Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association solinoise de protection de l'environnement et M. B...ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 19 mai 2014 par laquelle le préfet de la Charente-Maritime a enregistré les installations de méthanisation et de combustion de la société Méthadoux Energies sur le territoire de la commune de Sainte-Soulle.
Par un jugement n° 1501241 du 28 avril 2016, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision préfectorale du 19 mai 2014.
Procédure devant la cour :
I - Par une requête, enregistrée le 27 juin 2016 sous le n° 16BX02079 et un mémoire complémentaire du 19 avril 2017, la société Méthadoux Energies, représentée par la Selarl Huglo Lepage et Associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 19 mai 2014 ;
2°) de mettre à la charge de l'association solinoise de protection de l'environnement et de M. B...la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :
- le tribunal n'a pas exposé les raisons pour lesquelles il déduisait des articles L. 512-7-3 et R. 512-46-4 du code de l'environnement que le pétitionnaire est tenu de fournir des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières, et notamment justifier de telles capacités en propre ou fournies par des tiers de manière suffisamment certaine ; il en résulte un défaut de motivation du jugement attaqué qui l'entache d'irrégularité.
Elle soutient, en ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué, que :
- en application de l'article L. 512-7-3 du code de l'environnement, le préfet ne peut prendre un arrêté d'enregistrement que si le demandeur a justifié qu'il possède les capacités techniques et financières pour assurer l'exploitation de l'installation et la remise en état du site après son arrêt définitif ; c'est à tort que le tribunal a jugé que la capacité financière de la société Méthadoux Energies n'était pas établie pour annuler l'arrêté du 19 mai 2014 alors que dès son dossier de demande, la société Méthadoux Energies consacrait une section entière à cette question ; ce dossier a été jugé régulier et complet par les services instructeurs ;
- même si le dossier devait être regardé comme lacunaire sur ce point, la société pouvait produire l'ensemble des éléments attestant de ses capacités techniques et financière au cours de l'instance ; il appartient au juge administratif de tenir compte de l'évolution du contexte législatif et réglementaire régissant la démonstration par un exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement de ses capacités financières à assumer un projet ; en effet, la législation a évolué de façon à permettre au pétitionnaire de disposer du financement au moment de la mise en service de l'installation classée et ce en application de la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 et du nouvel article R. 181-14 du code de l'environnement ; il convient ainsi de considérer les capacités techniques et financières du demandeur non pas au moment où il dépose sa demande mais au moment où l'installation entrera en activité ; cette évolution est confirmée par les dispositions de l'article L. 512-7-3 du code de l'environnement issues de l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017, qui impose au préfet de tenir compte des capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en oeuvre pour son projet ;
- dans une note de mai 2012, le syndicat des énergies renouvelables a précisé que le demandeur peut prouver ses capacités en produisant notamment un plan de financement prévisionnel, un plan d'investissement, un document présentant le montage financier de l'opération, des documents à caractère patrimonial ou comptable prouvant la solvabilité de ses actionnaires ;
- l'appartenance à un groupe de sociétés peut permettre de caractériser la suffisance des capacités financières ; par ailleurs, une attestation bancaire émettant un avis favorable sur le projet permet aussi d'attester des capacités financières du pétitionnaire ;
- lors de sa constitution en juillet 2013, l'actionnariat de la société Méthadoux Energies était détenu à hauteur de 51 % du capital par la société Agrométhane 17, qui regroupe plusieurs exploitants agricoles concentrant leur action sur la production d'énergie verte, et à hauteur de 49 % du capital par la société Adelis, spécialisée dans les projets d'exploitation d'énergie renouvelable et filiale à 100 % de la société Idex, premier opérateur indépendant dans les domaine de la gestion de l'énergie ; puis 16 % du capital de la société Méthadoux Energies a été pris par la société Energie Partagée Investissement (EPI) qui constitue un outil financier d'investissement citoyen dans la production d'énergies renouvelables ; ensuite, 15 % du capital de la société Méthadoux Energies a été détenu par la société Adelis (groupe Idex) et 34 % par la société Bio Méthanisation Partenaires (BMP) ; ainsi, l'actionnariat de la société pétitionnaire s'est considérablement étoffé, témoignant de la confiance des différents acteurs dans son projet ; ces éléments attestent également de la solidité financière de la société Méthadoux Energies grâce à la robustesse financière de ses partenaires ;
- la société Méthadoux Energies a apporté tous les documents attestant de ses capacités financières ; elle a ainsi produit un plan prévisionnel des recettes et des coûts liés au fonctionnement de l'installation ; elle a été en mesure de chiffrer le montant des investissements nécessaires à la mise en place de l'installation ; le montage financier du projet a été présenté et il prévoit que son financement se fera sur fonds propres, au moyen de subventions et d'un emprunt bancaire ; les documents à caractère patrimonial et comptable ont aussi démontré la solidité financière des différents actionnaires de la société Méthadoux Energies ;
- la société Méthadoux Energies produit en appel de nouveaux éléments confirmant les conditions dans lesquelles son projet doit être financé (investissements sur fonds propres à hauteur de 20 % du coût du projet, subventions à hauteur de 20 % et prêt bancaire accordé à concurrence de 60 %) ;
- ces éléments constituent des engagements précis et fermes de financement qui sont suffisants, selon le Conseil d'Etat, pour admettre que le pétitionnaire dispose des capacités financières exigées (CE, 22 février 2016, n° 384821) ; toutefois, le Conseil d'Etat n'exige pas du demandeur qu'il produise la preuve de l'obtention d'un emprunt bancaire contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Poitiers ;
- par ailleurs, le contenu du dossier de demande d'enregistrement n'était pas de nature à nuire à l'information du public ni à influencer le sens de la décision alors même que certains des éléments produits devant le tribunal n'y auraient pas figuré ; les capacités techniques et financières de la société Méthadoux Energies y sont décrites avec précision et n'ont pas été jugées insuffisantes par le préfet de la Charente-Maritime ; durant la consultation du public, les tiers n'ont pas émis des remarques sur les capacités techniques et financières du pétitionnaire ;
- l'enregistrement de l'installation auquel a procédé le préfet n'a pas méconnu les intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement ; ainsi, le projet d'usine de méthanisation est situé en dehors des périmètres de protection rapprochée d'un captage d'eau destiné à la consommation humaine et à 300 mètres de la première habitation occupée par des tiers ; le projet est ainsi conforme aux exigences de l'article 6 de l'arrêté ministériel du 12 août 2010 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations de méthanisation relevant de la rubrique n° 2781-1 ; les risques d'incendie et d'explosion que présente l'installation ont été identifiés dans le dossier de demande qui comporte toutes les dispositions à mettre en oeuvre pour éviter qu'ils ne se produisent ; les nuisances olfactives évoquées par les requérants de première instance sont très exagérées car dès lors que la méthanisation est un procédé qui se réalise en milieu fermé, il n'entraînera aucune diffusion d'odeurs à l'air libre ; le digestat résultant du processus de méthanisation doit être valorisé par épandage et non par compostage, seul ce dernier procédé pouvant engendrer la diffusion d'odeurs ; l'installation ne favorisera aucunement la prolifération de mouches contrairement aux allégations des requérants de première instance.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 27 mars 2017 et le 15 mai 2017, l'association solinoise de protection de l'environnement et M. A...B..., représentés par la SCP Pielberg-Kolenc, concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Méthadoux Energies le paiement à M. B...de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement du tribunal n'est pas irrégulier dès lors qu'il ne pose aucune exigence nouvelle en ce qui concerne l'application des articles L. 512-7-3 et R. 512-46-4 du code de l'environnement qu'il lui appartenait de motiver spécifiquement ;
- il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'enregistrement au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'enregistrement, étant précisé que les obligations relatives à la composition du dossier de demande d'autorisation d'une installation classée relèvent des règles de procédure ; à la date de l'arrêté attaqué, la société Méthadoux Energies n'avait pas produit de pièces démontrant qu'elle disposait des capacités financières pour mener à bien son projet ;
- il appartient en effet au pétitionnaire de fournir des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières à l'appui de son dossier ; à ce titre, il doit justifier disposer de ces capacités en propre ou fournies par des tiers de manière suffisamment certaine ; conformément à cette exigence, le juge administratif est venu indiquer qu'il appartient au pétitionnaire de fournir des éléments probants démontrant que, si le financement doit se réaliser par des emprunts bancaires, il soit produit des engagements fermes d'un établissement financier ;
- en l'espèce, le financement du projet en litige s'élève à la somme de 6 027 000 euros alors qu'à aucun moment, la société Methadoux Energies n'a produit un engagement ferme d'un organisme financier ou bancaire lui garantissant qu'elle bénéficierait d'un emprunt ; elle s'est bornée à affirmer avoir mis en place un montage financier " lorsque l'autorisation sera devenue définitive, pratique courante pour ce genre de projet " ; une telle affirmation n'est pas probante pour le juge administratif (CE, 22 février 2016, n° 384821) ; de plus, il ressortait du dossier d'enregistrement et des pièces produites en cours d'instance que la société Méthadoux Energies ne disposait pas du capital lui permettant de financer la totalité du projet ; il a en outre été établi que le montant des travaux n'est plus estimé à 6 027 000 euros mais à 7 500 000 euros ; si de nouveaux associés sont entrés au capital de la société Methadoux, celui-ci s'élève toujours à la somme de 30 000 euros ; il n'est absolument pas justifié du financement par emprunt autrement que par la production d'un acte sans portée juridique qui ne constitue pas un engagement ferme d'un établissement financier ;
- par ailleurs, la société Methadoux Energies ne peut soutenir que l'absence au sein du dossier de demande d'enregistrement des nombreuses pièces qu'elle a été amenée à produire devant le tribunal était insusceptible de nuire à l'information du public ou d'influencer le sens de la décision préfectorale ; en effet, en application des articles L. 512-7-3 et R. 512-46-4 du code de l'environnement, une demande d'enregistrement doit comporter toutes les informations utiles sur les capacités techniques et financières de l'exploitant afin qu'il soit établi non seulement qu'il pourra exploiter l'installation dans des conditions de fonctionnement compatibles avec la protection de l'environnement et la sécurité des personnes, mais encore qu'en fin d'exploitation, il sera en capacité de procéder à la remise en état du site ;
- en l'espèce, le dossier de demande initial présenté par la société Methadoux Energies ne comportait qu'une description très théorique du financement à intervenir ; les éléments qui ont été produits aux débats devant le tribunal puis la cour par la société Methadoux sont constitués de documents qui n'ont jamais été produits ou mis à la disposition du public lorsque celui-ci a eu à faire connaître ses observations sur ledit projet ; le public n'a ainsi disposé d'aucune information sur l'investissement impliqué par la création de l'installation de méthanisation, ses frais de fonctionnement, le coût d'une éventuelle remise en état ; aucun plan de financement n'a été fourni, permettant de savoir quel moyen d'investissement global serait pris en charge ; le fait qu'aucune personne sur les 70 qui ont présenté des observations sur le projet n'aient discuté des capacités financières de la société Methadoux Energies tend à démontrer que le public n'a pu s'interroger sur les capacités financières de cette dernière ;
- sur le fond, la décision d'enregistrement a été prise en méconnaissance de l'article L. 511-1 du code de l'environnement en vertu duquel une installation classée pour la protection de l'environnement ne peut être autorisée à fonctionner à l'occasion de la délivrance d'un enregistrement que s'il est établi qu'elle n'est pas de nature à porter une atteinte grave en terme de danger ou d'inconvénient à l'environnement ou bien à la commodité du voisinage ;
- le projet de la société Methadoux Energies consiste à créer une unité de méthanisation sur un terrain situé à proximité d'entreprises déjà en activité, ainsi que dans les environs immédiats de la zone urbanisée du Saut-la-Ragenaud dont les premières maisons d'habitation sont situées à trois cent mètres dudit projet ; cette unité de méthanisation sera amenée à traiter 18 249 tonnes par an de matières végétales brutes, d'effluents d'élevages et autres matières et déchets végétaux, d'industries agroalimentaires ; ces effluents et déchets entraînent la création de " digestats " solides ou liquides destinés à l'épandage agricole ; le processus de méthanisation implique la création de méthane, un gaz hautement inflammable et malodorant, à partir de la macération des déchets ; ainsi, le projet d'unité de méthanisation présente des risques d'explosion et d'incendie, génère des problèmes olfactifs et de salubrité générés qui auraient dû conduire le préfet à refuser l'enregistrement de la demande de la société Méthadoux Energies.
Par ordonnance du 3 avril 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 15 mai 2017 à 12 heures.
L'association solinoise de protection de l'environnement a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 octobre 2016.
II - Par un recours, enregistré le 29 juin 2016 sous le n° 16BX02128 et des mémoires complémentaires, présentés le 2 août 2016 et le 29 août 2017, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer demande à la cour d'annuler le jugement n° 1501241 du tribunal administratif de Poitiers du 28 avril 2016.
Il soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :
- en annulant l'arrêté préfectoral du 19 mai 2014, les premiers juges ont statué ultra petita dès lors que les demandeurs de première instance ont seulement entendu soulever un moyen tiré de l'insuffisance du dossier de demande d'enregistrement concernant les capacités techniques et financières du pétitionnaire ; le moyen contestait ainsi la légalité externe de la décision préfectorale ; or, le tribunal a jugé que la société Méthadoux Energies ne disposait pas des capacités techniques et financières pour exploiter l'installation et pour remettre le site en état lors de son arrêt définitif alors qu'un tel moyen n'était pas soulevé devant eux ;
- le jugement est insuffisamment motivé car il ne permet pas de savoir si le tribunal a entendu sanctionner l'insuffisance des capacités financières de la société au titre de la légalité externe (article L. 512-7-3 du code de l'environnement) ou au titre de la légalité interne (article R. 512-46-4 du même code).
Il soutient, en ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué, que :
- il convient de considérer les capacités techniques et financières du demandeur non pas au moment où il dépose sa demande mais au moment où l'installation entrera en activité en application des dispositions de l'article L. 512-7-3 du code de l'environnement, issues de l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017, qui imposent au préfet de tenir compte des capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en oeuvre pour son projet ;
- l'appréciation rigoureuse des capacités financières du pétitionnaire telle qu'elle résulte de la décision du Conseil du 22 février 2016 (n° 384821) invoquée par les demandeurs de première instance ne saurait trouver application en l'espèce dès lors qu'elle s'applique à une installation classée pour la protection de l'environnement soumise à autorisation ; en l'espèce, le projet de la société Méthadoux Energies est soumis à la formalité de l'enregistrement, laquelle porte sur des activités dont les enjeux environnementaux et les risques connus sont mieux maîtrisés ;
- en tout état de cause, la société Méthadoux Energies justifiait des capacités financières lui permettant de mener à bien son projet ; son dossier de demande exposait le résultat d'exploitation prévisionnel, qui était positif, et comportait les éléments permettant d'apprécier la capacité financière de ses actionnaires ; les autres éléments que la société a présentés devant le tribunal administratif et la cour administrative d'appel sont venus confirmer qu'elle disposait des capacités financières nécessaires à la réalisation de l'usine de méthanisation (" business plan ", pacte d'associé du 4 mai 2015, engagements en vue de l'octroi de subventions et offre de financement bancaire) ; de plus, les producteurs de biométhane bénéficient d'un tarif d'achat réglementé et de débouchés certains ;
- c'est à tort que le tribunal a recherché si le pétitionnaire avait la capacité financière nécessaire à la remise en état du site dans l'hypothèse où elle cesserait son activité avant le délai de treize ans correspondant au remboursement de son emprunt bancaire ; une telle exigence ne découle en effet d'aucun texte ; les capacités financières doivent être appréciées globalement, elles sont censées couvrir tous les risques sans que le pétitionnaire soit tenu de préciser les garanties qu'il entend mobiliser pour chaque cas de figure ;
- si le tribunal est regardé comme s'étant fondé sur un motif de légalité externe pour annuler l'arrêté préfectoral du 19 mai 2014, il a commis une erreur de droit en ne recherchant pas si les insuffisances de la demande d'enregistrement, à les supposer établies, ont nui à l'information complète du public ou ont exercé une influence sur le sens de la décision prise ;
- il appartiendra à la cour, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, d'écarter les autres moyens soulevés par les demandeurs de première instance au regard des moyens de défense exposés par le préfet devant le tribunal.
Par un mémoire en défense, présenté le 25 juillet 2017, l'association solinoise de protection de l'environnement et M.B..., représentés par la SCP Pielberg-Kolenc, concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le paiement à M. B...de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement du tribunal n'est pas irrégulier car le tribunal s'est régulièrement prononcé sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 512-7-3 du code de l'environnement qui était expressément soulevé devant lui ; et le tribunal a recherché, comme il devait le faire, non seulement si le dossier de demande comportait les justifications des capacités financières de la société mais encore si celles-ci ressortaient des pièces qui lui étaient soumises ;
- il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'enregistrement au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'enregistrement, étant précisé que les obligations relatives à la composition du dossier de demande d'autorisation d'une installation classée relèvent des règles de procédure ; à la date de l'arrêté attaqué, la société Méthadoux Energies n'avait pas produit de pièces démontrant qu'elle disposait des capacités financières pour mener à bien son projet ;
- il appartient en effet au pétitionnaire de fournir des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières à l'appui de son dossier ; à ce titre, il doit justifier disposer de ces capacités en propre ou fournies par des tiers de manière suffisamment certaine ; conformément à cette exigence, le juge administratif est venu indiquer qu'il appartient au pétitionnaire de fournir des éléments probants démontrant que, si le financement doit se réaliser par des emprunts bancaires, il soit produit des engagements fermes d'un établissement financier ;
- en l'espèce, le financement du projet en litige s'élève à la somme de 6 027 000 euros alors qu'à aucun moment, la société Methadoux Energies n'a produit un engagement ferme d'un organisme financier ou bancaire lui garantissant qu'elle bénéficierait d'un emprunt ; elle s'est bornée à affirmer avoir mis en place un montage financier " lorsque l'autorisation sera devenue définitive, pratique courante pour ce genre de projet " ; une telle affirmation n'est pas probante pour le juge administratif (CE, 22 février 2016, n° 384821) ; de plus, il ressortait du dossier d'enregistrement et des pièces produites en cours d'instance que la société Méthadoux Energies ne disposait pas du capital lui permettant de financer la totalité du projet ; il a en outre été établi que le montant des travaux n'est plus estimé à 6 027 000 euros mais à 7 500 000 euros ; si de nouveaux associés sont entrés au capital de la société Methadoux, celui-ci s'élève toujours à la somme de 30 000 euros ; il n'est absolument pas justifié du financement par emprunt autrement que par la production d'un acte sans portée juridique qui ne constitue pas un engagement ferme d'un établissement financier ;
- par ailleurs, la société Methadoux Energies ne peut soutenir que l'absence au sein du dossier de demande d'enregistrement des nombreuses pièces qu'elle a été amenée à produire devant le tribunal était insusceptible de nuire à l'information du public ou d'influencer le sens de la décision préfectorale ; en effet, en application des articles L. 512-7-3 et R. 512-46-4 du code de l'environnement, une demande d'enregistrement doit comporter toutes les informations utiles sur les capacités techniques et financières de l'exploitant afin qu'il soit établi non seulement qu'il pourra exploiter l'installation dans des conditions de fonctionnement compatibles avec la protection de l'environnement et la sécurité des personnes, mais encore qu'en fin d'exploitation, il sera en capacité de procéder à la remise en état du site ;
- en l'espèce, le dossier de demande initial présenté par la société Methadoux Energies ne comportait qu'une description très théorique du financement à intervenir ; les éléments qui ont été produits aux débats devant le tribunal puis la cour par la société Methadoux sont constitués de documents qui n'ont jamais été produits ou mis à la disposition du public lorsque celui-ci a eu à faire connaître ses observations sur ledit projet ; le public n'a ainsi disposé d'aucune information sur l'investissement impliqué par la création de l'installation de méthanisation, ses frais de fonctionnement, le coût d'une éventuelle remise en état ; aucun plan de financement n'a été fourni, permettant de savoir quel moyen d'investissement global serait pris en charge ; le fait qu'aucune personne sur les 70 qui ont présenté des observations sur le projet n'aient discuté des capacités financières de la société Methadoux Energies tend à démontrer que le public n'a pu s'interroger sur les capacités financières de cette dernière ;
- sur le fond, la décision d'enregistrement a été prise en méconnaissance de l'article L. 511-1 du code de l'environnement en vertu duquel une installation classée pour la protection de l'environnement ne peut être autorisée à fonctionner à l'occasion de la délivrance d'un enregistrement que s'il est établi qu'elle n'est pas de nature à porter une atteinte grave en terme de danger ou d'inconvénient à l'environnement ou bien à la commodité du voisinage ;
- le projet de la société Methadoux Energies consiste à créer une unité de méthanisation sur un terrain situé à proximité d'entreprises déjà en activité, ainsi que dans les environs immédiats de la zone urbanisée du Saut-la-Ragenaud dont les premières maisons d'habitation sont situées à trois cent mètres dudit projet ; cette unité de méthanisation sera amenée à traiter 18 249 tonnes par an de matières végétales brutes, d'effluents d'élevages et autres matières et déchets végétaux, d'industries agroalimentaires ; ces effluents et déchets entraînent la création de " digestats " solides ou liquides destinés à l'épandage agricole ; le processus de méthanisation implique la création de méthane, un gaz hautement inflammable et malodorant, à partir de la macération des déchets ; ainsi, le projet d'unité de méthanisation présente des risques d'explosion et d'incendie, génère des problèmes olfactifs et de salubrité générés qui auraient dû conduire le préfet à refuser l'enregistrement de la demande de la société Méthadoux Energies.
Par un mémoire en intervention, présenté le 28 août 2017, la société Méthadoux Energies, représentée par la Selarl Huglo Lepage et Associés, conclut à l'annulation du jugement attaqué et à la confirmation de l'arrêté préfectoral du 19 mai 2014.
Elle soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :
- le tribunal n'a pas exposé les raisons pour lesquelles il déduisait des articles L. 512-7-3 et R. 512-46-4 du code de l'environnement que le pétitionnaire est tenu de fournir des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières, et notamment justifier de telles capacités en propre ou fournies par des tiers de manière suffisamment certaine ; il en résulte un défaut de motivation du jugement attaqué qui l'entache d'irrégularité ;
Elle soutient, en ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué, que :
- en application de l'article L. 512-7-3 du code de l'environnement, le préfet ne peut prendre un arrêté d'enregistrement que si le demandeur a justifié qu'il possède les capacités techniques et financières pour assurer l'exploitation de l'installation et la remise en état du site après son arrêt définitif ; c'est à tort que le tribunal a jugé que la capacité financière de la société Méthadoux Energies n'était pas établie pour annuler l'arrêté du 19 mai 2014 alors que dès son dossier de demande, la société Méthadoux Energies consacrait une section entière à cette question ; ce dossier a été jugé régulier et complet par les services instructeurs ;
- même si le dossier devait être regardé comme lacunaire sur ce point, la société pouvait produire l'ensemble des éléments attestant de ses capacités techniques et financière au cours de l'instance ; il appartient au juge administratif de tenir compte de l'évolution du contexte législatif et réglementaire régissant la démonstration par un exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement de ses capacités financières à assumer un projet ; en effet, la législation a évolué de façon à permettre au pétitionnaire de disposer du financement au moment de la mise en service de l'installation classée et ce en application de la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 et du nouvel article R. 181-14 du code de l'environnement ; il convient ainsi de considérer les capacités techniques et financières du demandeur non pas au moment où il dépose sa demande mais au moment où l'installation entrera en activité ; cette évolution est confirmée par les dispositions de l'article L. 512-7-3 du code de l'environnement issues de l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017, qui impose au préfet de tenir compte des capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en oeuvre pour son projet ;
- dans une note de mai 2012, le syndicat des énergies renouvelables a précisé que le demandeur peut prouver ses capacités en produisant notamment un plan de financement prévisionnel, un plan d'investissement, un document présentant le montage financier de l'opération, des documents à caractère patrimonial ou comptable prouvant la solvabilité de ses actionnaires ;
- l'appartenance à un groupe de sociétés peut permettre de caractériser la suffisance des capacités financières ; par ailleurs, une attestation bancaire émettant un avis favorable sur le projet permet aussi d'attester des capacités financières du pétitionnaire ;
- lors de sa constitution en juillet 2013, l'actionnariat de la société Méthadoux Energies était détenu à hauteur de 51 % du capital par la société Agrométhane 17, qui regroupe plusieurs exploitants agricoles concentrant leur action sur la production d'énergie verte, et à hauteur de 49 % du capital par la société Adelis, spécialisée dans les projets d'exploitation d'énergie renouvelable et filiale à 100 % de la société Idex, premier opérateur indépendant dans les domaine de la gestion de l'énergie ; puis 16 % du capital de la société Méthadoux Energies a été pris par la société Energie Partagée Investissement (EPI) qui constitue un outil financier d'investissement citoyen dans la production d'énergies renouvelables ; ensuite, 15 % du capital de la société Méthadoux Energies a été détenu par la société Adelis (groupe Idex) et 34 % par la société Bio Méthanisation Partenaires (BMP) ; ainsi, l'actionnariat de la société pétitionnaire s'est considérablement étoffé, témoignant de la confiance des différents acteurs dans son projet ; ces éléments attestent également de la solidité financière de la société Méthadoux Energies grâce à la robustesse financière de ses partenaires ;
- la société Méthadoux Energies a apporté tous les documents attestant de ses capacités financières ; elle a ainsi produit un plan prévisionnel des recettes et des coûts liés au fonctionnement de l'installation ; elle a été en mesure de chiffrer le montant des investissements nécessaires à la mise en place de l'installation ; le montage financier du projet a été présenté et il prévoit que son financement se fera sur fonds propres, au moyen de subventions et d'un emprunt bancaire ; les documents à caractère patrimonial et comptable ont aussi démontré la solidité financière des différents actionnaires de la société Méthadoux Energies ;
- la société Méthadoux Energies produit en appel de nouveaux éléments confirmant les conditions dans lesquelles son projet doit être financé (investissements sur fonds propres à hauteur de 20 % du coût du projet, subventions à hauteur de 20 % et prêt bancaire accordé à concurrence de 60 %) ;
- ces éléments constituent des engagements précis et fermes de financement qui sont suffisants, selon le Conseil d'Etat, pour admettre que le pétitionnaire dispose des capacités financières exigées (CE, 22 février 2016, n° 384821) ; toutefois, le Conseil d'Etat n'exige pas du demandeur qu'il produise la preuve de l'obtention d'un emprunt bancaire contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Poitiers ;
- par ailleurs, le contenu du dossier de demande d'enregistrement n'était pas de nature à nuire à l'information du public ni à influencer le sens de la décision alors même que certains des éléments produits devant le tribunal n'y auraient pas figuré ; les capacités techniques et financières de la société Méthadoux Energies y sont décrites avec précision et n'ont pas été jugées insuffisantes par le préfet de la Charente-Maritime ; durant la consultation du public, les tiers n'ont pas émis des remarques sur les capacités techniques et financières du pétitionnaire ;
- l'enregistrement de l'installation auquel a procédé le préfet n'a pas méconnu les intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement ; ainsi, le projet d'usine de méthanisation est situé en dehors des périmètres de protection rapprochée d'un captage d'eau destiné à la consommation humaine et à 300 mètres de la première habitation occupée par des tiers ; le projet est ainsi conforme aux exigences de l'article 6 de l'arrêté ministériel du 12 août 2010 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations de méthanisation relevant de la rubrique n° 2781-1 ; les risques d'incendie et d'explosion que présente l'installation ont été identifiés dans le dossier de demande qui comporte toutes les dispositions à mettre en oeuvre pour éviter qu'ils ne se produisent ; les nuisances olfactives évoquées par les requérants de première instance sont très exagérées car dès lors que la méthanisation est un procédé qui se réalise en milieu fermé, il n'entraînera aucune diffusion d'odeurs à l'air libre ; le digestat résultant du processus de méthanisation doit être valorisé par épandage et non par compostage, seul ce dernier procédé pouvant engendrer la diffusion d'odeurs ; l'installation ne favorisera aucunement la prolifération de mouches contrairement aux allégations des requérants de première instance.
Par ordonnance du 29 août 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 29 septembre 2017 à 12 heures.
L'association solinoise de protection de l'environnement a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 octobre 2016.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ;
- l'arrêté du 12 août 2010 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées de méthanisation relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n° 2781-1 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 18 janvier 2018, le président de la cour a désigné Mme Florence Madelaigue pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Faïck,
- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant la société Méthadoux Energies.
Considérant ce qui suit :
1. En 2013, la société Méthadoux Energies a présenté en préfecture de Charente-Maritime une demande d'enregistrement, au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, d'installations de méthanisation et de combustion destinées à la production d'énergies au moyen de déchets organiques issus de la production agricole, végétale et animale. Ces installations, qui doivent être implantées sur le territoire de la commune de Sainte-Soulle, sont prévues pour traiter 18 249 tonnes de matières par an en vue d'une production annuelle de biogaz de 1 855 507 Nm3. Le 19 mai 2014, le préfet de la Charente-Maritime a pris un arrêté procédant à l'enregistrement du projet de la société Méthadoux Energies. Par un jugement rendu le 28 avril 2016, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 19 mai 2014 à la demande de l'association solinoise de protection de l'environnement (ASPE) et de M.B.... La société Méthadoux Energies et le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer relèvent appel de ce jugement.
2. Les requêtes visées ci-dessus sont relatives à une même décision et présentent à juger des mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la recevabilité de l'intervention de la société Méthadoux Energies dans le cadre du recours n° 16BX02128 :
3. En sa qualité de bénéficiaire de l'arrêté préfectoral d'enregistrement du 19 mai 2014, la société Méthadoux Energie a intérêt à l'annulation du jugement attaqué. Par suite, son intervention au soutien des conclusions d'appel du ministre est recevable.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Pour annuler l'arrêté d'enregistrement du 19 mai 2014, le tribunal administratif de Poitiers s'est fondé sur les motifs suivants : " 9. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 512-7-3 et R. 512-46-4 du code de l'environnement...non seulement que le pétitionnaire est tenu de fournir des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières à l'appui de son dossier de demande d'enregistrement, mais aussi que l'enregistrement d'une installation classée ne peut être légalement délivré, sous le contrôle du juge du plein contentieux des installations classées, si ces conditions ne sont pas remplies ... 14. Ainsi, la capacité financière de la société Méthadoux Energies à assumer l'ensemble des obligations susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement n'est pas établie. 15. Dans ces conditions, et sans qu'il y ait lieu de rechercher si les insuffisances du dossier de demande relatives aux capacités financières ont pu nuire à l'information du public ou avoir une influence sur le sens de la décision prise par la préfète, l'ASPE et M. B... sont fondés à soutenir que la société Méthadoux Energies ne peut être regardée comme apportant des justifications suffisantes de ses capacités financières. ".
5. Ce faisant, le tribunal administratif a jugé que l'arrêté du 19 mai 2014 ne pouvait être légalement délivré faute pour la société Méthadoux Energies d'avoir apporté la démonstration qu'elle possédait les capacités financières suffisantes pour faire fonctionner son installation dans le respect des intérêts environnementaux mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. .
6. Cependant, dans leurs écritures de première instance, l'association l'ASPE et M. B... ont soutenu que le dossier de demande d'enregistrement était incomplet en l'absence d'informations suffisantes quant aux capacités financières du demandeur. A l'appui de ce moyen, les requérants de première instance ont ajouté qu'en raison de cette lacune, le public a été insuffisamment informé et que le préfet a pris sa décision sur la base d'un dossier incomplet. Ce faisant, les requérants de première instance ont seulement soulevé un moyen de procédure relatif à la composition du dossier de demande d'enregistrement.
7. Ainsi, le moyen d'annulation retenu par les premiers juges, selon lequel l'arrêté d'enregistrement ne pouvait être légalement délivré au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, n'avait pas été soulevé devant eux. Il s'ensuit qu'en soulevant d'office un tel moyen, qui n'était pas d'ordre public, le tribunal administratif a entaché sa décision d'irrégularité. Dès lors, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer est fondé à demander l'annulation du jugement n° 1501241 rendu le 28 avril 2016 par le tribunal administratif de Poitiers, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen d'irrégularité soulevé.
8. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par l'association ASPE et M. B...devant le tribunal administratif de Poitiers.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
9. Selon l'article 2 de ses statuts, l'association ASPE a pour but " d'agir pour la protection de l'environnement sur le territoire de la commune de Sainte-Soulle et notamment de s'opposer par tous moyens à l'installation d'une usine de méthanisation dite " Méthadoux Energies " du fait des nombreuses nuisances pour les habitants et les salariés des entreprises de la zone artisanale Atlanparc ". Au regard de cet objet social, l'association ASPE justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de la décision du 19 mai 2014 par laquelle la préfète de la Charente-Maritime a enregistré les installations de méthanisation et de combustion de la société Méthadoux Energies sur le territoire de la commune de Sainte-Soulle.
10. Il ressort des pièces du dossier de première instance que l'assemblée générale de l'association ASPE a pris, le 12 mars 2015, une délibération habilitant le président de l'association à ester en justice à l'encontre de l'arrêté du 19 mai 2014.
11. Il résulte de tout ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance doivent être écartées.
Sur la légalité de l'arrêté d'enregistrement du 19 mai 2014 :
12. Aux termes de l'article L. 512-7 du code de l'environnement : " I.-Sont soumises à autorisation simplifiée, sous la dénomination d'enregistrement, les installations qui présentent des dangers ou inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, lorsque ces dangers et inconvénients peuvent, en principe, eu égard aux caractéristiques des installations et de leur impact potentiel, être prévenus par le respect de prescriptions générales édictées par le ministre chargé des installations classées(...) ". Aux termes de l'article L. 512-7-3 du même code : " L'arrêté d'enregistrement est pris par le préfet (...) En vue d'assurer la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, le préfet peut assortir l'enregistrement de prescriptions particulières complétant ou renforçant les prescriptions générales applicables à l'installation. (...) Le préfet ne peut prendre l'arrêté d'enregistrement que si le demandeur a justifié que les conditions de l'exploitation projetée garantiraient le respect de l'ensemble des prescriptions générales, et éventuellement particulières, applicables, et qu'il possède les capacités techniques et financières pour assurer tant l'exploitation de l'installation que la remise en état du site après son arrêt définitif. (...). ". Aux termes de l'article R. 512-46-4 dudit code : " A chaque exemplaire de la demande d'enregistrement doivent être jointes les pièces suivantes : (...) 7° Les capacités techniques et financières de l'exploitant (...) ".
13. Il résulte de ces dispositions, non seulement que le pétitionnaire est tenu de fournir des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières à l'appui de son dossier de demande, mais aussi que l'autorisation d'exploiter une installation classée ne peut légalement être délivrée, sous le contrôle du juge du plein contentieux des installations classées, si ces conditions ne sont pas remplies. Le pétitionnaire doit notamment justifier disposer de capacités techniques et financières propres ou fournies par des tiers de manière suffisamment certaine, le mettant à même de mener à bien son projet et d'assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ainsi que les garanties de toute nature qu'il peut être appelé à constituer à cette fin en application des article L. 516-1 et L. 516-2 du même code.
14. Devant la cour, l'association ASPE et M. B...font valoir que l'arrêté du 19 mai 2014 est illégal dès lors que la société Méthadoux Energies n'a pas respecté les exigences rappelées ci-dessus.
15. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce.
16. Comme il a été rappelé au point 13 du présent arrêt, la décision par laquelle l'autorité compétente procède à l'enregistrement d'une installation classée pour la protection de l'environnement ne peut légalement être délivrée si le pétitionnaire n'a pas fourni des indications sur ses capacités, notamment financières, établissant son aptitude à mener à bien son projet dans le respect des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Pour l'application de cette règle de fond, le juge administratif doit tenir compte des circonstances de droit et de fait existantes à la date à laquelle il se prononce.
17. Il résulte de l'instruction que le montant global de l'investissement qu'implique la réalisation de l'usine de méthanisation s'élève entre 6 024 000 euros et 6 632 000 euros. Dès lors que son capital social s'élève à 32 600 euros seulement, la société Méthadoux Energies ne peut être regardée comme disposant par elle-même de moyens financiers suffisants pour financer un tel projet.
18. Selon le plan prévisionnel fourni par la société Méthadoux Energies, le projet doit être financé sur fonds propres à hauteur de 20 % de son coût, par des subventions à hauteur de 20 % également et au moyen d'un financement bancaire à concurrence de 60 %.
19. Il résulte de l'instruction que le capital social de la société Méthadoux Energies est détenu à 35 % par la société Agrométhane 17, qui regroupe des exploitants agricoles spécialisés dans la production d'énergie verte et dont le capital s'élève à 175 000 euros, à hauteur de 16 % par la société Energie Partagée Investissement, dont l'objet est de financer des projets d'énergies renouvelables et qui dispose d'un capital social de 8 054 600 euros, à hauteur de 34 % par la société Bio Méthanisation Partenaires, au capital social de 5 000 000 d'euros, spécialisée dans le secteur du conseil pour les affaires et de gestion et enfin à hauteur de 15 % par la société Adelis, dont le domaine d'intervention est constitué par les projets d'énergies renouvelables. La société Adelis est une filiale à 100 % du groupe Idex, premier opérateur indépendant français dans les domaines de la maîtrise de l'énergie et de l'installation de traitement des déchets ayant réalisé en 2012 un chiffre d'affaires de 650 000 000 d'euros. Il résulte de l'instruction que la part du financement sur fonds propres du projet doit être assurée à hauteur de 10 % par la société Méthadoux Energies et à hauteur de 90 % par ses actionnaires sous la forme d'avances en compte courant d'associés et/ou d'augmentation du capital social. Toutefois, bien que la société Méthadoux Energies puisse être regardée comme justifiant d'un actionnariat diversifié et disposant d'une assise financière solide, celui-ci ne doit contribuer au financement de son projet qu'à hauteur de 20 % environ de son montant total.
20. S'agissant du financement au moyen de subventions, il résulte de l'instruction que la société Méthadoux Energies a signé, le 11 décembre 2013, avec l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (ADEME) une convention aux termes de laquelle cette dernière lui accorde une aide pour la mise en place de l'unité de méthanisation d'un montant de 487 494 euros. Par un avenant du 6 juin 2016, la durée de validité de la convention a été étendue à 90 mois. Par ailleurs, l'Agence de l'Eau Loire-Bretagne a octroyé à la société une subvention de 68 250 euros selon une convention signée le 2 juillet 2014 dont la validité a été portée à trois ans après un avenant du 24 avril 2016. Il résulte également de l'instruction que la société a signé avec le conseil régional de Poitou-Charentes, le 14 avril 2014, une convention attributive d'une subvention européenne (FEDER) destinée à financer son projet à concurrence de 446 085 euros. Enfin, le département de la Charente-Maritime a, le 21 septembre 2015, signé avec la société une convention attributive de financement à hauteur de 120 500 euros. Ainsi, par ces divers engagements, la société Méthadoux Energies justifie qu'elle bénéficiera de subventions d'un montant total de 1 122 329 euros pour la réalisation de son projet. Néanmoins, l'ensemble de ces subventions ne représentent que 20 % environ de la totalité du coût prévisionnel du projet.
21. S'agissant du financement à l'aide d'un emprunt bancaire, il résulte de l'instruction que, le 3 avril 2014, AUXIFIP, la Caisse Régionale de Crédit Agricole de Charente-Maritime et BPI France ont adressé à la société Méthadoux Energies une offre indicative de financement pour la construction de l'unité de méthanisation d'un montant maximum de 3 902 000 euros remboursable sur treize ans. Cette offre était rédigée ainsi : " cette proposition est établie à partir de vos hypothèses de modélisation et de nos principes de structuration. Si les termes et conditions présentées ci-après vous agréent, nous vous proposons de poursuivre la mise en place de ce financement dans le cadre d'un mandat d'arrangement...les conditions de cette proposition sont indicatives et ne sauraient en aucune manière constituer un engagement de financement...si les conditions vous agréent, une offre ferme sera soumise à l'agrément des comités de crédit décisionnaires pour une opération de cette nature et de ce montant au sein du groupe Crédit Agricole et de BPI France Financement. ". Eu égard aux termes ainsi employés, la proposition du 3 avril 2014 ne saurait être analysée comme une offre ferme de financement dès lors en particulier qu'elle se réfère à une offre de prêt à venir néanmoins soumise à l'agrément des autorités décisionnaires des organismes prêteurs. Et la société Méthadoux Energies n'a produit au dossier aucun élément établissant que, depuis cette proposition qui remonte au 3 avril 2014, elle aurait été destinataire d'une offre ferme de financement. Elle ne produit pas davantage d'éléments, tels qu'une offre de financement ferme sous condition suspensive de l'octroi de l'autorisation requise, démontrant que les négociations qu'elle avait engagées avaient atteint un stade d'avancement suffisant pour que leur issue puisse être regardée comme suffisamment certaine.
22. Ainsi, alors même que la société Méthadoux Energies aurait justifié de la solidité financière de ses actionnaires et de la réalité des subventions destinées à financer son projet, elle n'établit pas le caractère suffisamment certain du prêt bancaire qu'elle entend solliciter, lequel représente pourtant 60 % du coût total du projet qui s'élève à plus de 6 millions d'euros.
23. La société Méthadoux Energies soutient néanmoins qu'il lui appartient de justifier de ses capacités financières non pas au stade du dépôt de sa demande ou à la date de la décision contestée, ni même au moment où le juge administratif se prononce sur la légalité de celle-ci, mais seulement lorsque l'installation sera mise en service. A l'appui de son moyen, elle se prévaut des nouvelles dispositions du code de l'environnement issues de l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017, relative à l'autorisation environnementale.
24. Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : 1° Les autorisations délivrées (...) au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 (...) avant le 1er mars 2017, sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code (...) les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables (...) ". Au nombre des règles applicables aux autorisations considérées comme des autorisations environnementales figure celle, énoncée à l'article L. 512-7-3 du code de l'environnement, en vertu de laquelle l'autorité compétente se prononce en tenant compte des capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en oeuvre.
25. Il résulte de l'économie des dispositions de l'article 15 précité de l'ordonnance du 26 janvier 2017 que les règles régissant l'autorisation environnementale unique ne s'appliquent qu'aux décisions, telles que les autorisations ou les enregistrements d'installations classées pour la protection de l'environnement, délivrées postérieurement au 1er mars 2017. Ainsi, dès lors que l'arrêté d'enregistrement en litige a été pris le 19 mai 2014, soit avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 26 janvier 2017, la société Méthadoux Energies ne peut, en principe, utilement invoquer les dispositions de l'article L. 512-7-3 du code de l'environnement, issues de l'article 5 de ladite ordonnance, en vertu desquelles il appartient au préfet de prendre un arrêté d'enregistrement en tenant compte des capacités financières que le pétitionnaire entend mettre en oeuvre.
26. Il est vrai que les dispositions du 1° de l'article 15 de l'ordonnance ont entendu faire bénéficier du régime de l'autorisation environnementale certaines décisions antérieures au 1er mars 2017. Elles qualifient ainsi d'autorisations environnementales les autorisations délivrées antérieurement au 1er mars 2017 au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014. Celle-ci, relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, ne s'applique cependant qu'aux projets de mise en service d'installations de méthanisation relevant du régime de l'autorisation prévu à article L. 512-1 du code de l'environnement. Il en résulte que ses dispositions ne peuvent être utilement invoquées au profit de l'usine de méthanisation de Sainte-Soulle, laquelle relève du régime de l'enregistrement défini par les articles L. 517-1 et suivants du code de l'environnement. Par suite, l'arrêté d'enregistrement du 19 mai 2014 ne constitue pas une autorisation environnementale au sens du 1° de l'article 15 précité.
27. Au demeurant, pas plus devant les premiers juges que devant la cour, la société n'a produit des éléments établissant qu'elle disposerait d'une manière suffisamment certaine, y compris au moment de la mise en service de l'installation, du prêt bancaire dont elle fait état ou de tout autre engagement de financement en sa faveur.
28. Il résulte de tout ce qui précède que, faute pour la société Méthadoux Energies d'avoir établi à la date du présent arrêt qu'elle justifiait de capacités financières suffisantes pour conduire son projet, et satisfaire aux obligations résultant de l'application de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, le préfet de la Charente-Maritime ne pouvait légalement prendre l'arrêté d'enregistrement du 19 mai 2014.
29. Dès lors, et sans qu'il y ait lieu de rechercher si les insuffisances du dossier de demande relatives aux capacités techniques et financières auraient pu nuire à l'information du public ou avoir une influence sur le sens de la décision prise par le préfet, l'arrêté d'enregistrement du 19 mai 2014 doit être annulé.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
30. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la société Méthadoux Energies qui est la partie perdante à l'instance d'appel. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat et de la société Méthadoux Energies les sommes de 1 000 euros chacun au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : L'intervention de la société Méthadoux Energies dans le cadre du recours n°16BX02128 est admise.
Article 2 : Le jugement n° 1501241 du tribunal administratif de Poitiers du 28 avril 2016 et l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 19 mai 2014 sont annulés.
Article 3 : L'Etat et la société Méthadoux Energies verseront chacun à M. B...la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société Méthadoux Energies au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Méthadoux Energies, à l'association solinoise de protection de l'environnement, à M. A...B...et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.
Délibéré après l'audience du 6 février 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 6 mars 2018.
Le rapporteur,
Frédéric FaïckLe président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N°s 16BX02079, 16BX02128