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06/12/2016 | FRANCE | N°15MA02732

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre - formation à 3, 06 décembre 2016, 15MA02732


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Groupe Coplan a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par l'article 1er du jugement n° 1300510 du 6 mars 2015, le tribunal administratif de Nice a prononcé la décharge des cotisations et pénalités en litige résultant de la réintégration de frais d'assistance technique, par l'ar

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Groupe Coplan a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par l'article 1er du jugement n° 1300510 du 6 mars 2015, le tribunal administratif de Nice a prononcé la décharge des cotisations et pénalités en litige résultant de la réintégration de frais d'assistance technique, par l'article 2 a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et par l'article 3 a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par un recours enregistré le 2 juillet 2015, le ministre des finances et des comptes publics demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Nice du 6 mars 2015 ;

2°) de remettre à la charge de la SA Coplan une somme globale de 341 457 euros.

Il soutient que les frais d'assistance administrative, financière, de direction et de gestion facturés par la SA Groupe Coplan à sa filiale, la SARL Coplan, n'étaient pas déductibles, dès lors que la réalité des prestations n'est pas établie.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 décembre 2015, la SA Groupe Coplan, représentée par Mes Quentin et Lefèvre, demande à la Cour :

1°) de rejeter le recours du ministre des finances et des comptes publics et, par la voie de l'appel incident, de prononcer la décharge totale des impositions et pénalités en litige ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a été informée des conséquences financières du contrôle de sa filiale, la SARL Coplan, alors que cette dernière n'avait pas encore reçu les propositions de rectification ayant conduit aux suppléments d'impôt en litige et n'avait donc pu formuler ses observations ;

- le moyen soulevé par le ministre n'est pas fondé ;

- à titre subsidiaire, les prestations en cause s'analysent comme des subventions indirectes, qui par conséquent doivent être neutralisées pour la détermination du résultat d'ensemble du groupe, sur le fondement de l'article 223 B du code général des impôts.

Par une ordonnance en date du 8 septembre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 octobre 2016.

Un mémoire présenté par le ministre de l'économie et des finances a été enregistré le 18 novembre 2016, postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mastrantuono,

- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.

1. Considérant que la SARL Coplan, devenue la SA Ginger Ingénierie, qui exerçait une activité de prestations d'études techniques et d'ingénierie au sein d'un groupe fiscalement intégré dont la SA Groupe Coplan est la société mère, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a notamment remis en cause la déduction de charges relatives à des prestations d'assistance facturées par la SA Groupe Coplan ; que le ministre des finances et des comptes publics relève appel du jugement n° 1300510 en date du 6 mars 2015 du tribunal administratif de Nice en tant que, par son article 1er, il a déchargé la SA Groupe Coplan des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie à raison de la réintégration aux résultats de la SARL Coplan des charges relatives aux prestations d'assistance au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009, ainsi que des pénalités correspondantes, et que, par son article 2, il a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que la SA Groupe Coplan, par la voie de l'appel incident, demande que soit prononcée la décharge totale des impositions en litige ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsqu'en application des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts la société mère d'un groupe est amenée à supporter les droits et pénalités résultant d'une procédure de rectification suivie à l'égard d'une ou de plusieurs sociétés du groupe, l'administration adresse à la société mère, préalablement à la notification de l'avis de mise en recouvrement correspondant, un document l'informant du montant global par impôt des droits, des pénalités et des intérêts de retard dont elle est redevable. L'avis de mise en recouvrement, qui peut être alors émis sans délai, fait référence à ce document " ;

3. Considérant qu'il ne résulte ni des dispositions précitées, ni d'aucun autre texte ou principe que l'administration ne devrait informer la société mère d'un groupe amenée à supporter les droits et pénalités résultant d'une procédure de rectification suivie à l'égard d'une société du groupe en application des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts qu'à l'issue du contrôle de la filiale ou après l'expiration du délai de trente jours imparti à cette dernière pour présenter ses observations en réponse à la proposition de rectification ; qu'ainsi, la SA Groupe Coplan, à laquelle il n'est pas contesté que des lettres d'information sur les conséquences financières du contrôle de la SARL Coplan ont été adressées préalablement à la mise en recouvrement, le 31 mai 2012, des impositions en litige, n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que la procédure d'imposition aurait été entachée d'irrégularité ;

Sur le bien-fondé des impositions faisant l'objet du recours du ministre :

4. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

5. Considérant qu'en vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis ; que la seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense ; que le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration ;

6. Considérant que par une convention en date du 1er janvier 2006, la SA Groupe Coplan s'est engagée à fournir à la SARL Coplan des prestations en matière d'assistance administrative, commerciale, juridique, financière, de direction et de contrôle de gestion ; que pour établir que les factures d'honoraires ayant donné lieu à la déduction des charges en litige, émises par la SA Groupe Coplan au nom de sa filiale, ne correspondaient à aucune opération réelle, le ministre, après avoir fait observer que la convention prévoit une rémunération globale et forfaitaire de la société mère, relève que ces factures ne désignent que de manière imprécise la nature des prestations concernées, par des libellés tels que " frais généraux groupe ", " frais de région ", " frais juridiques et comptables " ou " assistance administrative et comptable ", qui diffèrent de ceux figurant dans la convention du 1er janvier 2006, qui distingue d'une part, l'assistance administrative, relative à la coordination de la vie administrative des filiales, au secrétariat général des sociétés filiales et à la gestion des ressources humaines et, d'autre part, l'assistance financière et en matière de gestion, afférente à la gestion financière, au contrôle de gestion, à l'assistance en matière de finances et d'investissements, et à l'aide en matière de décision et de négociation ; que le ministre relève également qu'une partie des services facturés par la SA Groupe Coplan concerne des missions inhérentes à l'exercice du mandat social du dirigeant de la SARL Coplan, et que certains employés de cette dernière occupaient des postes leur permettant d'assurer une partie des prestations d'assistance administrative et de direction ; que la SA Groupe Coplan ne contredit pas sérieusement le ministre en se bornant à faire valoir que les différents libellés des factures correspondraient à une clé de répartition définie par la convention du 1er janvier 2006, alors que la clé ainsi invoquée ne figure pas dans ce document, et que la SARL Coplan ne disposait pas de personnel affecté aux fonctions dites " de support ", alors qu'il ressort de la liste du personnel de cette société qu'elle employait notamment deux secrétaires, un responsable de services administratifs, un comptable, ainsi qu'une assistante commerciale ; qu'ainsi, le ministre des finances et des comptes publics se prévaut d'indices sérieux susceptibles de faire douter de la réalité des services fournis par la SA Groupe Coplan ; que la société Groupe Coplan ne produit aucun autre élément de justification que les documents susmentionnés et la liste de son personnel, qui par eux-mêmes ne sont pas de nature à démontrer l'existence des prestations en litige ; que, par suite, le ministre, qui doit être regardé comme apportant la preuve de l'absence de réalité de ces prestations, est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice, pour faire droit à la demande de la SA Groupe Coplan, a accueilli la moyen tiré de ce que celle-ci avait suffisamment justifié de la nature de la contrepartie des charges en cause ;

7. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par la SA Groupe Coplan devant le tribunal administratif de Nice et repris en appel, relatif au bien-fondé des impositions faisant l'objet du recours du ministre des finances et des comptes publics ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 223 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années en litige : " Le résultat d'ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, déterminés dans les conditions de droit commun (...) / L'abandon de créance ou la subvention directe ou indirecte consenti entre des sociétés du groupe n'est pas pris en compte pour la détermination du résultat d'ensemble. (...) / La société mère est tenue de joindre à la déclaration du résultat d'ensemble de chaque exercice un état des abandons de créances ou subventions consentis à compter du 1er janvier 1992 (...) " ; qu'aux termes de l'article 46 quater-0 ZG de l'annexe III à ce code : " La subvention indirecte mentionnée au sixième alinéa de l'article 223 B (...) du code général des impôts s'entend (...) de la livraison de biens ou de la prestation de services sans contrepartie ou pour un prix inférieur à leur prix de revient (...) " ;

9. Considérant qu'en l'absence de justification de leur réalité, les charges déduites par la SARL Coplan ne sauraient être regardées comme correspondant à des prestations sans contrepartie au sens de l'article 46 quater-0 ZG de l'annexe III au code général des impôts ; que, par suite, la SA Groupe Coplan n'est pas fondée à soutenir que les réintégrations opérées par l'administration porteraient sur des subventions indirectes qui devraient être neutralisées pour la détermination du résultat d'ensemble du groupe, sur le fondement des dispositions précitées du sixième alinéa de l'article 223 B du même code ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice, d'une part, a accordé à la SA Groupe Coplan la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie à raison de la réintégration aux résultats de la SARL Coplan des charges relatives aux prestations d'assistance au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009, ainsi que des pénalités correspondantes, et, d'autre part, a condamné l'Etat à verser à la SA Groupe Coplan la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de faire droit aux conclusions du ministre tendant à ce que soient remises à la charge de la société requérante les cotisations faisant l'objet de son recours, à concurrence de 292 121 euros en droits et 49 336 euros en pénalités, et de rejeter les conclusions d'appel incident présentées par la SA Groupe Coplan ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la SA Groupe Coplan et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1300510 du 6 mars 2015 du tribunal administratif de Nice sont annulés.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la SA Groupe Coplan a été assujettie au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009, à concurrence de 292 121 euros en droits et 49 336 euros en pénalités, sont remises à sa charge.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident présentées par la SA Groupe Coplan et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances et à la SA Groupe Coplan.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2016, où siégeaient :

- M. Cherrier, président,

- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 décembre 2016.

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