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19/04/2016 | FRANCE | N°15NC00328

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 19 avril 2016, 15NC00328


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...C...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 30 avril 2012 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société Trane SAS à procéder à son licenciement. A la suite du décès de M. F... C..., ses ayants droit, Mme H... C...et M. D...C..., ont poursuivi l'instance ;

Par un jugement n° 1201405 du 16 décembre 2014, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du 30 avril 2012 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société Trane SAS

à procéder au licenciement de M. F...C....

Procédure devant la cour :

Par une req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...C...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 30 avril 2012 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société Trane SAS à procéder à son licenciement. A la suite du décès de M. F... C..., ses ayants droit, Mme H... C...et M. D...C..., ont poursuivi l'instance ;

Par un jugement n° 1201405 du 16 décembre 2014, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du 30 avril 2012 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société Trane SAS à procéder au licenciement de M. F...C....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 février 2015, la société Trane SAS, représentée par MeG..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 16 décembre 2014 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. F...C...puis Mme H...C...et M. D...C...devant le tribunal administratif de Nancy ;

3°) de mettre à la charge de Mme H...C...et M. D...C...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le mémoire de reprise d'instance par Mme H...C...et M. D...C..., enregistré le 19 novembre 2014, ne lui a pas été communiqué contrairement à ce qu'a jugé le tribunal et ceci en méconnaissance des dispositions des articles R. 611-3 et R. 611-5 du code de justice administrative ; il ne figure d'ailleurs pas dans l'historique du dossier sur le site de l'application " Sagace " ; le principe du contradictoire n'a pas été respecté ;

- lors de l'enquête contradictoire conduite par l'inspectrice du travail, M. C...a été mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces qu'elle avait produites et qui lui ont été soumises ; les dispositions de l'article R. 2421-11 du code du travail n'ont pas été méconnues.

Par un mémoire enregistré le 16 avril 2015, Mme H...C...et M. D...C..., représentés par MeA..., concluent à ce que la Cour :

1°) rejette la requête ;

2°) écarte des débats les procès-verbaux de constats d'huissier datés des 20 février, 2 mars, 16 mars, 19 mars et 23 mars 2012 s'ils sont produits par l'Etat en appel ;

3°) mette à la charge de la société Trane SAS la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par la société Trane SAS ne sont pas fondés.

Une mise en demeure a été adressée le 10 juin 2015 au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Tréand, président assesseur,

- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant la société Trane.

Sur la régularité du jugement :

1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 634-1 du code de justice administrative : " Dans les affaires qui ne sont pas en état d'être jugées, la procédure est suspendue par la notification du décès de l'une des parties ou par le seul fait du décès, de la démission, de l'interdiction ou de la destitution de son avocat. Cette suspension dure jusqu'à la mise en demeure pour reprendre l'instance ou constituer avocat. " ; qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux " ; qu'il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer un mémoire ou une pièce contenant des éléments nouveaux est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité ; qu'il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties ;

2. Considérant que M. F...C...a formé une requête enregistrée le 29 juin 2012 tendant à l'annulation de la décision du 30 avril 2012 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société Trane SAS à procéder à son licenciement ; que le requérant étant décédé le 9 novembre 2014, son épouse, Mme H...C..., et son fils, M. D...C..., ont produit un mémoire enregistré le 19 novembre 2014, accompagné de l'acte de décès de M. C..., indiquant qu'ils entendaient poursuivre l'instance ; que la société Trane SAS soutient qu'elle n'a pas été rendue destinataire de ce dernier mémoire alors qu'elle a produit un mémoire enregistré le 20 novembre 2014 contestant l'intérêt à agir de Mme H...C...en cas avéré du décès de M. F...C... ; qu'en admettant même que le tribunal administratif de Nancy ait omis de communiquer le mémoire de reprise d'instance, l'affaire étant en état d'être jugée à la date du décès de M. F...C..., le tribunal devait statuer sur les conclusions de la requête en application des dispositions précitées de l'article R. 634-1 du code de justice administrative ; qu'ainsi, l'absence de communication du mémoire présenté par Mme H...C...et M. D... C...et enregistré le 19 novembre 2014 n'a pas préjudicié aux droits de la société Trane SAS et n'a donc pas été de nature à entacher la procédure d'irrégularité ;

Sur les conclusions à fins d'annulation :

3. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'à l'effet de concourir à la mise en oeuvre de la protection ainsi instituée, l'article R. 436-4 du code du travail alors applicable, devenu l'article R. 2421-11, dispose que l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat " ;

4. Considérant que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, d'informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui en ont témoigné ; qu'il implique, en outre, que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation ; qu'enfin, la communication de l'ensemble de ces pièces doit intervenir avant que l'inspecteur du travail ne statue sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur, dans des conditions et des délais permettant au salarié de présenter utilement sa défense ; que c'est seulement lorsque l'accès à certains de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs que l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;

5. Considérant que, dans son mémoire enregistré devant le tribunal administratif le 18 octobre 2012, la directrice de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRRECTE) de Lorraine a expressément indiqué que " la demande d'autorisation de licenciement était exclusivement basée sur les constats d'huissier " ; que même si la décision d'autorisation de licenciement du 30 avril 2012 ne mentionne pas les constats d'huissier établis par Maître B...désigné par une ordonnance du président du tribunal de grande instance (TGI) d'Epinal du 27 février 2012 et datés des 2, 16, 19 et 23 mars 2012, qui ont d'ailleurs été déclarés nuls et de nul effet par une ordonnance du 5 septembre 2012 du juge des référés du TGI d'Epinal, certes postérieure à la décision litigieuse, il ressort des pièces du dossier que l'inspectrice du travail s'est fondée, se conformant en cela à la demande d'autorisation de licenciement de M.C..., sur lesdits procès-verbaux de constat ; que, dans son mémoire en défense, enregistré le 21 août 2012 au greffe du tribunal, la DIRRECTE de Lorraine s'est bornée à indiquer que l'inspectrice du travail qui a reçu M. C...les 27 mars et 26 avril 2012 lui aurait lu les courriers de l'employeur, sans préciser lesquels, et lui aurait soumis les pièces invoquées au fur et à mesure par chaque courrier, sans davantage préciser la nature de ces pièces et notamment sans indiquer qu'il s'agissait des procès-verbaux de constat d'huissier susmentionnés ; qu'ainsi, il n'est nullement démontré que l'existence desdits procès-verbaux ait été mentionnée devant le salarié pendant l'enquête préalable menée par l'inspectrice du travail, ni que M. C...ait été informé de son droit d'accès à ces pièces ; que la seule circonstance que l'inspectrice du travail ait joint les procès-verbaux à la décision d'autorisation de licenciement de M. C...lorsqu'elle lui a été notifiée est insuffisante dès lors que cette communication devait intervenir avant que l'inspectrice du travail ne statue sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur, dans des conditions et des délais permettant au salarié de présenter utilement sa défense ; que, par suite, la décision d'autorisation de licenciement de M. C...du 30 avril 2012 a été rendue au terme d'une procédure irrégulière et a privé M. C...d'une garantie ; qu'elle encourait l'annulation ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Trane SAS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du 30 avril 2012 de l'inspectrice du travail qui a autorisé le licenciement de M. F...C... ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'aux termes des dispositions figurant à l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ..." ;

8. Considérant, d'une part, que les dispositions précitées font obstacle à ce que la société Trane SAS, partie perdante, puisse se voir allouer la somme qu'elle demande au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ;

9. Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Trane SAS le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme H...C...et M. D...C...et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Trane SAS est rejetée.

Article 2 : La société Trane SAS versera à Mme H...C...et à M. D...C...la somme de 1 500 (mille-cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Trane SAS, à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, à Mme H...C...et à M. D... C....

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15NC00328


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00328
Date de la décision : 19/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Instruction - Caractère contradictoire de la procédure - Communication des mémoires et pièces.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Procédure préalable à l'autorisation administrative - Entretien préalable.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : ISARD AVOCATS CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 03/05/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-04-19;15nc00328 ?
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