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24/04/2017 | FRANCE | N°15MA02295

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 24 avril 2017, 15MA02295


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Bureau européen d'assurance hospitalière (BEAH) a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler ou de résilier avec effet différé le marché public de prestation d'assurance en responsabilité civile passé entre le centre hospitalier de Perpignan et la Société hospitalière d'assurances mutuelles et, d'autre part, de condamner le centre hospitalier de Perpignan à lui verser la somme de 247 270 euros en réparation du préjudice subi, né de son éviction irrégulière de ce ma

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Par un jugement n° 1301730 du 1er avril 2015, le tribunal administratif de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Bureau européen d'assurance hospitalière (BEAH) a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler ou de résilier avec effet différé le marché public de prestation d'assurance en responsabilité civile passé entre le centre hospitalier de Perpignan et la Société hospitalière d'assurances mutuelles et, d'autre part, de condamner le centre hospitalier de Perpignan à lui verser la somme de 247 270 euros en réparation du préjudice subi, né de son éviction irrégulière de ce marché.

Par un jugement n° 1301730 du 1er avril 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande du Bureau européen d'assurance hospitalière.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 8 juin 2015, 5 août 2015 et 17 août 2016, le Bureau européen d'assurance hospitalière (BEAH), représenté par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 1er avril 2015 ;

2°) à titre principal d'annuler le marché n° 126041 de prestations d'assurances en responsabilité civile, à titre subsidiaire, de le résilier avec effet différé ;

3°) de condamner le centre hospitalier de Perpignan au paiement d'une somme de 247 270 euros ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Perpignan une somme de 4 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- ses conclusions relatives à la validité du marché n'étaient pas tardives dès lors que la date d'attribution du marché diffère de celle de sa signature et que l'avis d'attribution ne comportait aucune mention sur les modalités de consultation du contrat ;

- la candidature de la société hospitalière d'assurances mutuelles aurait dû être rejetée dès lors que la lettre de candidature n'était pas signée, que l'annexe 6 de l'offre n'a pu régulariser le formulaire DC2 ne contenant pas les mentions légales et remis lors de la phase préalable de sélection des candidatures ;

- le pouvoir adjudicateur a méconnu l'article 46 du code des marchés publics, et les premiers juges ont dénaturé le moyen invoqué et ont insuffisamment motivé leur jugement sur ce point ;

- les sous-critères de sélection des offres et leur mise en oeuvre n'ont pas été portés à la connaissance des candidats dès le début de la procédure de consultation ;

- les critères de sélection ont été modifiés en cours de procédure ;

- le pouvoir adjudicateur a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'appréciation des offres de la SHAM et du BEAH.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 octobre 2015 et 27 février 2017, le centre hospitalier de Perpignan, représenté par la SCP Vinsonneau-Paliès Noy Gauer et Associés, conclut au rejet de la requête, et à ce que le BEAH soit condamné à lui verser une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions à fin d'annulation du marché sont irrecevables dès lors que le délai de recours court à compter de la date de publication de l'avis d'attribution et non de la date à laquelle le marché a été effectivement signé ;

- les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés ;

- la demande d'annulation ou de résiliation du marché au besoin avec effet différé porte une atteinte excessive à l'intérêt général ;

- le BEAH ne saurait être indemnisé ni des frais de soumission, ni de son manque à gagner ;

- le préjudice n'est pas justifié.

Par un mémoire enregistré le 2 août 2016, la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du BEAH au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions tendant à l'annulation du contrat sont irrecevables ;

- le marché contesté est régulier ;

- la sauvegarde de l'intérêt général fait obstacle à l'annulation ou à la résiliation du marché qui a été entièrement exécuté et s'est achevé en juin 2016.

Un mémoire présenté pour le BEAH a été enregistré le 9 mars 2017 et n'a pas été communiqué.

Vu, les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur ;

- les conclusions de M. Thielé, rapporteur public ;

- et les observations de Me B... pour le BEAH, de Me A... pour le centre hospitalier de Perpignan et de Me D... pour la SHAM.

Une note en délibéré produite par le centre hospitalier de Perpignan a été enregistrée le 14 mars 2017.

1. Considérant que le centre hospitalier de Perpignan a lancé le 29 mars 2012 un appel d'offres ouvert en vue de l'attribution d'un marché public d'assurance en responsabilité civile ; que le Bureau européen d'assurance hospitalière (BEAH) a présenté une offre conjointe avec deux autres compagnies d'assurances, Amtrust International Inderwriters et Areas Assurance, qui a été rejetée, le marché litigieux ayant été attribué, pour une durée de douze mois renouvelable trois fois, à la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) ; que le BEAH fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté comme tardives ses conclusions tendant à contester la validité du marché et a rejeté comme infondées ses conclusions indemnitaires présentées au titre de son éviction irrégulière ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que si le tribunal administratif n'est pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties à l'appui d'un moyen, il résulte de l'instruction que le BEAH a fait valoir que le document intitulé DC1, produit à l'instance, qui était revêtu d'une signature, avait été établi pour les besoins de la cause ; que les premiers juges, ont omis de répondre à ce moyen ; que, par suite, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions présentées par le Bureau européen d'assurance hospitalière (BEAH) devant le tribunal administratif de Montpellier ;

Sur la validité du marché :

4. Considérant que, indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires ; que ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ;

En ce qui concerne l'exception tirée de la tardiveté de la contestation :

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que des avis " d'attribution " du marché public d'assurances entre le centre hospitalier de Perpignan et la SHAM ont été publiés au Journal officiel de l'union européenne et au Bulletin officiel des annonces et des marchés publics les 28 et 29 juin 2012 ; que ces avis, d'une part, faisaient état de " l'attribution " du contrat qui serait intervenue le 22 juin 2012, d'autre part indiquaient le nom et les coordonnées de la directrice des affaires juridiques du centre hospitalier en vue d'obtenir des renseignements techniques ; que, toutefois, ces avis ne mentionnaient pas la conclusion du contrat, lequel avait été signé le 20 juin 2012, ni les modalités de sa consultation, en méconnaissance des principes énoncés au point 4 ; que, par suite, le délai de deux mois n'a pas pu commencer à courir ; que la société BEAH est fondée à soutenir que le centre hospitalier n'a pas accompli les mesures de publicité appropriées et n'était, en conséquence, pas tardive pour contester, le 11 avril 2013, la validité du marché ;

En ce qui concerne les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure de passation :

6. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de article 45 du code des marchés publics dans sa version alors en vigueur : " I.-Le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des candidats que des renseignements ou documents permettant d'évaluer leur expérience, leurs capacités professionnelles, techniques et financières ainsi que des documents relatifs aux pouvoirs des personnes habilitées à les engager. Le pouvoir adjudicateur peut également exiger, si l'objet ou les conditions du marché le justifient, des renseignements relatifs à leur habilitation préalable, ou à leur demande d'habilitation préalable, en application des articles R. 2311-1 et suivants du code de la défense relatifs à la protection du secret de la défense nationale. La liste de ces renseignements et documents est fixée par arrêté du ministre chargé de l'économie. (...) " ; qu'aux termes de l'article 52 du code des marchés publics : " I.-Avant de procéder à l'examen des candidatures, le pouvoir adjudicateur qui constate que des pièces dont la production était réclamée sont absentes ou incomplètes peut demander à tous les candidats concernés de compléter leur dossier de candidature dans un délai identique pour tous et qui ne saurait être supérieur à dix jours. Il peut demander aux candidats n'ayant pas justifié de la capacité juridique leur permettant de déposer leur candidature de régulariser leur dossier dans les mêmes conditions. Il en informe les autres candidats qui ont la possibilité de compléter leur candidature dans le même délai. Les candidats qui ne peuvent soumissionner à un marché en application des dispositions de l'article 43 ou qui, le cas échéant après mise en oeuvre des dispositions du premier alinéa, produisent des dossiers de candidature ne comportant pas les pièces mentionnées aux articles 44 et 45 ne sont pas admis à participer à la suite de la procédure de passation du marché. Les candidatures qui n'ont pas été écartées en application des dispositions de l'alinéa précédent sont examinées au regard des niveaux de capacités professionnelles, techniques et financières mentionnées dans l'avis d'appel public à la concurrence, ou, s'il s'agit d'une procédure dispensée de l'envoi d'un tel avis, dans le règlement de la consultation. Les candidatures qui ne satisfont pas à ces niveaux de capacité sont éliminées. (...). " ;

7. Considérant que le centre hospitalier produit le relevé d'horodatage de réception de la version dématérialisée de la candidature de la SHAM, ainsi que le formulaire DC1, signé, dont il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce que soutient le BEAH, qu'il aurait été établi pour les besoins de la cause ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que si la société BEAH soutient que la rubrique C1 du formulaire DC2 " déclaration du candidat individuel ou du membre du groupement " ne comporte pas la mention des nom, prénom et qualité de la personne physique qui a le pouvoir d'engager la société, et que l'annexe 6 de l'offre de la SHAM n'a pu régulariser le formulaire DC2 ne contenant pas les mentions légales et remis lors de la phase préalable de sélection des candidatures, le centre hospitalier produit un pouvoir, daté du 17 avril 2012, joint au formulaire DC2 , et comportant les nom, prénom et qualité de la personne physique qui avait pouvoir pour engager l'entreprise candidate ; que, par suite, ce moyen manque en fait ;

9. Considérant en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 46 du code des marchés publics dans sa version alors en vigueur : " I. - Le candidat auquel il est envisagé d'attribuer le marché produit en outre :1° Les pièces prévues aux articles D. 8222-5 ou D. 8222-7 et D. 8222-8 du code du travail ; ces pièces sont à produire tous les six mois jusqu'à la fin de l'exécution du marché ;2° Les attestations et certificats délivrés par les administrations et organismes compétents prouvant qu'il a satisfait à ses obligations fiscales et sociales. Un arrêté des ministres intéressés fixe la liste des administrations et organismes compétents ainsi que la liste des impôts et cotisations sociales devant donner lieu à délivrance du certificat. (...). III. - Le marché ne peut être attribué au candidat dont l'offre a été retenue que si celui-ci produit dans le délai imparti les certificats et attestations prévus au I et au II. S'il ne peut produire ces documents dans le délai imparti, son offre est rejetée et le candidat éliminé. Le candidat dont l'offre a été classée immédiatement après la sienne est sollicité pour produire les certificats et attestations nécessaires avant que le marché ne lui soit attribué. Si nécessaire, cette procédure peut être reproduite tant qu'il subsiste des offres qui n'ont pas été écartées au motif qu'elles sont inappropriées, irrégulières ou inacceptables. (...) " ; qu'aux termes de l'article D. 8222-5 du code du travail : " La personne qui contracte, lorsqu'elle n'est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l'article D. 8222-4 est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l'article L. 8222-1 si elle se fait remettre par son cocontractant, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution : 1° dans tous les cas, les documents suivants : a) une attestation de fourniture de déclarations sociales émanant de l'organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et contributions sociales incombant au cocontractant et datant de moins de six mois ; (...) " ;

10. Considérant d'une part, qu'il résulte de l'instruction que la société BEAH a fourni, le 3 mai 2012, une attestation du 22 février 2012 de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions sociales des candidats à une commande publique, établissant ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, qu'elle était à jour de ses obligations fiscales et sociales au 31 décembre 2011 ;

11. Considérant d'autre part, que le formulaire DC6, qui comporte une déclaration sur l'honneur relative à la lutte contre le travail dissimulé et qui permet de vérifier que le cocontractant est à jour de ses obligations sociales à la date d'attribution du marché, ne mentionne pas la date à laquelle il a été signé, en dépit des indications, figurant sur le formulaire, selon lesquelles il doit être daté d'un jour qui se situe obligatoirement entre la date de l'information de l'attribution du marché au candidat et la date de signature du marché par l'acheteur ; qu'ainsi, la requérante est fondée à soutenir que le formulaire n'a pas été établi régulièrement ;

12. Considérant en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 53 du code des marchés publics : " I. Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde : 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en matière de protection de l'environnement, les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, les performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté, le coût global d'utilisation, les coûts tout au long du cycle de vie, la rentabilité, le caractère innovant, le service après-vente et l'assistance technique, la date de livraison, le délai de livraison ou d'exécution, la sécurité d'approvisionnement, l'interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ; 2° Soit, compte tenu de l'objet du marché, sur un seul critère qui est celui du prix. II. Pour les marchés passés selon une procédure formalisée autre que le concours et lorsque plusieurs critères sont prévus, le pouvoir adjudicateur précise leur pondération. Le poids de chaque critère peut être exprimé par une fourchette dont l'écart maximal est approprié. Le pouvoir adjudicateur qui estime pouvoir démontrer que la pondération n'est pas possible notamment du fait de la complexité du marché, indique les critères par ordre décroissant d'importance. Les critères ainsi que leur pondération ou leur hiérarchisation sont indiqués dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation. " ; que ces dispositions imposent au pouvoir adjudicateur d'informer les candidats des critères de sélection des offres ainsi que de leur pondération ou hiérarchisation ; que si le pouvoir adjudicateur décide, pour mettre en oeuvre ces critères de sélection des offres, de faire usage de sous-critères également pondérés ou hiérarchisés, il doit porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces sous-critères dès lors que, eu égard à leur nature et leur importance, ils sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection et doivent en conséquence être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection ; qu'il n'est en revanche pas tenu d'informer les candidats de la méthode retenue pour apprécier les offres au regard de chacun de ces critères ;

13. Considérant, d'une part, que le règlement de la consultation a indiqué que les offres faites par les soumissionnaires seraient examinées, en priorité 2 en fonction du prix (35 points), et en priorité 1, en fonction de critères techniques (65 points), affectés de sous-critères, soit les modalités de gestion des sinistres sur 30 points, la qualité des garanties et des exclusions sur 20 points, les modalités de gestion des risques sur 10 points, et l'accompagnement du centre hospitalier de Perpignan à la formation de la gestion des risques et des plaintes sur 5 points ; que si la société requérante fait grief au pouvoir adjudicateur de ne pas avoir informé les candidats de la pondération appliquée aux composantes du sous-critère " modalités de gestion des sinistres ", examiné au regard des équipes affectées à la responsabilité civile, des outils de gestion et des délais de gestion, ces éléments, qui sont en rapport avec l'objet du marché, doivent être regardés comme de simples éléments d'appréciation, lesquels étaient d'ailleurs analysés à l'annexe 5 au règlement de consultation ; que, par suite, la société BEAH ne peut utilement soutenir que les candidats ont été insuffisamment informés de la pondération des critères d'appréciation des offres ;

14. Considérant, d'autre part, que la société requérante fait grief au centre hospitalier de Perpignan d'avoir examiné les offres au regard du critère de " l'accompagnement à la formation " et non du critère de " l'accompagnement du centre hospitalier de Perpignan à la formation de la gestion des risques et des plaintes ", et aurait ainsi modifié ce sous-critère technique, en se prévalant de la lettre du 5 juillet 2012 lui indiquant qu'elle avait seulement fourni une liste de quelques formations sans fournir un catalogue de formation ; qu'il ressort de l'annexe 5 complétée par la société retenue que son offre a été présentée sous ces deux items, alors que la société requérante a présenté son offre de formations sur les " mesures et conseils en matière de risques et de plaintes " sans mentionner clairement le contenu de ces formations ; que, par suite, contrairement à ce que soutient la société requérante, aucun élément ne permet d'établir que ce sous-critère technique a été modifié en cours de procédure ;

15. Considérant enfin, que le BEAH fait valoir que le pouvoir adjudicateur a favorisé la SHAM, titulaire du précédent marché en mettant en oeuvre des sous-critères discriminatoires ; que si le rapport d'analyse des offres mentionne l'expérience antérieure de la société SHAM au sein du centre hospitalier de Perpignan, cette seule référence n'établit pas la mise en place de sous-critères discriminatoires et la méconnaissance du principe d'égalité des candidats ;

16. Considérant, en cinquième lieu, qu'aucun élément au dossier ne permet d'établir que le pouvoir adjudicateur n'a pas tenu compte des autres sociétés qui composent le groupement constitué par le BEAH avec les compagnies d'assurances AMTRUST Underwritters International et AREAS DOMMAGES, assureurs qui portent et provisionnent le risque, pour apprécier l'offre du BEAH, mandataire du groupement ; que si le BEAH fait valoir que l'appréciation des sous-critères " mode de gestion des sinistres " et " démarche des risques " a été modifié entre le premier appel d'offres déclaré infructueux et le second, il résulte de l'instruction que, en tout état de cause, le pouvoir adjudicataire a seulement modifié la pondération de ces deux sous-critères ; qu'enfin, si le BEAH soutient que le centre hospitalier aurait sous-évalué son offre au titre de l'élément " équipes dédiées à la responsabilité civile " en ne lui attribuant qu'une note de 7,5 sur 10, aucun élément ne permet d'établir la sous-évaluation de cette note ; que le BEAH n'est par suite pas fondé à soutenir que le centre hospitalier de Perpignan a commis une erreur manifeste d'appréciation en retenant l'offre de la SHAM et en plaçant l'offre du BEAH en deuxième position ;

17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède au point 11 que le BEAH est seulement fondé à soutenir que l'absence de date sur le formulaire DC6 prive de portée l'attestation faite par la SHAM et entache d'une irrégularité substantielle le marché en litige dont la procédure d'attribution a méconnu l'article 46 du code des marchés publics ;

Sur les conséquences de l'irrégularité :

18. Considérant qu'il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer, le cas échéant avec effet différé, la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat ;

19. Considérant que l'irrégularité relevée ci-dessus, non régularisable, n'a pas entraîné un vice de consentement de la personne publique et n'affecte pas le bien-fondé des prestations de service objet de ce contrat ; qu'en l'absence de circonstances révélant une volonté de la personne publique de favoriser un candidat, elles n'est pas d'une gravité telle qu'elle justifierait l'annulation du marché ; que si cette irrégularité serait de nature à justifier la résiliation du marché en litige, il résulte de l'instruction que ce marché, d'une durée de quatre ans, est entièrement exécuté à la date du présent arrêt et qu'il n'y a dès lors pas lieu de prononcer une telle mesure ;

Sur les conclusions indemnitaires :

20. Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagé pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner incluant nécessairement, puisqu'ils sont intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ;

21. Considérant qu'en l'espèce, compte tenu de ce que le caractère incomplet du formulaire DC6, relevé au point 11, était régularisable sur demande du centre hospitalier en application de l'article 52 du code des marchés publics, le BEAH était dépourvu de toute chance de remporter le marché ; que ses conclusions tendant à être indemnisé de son préjudice doivent par suite être rejetées ;

22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter la demande présentée par le BEAH devant le tribunal administratif de Montpellier ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

23. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, les conclusions des parties tendant au versement de sommes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 1er avril 2015 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La demande présentée par le BEAH devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.

Article 3 : Les conclusions du bureau européen d'assurance hospitalière (BEAH), du centre hospitalier de Perpignan et de la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) tendant au versement de sommes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au bureau européen d'assurance hospitalière (BEAH), au centre hospitalier de Perpignan et à la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM).

Délibéré après l'audience du 13 mars 2017, où siégeaient :

- M. Moussaron, président,

- Mme Steinmetz-Schies, président-assesseur,

- Mme Héry, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 24 avril 2017.

9

N° 15MA02295


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA02295
Date de la décision : 24/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-005 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés. Formalités de publicité et de mise en concurrence.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN et THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-04-24;15ma02295 ?
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