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14/11/2016 | FRANCE | N°15NT02847

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, Formation de chambres réunies d, 14 novembre 2016, 15NT02847


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d'Aéroport de Notre-Dame-des-Landes (ACIPA), l'association Collectif des élus qui doutent de la pertinence de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes (CEDPA) et Mme F...E...ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 5 août 2013 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a déclaré d'utilité publique le projet d'aménagement des voiries départementales et communales RD 326, RD 15, VC1/VC12, sur le terr

itoire des communes de Notre-Dame-des-Landes, Vigneux-de-Bretagne, Fay-de-Br...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d'Aéroport de Notre-Dame-des-Landes (ACIPA), l'association Collectif des élus qui doutent de la pertinence de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes (CEDPA) et Mme F...E...ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 5 août 2013 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a déclaré d'utilité publique le projet d'aménagement des voiries départementales et communales RD 326, RD 15, VC1/VC12, sur le territoire des communes de Notre-Dame-des-Landes, Vigneux-de-Bretagne, Fay-de-Bretagne, Grandchamp-des-Fontaines et Treillières, dénommé " programme viaire ".

Par un jugement n° 1307846 du 17 juillet 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 16 septembre 2015, 18 mai et 22 juillet 2016, l'association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d'Aéroport de Notre-Dame-des-Landes (ACIPA), l'association Collectif des élus qui doutent de la pertinence de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes (CEDPA) et Mme F...E..., représentées par Me A...et MeD..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1307846 du 17 juillet 2015 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 août 2013 du préfet de la Loire-Atlantique déclarant d'utilité publique le projet d'aménagement des voiries départementales et communales RD 326, RD 15, VC1/VC12, sur le territoire des communes de Notre-Dame-des-Landes, Vigneux-de-Bretagne, Fay-de-Bretagne, Grandchamp-des-Fontaines et Treillières, dénommé " programme viaire ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner l'Etat aux entiers frais et dépens.

Elles soutiennent que :

- par voie d'exception, les dispositions du III de l'article R. 122-1-1 du code de l'environnement relatives à l'avis de l'autorité environnementale méconnaissent les exigences découlant de l'article 6 de la directive 85/337/CEE du 27 juin 1985, repris par la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 telles qu'elles sont interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne et le Conseil d'Etat dès lors que, lorsque l'Etat désigne une même autorité pour exercer le rôle d'autorité environnementale et élaborer ou adopter un projet, il doit prévoir des garanties permettant d'assurer l'autonomie effective de cette autorité environnementale ; le décret n° 2016-519 du 28 avril 2016 portant réforme de l'autorité environnementale pour les plans, schémas et programmes relevant du champ de l'évaluation environnementale a ainsi confié la compétence d'autorité environnementale au niveau local à une mission régionale d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CEGEDD), ce qui a été le seul moyen de garantir une autonomie fonctionnelle de l'autorité environnementale, précisément parce que la direction régionale de l'

environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) ne présentait pas de garanties suffisantes ; par suite l'Etat a méconnu les objectifs de la directive en maintenant en vigueur les dispositions du III de l'article R. 122-1-1 du code de l'environnement ; il en résulte que l'avis émis par le préfet de région en tant qu'autorité environnementale, alors que la décision contestée a été prise par le préfet du département et que ces deux qualités sont détenues par une même personne, ne présente pas ces garanties, la DREAL des Pays-de-la-Loire ne bénéficiant pas d'une autonomie administrative et humaine par rapport au préfet de région ; dans ces conditions, cet avis est entaché d'irrégularité et le public n'a pu recevoir une information complète et objective. En outre, la DREAL est le maître d'ouvrage de la desserte routière, partie intégrante du projet d'aéroport et le préfet du département est chargé de la coordination globale du projet d'aéroport ;

- l'étude d'impact du programme viaire est entachée d'insuffisances qui concernent les relations entre ce projet et le programme aéroportuaire, l'état initial du site en matière de biodiversité et les avantages induits pour la collectivité :

* d'une part, le programme viaire s'insère dans un programme de travaux global d'aménagement de l'aéroport du Grand Ouest. Il ne se conçoit pas sans le projet d'aéroport ; l'étude d'impact aurait donc dû comporter une analyse de l'ensemble du programme général de travaux aéroportuaires, conformément aux dispositions de l'article R. 122-3 du code de l'environnement alors applicable ; la France fait, d'ailleurs, actuellement l'objet d'une mise en demeure de l'Union européenne en ce qui concerne, notamment, l'absence de certaines évaluations d'impact environnemental qui doivent faire figurer les effets notables probables sur l'environnement, y compris les effets secondaires et cumulatifs ; ainsi que l'a rappelé la Commission européenne, cette analyse aurait dû avoir lieu au stade du sous-projet que constitue le programme viaire ; dans son avis n° 2016-44 rendu sur le schéma de cohérence territoriale (Scot) Nantes-St Nazaire, l'autorité environnementale a également considéré que l'amélioration des voiries locales faisait partie du programme de travaux du projet d'aéroport ; le jugement attaqué est entaché sur ce point d'une contradiction de motifs ;

* d'autre part, l'état initial en matière de biodiversité est incomplet ; cette insuffisance a été mise en évidence par le rapport du 9 avril 2013 du collège d'experts scientifiques chargé de l'évaluation de la méthode de compensation des incidences sur les zones humides et confirmée par le Conseil national de protection de la nature dans un avis du 10 avril 2013 ;

* enfin, l'étude d'impact ne comporte pas d'analyse des avantages induits pour la collectivité tels que précisés par la circulaire du 17 février 1998 relative à l'application de l'article 19 de la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie, complétant le contenu des études d'impact des projets d'aménagement.

- l'arrêté contesté méconnaît le principe de précaution consacré par l'article 5 de la Charte de l'environnement en l'absence de certitudes sur la possibilité de compenser la perte de fonctionnalité des zones humides concernées ;

- le projet est dépourvu d'utilité publique dans la mesure où il est fondé sur des éléments environnementaux incomplets et inexacts et que l'étude d'impact ne comprend pas de rubrique afférente aux avantages du projet pour la collectivité ; l'utilité publique de ce programme doit, en outre, être réévaluée au regard des éléments mis en lumière par les procédures ultérieures, dont celles relatives à la loi sur l'eau et aux espèces protégées ; le coût environnemental direct et indirect de la réalisation du programme revêt, en tout état de cause, un caractère excessif par rapport aux avantages en découlant.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 février et 11 juillet 2016, le ministre de l'intérieur, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'ACIPA, du CEDPA et de Mme E...une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'y a pas identité entre la personne en charge du projet et l'autorité environnementale désignée au titre de l'article 6, paragraphe 3 de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 ; ni l'arrêt rendu le 20 octobre 2011, dans l'affaire C-474/10, par la Cour de justice de l'Union européenne, ni la décision du 26 juin 2015 du Conseil d'Etat ne sont applicables en l'espèce ;

- les autres moyens invoqués par l'ACIPA et autres ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 février et 11 juillet 2016, la société Aéroports du Grand Ouest, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'ACIPA, du CEDPA et de Mme E...une somme de 5 000 euros, chacune, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par l'ACIPA et autres ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 12 juillet 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 juillet 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 ;

- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de l'environnement ;

- l'arrêt C-474/10 du 20 octobre 2011 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Buffet ;

- les conclusions de Mme Piltant, rapporteur public.

- les observations de MeD..., représentant l'association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d'Aéroport de Notre-Dame-des-Landes (ACIPA) et autres, de MeC..., représentant le ministre de l'intérieur et de MeB..., représentant la société Aéroports du Grand Ouest.

1. Considérant que l'association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d'Aéroport de Notre-Dame-des-Landes (ACIPA), l'association Collectif des élus qui doutent de la pertinence de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes (CEDPA) et Mme F...E...relèvent appel du jugement n° 1307846 du 17 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de l'arrêté du 5 août 2013 par lequel, à la demande de la société Aéroports du Grand Ouest, le préfet de la Loire-Atlantique a déclaré d'utilité publique le projet d'aménagement des voiries départementales et communales RD 326, RD 15, VC1/VC12, sur le territoire des communes de Notre-Dame-des-Landes, Vigneux-de-Bretagne, Fay-de-Bretagne, Grandchamp-des-Fontaines et Treillières, dénommé " programme viaire " ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sur l'étude d'impact :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige, issue de la loi n° 2005-1319 du 26 octobre 2005 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement : " Les travaux et projets d'aménagement qui sont entrepris par une collectivité publique ou qui nécessitent une autorisation ou une décision d'approbation, ainsi que les documents d'urbanisme, doivent respecter les préoccupations d'environnement. / Les études préalables à la réalisation d'aménagements ou d'ouvrages qui, par l'importance de leurs dimensions ou leurs incidences sur le milieu naturel, peuvent porter atteinte à ce dernier, doivent comporter une étude d'impact permettant d'en apprécier les conséquences. Cette étude d'impact est transmise pour avis à l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement par l'autorité chargée d'autoriser ou d'approuver ces aménagements ou ces ouvrages. " ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, alors en vigueur, et des dispositions des articles R. 122-4, R. 122-5 et R. 122-8 du code de l'environnement, dans leur rédaction alors applicable, le dossier soumis à l'enquête publique relatif aux travaux projetés doit comporter une étude d'impact ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 122-3 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Le contenu de l'étude d'impact doit être en relation avec l'importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l'environnement. / II. - L'étude d'impact présente successivement : / 1° Une analyse de l'état initial du site et de son environnement (...); / 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l'environnement, et en particulier sur la faune et la flore, les sites et paysages, le sol, l'eau, l'air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques (...) ; / 3° Les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d'environnement, parmi les partis envisagés qui font l'objet d'une description, le projet présenté a été retenu ; / 4° Les mesures envisagées par le maître de l'ouvrage ou le pétitionnaire pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement et la santé, ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes ; (...)/ 6° Pour les infrastructures de transport, l'étude d'impact comprend en outre une analyse des coûts collectifs des pollutions et nuisances et des avantages induits pour la collectivité ainsi qu'une évaluation des consommations énergétiques résultant de l'exploitation du projet, notamment du fait des déplacements qu'elle entraîne ou permet d'éviter.(...). / IV. - Lorsque la totalité des travaux prévus au programme est réalisée de manière simultanée, l'étude d'impact doit porter sur l'ensemble du programme. Lorsque la réalisation est échelonnée dans le temps, l'étude d'impact de chacune des phases de l'opération doit comporter une appréciation des impacts de l'ensemble du programme. (...) " ; que les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ;

5. Considérant que l'ACIPA et autres soutiennent que l'étude d'impact est insuffisante dès lors qu'elle n'apprécie pas les impacts de l'ensemble du programme de travaux alors que le " programme viaire " s'insère effectivement dans un programme de travaux global d'aménagement de l'aéroport du Grand Ouest ; qu'elle est aussi insuffisante quant à l'analyse, d'une part, de l'état initial en matière de biodiversité et, d'autre part, des avantages induits pour la collectivité ;

6. Considérant, en premier lieu, que les travaux, objet de la déclaration d'utilité publique contestée, consistent, s'agissant de la voirie communale VC 1- VC 12, en un élargissement de la chaussée et des accotements, sur une portion de 6 kilomètres environ, qui s'accompagne de travaux de sécurisation d'un carrefour et d'un dispositif de franchissement d'un cours d'eau ; que, s'agissant de la route départementale RD 15, ces travaux portent sur des aménagements de sécurité, la création d'un giratoire et la reprise du revêtement de cette route ; que, s'agissant de la route départementale RD 326, ils portent sur le recalibrage de la chaussée avec réalisation d'accotements, l'aménagement d'un tourne à gauche ainsi que sur des rectifications ponctuelles de son tracé, sur une portion de voie d'une longueur de 2,5 kilomètres ; qu'ils ont pour but d'améliorer la sécurité de la circulation sur des voies empruntées pour des déplacements locaux ; que ces voies ne sont pas interrompues par la plate-forme aéroportuaire, ne traversent pas l'emprise du futur aéroport, n'ont pas vocation à le desservir directement et peuvent être réalisées indépendamment de cette infrastructure ; qu'ainsi, ces travaux, qui répondent à une finalité propre, constituent un programme distinct de celui de la création de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes et de sa desserte routière ; que, par suite, l'étude d'impact relative aux travaux faisant l'objet de la déclaration d'utilité publique contestée n'est pas entachée d'insuffisances en ce qu'elle ne prend pas en compte les impacts de la création de cet aéroport ;

7. Considérant, en second lieu et d'une part, que, s'agissant de l'état initial de la biodiversité, l'étude d'impact, qui repose sur des études et des inventaires menés en 2011 et 2012, après avoir rappelé que l'aire d'étude du projet n'est comprise dans aucun espace naturel remarquable, indique que le site est concerné par deux zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) dont elle fait la description et est caractérisé par la présence de zones humides de plateau et de zones humides liées à un cours d'eau ou à un point d'eau et présente, de façon détaillée, les habitats naturels, la flore et la faune ; qu'elle procède à un bilan de l'état initial et des secteurs d'intérêt, en indiquant pour chacune des voies communales et départementales, les espèces faunistiques concernées, les milieux d'intérêt et leur niveau d'intérêt ; que si le collège d'experts scientifiques chargé d'évaluer la méthode de compensation des incidences sur les zones humides au titre de la loi sur l'eau, mis en place le 30 novembre 2012 par le préfet de la région des Pays-de-la-Loire, préfet de la Loire-Atlantique, a relevé, dans son rapport du 9 avril 2013, des insuffisances relatives, notamment, à la caractérisation initiale de la biodiversité, ce collège n'a pas mis en évidence, au titre du " programme viaire " seul en litige, d'omission dans l'inventaire des espèces ou des milieux réalisé par cette étude d'impact ;

8. Considérant, d'autre part, que l'étude d'impact comporte, pages 342 à 344, une analyse des coûts collectifs environnementaux et du bilan énergétique ; qu'elle présente les avantages du projet en termes de sécurité et d'amélioration de la circulation sur les voies communales et départementales concernées ; que l'ACIPA et autres n'indiquent pas en quoi cette étude n'aurait pas précisément analysé les avantages induits pour la collectivité et n'établissent pas, par suite, en quoi les insuffisances dont elles se prévalent seraient susceptibles de vicier la procédure ; que les requérantes ne peuvent utilement invoquer la circulaire du 17 février 1998 relative à l'application de l'article 19 de la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie dépourvue, sur ce point, de valeur réglementaire, ni davantage celle du 25 mars 2004 relative à l'évaluation socio-économique des grands projets d'infrastructure ;

9. Considérant qu'il résulte des développements qui précèdent que cette étude d'impact n'est pas, contrairement à ce qui est soutenu, entachée d'omissions ou insuffisances ayant pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ;

Sur l'avis de l'autorité compétente en matière environnementale :

10. Considérant qu'en vertu du III de l'article R. 122-1-1 du code de l'environnement, alors en vigueur, pris pour la transposition de l'article 6 de la directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets sur l'environnement, dans les cas ne relevant pas du I ou du II, l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement mentionnée à l'article L. 122-1 est le préfet de la région sur le territoire de laquelle le projet de travaux, d'ouvrage ou d'aménagement doit être réalisé ;

11. Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L. 122-1 et R. 122-1-1 du code de l'environnement que le préfet de région, en sa qualité d'autorité administrative compétente en matière d'environnement, se prononce sur l'étude d'impact permettant d'apprécier les conséquences sur l'environnement d'un projet de travaux, d'ouvrage ou d'aménagement qui nécessite une autorisation ou une décision d'approbation ;

12. Considérant que, si la décision portant déclaration d'utilité publique est prise par le représentant de l'Etat dans le département au vu de l'avis rendu par le préfet de région, en sa qualité d'autorité compétente en matière d'environnement, alors que ces fonctions sont exercées par la même personne, cette seule circonstance n'entache pas d'irrégularité l'avis dès lors, d'une part, que l'autorité environnementale n'élabore pas le dossier de demande mais se prononce sur l'étude d'impact réalisée par le bénéficiaire de l'expropriation, d'autre part, que cette autorité dispose, en la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), de services dotés de moyens administratifs et humains qui lui sont propres pour exercer la mission de consultation en matière environnementale dont elle est investie et qu'une séparation fonctionnelle est organisée au sein des services déconcentrés de l'Etat de telle manière que cette direction soit pourvue d'une autonomie réelle et puisse, dans le plein exercice de ses compétences, donner un avis circonstancié sur les projets qui lui sont soumis ; que, par suite et dès lors que ces conditions sont respectées, les dispositions de l'article R. 122-1-1 du code de l'environnement, alors même qu'elles ne prévoient pas des dispositions évitant que la décision et l'avis émanent de la même personne, ne méconnaissent pas, sur ce point, les objectifs du paragraphe 1 de l'article 6 de la directive 85/337/CEE du Conseil 27 juin 1985, codifiée par la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ; que si les requérantes se prévalent des dispositions du décret n° 2016-519 du 28 avril 2016 portant réforme de l'autorité environnementale confiant dans certains cas la compétence d'autorité environnementale au niveau local à une mission régionale d'autorité environnementale du conseil général de l'environnement et du développement durable, l'intervention de ces dispositions, postérieures à l'arrêté contesté, ne révèle pas une méconnaissance de ces objectifs par les dispositions de l'article R. 122-1-1 du code de l'environnement ; que, par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de ce que ces dispositions méconnaitraient ces objectifs ne peut qu'être écarté ;

13. Considérant que le préfet de la région des Pays-de-la-Loire a émis, le 11 juin 2012, en tant qu'autorité environnementale, un avis, qui analyse, de façon suffisamment précise, l'étude d'impact élaborée par la société Aéroports du Grand Ouest chargée de cet aménagement et bénéficiaire, à ce titre, de l'expropriation des immeubles permise par l'arrêté contesté pris par le préfet de la Loire-Atlantique et dont l'acquisition est nécessaire pour la réalisation du projet déclaré d'utilité publique ;

14. Considérant que cet avis a été élaboré par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) des Pays-de-la-Loire laquelle est dotée de moyens administratifs et humains qui lui sont propres pour exercer la mission de consultation en matière environnementale dont elle est investie ; que, compte tenu de la séparation fonctionnelle organisée au sein des services déconcentrés de l'Etat, cette direction dispose d'une autonomie effective et a été en mesure, dans le plein exercice de ses compétences, de donner un avis circonstancié sur le projet qui lui a été soumis ; que ni le fait que la DREAL des Pays-de-la-Loire est le maître d'ouvrage de la desserte routière de l'aéroport, ni le fait que le préfet du département est chargé de la coordination globale du projet d'aéroport, qui constituent des projets distincts de celui en litige, ni aucun autre élément versé au dossier ne permettent de tenir pour établi que l'autorité environnementale n'aurait pas été en mesure de se prononcer, dans les conditions d'objectivité et d'impartialité requises, sur l'étude d'impact élaborée par la société Aéroports du Grand Ouest au titre du " programme viaire " dans le cadre d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la procédure serait entachée d'irrégularité au motif que l'avis émis par le préfet de la région des Pays-de-la- Loire en tant qu'autorité environnementale, alors que la décision contestée a été prise par le préfet du département et que ces deux qualités sont détenues par une même personne, serait irrégulier et que le public n'aurait pu, dans ces conditions, recevoir une information complète et objective sur les enjeux environnementaux réels du projet ne peut qu'être écarté ;

Sur le principe de précaution :

16. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la Charte de l'environnement à laquelle le Préambule de la Constitution fait référence en vertu de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 : " Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé " ; qu'aux termes de son article 5 : " Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage " ; qu'aux termes de l'article L. 110-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " I. - Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l'air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation. / II. - Leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état et leur gestion sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants: / 1° Le principe de précaution, selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable ; / (...) " ;

17. Considérant qu'eu égard à leurs caractéristiques et à leur ampleur, les travaux déclarés d'utilité publique sont susceptibles de porter atteinte à l'environnement naturel dans lesquels ils s'insèrent, notamment aux zones humides ainsi qu'aux espèces et habitats naturels qu'ils abritent ; qu'ainsi, les risques que comportent de tels travaux sur l'environnement ne peuvent être regardés comme affectés d'une incertitude quant à leur réalité et à leur portée ; que, par ailleurs, l'étude d'impact a identifié et analysé les risques inhérents aux travaux et a prévu des mesures de protection et de compensation ;

18. Considérant que l'ACIPA et autres soutiennent qu'il existe " une réelle incertitude sur l'existence d'un risque de dommage grave et irréversible " du fait notamment " de l'absence de certitudes sur la possibilité de compenser le perte de fonctionnalité des zones humides " ; que, toutefois, en se bornant à citer un extrait du rapport du collège d'experts scientifiques, mentionné au point 7, se rapportant à l'ensemble de la zone de plus de 1 500 hectares concernée par les travaux liés à la création de l'aéroport, dont plus de 500 hectares pour l'aménagement de la plateforme aéroportuaire, selon lequel " créer ou restaurer " le complexe d'écosystème des zones humides de Notre-Dame-des-Landes " à l'identique ne paraît pas possible ", les requérantes n'apportent pas d'éléments de nature à établir que les travaux objet de la déclaration d'utilité publique contestée, concernant des zones humides d'une superficie limitée à 3,13 hectares, seraient susceptibles d'affecter de manière grave et irréversible l'environnement ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de précaution énoncé par l'article 5 de la Charte de l'environnement et par les dispositions précitées de l'article L. 110-1 du code de l'environnement ne peut être accueilli ;

Sur l'utilité publique :

19. Considérant qu'une opération ne peut être déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;

20. Considérant que les aménagements litigieux visent à améliorer la sécurité et les conditions de circulation sur les voies communales et départementales en cause ; qu'une telle opération poursuit ainsi un objectif d'utilité publique ; qu'eu égard à ce qui a été dit aux points 6 à 8, les moyens tirés de ce que " l'utilité publique du projet est fondée sur des éléments environnementaux incomplets et inexacts ", et de ce que l'utilité publique du " programme viaire " doit être réévaluée au regard " des éléments mis en lumière par les différentes procédures ultérieures au titre desquelles les procédures loi sur l'eau et espèces protégées " ne peuvent qu'être écartés ; qu'enfin, compte tenu du caractère limité des aménagements litigieux et des mesures prises pour prévenir les atteintes à l'environnement, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ainsi qu'il est soutenu, au demeurant sans aucune précision, " le coût environnemental direct et indirect de la réalisation du programme viaire comporte un caractère excessif par rapport aux avantages en découlant ", ;

21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ACIPA et autres ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est pas entaché d'une contradiction de motifs, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les requérantes demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'Etat et la société Aéroports du Grand Ouest au titre de ces mêmes dispositions ;

Sur les dépens :

23. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, le juge ne peut condamner la partie qui n'est pas la partie perdante au paiement des dépens ; que les conclusions présentées à ce titre par les requérantes doivent, dès lors et en tout état de cause, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par l'association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d'Aéroport de Notre-Dame-des-Landes (ACIPA), l'association Collectif des élus qui doutent de la pertinence de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes (CEDPA) et Mme F...E...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'Etat et la société Aéroports du Grand Ouest au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d'Aéroport de Notre-Dame-des-Landes (ACIPA), à l'association Collectif des élus qui doutent de la pertinence de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes (CEDPA), à Mme F...E..., à la société Aéroports du Grand Ouest et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bachelier, président de la cour,

- M. Pérez, président de la deuxième chambre,

- M. Lenoir, président de la cinquième chambre,

- M. Millet, président-assesseur de la deuxième chambre,

- M. Francfort, président-assesseur de la cinquième chambre,

- Mme Buffet, premier conseiller,

- M. Mony, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 novembre 2016 à 14 heures.

Le rapporteur,

C. BUFFET Le président,

G. BACHELIER

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

N° 15NT02847 2

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : Formation de chambres réunies d
Numéro d'arrêt : 15NT02847
Date de la décision : 14/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BACHELIER
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: Mme PILTANT
Avocat(s) : CABINET KALLIOPE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-11-14;15nt02847 ?
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