Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS CECIAA a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012.
Par un jugement n° 1409686 du 19 octobre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a partiellement accueilli sa demande en prononçant la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents à la vente de télé-agrandisseurs, de logiciels parlants de grossissement d'écran, d'appareils de signalétique braille, de poinçons et de GPS parlants contrôlés à la voix et de télécommandes d'aide au déplacement mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 18 décembre 2015, la SAS CECIAA, représentée par Me Bourdeau, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;
2° de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3° de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle laisse à la Cour le soin d'apprécier le caractère suffisant de la motivation de la proposition de rectification dans le cadre de la procédure de redressement objet de la présente requête, compte tenu de l'erreur sur le texte applicable jusqu'au 1er janvier 2012 dont est entachée ce document ;
- il résulte des textes applicables, à savoir l'article 278 du code général des impôts qui s'applique aux années 2010 et 2011, puis l'article 278-0 bis A-2°-c du code général des impôts qui s'applique à compter de 2012, ainsi que du rescrit du 12 septembre 2006 référencé RES n°2006/40 TCA repris au BOfip sous la référence BOI-TVA-LIQ-30-10-50 n°150 qu'il convient d'interpréter à la lumière de l'article 98 de la Directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, que les appareils bénéficiant du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée doivent être conçus exclusivement pour les personnes handicapées ; le critère qui détermine l'application de la taxe au taux réduit est donc la conception aux fins de compensation d'un handicap ;
- le lecteur-dictaphone numérique Milestone 312 Daisy a été spécifiquement développé pour les déficients visuels ; il permet la lecture vocale de textes sauvegardés sous divers formats numériques et il est doté de touches de fonctions facilement identifiables ;
- le lecteur d'étiquettes parlant PENfriend, élaboré à l'initiative et en collaboration avec le Royal National Institute of Blind people, est conçu pour les personnes non ou malvoyantes ; il identifie les objets ou produits grâce à des étiquettes auxquelles est associé un message vocal enregistré ;
- le prédicteur et correcteur de mots WoDy est un logiciel autodidacte comprenant des listes extensibles de vocabulaire et une aide à la conjugaison, comprenant également un dictionnaire de définitions Larousse et un lecteur de documents avec synthèse vocale ;
- le décodeur vocal TNT haute définition vocalise " à la volée " l'ensemble des informations présentes sur l'écran de télévision et concerne un public d'aveugles et de malvoyants ;
- le VoxTape mêtre est un enrouleur parlant avec convertisseur des mesures françaises en mètres en mesures anglaises en pouces ; son concepteur la société CareTec atteste de sa conception spécifique pour les malvoyants et personnes handicapées ;
- le Colorino identifie les couleurs en vingt langues différentes et assure également la reconnaissance vocale de lumière ; son concepteur la société autrichienne CareTec atteste de sa conception spécifique pour les malvoyants et personnes handicapées ;
- la SciPlus 300 est une calculatrice parlante spécifiquement destinée aux mal-voyants ;
- le cardio-fréquencemètre est un appareil parlant avec calcul de calories dépensées et radio FM ;
- le Bank Note, est un appareil qui détecte la valeur des billets de banque comprise entre 5 et 50 euros ;
- le livre électronique Cecimédia est éligible au taux réduit de taxe sur la valeur, non seulement sur le fondement des textes déjà cités mais aussi sur le fondement du c) du 2° du A de l'article 278-0 bis du code général des impôts qui inclut les livres y compris lorsqu'ils sont téléchargés ;
- le jeu d'échecs et le jeu dénommé Puissance 4 sont spécialement adaptés aux personnes mal- ou non-voyantes ;
- la poupée Brailline est composée de différentes textures permettant de développer le sens du toucher et son ventre est constitué de six gros boutons à pousser, reproduisant le schéma de l'écriture Braille ;
- le Pivotbraille est un cube formé de trois éléments pivotants qui permet de reproduire les soixante-trois possibilités de combinaisons de points Braille, qui existe aussi en version Pop-a-cell pour porte-clés ;
- le manuel audio est une aide à l'apprentissage du Braille ;
- le téléphone ALTO est un téléphone parlant qui vocalise les éléments relatifs aux fonctions de l'appareil mais aussi aux communications et SMS reçus et envoyés ; son concepteur, la société suisse Gold GMT SA, atteste de sa conception spécifique pour les malvoyants et personnes handicapées ;
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Moulin-Zys,
- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public,
1. Considérant que la SAS CECIAA, qui a une activité de vente de produits destinés principalement aux personnes non voyantes ou mal-voyantes mais aussi à des personnes présentant un autre handicap, a fait l'objet, à la suite d'une vérification de comptabilité, de rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 ; qu'elle relève appel du jugement, rendu le 19 octobre 2015, par le Tribunal administratif de Montreuil, en tant qu'après avoir partiellement fait droit à sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge, il a rejeté le surplus de ses conclusions ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant que si la société requérante conteste la motivation de la proposition de rectification relativement à la taxe sur la valeur ajoutée au motif qu'elle n'aurait pas mentionné l'article du code général des impôts applicable durant la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 6 août 2013 comportait toutes les indications permettant à la SAS CECIAA de discuter du bien-fondé de la rectification ; qu'en effet, la seule circonstance qu'elle n'aurait pas visé l'article 278 quinquies du code général des impôts applicable jusqu'au 31 décembre 2011, et n'ait mentionné que l'article 278-0 bis du même code applicable à compter du 1er janvier 2012 seulement, lequel reprend sans changement les dispositions de l'article précédent, ne saurait suffire à la faire regarder comme insuffisamment motivée ;
Sur le bien-fondé des impositions :
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 278 quinquies du code général des impôts dans sa rédaction applicable durant la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 : " I.-La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5,50% en ce qui concerne les opérations d'achat, d'importation, d'acquisition intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur : (...) c. Les équipements spéciaux, dénommés aides techniques et autres appareillages, dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé du budget et qui sont conçus exclusivement pour les personnes handicapées en vue de la compensation d'incapacités graves " ; que selon l'article 278-0 bis du même code dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 2012 : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,5% en ce qui concerne : A.-Les opérations d'achat, d'importation, d'acquisition intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur : (...) 2° Les appareillages, équipements et matériels suivants : (...) c) Les équipements spéciaux, dénommés aides techniques et autres appareillages, dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé du budget et qui sont conçus exclusivement pour les personnes handicapées en vue de la compensation d'incapacités graves (...) " ; qu'en vertu de l'article 30-0 B de l'annexe IV du code général des impôts, la liste des équipements spéciaux soumis au taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée est fixée comme suit : " (...) 2. Pour aveugles et malvoyants : appareils ou objets à lecture, écriture ou reproduction de caractères ou signes en relief (braille) ; téléagrandisseurs et systèmes optiques télescopiques ; cartes électroniques et logiciels spécialisés (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que les produits éligibles au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée sont constitués par les aides techniques et autres appareils qui ont été exclusivement conçus pour les personnes handicapées et qui visent à compenser une incapacité grave ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'à l'appui de sa requête, la SAS CECIAA soutient qu'un lecteur-dictaphone numérique Milestone 312 Daisy, un lecteur d'étiquettes parlant PENfriend, un décodeur TNT vocal, un mètre-enrouleur parlant VoxTape avec niveau à bulle, un détecteur de couleurs parlant Colorino, un lecteur parlant de billets de banque Bank Note, une calculatrice parlante SCIPlus 300, des jeux pédagogiques adaptés à savoir la poupée Brailline, le cube PivotBraille, le jeu d'échecs et le jeu Puissance 4, seraient éligibles au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée de 5,50 % ; qu'il résulte de l'instruction que ceux-ci sont, en effet, exclusivement conçus pour des personnes handicapées afin de compenser une incapacité grave et entrent également dans les critères des lignes 1 et 3 de la liste énumérée à l'article 30-0 B de l'annexe IV du code général des impôts, précité ; qu'il en va de même s'agissant du manuel audio d'aide à l'apprentissage du Braille et du livre Cecimédia destinés aux malvoyants, sans qu'y fasse obstacle, contrairement à ce que soutient le ministre, s'agissant de produits réservés aux déficients visuels, la circonstance que, dans sa décision rendue le 5 mars 2015 sous le numéro C-479/13, la CJUE exclut l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée en matière de " service fourni par voie électronique " dont fait partie, de façon générale, la fourniture de livres électroniques ; que, par suite, la société requérante est fondée à demander pour ces produits l'application du taux réduit prévu aux dispositions précitées ;
5. Considérant, en second lieu, que la société requérante demande également l'application de ce taux réduit à un logiciel d'aide à la communication, prédicteur de mots et correcteur, dénommé WoDy, à un cardio-fréquencemètre parlant et à un téléphone mobile vocal Alto ; que, toutefois, eu égard aux seuls éléments apportés par la société requérante, il n'est pas établi que ces produits seraient conçus exclusivement à l'usage des personnes présentant un handicap visuel dans le but de compenser cette incapacité ; que, en tout état de cause, si la société requérante a entendu se prévaloir d'un rescrit de la direction départementale des finances publiques des Alpes-Maritimes relatif à la prise en compte du taux réduit pour le téléphone mobile vocal Smartvision, celui-ci présente toutefois des caractéristiques différentes du téléphone Alto qu'elle commercialise ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS CECIAA est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté le surplus de sa demande en tant qu'elle concernait les produits énumérés au point 4 du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La société CECIAA est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents à la vente des équipements listés au point 4 du présent arrêt mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012.
Article 2 : Le jugement du 19 octobre 2015 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé en tant que son dispositif est différent de l'article 1er.
Article 3 : L'Etat versera à la SAS CECIAA une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
15VE03887 4