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31/05/2017 | FRANCE | N°16-16949

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 31 mai 2017, 16-16949


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 2, 6, § 1, et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 4614-12 et L. 4614-13 du code du travail, dans leur rédaction applicable en la cause ;

Attendu que, par décision n° 2015-500 QPC du 27 novembre 2015, le Conseil constitutionnel rappelle qu'il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que, lorsque le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail décide de

faire appel à un expert agréé en application de l'article L. 4614-12 du code...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 2, 6, § 1, et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 4614-12 et L. 4614-13 du code du travail, dans leur rédaction applicable en la cause ;

Attendu que, par décision n° 2015-500 QPC du 27 novembre 2015, le Conseil constitutionnel rappelle qu'il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que, lorsque le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail décide de faire appel à un expert agréé en application de l'article L. 4614-12 du code du travail, les frais de l'expertise demeurent à la charge de l'employeur, même lorsque ce dernier obtient l'annulation en justice de la délibération ayant décidé de recourir à l'expertise après que l'expert désigné a accompli sa mission ; que, s'il énonce que la combinaison de l'absence d'effet suspensif du recours de l'employeur et de l'absence de délai d'examen de ce recours conduit, dans ces conditions, à ce que l'employeur soit privé de toute protection de son droit de propriété en dépit de l'exercice d'une voie de recours, et qu'il en découle que la procédure applicable méconnaît les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 et prive de garanties légales la protection constitutionnelle du droit de propriété, en sorte que le premier alinéa et la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 4614-13 du code du travail doivent être déclarés contraires à la Constitution, le Conseil constitutionnel décide que l'abrogation immédiate du premier alinéa et de la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 4614-13 du code du travail aurait pour effet de faire disparaître toute voie de droit permettant de contester une décision de recourir à un expert ainsi que toute règle relative à la prise en charge des frais d'expertise et que, par suite, afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2017 la date de cette abrogation ; qu'il résulte de la décision du Conseil constitutionnel que les dispositions de l'article L. 4614-13 du code du travail telles qu'interprétées de façon constante par la Cour de cassation demeurent applicables jusqu'à cette date ;

Attendu que l'atteinte ainsi portée au droit de propriété et au droit au recours effectif pour une durée limitée dans le temps est nécessaire et proportionnée au but poursuivi par les articles 2 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales protégeant la santé et la vie des salariés en raison des risques liés à leur domaine d'activité professionnelle ou à leurs conditions matérielles de travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par une délibération du 9 juillet 2012, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la société Jungheinrich France a voté le recours à une expertise sur le fondement d'un risque grave, en application de l'article L. 4614-12 du code du travail et a désigné pour y procéder l'association Emergences Formations ; que la société a été déboutée de sa contestation de cette mesure par jugement du 8 novembre 2012 ; que, par arrêt du 6 novembre 2013, la cour d'appel a infirmé cette décision et annulé la délibération du 19 juillet 2012 ; que le cabinet d'expertise a rendu son rapport le 18 novembre 2013 et a fait parvenir sa note d'honoraires complémentaires ; que la société a refusé de régler cette note et a demandé le remboursement des sommes déjà payées, en exécution de l'arrêt rendu par la cour d'appel ; que l'expert a saisi le 27 mars 2014 le président du tribunal de grande instance d'une demande de condamnation de la société au paiement d'une somme correspondant à la totalité des honoraires dus ;

Attendu que pour rejeter sa demande, l'arrêt retient que l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, selon lequel "Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution", garantit le droit des personnes intéressées d'exercer un recours juridictionnel effectif ainsi que le droit à un procès équitable, que ce texte trouve son équivalent dans l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui garantit le droit au juge et à un procès équitable ainsi que le droit à l'exécution du jugement (CEDH 19 mars 1977, aff. Hornsby c/Grèce), qu'il est constant que les Etats adhérents à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont tenus par les dispositions de la Convention et par les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, sans attendre d'être attaqués devant cette Cour ni d'avoir modifié leur législation, que c'est dans ces conditions par des motifs que la cour approuve que le premier juge a débouté le cabinet Emergences de ses demandes, afin de garantir le droit à un procès équitable et l'effectivité de l'exécution de l'arrêt du 6 novembre 2013, rendu dans une instance à laquelle le cabinet Emergences avait été appelé ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société Jungheinrich France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Jungheinrich France à payer à l'association Emergences formations la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour l'association Emergences formations

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté l'association EMERGENCES FORMATIONS de ses demandes tendant à voir dire et juger qu'elle était fondée à réaliser l'expertise risques graves suite à l'ordonnance du 8 novembre 2012 du Tribunal de Grande Instance de Versailles et condamner la société JUNGHEINRICH FRANCE à lui verser diverses sommes correspondant à ses notes d'honoraires n° 10963 du 11 septembre 2013 et n° 11025 du 19 novembre 2013 et au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « L'article L. 4614-12 du code du travail permet au CHSCT de faire appel à un expert agréé lorsqu'un risque grave est constaté dans l'établissement ou en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail. Aux termes de l'article L. 4614-13 du code du travail : L'employeur qui entend contester la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût, l'étendue ou le délai de l'expertise, saisit le juge judiciaire (...)". L'article R. 4614-19 précise: "Le président du tribunal de grande instance statue en urgence sur les contestations de l'employeur relatives à la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût, l'étendue ou le délai de l'expertise." Et l'article R. 4614-20 énonce : "Lorsque le président du tribunal de grande instance est appelé à prendre la décision mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 4614-13, il statue en la forme des référés " Par son arrêt du 15 mai 2013 (Bull.V, n° 125, pourvoi n° 11-24.218), la chambre sociale de la Cour de cassation a retenu que, malgré l'annulation de la décision de recourir à un expert, l'employeur était tenu au paiement des honoraires correspondant aux diligences accomplies par l'expert avant le prononcé de la nullité. Saisi par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 4614-13 du code du travail, tel qu'interprété par la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel, dans une décision du 27 novembre 2015 (n° 2015-QPC du 27 novembre 2015), a annulé le premier alinéa et la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 4614-13 du code du travail. Le Conseil a retenu pour l'essentiel que la procédure applicable méconnaissait les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 et prive de garanties légales la protection constitutionnelle du droit de propriété. Il a toutefois précisé que la déclaration d'inconstitutionnalité prononcée prendrait effet à compter du 1er janvier 2017 afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée. L'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, selon lequel "Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution", garantit le droit des personnes intéressées d'exercer un recours juridictionnel effectif ainsi que le droit à un procès équitable. Ce texte trouve son équivalent dans l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui garantit le droit au juge et à un procès équitable ainsi que le droit à l'exécution du jugement (CEDH 19 mars 1997, aff. Hornsby c/Grèce). Il est constant que les Etats adhérents à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont tenus par les dispositions de la Convention et par les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, sans attendre d'être attaqués devant cette Cour ni d'avoir modifié leur législation (AP 15 avril 2011, Bull. n°1, 3 et 4). C'est dans ces conditions par des motifs que la cour approuve que le premier juge a débouté le cabinet Emergences de ses demandes, afin de garantir le droit au procès équitable et l'effectivité de l'exécution de l'arrêt du 6 novembre 2013, rendu dans une instance à laquelle le cabinet Emergences avait été appelé » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Attendu que la réalité de la prestation de la demanderesse n'est pas contestée par la défenderesse ; Que le débat porte essentiellement sur les conséquences de l'arrêt du 6 novembre 2013 ayant infirmé l'ordonnance du tribunal de grande instance de Versailles du 8 novembre 2012 et annulé la délibération prise par le CHSCT le 19 juillet 2012 ; Que la demanderesse fait valoir qu'elle a commencé son intervention après le prononcé de l'ordonnance précitée qui était exécutoire de plein droit, qu'elle a réduit son périmètre d'intervention, n'a pu commencer les entretiens que le 6 septembre 2013, que l'appel n'est pas suspensif et invoque un arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation le 15 mai 2013 ; Attendu que l'arrêt du 6 novembre 2013 est définitif; Qu'il n'est pas contesté que la SAS JUNGHEINRICH a adressé à la demanderesse de nombreux courriers contestant le principe même de l'expertise et a appelé son attention, notamment par un courrier du 18 janvier 201 3, sur les risques encourus en cas d'annulation de la résolution du CHSCT par la cour d'appel ; Que la demanderesse, désignée le 9 juillet 2012, n'a commencé effectivement ses opérations qu'en juillet 2013 selon elle, septembre 2013 selon la SAS JUNGHEINRICH , alors que l'audience devant la cour d'appel était prévue pour le 25 septembre 2013 et qu'elle était informée des risques en cas d'infirmation, par la cour, de l'ordonnance déférée ; Attendu que l'arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation le 15 mai 2013 numéro de pourvoi : 11-24218 a cassé un arrêt d'une cour d'appel ayant débouté un expert désigné sur le fondement de l'article L. 4614-13 du code du travail de sa demande de paiement d'honoraires, au motif que l'expert était tenu de respecter un délai court, prévu par cet article et qu'il ne disposait d'aucune possibilité effective de recouvrement ; Attendu qu'en l'espèce, le CHSCT a désigné l'expert sur le fondement de l'article L. 4614-12 du code du travail et non de l'article L. 4614-13 du même code ; Que l'article L. 4614-12 du code du travail ne prévoit aucun délai pour la remise du rapport ; Attendu que si l'expert ne dispose d'aucune possibilité effective de recouvrement de ses honoraires contre le comité qui l'a désigné, faute de budget, en l'espèce, il a pris le risque de commencer son intervention quelques semaines seulement avant l'audience de la cour d'appel alors qu'il avait été désigné le 9 juillet 2012, soit plus d'un an auparavant et qu'il n'était tenu au respect d'aucun délai pour effectuer sa mission ; Que l'annulation de la délibération du CHSCT prive l'expertise de tout fondement légal ; Que nonobstant le caractère exécutoire de plein droit de l'ordonnance du tribunal d'instance de Versailles du 8 novembre 2012, la solution inverse aboutirait à vider de toute portée l'exercice d'une voie de recours, portant ainsi atteinte au principe du procès équitable et de l'égalité des armes prévu par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Qu'il y a lieu de débouter l'association ÉMERGENCES de ses demandes ».

ALORS d'abord QUE, selon l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'hommes et des libertés Fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ; que, si le droit à l'exécution d'une décision de justice constitue l'un des aspects du droit d'accès à un tribunal consacré par ces dispositions, il ne saurait justifier la remise en cause des règles substantielles déterminant le contenu des droits et obligations des parties ; que tel est le cas de la règle fixant le régime de la nullité d'un acte ; qu'en conséquence, la règle selon laquelle l'annulation d'une délibération du CHSCT décidant du recours à une expertise ne libère pas l'employeur de son obligation de régler les honoraires de l'expert correspondant aux prestations d'ores et déjà réalisées à la date de l'annulation ne porte pas atteinte au droit à l'exécution des décisions de justice consacré par l'article 6 § 1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'homme et des Libertés Fondamentales ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les dispositions de cet articles ensemble celles des articles L. 4614-12 et L. 4614-13 du code du travail ;

ALORS ensuite et en toute hypothèse QUE le droit d'accès à un tribunal consacré par l'article 6 §1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales et le droit à l'exécution d'une décision de justice qui en constitue l'un des aspects, ne sont pas absolus ; qu'ils peuvent faire l'objet de limitations, dès lors que ces limitations ne portent pas atteinte à la substance-même du droit d'accès à un tribunal et dans la mesure où elles poursuivent un but légitime et respectent un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ; que tel est le cas de la règle selon laquelle l'annulation d'une délibération du CHSCT décidant du recours à une expertise ne libère pas l'employeur de son obligation de régler les honoraires de l'expert correspondant aux prestations d'ores et déjà réalisées à la date de l'annulation dès lors que cette règle a pour objet de garantir la protection effective du droit à la santé et à la sécurité des travailleurs et qu'elle se contente de limiter l'effet rétroactif de cette annulation sans remettre en cause ses effets pour l'avenir tout en réservant l'hypothèse d'un abus du CHSCT ; qu'en écartant néanmoins l'application de cette règle en l'espèce et en déboutant en conséquence l'association EMERGENCES FORMATIONS de sa demande en paiement de ses honoraires afin de garantir le droit au procès équitable et l'effectivité de l'exécution de l'arrêt du 6 novembre 2013 ayant annulé la délibération du CHSCT décidant de recourir à la mesure d'expertise litigieuse, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 6 §1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'homme et des libertés fondamentales ensemble celles des articles L. 4614-12 et L. 4614-13 du code du travail ;

ALORS encore et en tout état de cause QUE les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ; que par décision 2015-500 QPC du 27 novembre 2015 le Conseil constitutionnel, après avoir déclaré le premier alinéa et la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 4614-13 du code du travail a reporté au 1er janvier 2017 la date d'abrogation de ces dispositions afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité ainsi constatée ; que ces dispositions, telles qu'interprétées de façon constante par la Cour de cassation demeurent applicables jusqu'à cette date ; qu'en décidant néanmoins en l'espèce d'écarter l'application de ces dispositions ainsi interprétées au motif qu'elle porterait atteinte au droit au procès équitable garanti par l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 62 de la Constitution ensemble celles de l'article L. 4614-13 du code du travail ;

ALORS par ailleurs QUE le Comité d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail peut faire appel à un expert agréé lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ; que si aucun délai précis n'est prévu pour la réalisation de l'expertise dans cette hypothèse, le motif pour lequel il est recouru à une mesure d'expertise caractérise en lui-même la nécessité de mettre en oeuvre cette expertise dans un délai restreint ; qu'en l'espèce en retenant, pour débouter l'association EMERGENCES FORMATIONS de sa demande en paiement de ses honoraires, que celle-ci avait pris le risque de débuter son intervention quelques semaines seulement avant l'audience de la Cour d'appel alors qu'elle n'était tenue au respect d'aucun délai pour effectuer sa mission, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 4614-12 et L. 4614-13 du code du travail ;

ALORS enfin QUE le Comité d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail peut faire appel à un expert agréé lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ; que si aucun délai précis n'est prévu pour la réalisation de l'expertise dans cette hypothèse, le motif pour lequel il recouru à une mesure d'expertise caractérise en lui-même la nécessité de mettre en oeuvre cette expertise dans un délai restreint ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, pour refuser de faire droit à la demande de l'association EMERGENCES FORMATIONS en paiement de ses honoraires, a retenu que l'association avait pris le risque de débuter son intervention quelques semaines seulement avant l'audience de la Cour d'appel alors qu'elle avait été désignée le 9 juillet 2012, soit plus d'un an auparavant ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi que l'y invitait l'association EMERGENCES FORMATIONS, si ce délai n'était pas dû à l'attitude de la société JUNGHEINRICH FRANCE qui, après avoir contesté le coût et le périmètre de l'expertise, avait tardé à retourner la convention d'expertise puis à envoyer les documents demandés nécessaires pour débuter les opérations d'expertise, lesquels n'étaient parvenus à l'exposante qu'en juillet 2013, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4614-12 et L. 4614-13 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-16949
Date de la décision : 31/05/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE - Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail - Recours à un expert - Annulation - Effets - Frais d'expertise - Charge - Prise en charge par l'employeur - Fondement - Déclaration d'inconstitutionnalité - Application différée dans le temps - Maintien d'une jurisprudence constante - Atteinte nécessaire et proportionnée au but poursuivi - Détermination - Portée

CHOSE JUGEE - Décision du Conseil constitutionnel - Abrogation de la disposition à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité - Application différée - Cas - Code du travail - Article L. 4614-13 du code du travail - Effets - Détermination LOIS ET REGLEMENTS - Abrogation - Question prioritaire de constitutionnalité - Déclaration d'inconstitutionnalité - Application différée dans le temps - Maintien d'une jurisprudence constante - Nécessité - Justification - Cas - Article L. 4614-13 du code du travail

Aux termes de l'article 62 de la Constitution, les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. Par décision n° 2015-500 QPC du 27 novembre 2015, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution le premier alinéa et la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 4614-13 du code du travail en ce que la combinaison de l'absence d'effet suspensif du recours de l'employeur et de l'absence de délai d'examen de ce recours conduit à ce que l'employeur soit privé de toute protection de son droit de propriété en dépit de l'exercice d'une voie de recours, mais a reporté au 1er janvier 2017 la date de cette abrogation au motif que l'abrogation immédiate de ces textes aurait pour effet de faire disparaître toute voie de droit permettant de contester une décision de recourir à un expert ainsi que toute règle relative à la prise en charge des frais d'expertise. Il s'en déduit que les dispositions de ce texte telles qu'interprétées de façon constante par la Cour de cassation constituent le droit positif applicable jusqu'à ce que le législateur remédie à l'inconstitutionnalité constatée et au plus tard jusqu'au 1er janvier 2017. L'atteinte ainsi portée au droit de propriété et au droit au recours effectif pour une durée limitée dans le temps est nécessaire et proportionnée au but poursuivi par les articles 2 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales protégeant la santé et la vie des salariés en raison des risques liés à leur domaine d'activité professionnelle ou de leurs conditions matérielles de travail


Références :

articles 2, 6, § 1, et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

articles L. 4614-12 et L. 4614-13 du code du travail

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 10 mars 2016

Sur le maintien de la jurisprudence constante relative à l'article L. 4614-13 du code du travail après la déclaration d'inconstitutionnalité , dans le même sens que :Soc., 15 mars 2016, pourvoi n° 14-16242, Bull. 2016, V, n° ??? (cassation partielle)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 31 mai. 2017, pourvoi n°16-16949, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.16949
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