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08/02/2019 | FRANCE | N°16BX02353

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 08 février 2019, 16BX02353


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL L e Jardin de Château Gaillard a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 17 mars 2014 par laquelle le préfet de la Martinique a prononcé la déchéance de ses droits relatifs à l'attribution d'une aide du fonds européen agricole pour le développement rural, ensemble la décision de cette même autorité rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n°1400661 du 12 mai 2016, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure

devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 19 juillet 2016, le 15 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL L e Jardin de Château Gaillard a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 17 mars 2014 par laquelle le préfet de la Martinique a prononcé la déchéance de ses droits relatifs à l'attribution d'une aide du fonds européen agricole pour le développement rural, ensemble la décision de cette même autorité rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n°1400661 du 12 mai 2016, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 19 juillet 2016, le 15 mai 2017 et le 6 juin 2017, la SARL Le Jardin de Château Gaillard, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 12 mai 2016 ;

2°) d'annuler la décision du 17 mars 2014 susmentionnée du préfet de la Martinique et le rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le signataire de l'arrêté du 17 mars 2014 ne justifie pas d'une délégation régulière : la délégation est trop générale et l'administration ne justifie pas de la publication régulière de cette délégation produite ; décision ne mentionne pas la délégation dont disposait le signataire et enfin, l'agent signataire ne pouvait se voir déléguer de manière cumulative des compétences en matière de gestion, de contrôle et de sanction, sans méconnaitre les dispositions de l'article 74 du règlement n° 1698/2005 du 20 septembre 2005 ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen soulevé relatif à la compétence du comité de suivi pour prendre la décision ;

- la régularité de la procédure de contrôle ayant entrainé la déchéance de ses droits n'est pas démontrée ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé en droit ;

- au fond : le jugement est entaché d'une erreur de fait car les dates d'encaissement des chèques n° 3892922 et n° 3892923 sont les 13 octobre 2009 et 10 novembre 2009, et non les 6 octobre et 4 novembre 2009, mentionnés par les premiers juges ; il est donc erroné de retenir ensuite que le règlement serait intervenu antérieurement à la date de réalisation des travaux effectués par la société SOMATRAV ;

- les décisions de l'autorité préfectorale, ainsi que le jugement attaqué, sont également entachés d'erreur de fait, d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que la régularité des factures produites dans le cadre de sa demande d'aide n'a pas été retenue : aucune fausse déclaration ne peut lui être reprochée ; la société était de bonne foi ;

- la sanction dont elle fait l'objet est disproportionnée dès lors que l'administration a choisi la mesure la plus sévère prévue par les dispositions du règlement n° 65/2011.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 20 avril 2017 et le 26 mai 2017, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête.

Le ministre fait valoir que les moyens soulevés par la SARL Le Jardin de Château Gaillard ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 15 mai 2017, la clôture de l'instruction de cette affaire a été fixée, en dernier lieu, au 6 juin 2017 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil du 21 juin 2005 relatif au financement de la politique agricole commune ;

- le règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil du 20 septembre 2005 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) ;

- le règlement (UE) n° 65/2011 de la Commission du 27 janvier 2011 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil en ce qui concerne l'application de procédures de contrôle et de conditionnalité pour les mesures de soutien au développement rural

- le décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements ;

- le décret n° 2009-1452 du 29 novembre 2009 fixant les règles d'éligibilité des dépenses de programmes de développement rural ;

- le décret n° 2010-1582 du 17 décembre 2010 relatif à l'organisation et aux missions des services de l'Etat dans les départements et les régions d'outre-mer, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvande Perdu,

- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société Le Jardin de Château-Gaillard.

Deux notes en délibéré présentées par la société Le Jardin de Château-Gaillard ont été enregistrées les 15 et 31 janvier 2019

Considérant ce qui suit :

1. La société Le Jardin de Château-Gaillard a sollicité le 11 septembre 2009 une subvention au titre de la mesure 121 du programme de développement rural de la Martinique (PDRM) financée par le fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) afin de réaliser une unité de production agricole en cultures maraîchères. Par une convention du 23 décembre 2009 conclue avec le préfet de la région Martinique et modifiée par un avenant du 13 avril 2011, la société s'est vu attribuer une subvention d'un montant total de 284 767, 06 euros. A la suite d'une visite de contrôle réalisée sur place le 6 juin 2013, et au terme de la procédure contradictoire prévue en cas de contestation, le directeur de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt a déclaré le 17 mars 2014 le projet inéligible pour cause de fausse déclaration et décidé le recouvrement des aides déjà perçues par la société. La société Le Jardin de Château-Gaillard a formulé un recours gracieux le 23 mai 2014 qui a été rejeté par une décision notifiée le 1er octobre 2014. Elle interjette appel du jugement du 12 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à obtenir l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. Les premiers juges ont omis de se prononcer sur la branche du moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision de déchéance de ses droits alors que la société, dans le mémoire enregistré le 28 novembre 2014, soutenait que la décision du 17 mars 2014 aurait dû être prise par le comité de suivi des aides et non par le directeur de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt.

3. Dès lors, le jugement est irrégulier et doit être annulé. Il y a lieu pour la cour de statuer immédiatement, par voie d'évocation, sur les conclusions à fin d'annulation.

Sur la légalité des décisions en litige :

En ce qui concerne la légalité externe de la décision du 17 mars 2014 :

4. Aux termes de l'article 9 du règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil du 21 juin 2005 alors en vigueur : " 1. Les États membres: a) prennent, dans le cadre de la politique agricole commune, toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives, ainsi que toute autre mesure nécessaire pour assurer une protection efficace des intérêts financiers de la Communauté, et en particulier pour: i) s'assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le FEAGA et le FEADER; ii) prévenir et poursuivre les irrégularités; iii) récupérer les sommes perdues à la suite d'irrégularités ou de négligences (...) ". Aux termes de l'article 74 du règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil du 20 septembre 2005 alors en vigueur : " (...) 2. Les États membres désignent, pour chaque programme de développement rural, les autorités suivantes : a) l'autorité de gestion, qui peut être un organisme public ou privé, national ou régional, ou l'État membre exerçant lui-même cette fonction, et qui est chargée de la gestion du programme concerné ; b) l'organisme payeur au sens de l'article 6 du règlement (CE) no 1290/2005 ; c) l'organisme de certification au sens de l'article 7 du règlement (CE) n° 1290/2005. 3. Les États membres veillent à ce que, pour chaque programme de développement rural, le système de gestion et de contrôle nécessaire ait été établi, en attribuant et en séparant clairement les fonctions respectives de l'autorité de gestion et des autres organismes. Les États membres sont responsables du fonctionnement efficace des systèmes tout au long de la période de mise en oeuvre du programme (...) ". Enfin, l'article 75 de ce règlement dispose que : " (...) 1. L'autorité de gestion est responsable de la gestion et de la mise en oeuvre efficaces, effectives et correctes du programme, et elle est chargée en particulier : a) de veiller à ce que les opérations soient sélectionnées pour le financement conformément aux critères applicables au programme de développement rural (...) " ;

5. Par ailleurs, aux termes de l'article 2 du décret du 29 avril 2004 : " (...) Le préfet de région est responsable de l'exécution des politiques de l'Etat dans la région, sous réserve des compétences de l'agence régionale de santé, ainsi que de l'exécution des politiques communautaires qui relèvent de la compétence de l'Etat. ". Aux termes de l'article 2 du décret du 17 décembre 2010 : " Sous l'autorité du préfet, et sous réserve des compétences attribuées à d'autres services ou établissements publics de l'Etat, la direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt exerce les missions à caractère régional et départemental suivantes : 1° La direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt met en oeuvre les politiques relatives à l'agriculture et au développement des territoires. A ce titre, elle concourt : (...)g) A la gestion et au contrôle des aides publiques à l'agriculture et à la forêt ; elle assure la coordination des contrôles relatifs à ces aides (...) ".

6. Il ne résulte pas des dispositions applicables précitées que le comité de suivi des aides avait le pouvoir de prendre la décision de sanction en litige, ni que son avis conforme était requis avant le prononcé d'une sanction. Et la circonstance que la convention du 23 décembre 2009 a été conclue après avis du comité ne confère à ce dernier aucune compétence en matière de sanction.

7. Il résulte en revanche des dispositions communautaires précitées que l'autorité de gestion, responsable de la mise en oeuvre du programme, peut, après avoir octroyé une subvention, récupérer les sommes versées à son bénéficiaire en cas d'irrégularités ou de négligences de sa part. En vertu des dispositions nationales précitées, la compétence pour prendre les décisions relatives au contrôle des aides communautaires est dévolue au directeur de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, sous l'autorité du préfet de région.

8. Enfin, il ressort des pièces du dossier que la décision du 17 mars 2014 a été prise par M.C..., directeur adjoint de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, directeur par intérim. Par un arrêté n° 2014035-0035 portant délégation de signature à M.C..., publié au recueil des actes administratifs spécial n° 17 de février 2014 de la préfecture de la Martinique, l'intéressé est autorisé à signer les " actes administratifs, y compris attributifs, concernant les projets financés par le ministère de l'agriculture de l'alimentation, de la pêche de la ruralité et de l'aménagement du territoire et/ou le FEADER, dans le cadre du PDRM ", à l'exclusion de matières précisées à l'article 2 de l'arrêté sans objet dans le présent litige. Par suite, M. C...était compétent pour signer la décision du 17 mars 2014 prononçant la déchéance des droits de la société appelante relatifs à l'attribution d'une aide du fonds européen agricole pour le développement. La circonstance que cette décision ne fait pas mention de la délégation étant sans influence sur sa légalité.

9. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision du 17 mars 2014 doit donc être écarté en toutes ses branches.

10. Aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 alors en vigueur : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions individuelles défavorables qui les concernent (...) ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

11. En l'espèce, la décision du 17 mars 2014 mentionne les textes sur lesquels se fonde la déchéance des droits à l'attribution de la subvention en faisant référence au règlement (UE) n°65/2011 de la commission du 27 janvier 2011 et en citant les articles 4 paragraphe 8 et 3 paragraphe 2 de ce texte. La décision litigieuse est ainsi suffisamment motivée en droit.

12. Par ailleurs, la société appelante se borne à alléguer sans apporter aucun commencement de preuve que la procédure de contrôle effectuée le 6 juin 2013 aurait été irrégulière. Dans ces conditions, ce moyen ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne des décisions litigieuses :

13. Aux termes de l'article 25 règlement (UE) n° 65/2011 du 27 janvier 2011 alors en vigueur, portant application du règlement (CE) n° 1698/2005 " Contrôles sur place 1. Les États membres organisent des contrôles sur place pour les opérations approuvées sur la base d'un échantillon approprié. Ceux-ci sont, dans la mesure du possible, effectués avant que soit réalisé le dernier paiement pour une opération (...) ". Aux termes de l'article 26 de ce même règlement : " Contenu des contrôles sur place 1. En effectuant les contrôles sur place, les États membres s'attachent à vérifier : a) que les demandes de paiement introduites par le bénéficiaire sont justifiées par des pièces comptables ou d'autres documents, y compris, le cas échéant, une vérification de l'exactitude des données de la demande de paiement sur la base de données ou de documents commerciaux détenus par des tiers ; b) pour un nombre adéquat de dépenses individuelles, que la nature et la date de réalisation de ces dépenses sont conformes aux dispositions de l'Union européenne, au cahier des charges approuvé de l'opération et aux travaux réellement exécutés ou aux services réellement fournis ; c) que la destination effective ou prévue de l'opération correspond aux objectifs décrits dans la demande d'aide; d) que les opérations faisant l'objet d'un financement public ont été mises en oeuvre conformément aux règles et aux politiques de l'Union, notamment aux règles relatives aux appels d'offres publics et aux normes obligatoires pertinentes fixées par la législation nationale ou dans le programme de développement rural. "

14. Aux termes des dispositions du II de l'article 1er du décret du 24 novembre 2009 fixant les règles d'éligibilité des dépenses des programmes de développement rural : " Une dépense est éligible à une participation financière au titre d'un programme de développement rural (...) sous réserve du respect des conditions suivantes (...) : / b) L'opération a fait l'objet d'une demande d'aide, présentée préalablement à son commencement d'exécution (...) / Pour l'application du b, la date de commencement d'exécution d'une opération correspond à la date du premier acte juridique passé pour la réalisation du projet ou, à défaut, à la date de paiement de la première dépense. (...) " et, aux termes du I de l'article 5 de ce décret : " Sont regardées comme des dépenses réelles justifiées par les bénéficiaires les paiements justifiés soit par des factures acquittées, soit par des factures auxquelles sont jointes des pièces permettant de vérifier le paiement effectif aux créanciers, soit par des pièces comptables de valeur probante équivalente ".

15. L'article 2 de la convention attributive de subvention Feader conclue entre la société Le Jardin de Château-Gaillard et le préfet de la région Martinique stipule : " Le bénéficiaire peut commencer l'exécution de son opération à partir de la date de dépôt de sa demande de subvention. Un projet commencé avant cette date est inéligible en totalité. Le commencement d'exécution est réputé constitué par le premier acte juridique passé pour la réalisation (bon de commande, devis contresigné par le bénéficiaire) ".

16. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport de contrôle effectué sur place, qu'une facture Somatrav n° 009/07/141 en date du 10 novembre 2009, d'un montant total de 8 272, 04 euros, relative à des travaux de charpente métallique a été transmise à la direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt pour le paiement du deuxième acompte, alors que l'original de la facture détenue par la société comporte la date du 30 juillet 2009, soit une date antérieure au dépôt, le 11 septembre 2009, de la demande de subvention par la société Le Jardin de Château-Gaillard.

17. Si la société requérante se prévaut d'une attestation de ce fournisseur Somatrav, au demeurant non datée, selon laquelle les travaux facturés auraient été exécutés le 10 novembre 2009, ladite attestation mentionne que cette facture a été acquittée par deux chèques n° 3892922 et n° 3892923, respectivement encaissés les 13 octobre 2009 et 10 novembre 2009. Toutefois, l'examen des relevés de compte fournis par la requérante révèle d'une part, que le chèque n°3892922 est d'un montant de 7 000 euros et le chèque n° 3892923 d'un montant de 3 000 euros, ce qui ne correspond pas au montant de la facture litigieuse. D'autre part, ces deux chèques ont été encaissés les 6 octobre et 4 novembre 2009, antérieurement à la date alléguée d'exécution des travaux litigieux. La société Le jardin de Château-Gaillard ne fournit pas de bon de livraison ni aucune autre pièce permettant d'établir que les dépenses ont été engagées après la demande de subvention. Enfin, si la société soutient que la date du 30 juillet 2009 constitue une erreur, il est constant que cette erreur n'a pas été corrigée en comptabilité.

18. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que la société requérante a présenté, pour le paiement du deuxième acompte, une facture Claie FC090137 du 26 novembre 2009, d'un montant total hors taxes de 62 417, 38 euros, relative à une dépense de " fourniture pompe " pour un montant de 28 356, 98 euros et une dépense " fourniture système cartographie des maladies " pour un montant de 34 060, 40 euros. La visite sur place a cependant révélé qu'une facture Claie comportant le même numéro et la même date, et portant sur un montant identique de 62 417, 38 euros était relative à des dépenses de formation et de main d'oeuvre, prestations non couvertes par la convention du 23 décembre 2009.

19. La société Le Jardin de Château-Gaillard soutient qu'il s'agit d'une erreur, que le fournisseur a omis de changer la dénomination exacte de la prestation réalisée demandée : un premier devis lui aurait été demandé pour réaliser une prestation de formation auprès des salariés, mais ce projet de formation aurait été abandonné faute de financement. Elle se prévaut, en outre, d'une attestation de la société Claie selon laquelle cette facture FC090137 correspond à la fourniture et l'installation d'une pompe et la prestation correspondant à l'intitulé " système de cartographie des maladies " correspond à la fourniture d'un logiciel et à son installation, et que ces matériels correspondent aux factures n° FC080512 et n° FC080499. Toutefois, d'autres pièces produites révèlent que, pour la phase de transit de matériels entre le continent et la Martinique, ces deux factures n° FC080512 et n° FC080499 portent sur des montants largement supérieurs à ceux portés sur la facture FC090137. Ainsi, aucune pièce produite n'est probante.

20. Dans ces conditions, en estimant la société Le Jardin de Château-Gaillard avait ainsi procédé à de fausses déclarations, le directeur de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt n'a commis ni erreur de fait ni erreur d'appréciation.

21. Enfin, aux termes de l'article 30 du règlement (UE) n° 65/2011 alors en vigueur : " 1.Les paiements sont calculés en fonction de ce qui est jugé admissible lors des contrôles administratifs. L'État membre examine la demande de paiement reçue du bénéficiaire et établit les montants admissibles à l'aide. Il fixe : / a) le montant payable au bénéficiaire sur la seule base de la demande de paiement;/ b) le montant payable au bénéficiaire après vérification de l'admissibilité de la demande de paiement. / Si le montant établi conformément au point a) dépasse le montant établi conformément au point b) de plus de 3 % une réduction est appliquée au montant établi conformément au point b). Le montant de la réduction correspond à la différence entre ces deux montants. / Néanmoins, aucune réduction n'est appliquée si le bénéficiaire peut démontrer qu'il n'est pas responsable de l'inclusion du montant non admissible. / (...) 2. S'il est constaté qu'un bénéficiaire a délibérément effectué une fausse déclaration, l'opération en cause est exclue du soutien du Feader et tout montant déjà versé pour cette opération est recouvré. Le bénéficiaire est en outre exclu du bénéfice de l'aide au titre de la même mesure pendant l'année civile de la constatation et la suivante. 3. Les réductions et exclusions visées aux paragraphes 1 et 2, s'appliquent mutatis mutandis aux dépenses non admissibles décelées au cours des contrôles effectuées conformément aux articles 25 et 29. "

22. Il résulte de ce qui précède que, la société Le Jardin de Château-Gaillard a délibérément manqué à certains de ses engagements déclaratifs. Ainsi, le directeur de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt a fait une exacte application des dispositions précitées en décidant de recouvrer le montant intégral des sommes perçues. A cet égard, la société ne peut utilement faire valoir que l'administration n'a pas fait application à sa situation des réductions d'aides prévues par les dispositions de l'article 18 du règlement n° 65/2011 et celles précitées du 1 de l'article 30 de ce même règlement, dès lors que ces dispositions, certes plus favorables aux bénéficiaires, ne s'appliquent pas en cas de manquements délibérés. La société ne peut donc utilement soutenir que la décision de déchéance serait, pour ce seul motif, disproportionnée.

23. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par la SARL Le Jardin de Château Gaillard tendant à obtenir l'annulation de la décision du 17 mars 2014 et du rejet de son recours gracieux doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761 1 du code de justice administrative :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Martinique est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Le Jardin de Château-Gaillard devant le tribunal administratif de la Martinique et le surplus des conclusions de la requête de la société le jardin de Château-Gaillard sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Le Jardin de Château-Gaillard et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Copie en sera adressée au ministre des outre-mer et au préfet de la Martinique.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. Sylvande Perdu, premier conseiller,

M. Romain Roussel, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 8 février 2019.

Le rapporteur,

Sylvande Perdu

Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX02353


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02353
Date de la décision : 08/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

15-08 Communautés européennes et Union européenne. Litiges relatifs au versement d`aides de l'Union européenne.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Sylvande PERDU
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : CABINET LEXIA

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-02-08;16bx02353 ?
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