes qu'aurait commises la société Colas.
7. Il résulte de tout ce qui précède que les parties ayant produit à l'instance sont bien fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a sursis à statuer sur la demande dont il était saisi.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, pour l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et dans les circonstances de l'espèce, de laisser à chaque partie la charge des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés dans la cadre de la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 10 juin 2016 du tribunal administratif de Toulon est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Var, à la société Enedis et à la société Colas.
Copie en sera adressée au tribunal des affaires de sécurité sociale du Var.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2018, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président,
- M. Barthez, président assesseur,
- MmeG..., première conseillère.
Lu en audience publique le 17 mai 2018.
N° 16MA02651 2
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