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18/12/2017 | FRANCE | N°16BX01573

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 18 décembre 2017, 16BX01573


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'arrêté n° 13021425 du 30 avril 2013 par lequel le ministre de l'Ecologie, du développement durable et de l'énergie a mis fin à son détachement au sein du grand port maritime de la Guadeloupe et l'a nommé en qualité de " chargé de mission temporaire transport maritime ", l'arrêté n° 13060824 du 31 janvier 2014 prononçant sa mutation à Mayotte, tous les autres arrêtés qu

i découlent de l'arrêté n° 13021425 du 30 avril 2013, ainsi que les avis de la commission...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'arrêté n° 13021425 du 30 avril 2013 par lequel le ministre de l'Ecologie, du développement durable et de l'énergie a mis fin à son détachement au sein du grand port maritime de la Guadeloupe et l'a nommé en qualité de " chargé de mission temporaire transport maritime ", l'arrêté n° 13060824 du 31 janvier 2014 prononçant sa mutation à Mayotte, tous les autres arrêtés qui découlent de l'arrêté n° 13021425 du 30 avril 2013, ainsi que les avis de la commission administrative paritaire des 26 avril 2013, 4 décembre 2013 et 23 mai 2014 ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'Ecologie, du développement durable et de l'énergie, d'une part, de le rétablir dans son cadre d'emploi précédant l'arrêté du 30 avril 2013 et de renouveler son détachement dans le respect des conditions posées par l'arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre, sans baisse de grade et d'échelon, en tenant compte de la bonification d'échelon due à son passage à Mayotte et, d'autre part, de lui communiquer le rapport d'enquête du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), dans les deux cas sous astreinte de 250 euros par jour de retard ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 250 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis.

Par un jugement n° 1300860 du 24 mars 2016, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 mai 2016, M. A...C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 mars 2016 du tribunal administratif de la Guadeloupe ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'Ecologie, du développement durable et de l'énergie de le rétablir dans son cadre d'emploi précédant l'arrêté du 30 avril 2013 et de renouveler son détachement dans le respect des conditions posées par l'arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre, sans baisse de grade et d'échelon, en tenant compte de la bonification d'échelon due à son passage à Mayotte, sous astreinte de 250 euros par jour de retard ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 250 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- s'agissant des conclusions aux fins d'annulation, il a fait l'objet de nombreux agissements caractérisant un harcèlement moral et qui sont démontrés par l'ensemble des pièces produites, et que c'est pour avoir dénoncé ces agissements tant auprès du conseil des prud'hommes que du procureur de la République que le directeur du Grand Port maritime de la Guadeloupe a, par l'intermédiaire des services de la direction des ressources humaines, obtenu de son ministère de tutelle qu'il soit mis fin à son détachement par la décision contestée du 30 avril 2013, suivie d'un certain nombre de décisions subséquentes de nature de nature à dégrader ses conditions de travail et porter atteinte à ses droits et à sa dignité et d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

- tel a été le cas, par exemple, du refus de lui attribuer un logement de fonction en violation des décisions du comité de direction, de la réduction, sans justification, de sa prime d'ancienneté, de son indemnité de détachement, de la suppression désavantage et compléments de rémunération ou, encore, des plus grandes difficultés qu'il a rencontrées pour faire valoir son droit d'accès aux conclusions de l'enquête sollicitée par le directeur général du Grand Port maritime de la Guadeloupe par l'intermédiaire de ses services des ressources humaines alors même que c'est sur ce rapport que s'est basé son ministère de tutelle pour mettre fin à son détachement ;

- en réalité, le directeur du grand port maritime de la Guadeloupe a multiplié les obstructions à ses demandes légitimes en raison d'une hostilité inexplicable, cette obstruction ne s'étant pas limitée aux mesures matérielles et financières susmentionnées mais, également, aux conditions d'exercice de ses fonctions, en cherchant notamment à limiter ses prérogatives en matière de sûreté et de sécurité sur le port, en créant une " direction sûreté sécurité voyageurs ", instance parallèle à la capitainerie dirigée par ses soins, à laquelle ont été données des attributions empiétant sur les compétences du commandant du port, limitant ainsi les prérogatives qu'il tient de la loi et de la réglementation en cette qualité ;

- en outre, ses collaborateurs placés sous sa subordination et lui-même ont subis des brimades et des mises à l'écart ;

- ainsi, en décidant de mettre fin à son détachement alors qu'aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, de la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard de l'agent qui subit ou refuse de subir des agissements de harcèlement moral, qui exerce un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engage une action en justice visant à faire cesser ses agissements ou encore qu'il témoigne de tels agissements ou qu'il les relate, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie (MEDDE) a violé les dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations de fonctionnaires ;

- en outre, une telle mesure, prise sous couvert d'un prétendu intérêt du service, constitue à l'évidence une sanction déguisée dès lors que les pièces produites établissent que le directeur général, sur la base d'un rapport d'enquête dont il n'a jamais pu prendre connaissance dans son intégralité, a pris une mesure de rétorsion à son encontre ;

- cette décision a porté atteinte à sa situation professionnelle dès lors qu'elle l'a conduit, du jour au lendemain, à être rétrogradé de fait à la DEAL (Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement) en tant que chargé de mission provisoire pour le compte de la DGITM, métier qui n'a rien de comparable avec le métier de Commandant de port, avec toutes les conséquences financières et matérielles que cela a impliqué, sans parler de la diminution de ses responsabilités ;

- il résulte de tout ce qui précède qu'il démontre avoir fait l'objet d'agissement répétés constitutifs d'un harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droit, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale et de compromettre son avenir, ce qu'a reconnu d'ailleurs la cour d'appel de Basse-Terre dans son arrêt en date du 22 juin 2015 ;

- s'agissant des conclusions indemnitaires, c'est dans ce contexte de mutation d'office qu'il a formé auprès de l'administration une demande tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle conformément à l'article 11 de la loi n° 83-643 du 13 juillet 1983, qui a été rejetée de manière parfaitement infondée ;

- ainsi, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie (MEDDE) a ignoré la situation de harcèlement subie par lui et l'a maintenu dans une situation qui n'a cessé de dégrader ses conditions de travail et, partant, sa santé, manquant ainsi singulièrement à son obligation de résultat d'assurer la sécurité des agents relevant de son ministère ;

- ce manquement à cette obligation est fautif et engage la responsabilité du ministre et justifie qu'une somme de 250 000 euros lui soit allouée en réparation de son préjudice moral incontestable.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 avril 2017, le ministre de l'environnement, de l'écologie et de la mer conclut à la confirmation du jugement attaqué et au rejet de la requête d'appel.

Il fait valoir que :

- s'agissant des conclusions aux fins d'annulation, M. C...ne soutient ni même n'allègue qu'il aurait été victime de harcèlement moral de la part de son administration d'origine, dès lors que l'ensemble des faits invoqués au soutien de ses allégations de harcèlement moral, rappelés dans sa requête d'appel, se sont produits alors qu'il était en détachement au GPMG ;

- si M. C...soutient que le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a mis fin à son détachement à la demande du directeur du GPMG, il ne produit aucun élément de nature à établir la réalité de ses allégations et il ressort au contraire des pièces du dossier que la décision contestée mettant fin à son détachement a été adoptée afin de faire cesser une situation caractérisée par l'impossibilité de poursuivre les relations de travail sans bloquer totalement le fonctionnement du service et sans détérioration de l'état de santé du fonctionnaire dont il avait la responsabilité ;

- si les faits relevés par M. C...dans sa requête d'appel sont aujourd'hui qualifiés par le juge judiciaire de faits relevant du harcèlement moral, pour lequel M. C...a d'ailleurs obtenu devant les juridictions judiciaires la somme de 231 436 euros, le juge administratif n'est pas tenu par l'appréciation portée par le juge civil sur la qualification juridique des faits ;

- en outre, dès lors qu'une décision civile ne produit tous les effets attachés à l'autorité de la chose jugée que si la décision est devenue définitive et si les parties en présence, l'objet de la demande et la cause du litige sont identiques en application de l'article 1351 du code civil, devenu aujourd'hui l'article 1355 de ce code, ni le tribunal administratif de la Guadeloupe, ni l'Etat, qui n'était pas partie à l'instance, ne sauraient se trouver liés par les décisions des juridictions civiles lorsque de telles conditions ne sont pas réunies ;

- au surplus, il importe de relever que le jugement du conseil des prud'homme du 28 mai 2013, confirmé sur ce point par un arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre du 2 juin 2015, puis par un arrêt de la Cour de cassation du 8 mars 2017, est postérieur à l'arrêté du 30 avril 2013 mettant fin au détachement de M.C..., de sorte que lorsque l'administration a édicté cet acte, aucun fait n'était judiciairement qualifié de harcèlement, le rapport de l'enquête diligentée par le CGEDD ne faisant état que d'un conflit interne grave ;

- pour les raisons qui ont déjà été indiquées en première instance, l'arrêté du 30 avril 2013 est étranger à toute considération liée au harcèlement alors allégué ou à l'action en justice visant à faire cesser le harcèlement dont M. C...s'estimait victime au GPMG et ne constitue pas une sanction déguisée, dès lors qu'il a été pris afin de faire cesser la situation conflictuelle au GPMG et protéger M.C... ;

- si l'intéressé a sollicité, par lettre en date du 19 mars 2015, le bénéfice de la protection fonctionnelle sur le fondement de l'article 11 de la loi n° 83-643 du 13 juillet 1983, au motif qu'il serait victime d'actes de harcèlement moral depuis le 1er septembre 2010, la décision de refus qui lui a été opposée par lettre du 27 mai 2015 a été contestée par une demande distincte enregistrée sous le n° 1600121 au greffe du tribunal administratif de la Guadeloupe, qui est actuellement pendante et ne saurait, dès lors, être tranchée pour la première fois en appel ;

- s'agissant des conclusions indemnitaires, si M. C...entend aujourd'hui se placer uniquement sur le terrain de la faute, celui-ci n'a formulé, devant les premiers juges, que des conclusions aux fins d'annulation dans le délai de recours contentieux, ce qui avait conduit le ministère à opposer, à titre principal, une fin de non-recevoir tirée de l'absence de réclamation préalable permettant de lier le contentieux ;

- or dans sa requête d'appel, M. C...ne démontre aucunement que ses conclusions indemnitaires présentées devant le tribunal, qui les a rejetées au fond, seraient recevables.

Par ordonnance du 12 avril 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 10 mai 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;

- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 modifié ;

- le décret n° 2001-188 du 26 février 2001 modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Axel Basset,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., officier de port titulaire du grade de capitaine de port de 1ère classe, a été détaché par le ministère de l'Ecologie, du développement durable et de l'énergie au sein du grand port maritime de la Guadeloupe (GPMG) pour une durée de cinq ans, à compter du 1er septembre 2010, afin d'exercer les fonctions de commandant de port au sein du port autonome de la Guadeloupe, devenu grand port maritime de la Guadeloupe à compter du 1er janvier 2013, établissement public auquel l'intéressé était lié par un contrat de droit privé. Par un arrêté du 30 avril 2013, le ministre de l'Ecologie, du développement durable et de l'énergie a mis fin au détachement de M.C..., l'a réintégré dans son corps des officiers de port en position normale d'activité à compter du 1er mai 2013 et l'a nommé en qualité de " chargé de mission temporaire transport maritime " en résidence à la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) de la Guadeloupe jusqu'au 31 août 2013, dans l'attente d'une affectation pérenne effectuée dans le cadre du cycle normal de mobilité. Par arrêté du 17 septembre 2013, l'affectation définitive de M. C...n'ayant pas été opérée au 1er septembre 2013, sa mission en tant que chargé de mission temporaire a été prolongée jusqu'à son affectation définitive puis, par un arrêté du 31 janvier 2014, il a fait l'objet d'une mutation au sein de l'unité territoriale de Mayotte afin d'occuper les fonctions de commandant du port de Mayotte. M. C...a saisi le tribunal administratif de la Guadeloupe de demandes tendant, en premier lieu, à l'annulation des deux arrêtés susmentionnés du ministre de l'Ecologie, du développement durable et de l'énergie des 30 avril 2013 et 31 janvier 2014, " tous les autres arrêtés qui découlent de l'arrêté du 30 avril 2013 " ainsi que les procès-verbaux des réunions de la commission administrative paritaire des 26 avril 2013, 4 décembre 2013 et 23 mai 2014 appelée à émettre un avis sur sa situation administrative et statutaire, en deuxième lieu, à ce qu'il soit enjoint à son ministre de tutelle, d'une part, de le rétablir dans son cadre d'emploi précédant l'arrêté du 30 avril 2013 et de renouveler son détachement dans le respect des conditions posées par l'arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre, sans baisse de grade et d'échelon, en tenant compte de la bonification d'échelon due à son passage à Mayotte et, d'autre part, de lui communiquer le rapport d'enquête du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), dans les deux cas sous astreinte de 250 euros par jour de retard et, en troisième lieu, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 250 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. M. C...relève appel du jugement du 24 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté ses demandes.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre aux conclusions indemnitaires présentées par M. C...en première instance :

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ".

3. D'une part, aucune fin de non-recevoir tirée du défaut de décision préalable ne peut être opposée à un requérant ayant introduit devant le juge administratif un contentieux indemnitaire à une date où il n'avait présenté aucune demande en ce sens devant l'administration, lorsqu'il a formé, postérieurement à l'introduction de son recours juridictionnel, une demande auprès de l'administration sur laquelle le silence gardé par celle-ci a fait naître une décision implicite de rejet avant que le juge de première instance ne statue, et ce quelles que soient les conclusions du mémoire en défense de l'administration. Lorsque ce mémoire en défense conclut à titre principal, à l'irrecevabilité faute de décision préalable et, à titre subsidiaire seulement, au rejet au fond, ces conclusions font seulement obstacle à ce que le contentieux soit lié par ce mémoire lui-même. D'autre part, il appartient au juge d'appel statuant dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel de tenir compte de l'ensemble des éléments, produits tant en appel qu'en première instance, de nature à établir le respect, devant le juge de première instance, de la condition de décision préalable posée par les dispositions précitées de l'article R.421-1 du code de justice administrative.

4. Il ressort de l'examen du dossier de première instance que, dans ses deux mémoires en défense des 14 janvier 2014 et 21 août 2015, lesquels ont été régulièrement communiqués à M.C..., le ministre de l'Ecologie, du développement durable et de l'énergie a expressément opposé, à titre principal, l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires présentées par le demandeur à défaut pour lui d'avoir envoyé à l'administration une réclamation préalable tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité en réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi du fait des décisions contestées et, tout particulièrement, des deux arrêtés des 30 avril 2013 et 31 janvier 2014 mentionnés au point 1. M. C...n'établit pas plus en appel qu'il ne l'avait fait devant les premiers juges, ni même n'allègue, qu'il aurait formé, postérieurement à l'introduction de son recours juridictionnel devant le tribunal, une demande auprès de l'administration sur laquelle le silence gardé par celle-ci aurait fait naître une décision implicite de rejet avant que le juge de première instance ne statue et susceptible, en pareille hypothèse, de lier le contentieux alors même que l'administration avait opposé à titre principal l'irrecevabilité faute de décision préalable. Par suite, et ainsi que le fait valoir à juste titre le ministre intimé, les conclusions indemnitaires présentées par M. C..., et tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 250 000 euros, sont irrecevables.

Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction :

5. D'une part, aux termes de l'article 45 de loi du 11 janvier 1984 susvisée, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Le détachement est la position du fonctionnaire placé hors de son corps d'origine mais continuant à bénéficier, dans ce corps, de ses droits à l'avancement et à la retraite. Il est prononcé sur la demande du fonctionnaire ou d'office ; dans ce dernier cas, la commission administrative paritaire est obligatoirement consultée. / Le détachement est de courte ou de longue durée. / Il est révocable. / (...) Le fonctionnaire détaché remis à la disposition de son administration d'origine pour une cause autre qu'une faute commise dans l'exercice de ses fonctions, et qui ne peut être réintégré dans son corps d'origine faute d'emploi vacant, continue d'être rémunéré par l'organisme de détachement jusqu'à sa réintégration dans son administration d'origine. (...) ". Aux termes de l'article 15 du décret du 16 septembre 1985 susvisé : " Tout détachement de fonctionnaire est prononcé par arrêté du ministre dont il relève et, le cas échéant, du ministre auprès duquel il est détaché. ". En vertu de l'article 16 de ce décret : " Par dérogation aux dispositions de l'article précédent : (...) 3° Sont prononcés par arrêté du seul ministre dont ils relèvent dans leur corps d'origine, après accord, le cas échéant, du ou des ministres intéressés : (...) f) Le détachement des officiers de port, des officiers de port adjoints, des conducteurs des travaux publics de l'Etat, des agents et ouvriers professionnels des travaux publics de l'Etat pour servir auprès d'un port autonome (...) ". Aux termes de l'article 24 dudit décret : " Il peut être mis fin au détachement avant le terme fixé par l'arrêté le prononçant soit à la demande de l'administration ou de l'organisme d'accueil, soit de l'administration d'origine. / Lorsqu'il est mis fin au détachement à la demande de l'administration ou de l'organisme d'accueil, le fonctionnaire continue, si son administration d'origine ne peut le réintégrer immédiatement, à être rémunéré par l'administration ou l'organisme d'accueil jusqu'à ce qu'il soit réintégré, à la première vacance, dans son administration d'origine. (...) ".

6. D'autre part, aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. / (...). / La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. / (...). ". En vertu de l'article 6 quinquiès de cette loi, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / (...). ". Des agissements répétés de harcèlement moral peuvent permettre à l'agent public qui en est l'objet d'obtenir la protection fonctionnelle prévue par les dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont les fonctionnaires et les agents publics non titulaires sont susceptibles d'être victimes à l'occasion de leurs fonctions.

7. En premier lieu, il ressort des motifs du jugement attaqué que, pour rejeter les conclusions de M. C...tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre de l'Ecologie, du développement durable et de l'énergie du 30 avril 2013 mettant fin à son détachement, le réintégrant dans son corps des officiers de port en position normale d'activité à compter du 1er mai 2013 et le nommant en qualité de " chargé de mission temporaire transport maritime " en résidence à la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) de la Guadeloupe jusqu'au 31 août 2013, les premiers juges ont indiqué " qu'il ressort des pièces du dossier que la décision querellée de mettre fin au détachement de M. C...a été prise par le ministre de l'Ecologie, du développement durable et de l'énergie à sa seule initiative [après] que les services de la direction des ressources humaines, alertés par le grave conflit opposant M. C..., commandant de port au sein du grand port maritime de la Guadeloupe, au directeur général dudit établissement, [aient] fait diligenter une enquête par le conseil général de l'environnement et du développement durable dans le courant du mois d'octobre 2012 [qui a] mis en exergue une situation conflictuelle grave altérant la santé de l'agent et préjudiciable au fonctionnement du service ". Les premiers juges ont également relevé que " dès son engagement par le port autonome de la Guadeloupe, devenu grand port maritime de la Guadeloupe, la relation de M. C...avec le directeur général du Port s'est caractérisée par de fortes tensions ; que le caractère conflictuel de la relation s'est intensifié dans le courant de l'année 2011 ; (...) que le conflit s'est articulé autour de deux volets, le premier concernant l'organisation de certaines fonctions au sein du port, notamment le rôle de la capitainerie eu égard aux autres services, le second concernant des revendications personnelles propres à M. C...; que ce conflit a interpellé l'attention des partenaires du port, des représentants de l'Etat dans le département ainsi que des autorités locales et a été médiatisé ; que si M. C...a recueilli le soutien de ses collègues officiers de port ainsi que de ses collaborateurs, l'équipe de direction s'est soudée autour du directeur général du port, conduisant à une forte opposition au sein du service ; que M. C..., subissant les conséquences de ce conflit sur sa santé et ayant déposé une plainte pénale contre son supérieur ainsi que des membres de l'administration centrale, a ainsi attiré l'attention de la direction des ressources humaines, laquelle a fait diligenter une enquête par le CGEDD dans le courant du mois d'octobre 2012 ; que si les conclusions du rapport d'enquête diffèrent, s'agissant des analyses des comportements respectifs du directeur général du port et du commandant de port, de l'arrêt de la Cour d'appel de Basse-Terre qui a condamné le grand port maritime de la Guadeloupe pour des faits de harcèlement moral, les deux analyses, du ministère et du juge judiciaire, s'accordent tant pour exclure toute faute de la part du requérant, que pour relever la violence du conflit opposant les deux hommes ; que dans ces conditions, eu égard à cette situation conflictuelle, le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui ne s'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts, ne s'est pas livré à une appréciation manifestement erronée des circonstances de l'espèce en décidant de mettre fin au détachement de M.C... ". Le tribunal a considéré également que " s'il a été nommé, à compter [du 1er mai 2013], chargé de mission temporaire transport maritime auprès du directeur des services de transport (DST/DGITM) en résidence à la DEAL de la Guadeloupe jusqu'au 31 août 2013 et si cette mission temporaire a été prolongée par arrêté du 17 septembre 2013 jusqu'à la date à laquelle il a été possible de muter M. C...sur un poste de commandant de port, cette affectation temporaire n'a été prévue qu'au seul motif que le service se trouvait dans l'impossibilité d'affecter immédiatement l'agent sur un poste vacant d'officier de port, correspondant à son grade ; que si le nouveau poste comportait des responsabilités différentes de celles que comportait le poste auquel il était précédemment affecté, la mission de sûreté qui a été confiée à M. C...relevait bien des missions de police susceptibles d'être exercées par un officier de port au sens du décret du 26 février 2001 relatif au statut particulier des officiers de port ; que les attributions de conseiller technique confiées à l'intéressé à la suite de l'arrêté en cause ne pouvant avoir, dans un service de l'administration centrale, la nature et les caractéristiques de son précédent emploi, n'étaient pas anormalement inadaptées à son grade et son expérience et n'ont pas présenté, en dépit de la perte temporaire de fonctions d'encadrement, un déclassement de l'intéressé ; (...) que les compléments de rémunération dont il a été privé à la suite de la fin de son détachement étaient exclusivement liés aux fonctions qu'il exerçait au sein du grand port maritime, concernant notamment sa prime de poste, sa prime d'ancienneté d'officier de port et son indemnité de détachement ; (...) [et] que nonobstant la circonstance que la décision du 30 avril 2013 ait été prise en considération de la personne de M.C..., celle-ci est constitutive, dans les conditions dans lesquelles elle est intervenue, d'une mutation d'office prise dans l'intérêt du service [et] n'est donc pas (...) constitutive d'une sanction déguisée ". Les premiers juges ont indiqué, enfin, " que si la justice civile a reconnu, par un arrêt de la Cour d'appel de Basse-Terre du 22 juin 2015, que M. C...avait fait l'objet de harcèlement de la part du directeur général du grand port maritime de la Guadeloupe, il n'est pas soutenu ni même allégué que M. C...aurait été victime de harcèlement de la part de son administration d'origine au regard des dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi du 11 juillet 1983 [et que] la seule circonstance qu'à la date de la décision attaquée M. C...ait porté plainte au pénal pour harcèlement moral et engagé un litige civil devant le conseil des prud'hommes n'entache pas d'illégalité la décision de mettre fin à son détachement pour des motifs tirés, comme en l'espèce, de l'intérêt du service ".

8. Pour contester cette motivation, M. C...se borne à soutenir en appel qu'il n'a cessé de faire l'objet de faits constitutifs d'un harcèlement moral de la part du directeur du grand port maritime de la Guadeloupe (GPMG) et qu'en décidant de mettre fin à son détachement alors qu'aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, de la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard de l'agent qui subit ou refuse de subir des agissements de harcèlement moral, qui exerce un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engage une action en justice visant à faire cesser ses agissements ou encore qu'il témoigne de tels agissements ou qu'il les relate, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a violé les dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983. Toutefois, l'arrêté du 30 avril 2013 - dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait été pris à la demande du Grand Port maritime - a précisément eu pour objet de mettre un terme à la situation de conflit grave opposant M. C...au directeur du GPMG, tant dans l'intérêt du service, dont le bon fonctionnement avait été notoirement perturbé à cette occasion, que de l'intéressé lui-même, placé en arrêté de travail pour raisons de santé. Dès lors, et ainsi que l'a indiqué le tribunal dans les motifs pertinents du jugement attaqué, tels qu'ils ont été rappelés au point 7 précédent et qu'il y a lieu d'adopter, cet arrêté n'a pas été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983, n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation et ne constitue pas davantage une sanction déguisée prise à l'encontre de M.C.... Au surplus, si M. C...soutient que c'est dans ce contexte qu'il a sollicité de son ministère de tutelle, par courriel du 19 mars 2015, le bénéfice de la protection fonctionnelle sur le fondement de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, et qu'en rejetant sa demande, par décision du 27 mai 2015, le ministre a manqué à son obligation de résultat d'assurer sa sécurité, ce qui constitue un comportement fautif qui engage la responsabilité du ministre et justifie qu'une somme de 250 000 euros lui soit allouée en réparation de son préjudice moral, un tel moyen - à supposer que l'intéressé ait entendu s'en prévaloir dans le cadre de ses conclusions aux fins d'annulation - ne peut qu'être écarté comme inopérant dès lors que l'arrêté contesté du ministre de l'Ecologie, du développement durable et de l'énergie du 30 avril 2013 mettant fin à son détachement n'a ni pour objet ni pour effet de refuser à l'intéressé le bénéfice de la protection fonctionnelle.

9. En second lieu, en se bornant à soutenir que l'arrêté du 30 avril 2013 a été " suivi d'un certain nombre de décisions subséquentes de nature de nature à dégrader ses conditions de travail et porter atteinte à ses droits et à sa dignité et d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ", M. C...ne démontre pas que de tels actes, qu'il n'identifie d'ailleurs pas de manière précise, seraient entachés d'illégalité.

10. Il résulte de tout ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation des actes contestés. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par M. C...et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Gil Cornevaux, président assesseur,

M. Axel Basset, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 décembre 2017.

Le rapporteur,

Axel BassetLe président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N° 16BX01573


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 16BX01573
Date de la décision : 18/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Détachement et mise hors cadre - Détachement.

Procédure - Introduction de l'instance - Liaison de l'instance - Décision administrative préalable.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Axel BASSET
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SELARL JURINAT

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-12-18;16bx01573 ?
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