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30/06/2016 | FRANCE | N°15MA01019

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 30 juin 2016, 15MA01019


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler, d'une part, la décision du 5 septembre 2012 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la SARL Aldi Marché Cavaillon à le licencier pour inaptitude physique et, d'autre part, la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en date du 11 mars 2013 confirmant cette autorisation.

Par un jugement n° 1301193 du 23 décembre 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la de

mande de M. A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler, d'une part, la décision du 5 septembre 2012 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la SARL Aldi Marché Cavaillon à le licencier pour inaptitude physique et, d'autre part, la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en date du 11 mars 2013 confirmant cette autorisation.

Par un jugement n° 1301193 du 23 décembre 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de M. A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 9 mars 2015, le 9 février 2016 et le 2 mai 2016, M. A..., représenté par Me C..., Selarl A. Lexo, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 23 décembre 2014 ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) d'ordonner sa réintégration à son poste de travail ;

4°) sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre la somme de 2 000 euros à la charge de l'Etat et celle de 1 500 euros à la charge de la SARL Aldi Marché Cavaillon.

Il soutient que :

- les signataires des actes de mise en place de la procédure de licenciement ne disposaient pas de délégations de pouvoir régulières de la part du gérant de la SARL Aldi Marché Cavaillon, ce qu'il appartenait à l'inspecteur du travail et au ministre de vérifier ;

- l'employeur n'a pas respecté l'obligation de reclassement, notamment au sein du groupe Aldi, les recherches effectuées étant en outre constitutives de discrimination ;

- à titre subsidiaire, si la Cour se reconnaît compétente pour examiner le moyen, son licenciement est nul, en application de l'article L. 1152-3 du code du travail, dès lors que son inaptitude résulte du harcèlement moral dont il a été victime de la part de son supérieur hiérarchique, l'administration ne pouvant légalement autoriser un tel licenciement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2015, la SARL Aldi Marché Cavaillon, représentée par Me E..., BHM avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2016, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens tirés du harcèlement moral et de ce que les recherches de reclassement présenteraient un caractère discriminatoire sont inopérants ;

- les autres moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour ordonner la réintégration de M. A... à son poste de travail, qui relève d'un litige d'ordre privé entre l'employeur et le salarié.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chanon, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public.

1. Considérant qu'à la suite d'un arrêt de travail pour maladie et de deux avis rendus par le médecin du travail les 6 et 22 février 2012, M. A..., employé en qualité de responsable du magasin de Bollène (84) par la SARL Aldi Marché Cavaillon et titulaire du mandat de représentant de section syndicale, a été déclaré définitivement inapte à tout poste dans l'entreprise ; que, par courrier du 4 juillet 2012, l'employeur a sollicité l'autorisation de licencier l'intéressé pour inaptitude physique ; que, par jugement du 23 décembre 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du 5 septembre 2012 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la SARL Aldi Marché Cavaillon à le licencier et, d'autre part, de la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en date du 11 mars 2013, prise sur recours hiérarchique, confirmant cette autorisation ; que M. A... relève appel de ce jugement ;

Sur la légalité des décisions de l'inspecteur du travail et du ministre :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail " ;

3. Considérant qu'en vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a, conformément aux dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail, cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en oeuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ; que le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel ; que les possibilités de reclassement dans l'entreprise, et éventuellement au sein du groupe, s'apprécient antérieurement à la date d'autorisation du licenciement, à compter du moment où celui-ci est envisagé ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la SARL Aldi Marché Cavaillon, qui a également effectué sans succès des recherches de reclassement externe, n'a pas été en mesure de reclasser M. A... sur un poste de nature administrative dans l'entreprise ; que si le médecin du travail a estimé, par courrier du 27 mars 2012, que la pathologie présentée par M. A... lui " fait penser " qu'un reclassement parmi les soixante-dix magasins Aldi, qu'il indique ne pas connaître tous, " s'avèrera quasiment impossible ", cette réponse non circonstanciée à une demande de la SARL Aldi Marché Cavaillon n'est pas de nature à justifier qu'il était impossible de procéder au reclassement du salarié au sein du groupe Aldi auquel la société appartient, y compris à un poste de direction, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations des postes de travail ou aménagement du temps de travail ; que, par courrier du 6 mars 2012, l'employeur a sollicité toutes les sociétés du groupe Aldi en vue du reclassement de l'intéressé, lesquelles ont apporté des réponses négatives dans les jours suivants ; que, toutefois, le salarié a produit devant l'inspecteur du travail, dans le cadre de l'enquête contradictoire, la preuve de la recherche par la SARL Aldi Marché Toulouse (31), le 24 juin 2012, soit antérieurement à la demande d'autorisation, et par la SARL Aldi Marché Oytier-Saint-Oblas (38), d'un responsable de magasin ; que l'employeur n'apporte aucune justification sur ce point et n'allègue pas avoir contacté à nouveau ces deux sociétés pendant l'enquête contradictoire ; que, dans ces conditions et quand bien même la SARL Aldi Marché Cavaillon ne serait pas responsable des réponses des autres sociétés du groupe, la recherche de reclassement au sein du groupe ne peut être regardée comme étant sérieuse ; que, par suite, les décisions de l'inspecteur du travail et du ministre sont entachées d'illégalité ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ; que, par suite, le jugement ainsi que la décision de l'inspecteur du travail en date du 5 septembre 2012 et la décision du ministre chargé du travail en date du 11 mars 2013 doivent être annulés ;

Sur les conclusions à fin de réintégration :

6. Considérant que le contrat de travail entre M. A... et la SARL Aldi Marché Cavaillon mettant en cause des rapports de droit privé, les conclusions tendant à la réintégration du salarié sur son poste de travail ne relèvent pas de la compétence des juridictions administratives ; qu'elle doivent donc être rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat et de la SARL Aldi Marché Cavaillon, qui ont la qualité de partie perdante dans la présente instance, le versement à M. A... de la somme de 1 000 euros chacun au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme que la SARL Aldi Marché Cavaillon demande au même titre ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 23 décembre 2014, la décision de l'inspecteur du travail en date du 5 septembre 2012 et la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en date du 11 mars 2013 sont annulés.

Article 2 : L'Etat et la SARL Aldi Marché Cavaillon verseront la somme de 1 000 euros chacun à M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... et les conclusions de la SARL Aldi Marché Cavaillon présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la SARL Aldi Marché Cavaillon.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222 26 du code de justice administrative,

- M. Chanon, premier conseiller,

- Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 30 juin 2016.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA01019
Date de la décision : 30/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-035-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Motifs autres que la faute ou la situation économique. Inaptitude ; maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. GUIDAL
Rapporteur ?: M. René CHANON
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL A-LEXO

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-06-30;15ma01019 ?
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