LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Banque populaire Occitane du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Z... et M. A..., en sa qualité de liquidateur de cette société ;
Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 14 décembre 2015), qu'en vue de financer le prix d'acquisition d'un fonds de commerce d'un montant de 60 000 euros, la société Banque populaire Occitane (la banque) a, par un acte du 15 décembre 2010, consenti à la société Z..., dont la gérante était Mme Z..., un prêt du même montant, garanti par un nantissement et, dans une certaine limite, par le cautionnement solidaire de Mme Z... ; qu'assignée en paiement, celle-ci a recherché la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde ;
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à Mme Z... la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte de l'article 1147 du code civil que s'il n'existe pas de disproportion manifeste entre les capacités financières de la caution et un risque d'endettement né de l'octroi du crédit, le banquier est dispensé de son devoir de mise en garde ; qu'au cas présent, la cour d'appel qui constate que l'engagement de caution de Mme Z... n'était pas manifestement disproportionné et donc que le prêt cautionné était adapté aux capacités financières de Mme Z..., ne pouvait décider que la banque avait manqué à son obligation de mise en garde ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article susvisé ;
2°/ qu'il résulte de l'article 1147 du code civil que le devoir de mise en garde mis à la charge du banquier dispensateur du crédit oblige ce dernier avant d'apporter son concours à vérifier si les capacités financières de la caution sont adaptées au crédit envisagé et à l'alerter sur les risques encourus par un endettement excessif ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait justifier un manquement de la banque à un devoir de mise en garde envers la caution au motif erroné que cette dernière se serait abstenue d'opérer des vérifications élémentaires sur les chances de succès de l'opération projetée et sur les capacités pour la société d'injecter des capitaux dans l'affaire, sans violer l'article susvisé ;
Mais attendu que la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l'égard d'une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou il existe un risque de l'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur ; qu'après avoir constaté que Mme Z... n'était pas une caution avertie et retenu que l'opération était vouée à l'échec dès son lancement, la cour d'appel en a, à bon droit, déduit que la banque était tenue à l'égard de Mme Z... à un devoir de mise en garde lors de la souscription de son engagement, peu important que celui-ci fût adapté à ses propres capacités financières ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en sa troisième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Banque populaire Occitane aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour la société Banque populaire Occitane.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Banque Populaire Occitane à payer à Mme Catia Y... épouse Z... une somme de 40.000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde.
aux motifs que, sur le caractère disproportionné de l'engagement de caution, par application de l'article L.341-4 du code de la consommation, "un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation" ; que Madame Catia Y... épouse Z... invoque le caractère disproportionné de son engagement lors de la signature de l'acte de cautionnement du 15 décembre 2010 et produit pour en établir la preuve des avis de versement de l'allocation de retour à l'emploi d'un montant de 22,20 € par jour ; que pour sa part, la banque verse aux débats la fiche patrimoniale renseignée par Madame Catia Y... épouse Z... qui déclare sur ce document être propriétaire d'Un bien immobilier d'une valeur estimée de 180.000 € ; qu'il est également produit une attestation d'un notaire remise à la banque à la même époque faisant état d'une valeur qui "ne saurait être inférieure à la somme de 190.000 € » ; que pour apprécier la proportionnalité de l'engagement de caution, il convient de tenir compte non seulement des revenus de la caution mais également des biens mobiliers ou immobiliers qu'elle possède au moment de la signature ; que s'il est exact que les revenus de Madame Catia Y... épouse Z... étaient réduits lors de l'acquisition du fonds de commerce et de la souscription du prêt, il n'en demeure pas moins que l'existence d'un bien propre valorisé à 190.000 € était de nature à lui permettre de faire face à ses engagements en cas de défaillance de l'emprunteur ; qu'en conséquence, l'engagement de Madame Catia Y... épouse Z... qui ne correspondait qu'à 40 % de la valeur de son bien immobilier n'était pas manifestement disproportionné
(arrêt p 6).
que, sur le devoir de mise en garde, en droit, le devoir de mise en garde du banquier dispensateur de crédit s'impose lorsque l'emprunteur, ou la caution, est non averti(e) ou profane, en cas de risque lié à un endettement excessif né de la souscription de l'engagement ; que le défaut de mise en garde du banquier est sanctionné sur le fondement de la responsabilité contractuelle, ce qui implique la démonstration d'une faute qui a entraîné un dommage ; que le préjudice né de ce manquement s'analyse en une perte de chance de ne pas contracter ; qu'il convient de relever qu'à la date de souscription de l'engagement de caution, Madame Catia Y... épouse Z... était gérante de la société, débitrice principale, qu'elle a représentée à l'occasion de la signature de la convention d'ouverture du compte ; qu'il est constant que la seule qualité de dirigeant social ne suffît pas à attribuer la qualité de caution avertie ; qu'il faut en outre que cette caution dispose des compétences nécessaires pour apprécier la faisabilité de l'opération et les risques encourus ; qu'en l'espèce, Madame Catia Y... épouse Z... indique qu'elle était enseignante en musique et en chômage de longue durée lorsqu'elle s'est lancée dans ce projet d'acquisition d'un fonds de commerce, ce que la SA Banque Populaire Occitane ne conteste pas ; que rien n'indique que la caution aurait eu une quelconque expérience dans la gestion d'une entreprise et encore moins dans la gestion d'un commerce de thé dansant-restaurant ; que la banque ne justifie pas non plus s'être assurée de la faisabilité du projet en demandant notamment à la gérante une étude de marché, un prévisionnel ou les bilans antérieurs du commerce concerné, ce qui démontre de sa part une légèreté peu compatible avec son devoir de mise en garde ; qu'en effet, en s'abstenant d'opérer ces vérifications élémentaires en particulier sur les chances de succès de l'opération projetée et les capacités pour la société d'injecter des capitaux dans l'affaire, elle s'est privée de la possibilité de mettre en garde la caution sur les risques encourus ; qu'aussi, il sera jugé que la SA Banque Populaire Occitane a manqué à son devoir de mise en garde et engage de ce fait sa responsabilité à l'égard de Madame Catia Y... épouse Z... ; que du fait de ce manquement, la caution n'a pas pris la mesure du risque de perdre son patrimoine immobilier qui constitue aussi le logement familial, ce bien n'étant pas immédiatement réalisable ; que les difficultés de l'entreprise qui sont survenues très rapidement après l'acquisition du fonds de commerce démontrent clairement que l'opération était vouée à l'échec dès son lancement ; que Madame Catia Y... épouse Z... a donc perdu la chance de ne pas s'engager ; que son préjudice à ce titre sera justement évalué à la somme de 40.000 € (arrêt p 7 à 8).
1°) alors que, d'une part, il résulte de l'article 1147 du code civil que s'il n'existe pas de disproportion manifeste entre les capacités financières de la caution et un risque d'endettement né de l'octroi du crédit, le banquier est dispensé de son devoir de mises en garde ; qu'au cas présent, la cour d'appel qui constate que l'engagement de caution de Mme Z... n'était pas manifestement disproportionné et donc que le prêt cautionné était adapté aux capacités financières de Mme Z..., ne pouvait décider que la Banque Populaire Occitane avait manqué à son obligation de mise en garde ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article susvisé ;
2°) alors que, d'autre part, il résulte de l'article 1147 du code civil que le devoir de mise en garde mis à la charge du banquier dispensateur du crédit oblige ce dernier avant d'apporter son concours à vérifier si les capacités financières de la caution sont adaptées au crédit envisagé et à l'alerter sur les risques encourus par un endettement excessif ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait justifier un manquement de la BPO à un devoir de mise en garde envers la caution au motif erroné que cette dernière se serait abstenue d'opérer des vérifications élémentaires sur les chances de succès de l'opération projetée et sur les capacités pour la société d'injecter des capitaux dans l'affaire, sans violer l'article susvisé ;
3°) alors qu'enfin, la perte de chance ne peut exister que si elle suppose que la victime est privée de la perspective de la survenance d'un événement favorable, c'est-à-dire, d'un événement qui lui aurait apporté quelque chose de plus que ce que l'avenir lui réservait ; que la chance n'étant pas le risque, la cour d'appel ne pouvait décider qu'il y avait lieu de réparer au titre d'une perte de chance un manquement à son devoir de mise en garde de la banque au motif que Madame Z... avait perdu la chance de ne pas s'engager, sans derechef violer l'article 1147 du code civil.