Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société BUT INTERNATIONAL a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la réduction des cotisations de contribution économique territoriale auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012.
Par un jugement nos 1308374, 1402869 du 15 décembre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 février et 29 juillet 2015, la société BUT INTERNATIONAL, représentée par Me A...et MeB..., avocats, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Montreuil ;
2° de prononcer la réduction des cotisations de contribution économique territoriale pour les sommes respectives de 2 755 350 euros et 1 836 901 euros au titre des années 2011 et 2012 ;
3° d'assortir les sommes précédentes des intérêts moratoires ;
5° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle peut se prévaloir des dégrèvements transitoires dont étaient titulaires les sociétés But France, But Exploitation, Européenne de Diffusion, Sodico, Modimm, La Maison verte et Maine Confort qu'elle a absorbées, directement pour la première, et indirectement pour les suivantes, par application de l'article 1647 C quiquies B du code général des impôts, en ce que cet article ne prohibe pas le transfert de tels dégrèvements, à défaut qu'il fasse référence - à la différence de l'article 1647 bis relatif au dégrèvement de la cotisation foncière des entreprises et de l'article 1647 B sexies relatif au plafonnement de cette même cotisation - au terme de " redevable " visé à l'article 1478 portant sur la contribution foncière des entreprises et à l'article 1586 sexies relatif à la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises, mais use seulement de la notion " d'entreprise " qui doit la contribution économique territoriale ; dans sa décision CE QPC 11 juillet 2014 n° 377999 Société Linklaters, le Conseil d'Etat a confirmé le caractère transférable des dégrèvements en cause, et ainsi jugé, à la lumière des travaux parlementaires, que les dispositions de l'article 108 de la loi de finances pour 2011 prévoyant que les sociétés civiles professionnelles, les sociétés civiles de moyens et les groupements réunissant des membres de professions libérales sont redevables de cette contribution n'ont pas eu pour objet et ne sauraient être regardées comme ayant eu légalement pour effet de mettre un terme aux dégrèvements auxquels leurs membres avaient, le cas échéant, droit et ne font pas obstacle à ce que les nouveaux contribuables en demandent le bénéfice en leur lieu et place ; le droit au dégrèvement transitoire n'étant pas attaché au redevable, mais à l'entreprise exploitée, il peut donc être librement transmis de l'ancien au nouveau contribuable, faute pour la loi d'y faire expressément obstacle ; dès lors, la circonstance qu'en sa qualité de nouveau contribuable, elle n'ait pas été elle-même redevable de la contribution économique territoriale des sociétés absorbées dont le droit aux dégrèvements transitoires pour écrêtement des pertes avait été légalement acquis en 2010, ne peut faire obstacle à leur transmission à la société absorbante pour les années 2010 à 2013, étant observé que le montant de ces dégrèvements dégressifs doit être calculé sur la base de la situation prévalant lors de l'année 2010 ; de par la fusion, qui traduit une transmission universelle de patrimoine de la société absorbée au profit de la société absorbante, la première se substitue de plein droit, en effet, à la seconde dans tous ses biens, droits et obligations ; seule une exception légale pourrait exclure du périmètre de la transmission universelle de patrimoine un ou plusieurs de ces biens ; ainsi en est-il du transfert d'une créance de carry-back de l'absorbée à l'absorbante qui ne peut avoir lieu, en vertu de la loi, que sur agrément des services fiscaux ; au cas particulier, aucune disposition légale ne s'oppose à la transmission du droit à dégrèvement qui, par suite, s'effectue de plein droit par application de l'article L. 236-1 du code de commerce ; en jugeant du contraire, le tribunal a commis une erreur de droit ;
- ni l'exposé des motifs de la loi de finances pour 2011, ni les travaux préparatoires à celle-ci ne permettent d'infirmer l'analyse précédente et, ainsi, d'affirmer que le législateur aurait eu la volonté d'interdire ce transfert ;
- en estimant, par ailleurs, que l'instruction administrative référencée 6 E-4-11, n° 5, du 18 mai 2011 - reprise sous BOI-IF-CFE-40-30-20-50, n° 30 et n° 40 - ne contenait aucune interprétation de la loi fiscale, le tribunal a commis une seconde erreur de droit ;
- enfin, c'est à tort que le tribunal juge qu'elle n'était titulaire d'aucune créance, entendue comme bien au sens et pour l'application de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Il fait valoir que :
- il ressort des termes mêmes de l'article 1647 C quinquies B que le dégrèvement transitoire s'impute sur la contribution économique territoriale due par l'entreprise, ce qui implique que cette entreprise soit redevable de cette contribution pour les années d'imposition au titre desquelles elle entend bénéficier de ce dégrèvement ; il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient la société BUT INTERNATIONAL, la notion de redevable de la contribution économique territoriale est nécessairement attachée au dégrèvement transitoire ; ce point ressort également des travaux parlementaires pour lesquels les termes " contribuable " et " redevable " sont employés indistinctement, ainsi que le démontrent les propos tenus par M. Marini, rapporteur pour la commission des finances du Sénat (rapport n° 101 sur le projet de loi de finances pour 2010), pour lequel " sur demande des redevables, la contribution économique territoriale due au titre des années 2010 à 2013 fait l'objet d'un dégrèvement " ;
- une transmission universelle de patrimoine, qui induit un changement de redevable, empêche, de fait, une transmission du dégrèvement transitoire de l'absorbée à l'absorbante ; par ailleurs, en application des articles 1478 et 1586 octies I du code général des impôts, la contribution foncière des entreprises et la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises, toutes deux composantes de la contribution économique territoriale, sont dues par le redevable qui exerce l'activité au 1er janvier de l'année d'imposition ; dans ces conditions, les entreprises qui ne sont pas redevables, notamment à la suite d'une fusion, de la contribution économique territoriale au titre d'une ou plusieurs années ne peuvent bénéficier du dégrèvement transitoire au titre de cette ou ces années ; à cet égard, la qualité de redevable s'apprécie à la date du fait générateur de cette contribution, à savoir le 1er janvier de l'année d'imposition (en ce sens
CE 16 mars 2011 n° 202548 min c/ Sté Groupe Thesis) ; en tant que les sociétés concernées n'ont été absorbées que courant 2010, existaient donc au 1er janvier de cette année et étaient redevables de la contribution économique territoriale, elles étaient éligibles au dégrèvement transitoire pour l'année 2010 ; en revanche, dès lors qu'elles n'avaient plus d'existence à compter du 1er janvier 2011, et n'étaient donc plus redevables d'aucune contribution, elles n'étaient plus éligibles au dispositif de dégrèvement au titre des années 2011 et 2012 ; par suite, la société requérante ne peut prétendre, en sa qualité d'ayant droit des filiales absorbées, au transfert d'un quelconque dégrèvement dont ces dernières auraient été titulaires à compter de 2011 ; la décision du Conseil d'Etat, n° 377999, Société Linklaters n'a pas la portée que lui prête la société requérante et sa solution s'explique par un changement légal de la qualité de redevable, et alors que les sociétés visées étaient transparentes comme le soulignait le rapporteur public dans ses conclusions sous cette affaire ;
- l'instruction administrative référencée BOI 6 E-4-11 du 18 mai 2011, en prévoyant que le dégrèvement transitoire ne peut être " transmis " en cas de restructuration d'entreprises, ne donne aucune interprétation de la loi fiscale ;
- la contribuable ne dispose d'aucune créance fiscale sur l'Etat qui soit transmissible, le dégrèvement transitoire n'étant pas assimilable à un crédit d'impôt au profit de l'entreprise, pouvant être imputé sur les trois années suivant sa naissance ; le dégrèvement transitoire a seulement la nature d'une diminution de l'imposition due par le redevable, accordée au titre de chaque année sur demande expresse du contribuable ; en tant que simple atténuation d'impôt, ce dégrèvement ne saurait avoir la nature d'une créance fiscale transmissible par voie de
fusion-absorption, contrairement à ce que soutient la société BUT INTERNATIONAL ;
- la société requérante est enfin irrecevable à solliciter le versement d'intérêts moratoires, dès lors que cette question ressortit au contentieux du recouvrement.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Locatelli, premier conseiller,
- les conclusions de M. Coudert, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., pour la société BUT INTERNATIONAL.
1. Considérant, d'une part, que le 1er alinéa de l'article 1647 C quinquies B du code général des impôts, dont les dispositions sont issues de l'article 2 de la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, dispose que : " Sur demande du contribuable effectuée dans le délai légal de réclamation prévu pour la cotisation foncière des entreprises, la somme de la contribution économique territoriale, des taxes pour frais de chambres de commerce et d'industrie et pour frais de chambres de métiers et de l'artisanat et de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux due par l'entreprise au titre des années 2010 à 2013 fait l'objet d'un dégrèvement lorsque cette somme, due au titre de l'année 2010, est supérieure de 500 € et de 10 % à la somme des cotisations de taxe professionnelle et des taxes pour frais de chambres de commerce et d'industrie et pour frais de chambres de métiers et de l'artisanat qui auraient été dues au titre de 2010 en application du présent code en vigueur au 31 décembre 2009, à l'exception des coefficients forfaitaires déterminés en application de l'article 1518 bis qui sont, dans tous les cas, ceux fixés au titre de 2010. (...) " ; qu'en vertu des alinéas suivants du même article, le dégrèvement transitoire qu'il instaure est égal à un pourcentage de la différence entre la première des sommes précitées et la dernière majorée de 10 %, qui est fixé à 100 % puis 75 %, 50 % et 25 % pour les impositions établies en 2010, 2011, 2012 et 2013 ;
2. Considérant, d'autre part, qu'en vertu des articles 1447 et 1586 ter du même code, la cotisation foncière des entreprises et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, qui constituent les deux composantes de la contribution économique territoriale, sont dues par les personnes physiques et morales, ainsi que par les sociétés non dotées de la personnalité morale, qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée au premier janvier de l'année d'imposition ; qu'il en résulte que les sociétés existant au premier janvier de l'année d'imposition et susceptibles d'être personnellement imposées à la contribution économique territoriale au titre de cette année, peuvent bénéficier du dégrèvement transitoire ;
3. Considérant que l'administration fiscale a refusé de faire droit à la demande de la société BUT INTERNATIONAL tendant au bénéfice du dégrèvement transitoire prévu par les dispositions précitées de l'article 1647 C quinquies B pour les années 2011 et 2012 en tant que cette demande concernait les sociétés absorbées par elle courant 2010 au motif que ces sociétés n'étaient plus redevables de la cotisation économique territoriale au titre de ces années du fait de leur absorption ;
4. Considérant que les dispositions précitées de l'article 1647 C quinquies B, éclairées par les travaux préparatoires de l'article 2 de la loi de finances pour 2010 portant réforme de la taxe professionnelle dont elles sont issues, et qui visait à l'allègement de la fiscalité des entreprises et à l'amélioration de leur compétitivité, ont eu pour objet d'instaurer un mécanisme transitoire de dégrèvement en faveur des contribuables subissant un accroissement de leur impôt local du fait de cette réforme ; que les dispositions en cause doivent, dans ces conditions, être interprétées à la lumière des objectifs de la loi dès lors qu'une telle interprétation n'est pas contraire à leur lettre ; qu'il en résulte que le législateur, en les adoptant, n'a pas entendu priver du bénéfice du dégrèvement transitoire les contribuables imposés, entre 2010 et 2013, à la contribution économique territoriale au titre de leur activité, dont les bases d'imposition, appréciées au niveau de l'entreprise, ont été modifiées en 2010 à la suite de l'absorption de diverses autres activités passibles de cette contribution, quelle que soit par ailleurs la forme juridique sous laquelle ces activités étaient précédemment exploitées ; qu'en ce cas, le montant du dégrèvement transitoire dont bénéficie le contribuable pour les contributions établies entre 2010 et 2013 se calcule, à périmètre comparable, par différence entre, d'une part, la somme de la contribution économique territoriale et des taxes annexes dues par l'entreprise au titre de l'année 2010 et, d'autre part, la somme des cotisations de taxe professionnelle et des taxes annexes, majorées de 10 %, qui auraient été dues, au titre de cette même année, à raison de ses bases d'imposition ainsi modifiées ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société BUT INTERNATIONAL a, le 31 décembre 2010, absorbé la société But France qui, elle-même, avait absorbé au cours du mois de janvier précédent les sociétés But Exploitation, Européenne de Diffusion (SEDIF), Sodico, Modimm, La Maison Verte et Maine Confort ; qu'il n'est pas contesté par le ministre qu'au 1er janvier des deux années d'imposition en litige, la société requérante existait et poursuivait à titre habituel l'intégralité des activités professionnelles non salariées des sociétés absorbées en sus de celle qu'elle exerçait avant l'opération de fusion ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4. que, dans la mesure où l'ensemble de ces activités existaient au 1er janvier 2010 et étaient passibles de la contribution économique territoriale, la société BUT INTERNATIONAL au nom de laquelle cette contribution a été effectivement établie au sens de l'article 1647 C quinquies B du code général des impôts à partir de l'année 2011, y compris pour les activités absorbées, était en droit de bénéficier, non seulement des dégrèvements transitoires dont ses filiales et sous-filiales étaient titulaires au titre de l'année 2010 à hauteur d'une somme égale à 100 % de la différence mentionnée au deuxième alinéa de l'article 1647 C quinquies B, admise par l'administration à hauteur de 3 825 834 euros, mais également des dégrèvements transitoires dont elle était titulaire à raison de ses impositions établies au titre des années 2011 et 2012, et qui, en sa qualité de société absorbante, se montaient, respectivement, à 75 % et à 50 % du montant précédemment admis par le service, soit aux sommes respectives de 2 860 030 euros et 1 906 687 euros, lesquelles doivent, en la circonstance, être diminuées des dégrèvements acceptés par l'administration à l'occasion de ses décisions d'amission partielle des 27 juin 2013 et 7 février 2014, à hauteur de 104 680 euros en 2011 et 69 786 euros en 2012 ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, que la société BUT INTERNATIONAL est fondée à demander la réduction des cotisations de contribution économique territoriale en litige pour les sommes sollicitées de 2 755 350 euros au titre de l'année 2011 et 1 836 901 euros au titre de l'année 2012 et, par suite, à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque ;
Sur les intérêts moratoires :
7. Considérant qu'en l'absence de litige né et actuel sur le versement des intérêts moratoires, les conclusions susvisées ne peuvent qu'être rejetées comme étant irrecevables ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à la société requérante, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1308374, 1402869, en date du 15 décembre 2014, du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : Les cotisations de contribution économique territoriale auxquelles la société BUT INTERNATIONAL a été assujettie sont réduites des sommes respectives de 2 755 350 euros et 1 836 901 euros au titre des années 2011 et 2012.
Article 3 : L'Etat versera à la société BUT INTERNATIONAL une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société BUT INTERNATIONAL est rejeté.
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N° 15VE00398