Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A...B...ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 et 2007, ainsi que des intérêts de retard et majorations correspondantes.
Par un jugement n° 1303501 du 17 novembre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 16 janvier 2015, 28 mai 2015 et
21 janvier 2016, M. et MmeB..., représentés par Me Charnay-Rousset, avocat, demandent à la Cour :
1°d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 et 2007, ainsi que des intérêts de retard et majorations correspondantes ;
3° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
En ce qui concerne la prime reçue à l'issue de la coupe du monde de football 2006 :
- cette prime a fait l'objet d'une imposition en Allemagne conformément à la convention franco-allemande du 21 juillet 1959 ;
- l'administration ne peut regarder M. B...comme étant un salarié de la Fédération française de football ; la prime qui lui a été versée n'a donc pas la nature d'un traitement ou salaire ; l'administration ne peut se fonder sur l'article 12-12 de la convention collective nationale du sport pour établir un lien de subordination entre un joueur mis à disposition de la fédération pendant la durée de la coupe du monde de football et cette dernière dès lors que cet article n'a pour effet que de prévoir une protection sociale en faveur des joueurs ; en outre, cette convention n'a pas la valeur d'une loi et ne peut ainsi déroger aux lois existantes ;
En ce qui concerne la prise en compte des frais professionnels pour 2006 :
- M. B...a versé à son ancien agent une somme de 800 000 euros en application du contrat passé avec lui le 30 novembre 2005 ; à sa demande, le Tribunal arbitral du sport a annulé, par jugement du 16 avril 2008, ce contrat et prévu que son ancien agent devait lui restituer la somme de 341 000 euros ; ce contrat étant toutefois régulier en 2006, l'administration ne pouvait se fonder sur ce jugement intervenu postérieurement pour refuser d'admettre la prise en compte de la dépense de 800 000 euros payée à son ancien agent ;
- la nullité du contrat prononcée par le Tribunal arbitral du sport ne pouvait avoir pour conséquences que de prévoir l'imposition de la somme que son agent doit lui reverser, à la date de ce reversement ;
- l'administration fiscale ne peut invoquer la nullité de cet acte sans se prévaloir de la qualité de tiers ;
- compte tenu du dégrèvement qui interviendra au titre de l'année 2006, un dégrèvement similaire devra être admis au titre de l'année 2007 en application de l'article
100 bis du code général des impôts.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du sport ;
- le code du travail ;
- la convention collective nationale du sport du 7 juillet 2005 étendue par arrêté du
21 novembre 2006 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pilven,
- et les conclusions de M. Errera, rapporteur public ;
1. Considérant qu'à la suite d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, M.B..., joueur de football professionnel, et son épouse ont reçu notification d'une proposition de rectification aux termes de laquelle, d'une part, la " prime de résultat " que M. B...a reçue de la Fédération française de football à raison de sa participation à la phase finale de la coupe du monde de football en 2006, sur laquelle les autorités allemandes avaient opéré un prélèvement à la source, a été imposée en France dans la catégorie des traitements et salaires, d'autre part, les frais professionnels déduits du salaire de M. B...au titre de l'année 2006, au titre de la commission versée à M. C...en rémunération de son emploi d'agent du joueur, ont été réintégrés à ses revenus imposables ; que M. et Mme B...ont demandé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont ainsi été assujettis au titre des années 2006 et 2007 à concurrence, en droits, majorations et intérêts de retard, de la somme globale de 130 748 euros ; que, par un jugement du
17 novembre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leurs demandes ;
Sur la prime de résultat perçue à l'issue de la coupe du monde de football 2006 :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 79 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu. " ; qu'aux termes de l'article 82 du même code : " Pour la détermination des bases d'imposition, il est tenu compte du montant net des traitements, indemnités et émoluments, salaires, pensions et rentes viagères, ainsi que de tous les avantages en argent ou en nature accordés aux intéressés en sus des traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères proprement dits. (...) " ; qu'aux termes de l'article 222-3 du code du sport : " Les dispositions des articles L. 8241-1 et L. 8241-2 du code du travail ne sont pas applicables à l'opération mentionnée au présent alinéa lorsqu'elle concerne le salarié d'une association sportive ou d'une société mentionnée aux articles L. 122-2 et L. 122-12 du présent code mis à disposition de la fédération sportive délégataire intéressée en qualité de membre d'une équipe de France, dans des conditions définies par la convention conclue entre ladite fédération et la ligue professionnelle qu'elle a constituée, et alors qu'il conserve pendant la période de mise à disposition sa qualité de salarié de l'association ou de la société sportive ainsi que les droits attachés à cette qualité.(...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article 12.12 de la convention collective nationale du sport : " La participation à l'équipe de France d'un sportif professionnel sélectionné (...) relève de la compétence de la fédération. (...) / En principe, elle n'a aucune incidence sur le lien de travail qui unit les intéressés au groupement sportif qui les emploie. / Le sportif (...) est alors réputé remplir auprès de la fédération une mission confiée par son employeur au titre de ses activités salariées, et pour laquelle il conserve l'intégralité de ses droits de salarié. / (...) " ; que les stipulations de l'article 12.12 susmentionné peuvent, en vertu de l'article L. 132-4 du code du travail applicable au présent litige, comporter des stipulations plus favorables aux salariés que les dispositions légales en vigueur mais ne peuvent déroger aux dispositions d'ordre public ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 222-3 du code du sport et des stipulations de l'article 12.12 de la convention collective nationale du sport qu'un joueur de football professionnel, qui participe à l'équipe de France, doit être regardé comme poursuivant l'activité salariée qu'il exerce habituellement pour le groupement sportif qui l'emploie, alors même qu'aucun contrat de travail ne l'unirait à la Fédération française de football et qu'il ne serait pas en situation de subordination à l'égard de cette dernière ; que, par ailleurs, les requérants n'allèguent pas que les stipulations de l'article 12.12 susmentionné seraient contraires à des dispositions d'ordre public ou comporteraient des stipulations moins favorables que les dispositions légales en vigueur ; que, dès lors, les sommes perçues de cette fédération à l'occasion d'une telle participation à l'équipe de France doivent être regardées comme constituant des traitements et salaires ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que l'administration a estimé que la " prime de résultat " reçue de la Fédération française de football par M. B...en 2006, à raison de sa participation à la phase finale de la coupe du monde de football, relevait de la catégorie des traitements et salaires ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 13 de la convention fiscale franco-allemande susvisée : " 1. Sous réserve des dispositions des paragraphes ci-après, les revenus provenant d'un travail dépendant ne sont imposables que dans l'Etat contractant où s'exerce l'activité personnelle source de ces revenus. Sont considérés notamment comme revenus provenant d'un travail dépendant, les appointements, traitements, salaires, gratifications ou autres émoluments, ainsi que tous les avantages analogues payés ou alloués par des personnes autres que celles visées à l'article 14. / (...) 4. Nonobstant les dispositions du paragraphe 1, les rémunérations qu'un résident d'un Etat contractant reçoit au titre d'un emploi salarié exercé dans l'autre Etat contractant ne sont imposables que dans le premier Etat si : / 1. Le bénéficiaire séjourne dans l'autre Etat pendant une période ou des périodes n'excédant pas au total cent quatre-vingt-trois jours au cours de l'année fiscale considérée, et / 2. Les rémunérations sont payées par un employeur ou pour le compte d'un employeur qui n'est pas un résident de l'autre Etat, et / 3. La charge des rémunérations n'est pas supportée par un établissement stable ou une installation permanente que l'employeur a dans l'autre Etat. " ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la rémunération perçue en 2006 par M.B..., à l'occasion de sa participation à la coupe du monde de football en Allemagne, était constitutive d'un revenu provenant d'un travail dépendant au sens et pour l'application des stipulations précitées de l'article 13 de la convention fiscale franco-allemande ; qu'il n'est pas sérieusement contesté que les conditions prévues au 4 de cet article pour que ce revenu soit imposé en France étaient en l'espèce remplies ; que, par suite, l'article 13 de cette convention ne faisait pas obstacle à l'imposition en France, où M. et Mme B...avaient alors leur domicile fiscal au regard de la convention et de l'article 4 B du code général des impôts, de la " prime de résultat " en cause ;
Sur la commission versée à l'ancien agent de M. B...en 2006 :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année " ; qu'aux termes de l'article 13 du même code : " 1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu. " ; qu'aux termes de l'article 83 du même code : " Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : (...) / 3° Les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales. (...) " ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a réintégré dans les revenus imposables de M. et Mme B...au titre de l'année 2006 une somme de
341 000 euros sur celle de 800 000 euros qu'ils avaient payée à l'ancien agent de M. B...en application du contrat de médiation conclu le 30 novembre 2005 et qu'ils avaient déclarée au titre de frais professionnels ; que, par sentence arbitrale du 16 avril 2008, le Tribunal arbitral du sport a constaté la nullité de ce contrat de médiation et condamné l'ancien agent de M. B...à rembourser à ce dernier la somme de 341 000 euros ; que si M. B...soutient que cette somme de 341 000 euros doit venir en déduction du montant net de son revenu imposable au titre de ses frais professionnels, dans la mesure où elle aurait rémunéré des prestations qui lui ont été effectivement servies, il n'apporte aucune justification de la réalité de celles-ci ni même ne précise leur nature ; que, par suite, l'administration était fondée à réintégrer la somme de 341 000 euros dans les revenus imposables des requérants au titre de l'année 2006 ;
Sur le dégrèvement demandé au titre de l'année 2007 :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 100 bis du code général des impôts : " I - Les bénéfices imposables provenant de la production littéraire, scientifique ou artistique de même que ceux provenant de la pratique d'un sport peuvent, à la demande des contribuables soumis au régime de la déclaration contrôlée, être déterminés en retranchant, de la moyenne des recettes de l'année de l'imposition et des deux années précédentes, la moyenne des dépenses de ces mêmes années(...) " ; qu'en raison du rejet de la demande de dégrèvement pour l'année 2006 mentionnée au point 7, la demande de dégrèvement au titre de l'année 2007, en application de l'article 100 bis susmentionné, ne peut qu'être rejetée ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions litigieuses ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.
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N° 15VE00157