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12/05/2016 | FRANCE | N°15NC00338

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 12 mai 2016, 15NC00338


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Forge France a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 1er octobre 2013 par laquelle le ministre chargé du travail a retiré sa décision implicite rejetant le recours gracieux formé par M.E..., a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 1er février 2013 autorisant le licenciement de M. E...et a refusé d'autoriser ce licenciement.

Par un jugement n° 1302160 du 31 décembre 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rej

eté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Forge France a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 1er octobre 2013 par laquelle le ministre chargé du travail a retiré sa décision implicite rejetant le recours gracieux formé par M.E..., a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 1er février 2013 autorisant le licenciement de M. E...et a refusé d'autoriser ce licenciement.

Par un jugement n° 1302160 du 31 décembre 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 18 février 2015 et le 9 mars 2016, la société Forge France, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 31 décembre 2014 ;

2°) d'annuler la décision du ministre chargé du travail du 1er octobre 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 1er octobre 2013 a été signée par une autorité incompétente dès lors que la délégation de signature accordée à M. B...ne mentionne pas les matières pour lesquelles elle est accordée ;

- la décision du 1er octobre 2013 est insuffisamment motivée ;

- la demande d'autorisation de licenciement indiquait précisément que le licenciement était envisagé pour motif économique et aucun texte ni aucun principe n'impose d'indiquer expressément la nature de la cause économique du licenciement ;

- le ministre ne pouvait pas retirer sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique de M. E...puisqu'elle n'était pas illégale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2015, M. A...E..., représenté par la SCP Antony Dupuis D...Migne, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Forge France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés ;

- la décision de l'inspecteur du travail n'était pas signée contrairement à ce que prévoit la circulaire du 30 juillet 2012 ;

- la réalité du motif économique allégué n'est pas établie ;

- l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement ;

- la demande d'autorisation de licenciement a été présentée par le directeur général de la société alors que seul son président aurait été compétent pour ce faire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2016, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés et s'en rapporte à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Kohler, premier conseiller,

- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,

- les observations de MeC..., représentant la société Forge France,

- et les observations de MeD..., représentant M.E....

1. Considérant que la société Forge France, qui appartient au groupe Crosby et exerce son activité de fabrication d'engins de levage répartie sur deux sites de production dans les Ardennes, a, le 11 janvier 2013, sollicité de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier M.E..., membre suppléant du comité d'entreprise et délégué du personnel ; que M. E...a saisi d'un recours hiérarchique le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social lequel a gardé le silence pendant plus de quatre mois sur ce recours faisant naître une décision implicite de rejet ; que le ministre a, par décision expresse du 1er octobre 2013, retiré cette décision implicite, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 1er février 2013 et rejeté la demande d'autorisation de licencier M. E...présentée par la société Forge France ; que cette société relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre du 1er octobre 2013 ;

2. Considérant que l'article R. 2422-1 du code du travail prévoit que : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur " ; que, dans le cas où l'inspecteur a autorisé le licenciement, la décision ainsi prise, qui a créé des droits au profit de l'employeur, ne peut être annulée ou réformée par le ministre chargé du travail que pour des motifs de légalité, compte tenu des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle s'est prononcé l'inspecteur du travail ;

3. Considérant que pour annuler la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de M.E..., le ministre chargé du travail a estimé que la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société Forge France le 11 janvier 2013, dès lors qu'elle ne permettait pas de déterminer la nature de la cause économique, n'énonçait pas les motifs du licenciement envisagé, en méconnaissance des prescriptions posées par l'article R. 2421-10 du code du travail ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 2421-10 du code précité : " La demande d'autorisation de licenciement (...) d'un membre du comité d'entreprise (...) est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement qui l'emploie. (...) La demande énonce les motifs du licenciement envisagé " ; que, dans le cas d'un licenciement pour motif économique, pour mettre l'inspecteur du travail en mesure de procéder à l'enquête contradictoire, notamment en fournissant au salarié tous les éléments d'information nécessaires, et de se livrer ainsi au contrôle qui lui incombe, il appartient à l'employeur de préciser, dans la demande d'autorisation, la nature du motif économique allégué et, lorsque ce motif tient à la réorganisation de l'entreprise, de préciser si cette réorganisation est justifiée par des difficultés économiques, des mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ;

5. Considérant que, dans sa demande d'autorisation de licenciement, la société Forge France indique que " Les motifs économiques à l'origine de notre demande d'autorisation sont rappelés dans la note concernant le projet de réorganisation de Forge France présentée au comité d'entreprise lors de la réunion du 19 septembre 2012, et en copie de ce courrier. / La réorganisation de Forge France a entraîné l'arrêt prochain de l'activité de l'usine de Nouzonville et la suppression de 25 postes, nombre que les discussions relatives au plan de sauvegarde de l'emploi mis en place ont permis de réduire à 23, dont le poste occupé par M.E... " ; que la note de neuf pages mentionnée dans la demande et annexée en pièce jointe à cette demande, précise notamment que " Au-delà des difficultés économiques récurrentes de FORGE France, l'objectif [du projet de réorganisation] est néanmoins de sauvegarder la compétitivité " ; qu'ainsi, la demande d'autorisation de licenciement qui fait état, d'une part, de la réorganisation de l'entreprise, en renvoyant à un document y étant annexé pour le détail des motifs économiques ayant rendu cette réorganisation nécessaire et, d'autre part, de la suppression de l'emploi de M.E..., mentionne à la fois la raison économique du licenciement et son incidence sur l'emploi du salarié ; qu'ainsi, la motivation de cette demande permettait à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au salarié, de connaître précisément la nature du motif économique allégué et était, par suite, suffisante ; que, dans ces conditions, la société Forge France est fondée à soutenir que le ministre chargé du travail ne pouvait se fonder sur l'insuffisante motivation de la demande d'autorisation de licenciement ni pour annuler la décision de l'inspecteur du travail, ni pour retirer sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par M.E... ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société Forge France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Forge France, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. E...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 500 euros au titre des frais exposés par la société Forge France et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 31 décembre 2014 et la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 1er octobre 2013 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à la société Forge France une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Forge France, à M. A...E...et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

2

N° 15NC00338


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00338
Date de la décision : 12/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: Mme Julie KOHLER
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : PRIMAVOCAT CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-05-12;15nc00338 ?
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