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27/05/2016 | FRANCE | N°15MA02698

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 27 mai 2016, 15MA02698


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner Pôle emploi à lui verser la somme de 14 969,94 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi.

Par un jugement n° 1302271 du 30 avril 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2015, Mme B... demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 30 avril 2015

;

2°) de condamner Pôle emploi à lui verser la somme de 14 969,94 euros en réparation du préjudic...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner Pôle emploi à lui verser la somme de 14 969,94 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi.

Par un jugement n° 1302271 du 30 avril 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2015, Mme B... demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 30 avril 2015 ;

2°) de condamner Pôle emploi à lui verser la somme de 14 969,94 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi ;

3°) de mettre à la charge de Pôle emploi la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement du tribunal administratif de Montpellier est insuffisamment motivé dans la réponse qu'il a apportée au moyen tiré de l'atteinte au principe d'égalité ;

- le jugement attaqué ne répond pas à l'argumentation relative à l'atteinte à la liberté de penser, de conscience et d'opinion et il écarte sans motivation les moyens tirés de la méconnaissance des textes de droit communautaire et internationaux ;

- la différence de rémunération entre agents de droit de privé et de droit public de Pôle emploi porte atteinte à la liberté de conscience des agents de Pôle emploi qui n'ont pas exercé l'option par rapport à leurs convictions et à leur attachement à un service public administratif géré par des agents de droit public, en méconnaissance des articles 14 et 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 18 et 26 du pacte international relatif aux droits civils et politiques et des articles 6 et suivants de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, qui garantissent cette liberté de conscience ;

- le droit d'option porte aussi atteinte au principe d'égalité reconnu par la Constitution du 4 octobre 1958, les articles 1er, 10 et 11 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et les articles 3 et 5 de la constitution du 27 octobre 1946, car des personnes exerçant des fonctions identiques ont des rémunérations très différentes ;

- le droit communautaire, et en particulier la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000, ne connaît pas la différence entre salariés de droit public et de droit privé ;

- les articles 20 et E de la charte sociale européenne s'appliquent indifféremment à ces deux catégories de salariés ;

- la différence de rémunération entre ces deux catégories d'agents n'est pas justifiée par des critères objectifs et pertinents.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2015, Pôle emploi, représenté par la SCP d'avocats Sartorio-Lonqueue-Sagalovitsch et Associés, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme B... de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est suffisamment motivé ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire distinct, enregistré le 31 décembre 2015, Mme B... demande à la Cour de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative aux dispositions de l'article 7 de la loi n° 2008-126 du 13 février 2008.

Elle soutient que :

- les dispositions contestées sont applicables au litige car elles organisent le droit d'option entre statut public et statut privé ;

- la liberté de conscience est un principe constitutionnel garanti par l'article 5 du préambule de la constitution du 27 octobre 1946 et les articles 10 et 11 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par les articles 9 et 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que par l'article 26 du pacte international des droits civils et politiques ;

- le principe d'égalité est garanti par l'article 1er de la constitution du 4 octobre 1958 ;

- l'article 7 de la loi du 13 février 2008 porte atteinte à la liberté de conscience et d'opinion et au principe d'égalité.

Par un mémoire, enregistré le 19 janvier 2016, Pôle emploi conclut au rejet de la demande de Mme B... de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat.

Il soutient que :

- l'article 7-1 de la loi du 13 février 2008 n'est pas applicable au litige, car il n'a pas en lui-même d'incidence sur la rémunération perçue par la requérante ;

- la question posée n'est pas sérieuse.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la lettre du 19 avril 2016 par laquelle la Cour a informé les parties qu'elle est susceptible de soulever d'office le moyen tiré de ce que la demande est mal dirigée, dès lors que, fondée sur l'atteinte au principe d'égalité et à la liberté de conscience résultant du droit d'option introduit par l'article 7 de la loi n° 2008-126 du 13 février 2008, elle met en cause l'inconventionnalité et l'inconstitutionnalité d'une disposition législative.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 ;

- la loi n° 2008-126 du 13 février 2008 ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Portail,

- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.

1. Considérant que Mme B... est agent contractuel de droit public de Pôle emploi, exerçant les fonctions de conseiller à l'emploi ; qu'elle a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner Pôle emploi à l'indemniser du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait des différences de traitement entre les agents de droit public et les agents de droit privé employés par cet établissement public ; qu'elle relève appel du jugement du 30 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, d'une part, qu'en relevant que " les agents de droit privé et de droit public de Pôle emploi se trouvent dans des situations différentes de sorte qu'il n'y a pas d'atteinte au principe d'égalité ", le tribunal administratif de Montpellier a suffisamment motivé son jugement pour écarter le moyen tiré de ce que Pôle emploi aurait commis une faute en n'accordant pas les mêmes conditions de rémunération aux agents contractuels de droit public et aux agents de droit privé régis notamment par sa convention collective ;

3. Considérant, d'autre part, que Mme B... soutenait devant le tribunal administratif de Montpellier que la distinction faite par la loi du 13 février 2008 entre les agents publics et les agents de droit privé portait atteinte à la liberté de conscience des agents qui avaient tenu à conserver un statut de droit public ; qu'elle invoquait notamment la méconnaissance des articles 18 et 26 du pacte international relatif aux droits civils et politiques et des articles 9 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, contrairement à ce que soutient Mme B..., le tribunal administratif de Montpellier a répondu à ces moyens, en les écartant au motif qu'ils n'étaient pas assortis de précisions nécessaires permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. " ; qu'aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'État ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel " ; que selon l'article 23-2 de la même ordonnance : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux " ; qu'il résulte de ces dispositions que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

5. Considérant que l'article 7 de la loi n° 2008-126 de la loi du 13 février 2008 dispose : " I.-A la date de création de l'institution mentionnée à l'article L. 311-7 du code du travail, les agents de l'Agence nationale pour l'emploi sont transférés à celle-ci. Ils restent régis par le décret n° 2003-1370 du 31 décembre 2003 fixant les dispositions applicables aux agents contractuels de droit public de l'Agence nationale pour l'emploi et par les dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'Etat prévues par le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986. Ils peuvent opter pour la convention collective prévue à l'article L. 311-7-7 du même code dans un délai d'un an suivant son agrément. II.-A la date de création de l'institution mentionnée à l'article L. 311-7 du même code, les salariés des organismes gestionnaires du régime d'assurance chômage qui participent à l'accomplissement des missions de l'institution mentionnée audit article L. 311-7 et de la mission de recouvrement des contributions et cotisations mentionnées aux articles L. 321-4-2, L. 351-3-1, L. 351-14 et L. 143-11-6 du même code sont transférés à celle-ci. Ce transfert s'effectue conformément aux articles L. 122-12 et L. 122-12-1 dudit code. Par dérogation au dernier alinéa de l'article L. 132-8 du même code, ils restent régis par la convention collective qui leur est applicable au jour du transfert, jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention collective mentionnée à l'article L. 311-7-7 du même code ou, à défaut, jusqu'à la date prévue par l'accord préalable visé à l'article 6 de la présente loi. La convention collective mentionnée à l'article L. 311-7-7 du même code garantit les avantages individuels afférents à leur statut acquis par ces salariés. " ;

6. Considérant que les conclusions indemnitaires présentées devant le tribunal administratif par Mme B..., sont fondées sur l'inconventionnalité et l'inconstitutionnalité du droit d'option, introduit par les dispositions précitées de l'article 7 de la loi du 13 février 2008 ; que, ce faisant, elle met en cause une disposition législative, et donc la faute qu'aurait commise l'Etat en adoptant cette législation ; que, toutefois, dès lors que Mme B...recherche non la responsabilité de l'Etat mais celle de Pôle emploi, les dispositions législatives précitées ne sont pas applicables au présent litige ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l'article 7 de la loi précitée du 13 février 2008 porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;

Sur les conclusions indemnitaires :

7. Considérant que, comme il a été dit au point précédent, les conclusions indemnitaires présentées par Mme B... sont fondées sur l'inconventionnalité et l'inconstitutionnalité du droit d'option, introduit par les dispositions de l'article 7 de la loi du 13 février 2008 et qu'ainsi, la requérante fonde son action sur la faute qu'aurait commise l'Etat en adoptant cette législation ; que ses conclusions, qui tendent sur un tel fondement à la condamnation de Pôle emploi, établissement public administratif doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière, sont, par suite, mal dirigées ; que, dès lors, la requérante n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce que soit mise à la charge de Pôle emploi, qui n'est, dans la présente instance, ni partie perdante ni tenu aux dépens, la somme que Mme B... demande au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de Pôle emploi tendant à l'application de ces dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'État la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 7 de la loi n° 2008-126 du 13 février 2008.

Article 2 : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de Pôle emploi présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et à Pôle emploi.

Délibéré après l'audience du 4 mai 2016, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- M. Portail, président-assesseur,

- Mme Busidan, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 mai 2016.

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N° 15MA02698


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA02698
Date de la décision : 27/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS ACG

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-05-27;15ma02698 ?
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