Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. M...I...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 7 juillet 2015 d'engager une nouvelle procédure collégiale prévue par le II de l'article R. 4127-37 du code de la santé publique, préalable à une décision de limitation ou d'arrêt des traitements prodigués à M. K...I..., ainsi que la décision du 23 juillet 2015 suspendant cette procédure. Il a également demandé au tribunal de prononcer la suspension de ces deux décisions et d'enjoindre au centre hospitalier universitaire de Reims d'appliquer la décision du 11 janvier 2014 en interrompant l'hydratation et l'alimentation artificielles de M. K...I....
Par un jugement n° 1501768 et 1501769 du 9 octobre 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 octobre 2015 et 17 février 2016, M. M...I..., représenté par Me Lorit, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 9 octobre 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions des 7 juillet 2015 et 23 juillet 2015 ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au centre hospitalier universitaire de Reims d'appliquer la décision du 11 janvier 2015 en interrompant l'hydratation et l'alimentation artificielles de M. K... I...dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) subsidiairement, d'enjoindre, d'une part, au centre hospitalier universitaire de Reims ou au praticien hospitalier en charge de M. K...I...de reprendre et de poursuivre sans délai la procédure collégiale, d'autre part, au centre hospitalier universitaire de Reims de mettre en oeuvre et de garantir effectivement et sans délai au praticien hospitalier en charge du patient les moyens nécessaires pour reprendre et poursuivre immédiatement ladite procédure ;
5°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Reims le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a intérêt à agir en tant que membre de la famille de M. K...I...et cet intérêt a été reconnu dans les précédentes procédures devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne puis le Conseil d'Etat et la Cour européenne des droits de l'homme ;
- la décision du 11 janvier 2014, qui est une décision émanant en droit du centre hospitalier universitaire de Reims et non du médecin qui l'a prise, est redevenue exécutoire après la décision de la Cour européenne des droits de l'homme du 5 juin 2015 et le centre hospitalier, tenu de l'appliquer, devait la faire exécuter par le médecin en charge de M. K...I..., quel qu'il soit, ce que le III de l'article R. 4127-37 du code de la santé publique autorise ;
- le fait pour le Dr C...d'appliquer la décision du 11 janvier 2014 ne constitue pas une atteinte à son indépendance professionnelle dès lors qu'elle avait participé à la précédente consultation et avait, dans ce cadre, émis un avis motivé favorable à l'interruption du traitement ;
- en dehors de toute hypothèse d'amélioration de l'état de santé de M. K...I...et alors qu'aucune disposition législative ne le prévoit, la procédure collégiale ne pouvait pas être mise en oeuvre à nouveau ;
- la décision du 11 janvier 2014, dont la légalité a été consacrée par le Conseil d'Etat et la Cour européenne des droits de l'homme, est créatrice d'un droit, dont M. K...I...est titulaire, de ne pas subir un traitement qui serait le résultat d'une obstination déraisonnable ;
- le Dr C...devait, en vertu du principe de continuité des soins, appliquer la décision du Dr H...du 11 janvier 2014 ;
- contrairement à ce que le tribunal a jugé, la décision verbale de suspendre sine die la procédure collégiale, formalisée par le communiqué de presse du 23 juillet 2015, fait grief et ne présente pas le caractère d'un acte préparatoire ;
- l'illégalité de la décision du 7 juillet 2015 entraîne nécessairement, par voie de conséquence, l'illégalité de la décision du 23 juillet 2015 de suspendre la procédure collégiale ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle se traduit par une suspension de la procédure collégiale sine die et qu'une telle suspension ne peut avoir pour effet que d'amplifier le climat conflictuel autour de la situation de M. K...I...;
- cette décision porte atteinte au droit de M. K... I...de ne pas subir un traitement qui serait le résultat d'une obstination déraisonnable ;
- cette décision, prise pour permettre le transfert de M. K... I...dans un autre établissement hospitalier, procède d'un détournement de la loi et d'un détournement de procédure.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 novembre 2015 et 15 mars 2016, le centre hospitalier universitaire de Reims, représenté par Me Desmarais, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, de surseoir à statuer dans l'attente de la désignation du représentant légal de M. K... I...et de rejeter la requête de M. M...I.... Il demande également que la somme de 500 euros soit mise à la charge de M. M...I...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il doit être sursis à statuer en attendant la désignation du représentant légal de M. K... I... qui devra être mis en cause dans l'instance ;
- M. M...I...n'a pas intérêt à demander l'annulation des décisions contestées ;
- les décisions contestées constituent des décisions médicales insusceptibles de recours ;
- le communiqué de presse du 23 juillet 2015 est une mesure préparatoire non susceptible de recours ;
- les moyens soulevés par M. M...I...à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation ne sont pas fondés ;
- les conclusions à fin d'injonction, qui visent un médecin hospitalier et qui sont présentées à titre principal, sont irrecevables.
Par un mémoire, enregistré le 8 février 2016, M. D...I..., Mme L...I..., M. B... O... et Mme A...F...épouseI..., représentés par Me N...et Me J..., concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 8 000 euros soit mise à la charge de M. M... I...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- M. M...I...n'a pas intérêt à agir ;
- la décision du 7 juillet 2015, qui est un acte préparatoire, n'est pas une décision faisant grief ;
- la décision du 23 juillet 2015, qui est une décision de suspension non définitive, n'est pas susceptible de recours ;
- les moyens soulevés par M. M...I...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dhiver,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- les observations de Me Lorit, avocat de M. M...I...,
- les observations de Me Desmarais, avocat du centre hospitalier universitaire de Reims,
- et les observations de Me N...et MeJ..., avocats de M. D...I..., Mme L...I..., M. B...O...et Mme A...F...épouseI....
Une note en délibéré, présentée pour M. D...I..., Mme L...I..., M. B...O...et Mme A...F...épouseI..., par MeN..., a été enregistrée le 3 juin 2016.
Une note en délibéré, présentée pour M. M...I..., par Me Lorit, a été enregistrée le 7 juin 2016.
Une note en délibéré, présentée pour M. D...I..., Mme L...I..., M. B...O...et Mme A...F...épouseI..., par MeN..., a été enregistrée le 10 juin 2016.
1. Considérant que M. K...I..., né en 1976, infirmier en psychiatrie, a été victime, le 29 septembre 2008, d'un accident de la circulation qui lui a causé un grave traumatisme crânien ; qu'il est hospitalisé dans l'unité spécialisée pour patients en état pauci-relationnel du centre hospitalier universitaire de Reims où, en raison de son état de tétraplégie et de complète dépendance, il est pris en charge pour tous les actes de la vie quotidienne et est alimenté et hydraté de façon artificielle par voie entérale ; que, le 11 janvier 2014, le DrH..., alors médecin en charge de M. K... I...a, au terme d'une procédure collégiale conduite conformément aux dispositions du II de l'article R. 4127-37 du code de la santé publique, décidé de mettre fin à l'alimentation et l'hydratation artificielles du patient ; que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, statuant en référé en formation collégiale par un jugement du 16 janvier 2014, a suspendu l'exécution de la décision du 11 janvier 2014 ; que, par une décision du 24 juin 2014, le Conseil d'Etat, après avoir, avant dire droit, ordonné une expertise médicale, a dit que la décision du 11 janvier 2014 du Dr H... ne pouvait pas être tenue pour illégale ; qu'il a annulé le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 16 janvier 2014 en tant qu'il avait suspendu l'exécution de cette décision ; que, saisie par les parents de M. K...I..., l'un de ses demi-frères et l'une de ses soeurs, la Cour européenne des droits de l'homme statuant en formation de grande chambre a, par un arrêt du 5 juin 2015, dit qu'il n'y aurait pas violation de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de mise en oeuvre de la décision du Conseil d'Etat du 24 juin 2014 ;
2. Considérant qu'après l'arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'homme, M. M... I...et sa mère ont, par un premier courrier du 11 juin 2015, demandé au centre hospitalier universitaire de Reims de leur indiquer la nature et le calendrier des mesures qu'il comptait prendre pour mettre à exécution la décision du Dr H... du 11 janvier 2014 de mettre fin à l'alimentation et à l'hydratation artificielles de M. K...I..., leur oncle et demi-frère ; qu'ils ont renouvelé cette demande le 7 juillet 2015 et demandé au centre hospitalier de mettre en oeuvre la décision du 11 janvier 2014 ; que, par un courrier du 7 juillet 2015, le Dr G...C..., chef de service au sein de l'unité pour patients en état pauci-relationnel du centre hospitalier et médecin en charge de M. K...I...depuis le départ du Dr H..., a informé M. M... I... de sa décision de conduire une nouvelle procédure collégiale prévue par les dispositions de l'article R. 4127-37 du code de la santé publique et l'a convié à participer à un conseil de famille qui s'est tenu le 15 juillet 2015 ; que le centre hospitalier universitaire de Reims a annoncé, dans un communiqué de presse du 23 juillet 2015, que le médecin en charge de M. K... I...avait décidé de suspendre la procédure collégiale placée sous sa responsabilité ; que, par un jugement du 9 octobre 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de M. M... I...tendant à l'annulation de la décision du 7 juillet 2015 d'engager une nouvelle procédure collégiale ; qu'il a également rejeté comme irrecevables les conclusions dirigées contre la décision du 23 juillet 2015 suspendant cette procédure ; que M. M... I...relève appel de ce jugement ;
Sur les dispositions applicables au litige :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1110-5 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à l'espèce, résultant de la loi du 22 avril 2005 : " Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d'investigation ou de soins ne doivent pas, en l'état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. / Ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10 (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à l'espèce issue de la loi du 22 avril 2005 : " (...) Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, la limitation ou l'arrêt de traitement susceptible de mettre sa vie en danger ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale et sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6 ou la famille ou, à défaut, un de ses proches et, le cas échéant, les directives anticipées de la personne, aient été consultés. La décision motivée de limitation ou d'arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical. (...) " ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 4127-37 du code de la santé publique : " I. En toutes circonstances, le médecin doit s'efforcer de soulager les souffrances du malade par des moyens appropriés à son état et l'assister moralement. Il doit s'abstenir de toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique et peut renoncer à entreprendre ou poursuivre des traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou qui n'ont d'autre objet ou effet que le maintien artificiel de la vie. / II.- Dans les cas prévus au cinquième alinéa de l'article L. 1111-4 et au premier alinéa de l'article L. 1111-13, la décision de limiter ou d'arrêter les traitements dispensés ne peut être prise sans qu'ait été préalablement mise en oeuvre une procédure collégiale. Le médecin peut engager la procédure collégiale de sa propre initiative. Il est tenu de le faire au vu des directives anticipées du patient présentées par l'un des détenteurs de celles-ci mentionnés à l'article R. 1111-19 ou à la demande de la personne de confiance, de la famille ou, à défaut, de l'un des proches. Les détenteurs des directives anticipées du patient, la personne de confiance, la famille ou, le cas échéant, l'un des proches sont informés, dès qu'elle a été prise, de la décision de mettre en oeuvre la procédure collégiale. / La décision de limitation ou d'arrêt de traitement est prise par le médecin en charge du patient, après concertation avec l'équipe de soins si elle existe et sur l'avis motivé d'au moins un médecin, appelé en qualité de consultant. Il ne doit exister aucun lien de nature hiérarchique entre le médecin en charge du patient et le consultant. L'avis motivé d'un deuxième consultant est demandé par ces médecins si l'un d'eux l'estime utile. / La décision de limitation ou d'arrêt de traitement prend en compte les souhaits que le patient aurait antérieurement exprimés, en particulier dans des directives anticipées, s'il en a rédigé, l'avis de la personne de confiance qu'il aurait désignée ainsi que celui de la famille ou, à défaut, celui d'un de ses proches. / (...) Les avis recueillis, la nature et le sens des concertations qui ont eu lieu au sein de l'équipe de soins ainsi que les motifs de la décision sont inscrits dans le dossier du patient. (...) III.- Lorsqu'une limitation ou un arrêt de traitement a été décidé en application de l'article L. 1110-5 et des articles L. 1111-4 ou L. 1111-13, dans les conditions prévues aux I et II du présent article, le médecin, même si la souffrance du patient ne peut pas être évaluée du fait de son état cérébral, met en oeuvre les traitements, notamment antalgiques et sédatifs, permettant d'accompagner la personne selon les principes et dans les conditions énoncés à l'article R. 4127-38. Il veille également à ce que l'entourage du patient soit informé de la situation et reçoive le soutien nécessaire " ;
Sur l'intérêt pour agir de M. M...I... :
5. Considérant que le courrier du 7 juillet 2015, par lequel le Dr C...fait part de sa décision d'engager une nouvelle procédure collégiale, est adressé au requérant ; que ce courrier fait suite à une demande que M. M...I...avait formulée une première fois le 11 juin 2015, renouvelée le 7 juillet 2015, de mettre en oeuvre la décision du Dr H...du 11 janvier 2014 ; qu'il ressort de ce courrier, qui convie M. M...I...à participer à un conseil de famille devant se tenir le 15 juillet 2015, que celui-ci est associé au nouveau processus collégial ; que M. M...I..., neveu de M. K... I..., a été reçu par le Dr C...le 15 juillet 2015 en tant que membre de la famille et a participé au nouveau processus de consultation ; que, dès lors, M. M... I...présente un intérêt à demander l'annulation des décisions des 7 juillet 2015 et 23 juillet 2015 décidant la reprise puis la suspension de la procédure collégiale prévue à l'article R. 4127-37 du code de la santé publique ;
Sur la décision du 7 juillet 2015 :
6. Considérant que le Dr C...qui, par son courrier du 7 juillet 2015, a pris la décision d'engager une nouvelle procédure collégiale, doit être regardée comme ayant nécessairement également rejeté la demande que M. M...I...lui avait adressée les 11 juin et 7 juillet 2015 d'appliquer la décision précédemment prise, le 11 janvier 2014, d'arrêter l'alimentation et l'hydratation artificielles de M. K...I... ; que, par sa requête, M. M...I...conteste la légalité de ces deux décisions ;
En ce qui concerne le refus de mettre en oeuvre la décision du 11 janvier 2014 :
7. Considérant que M. M...I..., qui se prévaut du caractère exécutoire et obligatoire de la décision du Conseil d'Etat du 24 juin 2014, soutient que le centre hospitalier universitaire de Reims était tenu à l'exécution de sa décision du 11 janvier 2014 et devait demander au DrC..., ou à tout autre médecin, de mettre en oeuvre cette décision ; qu'il soutient également que la décision du 11 janvier 2004 a créé un droit au profit de M. K... I...de ne pas subir un traitement qui serait le résultat d'une obstination déraisonnable ; qu'enfin, il invoque le principe de continuité des soins ;
8. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 1111-4 ainsi que de celles du II et du III de l'article R. 4127-37 du code de la santé publique que la décision de limiter ou d'arrêter le traitement d'une personne hors d'état d'exprimer sa volonté, qui est susceptible de mettre sa vie en danger, ne peut être prise que par le médecin en charge du patient et n'être mise en oeuvre que par ce même médecin ou sous sa responsabilité ; que la décision du 11 janvier 2014 de mettre fin à l'alimentation et à l'hydratation artificielles de M. K... I...est une décision du DrH..., prise en sa qualité de médecin alors en charge de ce patient ; qu'il ressort des pièces du dossier que ce médecin a cessé ses fonctions au sein du centre hospitalier universitaire de Reims le 1er septembre 2014 et que la prise en charge de M. K... I...a été confiée au Dr C... ; que, dès lors que le Dr H...n'était plus le médecin en charge de M. K... I..., la décision du 11 janvier 2014 est devenue caduque ; qu'il s'ensuit que cette décision ne pouvait plus, après le 31 août 2014, être exécutée ;
9. Considérant, en deuxième lieu, que la décision du Dr H...du 11 janvier 2014 étant devenue caduque, M. M...I...ne peut en tout état de cause faire état d'un droit que M. K... I...pourrait tenir de cet acte ;
10. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 4127-5 du code de la santé publique : " Le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit " ;
11. Considérant que le principe d'indépendance professionnelle et morale du médecin rappelé par les dispositions de l'article R. 4127-5 du code de la santé publique faisait obstacle à ce que le centre hospitalier universitaire de Reims impose au DrC..., ou à tout autre médecin, qu'il prenne une nouvelle décision médicale identique à celle du Dr H... du 11 janvier 2014 ; que ce principe faisait également obstacle à ce que le Dr C...s'estime liée par la décision de son prédécesseur ;
12. Considérant en dernier lieu, qu'ainsi que le prescrit l'article L. 1111-4 du code de la santé publique, la décision motivée de limitation ou d'arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical du patient ; que si le principe de continuité des soins énoncé par les dispositions de l'article L. 1110-1 du code de la santé publique fait obligation au médecin en charge de M. K...I...de consulter le dossier médical de ce dernier et donc de prendre connaissance de la décision du Dr H... du 11 janvier 2014, il ne pouvait conduire à ce que le Dr C...prenne nécessairement la même décision et soit ainsi privée du pouvoir d'appréciation qu'elle tient de la mise en oeuvre du principe d'indépendance professionnelle et morale du médecin ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision du Dr C...refusant de mettre en oeuvre la décision du Dr H...du 11 janvier 2014 n'est entachée d'aucune d'illégalité ;
En ce qui concerne la décision d'engager une nouvelle procédure collégiale :
14. Considérant que, lorsque le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté, la décision de limiter ou d'arrêter un traitement au motif que sa poursuite traduirait une obstination déraisonnable ne peut, s'agissant d'une mesure susceptible de mettre sa vie en danger, être prise par le médecin que dans le respect des conditions posées par la loi, qui résultent de l'ensemble des dispositions précédemment citées et notamment de celles qui organisent la procédure collégiale et prévoient des consultations de la personne de confiance, de la famille ou d'un proche ; que le II de l'article R. 4127-37 du code de la santé publique précise les conditions dans lesquelles cette procédure est mise en oeuvre par le médecin en charge du patient ;
15. Considérant que, alors même qu'elle avait été consultée par le Dr H...dans le cadre de la précédente procédure collégiale et qu'elle avait, lors de cette consultation, émis un avis selon lequel la poursuite d'une alimentation et d'une hydratation artificielles pouvait s'apparenter à un soin déraisonnable, il incombe désormais au DrC..., en sa qualité de médecin en charge de M. K... I..., d'apprécier en toute indépendance si les conditions d'un arrêt de traitement restent réunies ; qu'à la date à laquelle elle a été conduite à porter cette appréciation et quand bien même la situation clinique de Vincent I...n'avait pas évolué, un délai de 18 mois s'était écoulé depuis la décision du Dr H...du 11 janvier 2014 ; qu'il ressort en outre des pièces du dossier que les membres de la famille de M. K...I...restaient, en juillet 2015, divisés quant à son maintien en vie ; qu'eu égard à ces circonstances, le DrC..., en sa qualité de médecin en charge, a pu décider d'engager, sous sa propre responsabilité, une nouvelle procédure collégiale aux fins de réunir l'ensemble des éléments, médicaux et non médicaux, lui permettant de forger son appréciation ; que, dans ces conditions, la mise en oeuvre d'une nouvelle procédure collégiale ne méconnaît pas le droit de M. K... I...de ne pas subir un traitement qui serait le résultat une obstination déraisonnable ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense tirées du caractère insusceptible de recours de la décision contestée, que M. M...I...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 juillet 2015 ;
Sur la décision du 23 juillet 2015 :
17. Considérant que le communiqué de presse du 23 juillet 2015 du centre hospitalier universitaire de Reims révèle la décision du Dr C...de suspendre la procédure collégiale qu'elle avait initiée le 7 juillet 2015 ;
En ce qui concerne la fin de non-recevoir accueillie par le tribunal administratif :
18. Considérant qu'il ressort des termes du communiqué de presse du 23 juillet 2015 que le Dr C...a décidé de suspendre la procédure collégiale placée sous sa responsabilité au motif que " les conditions de sérénité et de sécurité nécessaires à la poursuite de cette procédure, tant pour M. K... I...que pour l'équipe soignante, [n'étaient] pas réunies " ; qu'il est par ailleurs précisé que " les conditions d'un échange serein doivent absolument être rétablies dans l'intérêt de M. K...I...et de son accompagnement " ; qu'eu égard au motif retenu par le Dr C...pour suspendre la procédure collégiale et compte tenu de ce qu'elle n'a fixé aucun terme à la suspension, cette mesure présente le caractère d'une décision faisant grief ; qu'il s'ensuit que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté comme irrecevables les conclusions présentées par M. M... I...dirigées contre cette décision ; que son jugement du 9 octobre 2015 doit, dans cette mesure, être annulé ;
19. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. M... I...tendant à l'annulation de la décision du Dr C...révélée par le communiqué de presse du 23 juillet 2015 ;
En ce qui concerne l'autre fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier universitaire de Reims :
20. Considérant que la circonstance que la décision contestée du 23 juillet 2015 émane du médecin ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que le juge administratif, saisi d'une contestation de sa légalité, s'assure que les conditions fixées par la loi ont été remplies ;
En ce qui concerne la légalité de la décision :
21. Considérant en premier lieu, qu'il ne ressort ni de la décision attaquée, ni des écritures du centre hospitalier universitaire de Reims, ni encore des pièces du dossier que la procédure collégiale aurait été provisoirement interrompue en raison de la saisine, par le procureur de la République, du juge des tutelles aux fins d'ouverture d'un régime de protection dans l'intérêt de M. K... I... ;
22. Considérant, en second lieu, que, dans le cadre de la procédure collégiale qu'elle avait engagée le 7 juillet 2015, le Dr C...a reçu les membres de la famille de M. K...I...le 15 juillet 2015 ; qu'elle a, par ailleurs, constaté que la situation clinique de M. K... I...était comparable à celle décrite par les experts désignés par le Conseil d'Etat ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 18 ci-dessus, le Dr C...a décidé de suspendre la procédure qu'elle avait mise en oeuvre au motif que les conditions de sérénité et de sécurité nécessaires à la poursuite de cette procédure n'étaient pas réunies ; que, toutefois, l'existence d'éventuelles menaces pour la sécurité de M. K... I...et de l'équipe soignante n'est pas un motif légal pour justifier l'interruption d'une procédure engagée en vue d'évaluer si la poursuite d'actes délivrés à un patient traduit une obstination déraisonnable ; que les seules considérations relatives à la recherche préalable d'un climat apaisé autour de M. K...I..., telles qu'elles sont énoncées de façon très générale, ne permettaient pas de suspendre, sans fixer de terme à cette suspension, le cours de la procédure collégiale ; que, dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ni de surseoir à statuer, M. M... I...est fondé à demander l'annulation de la décision de suspension du Dr C... révélée par le communiqué de presse du 23 juillet 2015 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
23. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;
24. Considérant que, par le présent arrêt, la cour annule la décision suspendant la procédure collégiale engagée le 7 juillet 2015 ; qu'il découle nécessairement de cette annulation que le DrC..., médecin en charge de M. K...I..., poursuive cette procédure ; que l'exécution du présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au centre hospitalier universitaire de Reims, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de mettre ce médecin hospitalier ou tout autre praticien susceptible de lui succéder, en mesure de répondre aux obligations lui incombant vis-à-vis de M. K...I...en vertu du code de la santé publique ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
25. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Reims la somme demandée par M. M...I...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu non plus, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions que le centre hospitalier universitaire de Reims, d'une part, M. et Mme D...I..., M. O...et Mme F..., d'autre part, présentent sur le fondement des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 9 octobre 2015 est annulé en tant qu'il statue sur la décision de suspension de la procédure collégiale révélée par le communiqué de presse du 23 juillet 2015.
Article 2 : La décision de suspension de la procédure collégiale révélée par le communiqué de presse du 23 juillet 2015 est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au centre hospitalier universitaire de Reims de mettre le DrC..., ou tout autre praticien susceptible de lui succéder, en mesure de répondre aux obligations lui incombant vis-à-vis de M. K...I... en vertu du code de la santé publique.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. M...I...est rejeté.
Article 5 : Les conclusions du centre hospitalier universitaire de Reims ainsi que celles de M. D...I..., de Mme L...I..., de M. B...O...et de Mme A...I...épouse F...présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. M...I..., au centre hospitalier universitaire de Reims, à M. D...I..., à Mme L...I..., à M. B...O..., à Mme A...I...épouse F...et à Mme E...I....
Copie en sera adressée au Dr. DanièlaC....
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N° 15NC02132