La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/04/2016 | FRANCE | N°15NT00073

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 21 avril 2016, 15NT00073


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Regards Photographiques a demandé au tribunal administratif d'Orléans de la décharger des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er février 2009 au 31 janvier 2012 et de l'intérêt de retard correspondant.

Par un jugement n° 1400159 du 12 novembre 2014, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 janvier 20

15, 15 octobre 2015 et 2 février 2016, la SARL Regards Photographiques, représentée par Me A..., dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Regards Photographiques a demandé au tribunal administratif d'Orléans de la décharger des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er février 2009 au 31 janvier 2012 et de l'intérêt de retard correspondant.

Par un jugement n° 1400159 du 12 novembre 2014, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 janvier 2015, 15 octobre 2015 et 2 février 2016, la SARL Regards Photographiques, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 12 novembre 2014 ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe contestés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- pour déterminer si une photographie présente le caractère d'une oeuvre d'art au sens du 2° de l'article 278 septies du code général des impôts, il convient de s'en tenir aux critères matériels objectifs posés par le 7° du II de l'article 98 A de l'annexe III au même code ; même si ces dispositions doivent faire l'objet d'une interprétation stricte, il n'y a pas lieu de rechercher si la photographie est originale et procède d'une intention créatrice, comme y invite l'instruction du 2 juillet 2003 publiée sous la référence 3 C-3-03 ; ce double critère serait d'ailleurs porteur d'insécurité juridique ;

- si des épreuves exposées en magasin, qui ne sont pas commercialisables, n'ont pas été numérotées, les photographies vendues, au prix desquelles a été appliqué le taux réduit, et qui constituent des oeuvres de l'esprit au sens du 9° de l'article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle, étaient numérotées et répondaient ainsi à la définition de l'oeuvre d'art posée par le 7° du II de l'article 98 A de l'annexe III au code général des impôts ;

- l'administration avait pris formellement position sur le caractère artistique de ces photographies ; la situation de la société est en outre identique à celle d'autres contribuables n'ayant pas fait l'objet de rectifications en matière de taxe sur la valeur ajoutée, et qui appliquaient le taux réduit de taxe sur le même fondement ;

- à titre subsidiaire, il convient de relever que les photographies, y compris celles portant sur des événements familiaux, sont originales et procèdent d'une intention créatrice ; ces photographies sont en outre au nombre de celles visées par l'instruction du 2 juillet 2003 publiée sous la référence 3 C-3-03 dès lors qu'elles ont fait l'objet d'expositions et que la société dispose des moyens matériels nécessaires pour la réalisation de photographies d'art.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 juin 2015, 11 janvier 2016 et 10 février 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jouno,

- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public.

1. Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) Regards Photographiques, qui a pour activité la réalisation et la vente de photographies, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er février 2009 au 31 janvier 2012 ; qu'à l'issue des opérations de contrôle, le vérificateur a remis en cause le taux réduit que la société avait appliqué à la livraison de certaines photographies ; qu'il en a résulté des rappels de taxe, assortis de l'intérêt de retard, au titre de l'ensemble de la période vérifiée ; qu'à la suite du rejet de sa réclamation, la SARL Regards Photographiques a demandé au tribunal administratif d'Orléans de la décharger de ces rappels de taxe ; que, par le jugement attaqué, dont elle relève appel, le tribunal administratif a rejeté la demande dont il était ainsi saisi ;

Sur le bien-fondé des rappels de taxe :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. Considérant, en premier lieu, que l'article 278 septies du code général des impôts dispose, dans sa rédaction applicable à la période du 1er février 2009 au 31 décembre 2011, que : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5,5 % : / 1° Sur les importations d'oeuvres d'art, (...) / 2° Sur les livraisons d'oeuvres d'art effectuées par leur auteur (...) " ; que l'article 13 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 a porté ce taux à 7 % en ce qui concerne les opérations pour lesquelles la taxe sur la valeur ajoutée est exigible à compter du 1er janvier 2012 ; qu'aux termes du II de l'article 98 A de l'annexe III au code général des impôts : " Sont considérées comme oeuvres d'art les réalisations ci-après : (...) / 7° Photographies prises par l'artiste, tirées par lui ou sous son contrôle, signées et numérotées dans la limite de trente exemplaires, tous formats et supports confondus. " ; que, compte tenu du caractère dérogatoire de l'article 278 septies du code général des impôts, les dispositions de l'article 98 A de l'annexe III à ce code, qui énumèrent limitativement les réalisations pouvant être regardées comme des oeuvres d'art, doivent être interprétées strictement ;

3. Considérant que la SARL Regards Photographiques a appliqué le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée à l'ensemble des livraisons de portraits photographiques et aux " livres des mariés ", consistant en une sélection de photographies prises à l'occasion d'un mariage ; que, quelle que soit leur qualité, ces portraits et les photographies figurant dans ces livres, produits en annexe à la requête d'appel, ne présentent pas un caractère d'originalité et ne manifestent pas une intention créatrice, susceptibles de les faire regarder, ne serait-ce qu'en partie, comme des photographies prises par un artiste ; qu'en outre, si la société requérante invoque la qualité d'artiste de sa gérante en se prévalant de l'exposition de ses photographies dans plusieurs manifestations et de son diplôme de portraitiste obtenu en 2011, ce diplôme, s'il garantit aux clients de son détenteur la qualité du travail de photographie reconnu par la profession, ne caractérise pas une démarche artistique particulière ; qu'une telle démarche ne ressort pas davantage des photographies produites, de la participation de la photographe de la société à plusieurs manifestations collectives locales, généralement à caractère commercial, et de la description du matériel professionnel employé ; que, dans ces conditions, alors même qu'il n'est pas contesté que les photographies ayant fait l'objet d'une vente par la SARL Regards Photographiques et auxquelles le taux réduit avait été appliqué étaient numérotées, c'est par une exacte application des dispositions combinées de l'article 278 septies du code général des impôts et de l'article 98 A de l'annexe III à ce code que l'administration a remis en cause l'application à leur livraison du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée ;

4. Considérant, en second lieu, que les dispositions de l'article 98 A de l'annexe III au code général des impôts, telles qu'interprétées au point 2, n'ont pas eu pour effet de porter atteinte à la clarté et à la prévisibilité des règles juridiques applicables aux assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de sécurité juridique ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'instruction du 25 juin 2003 portant la référence 3 C-3-03 : " Ne peuvent être considérées comme des oeuvres d'art susceptibles de bénéficier du taux réduit de la TVA que les photographies qui portent témoignage d'une intention créatrice manifeste de la part de leur auteur. " ; que ces prévisions, invoquées sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ne comportent pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle, mentionnée au point 2, dont il a été fait application ;

6. Considérant, d'autre part, que la SARL Regards Photographiques invoque, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, la position que l'administration aurait prise à l'égard de la situation d'autres contribuables ayant pour activité la photographie ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que ces contribuables aient été dans la même situation de fait qu'elle ou aient participé aux actes ou aux opérations ayant donné naissance à cette situation ;

7. Considérant, enfin, que, contrairement à ce que soutient la SARL Regards Photographiques, l'administration, qui s'est bornée à souligner qu'elle ne remettait pas en cause la qualité du travail réalisé par cette société, n'a pas formellement admis, dans la proposition de rectification du 26 octobre 2012, que les photographies et les livres mentionnés au point 3 répondaient aux conditions d'application du taux réduit prévues par l'article 98 A de l'annexe III au code général des impôts ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que la SARL Regards Photographiques demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Regards Photographiques est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée (SARL) Regards Photographiques et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 24 mars 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Aubert, président de chambre,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,

- M. Jouno, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 avril 2016.

Le rapporteur,

T. JounoLe président,

S. Aubert

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

6

N° 15NT00073


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15NT00073
Date de la décision : 21/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme AUBERT
Rapporteur ?: M. Thurian JOUNO
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : SELAS LEGALYS CONSEILS (BOURGES)

Origine de la décision
Date de l'import : 03/05/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-04-21;15nt00073 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award