Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le 26 avril 2012, Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 20 mars 2012 par laquelle le président du conseil général de la Drôme avait prononcé la suspension de son agrément d'assistante familiale à compter du 20 mars 2012 pour une durée de quatre mois et de mettre à la charge du département de la Drôme une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le 20 novembre 2012, Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 25 juin 2012 par laquelle le président du conseil général de la Drôme lui avait retiré l'agrément d'assistante familiale, ensemble le rejet de son recours gracieux, d'enjoindre audit président de lui restituer son agrément d'assistante familiale pour l'accueil de mineurs et de la réintégrer dans ses fonctions à compter du 25 juin 2012, sous astreinte journalière de 150 euros, subsidiairement, de réexaminer sa situation, de reconstituer ses droits à pension à compter du 20 mai 2012 et de mettre à la charge du département de la Drôme une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1202293-1206027 du 18 novembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé :
- la décision du 20 mars 2012 par laquelle le président du conseil général de la Drôme a suspendu l'agrément d'assistante familiale de MmeC...,
- la décision du 25 juin 2012 par laquelle le président du conseil général de la Drôme a retiré l'agrément d'assistante familiale de Mme B...et la décision du 26 septembre 2012 portant rejet de son recours gracieux relatif au retrait du 25 juin 2012 de son agrément.
Le tribunal administratif de Grenoble a mis à la charge du département de la Drôme la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par requête n°15LY00152, enregistrée le 15 janvier 2015, le département de la Drôme demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°1202293-1206027 du 18 novembre 2014 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) de rejeter les demandes de Mme B...;
3°) de mettre à la charge de Mme B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- ce jugement est irrégulier dès lors que la minute du jugement ne comporte pas les signatures du président de formation, du rapporteur et du greffier ;
- en ce qui concerne la décision de suspension d'agrément : celle-ci est une simple mesure conservatoire ; elle n'a pas à être précédée de la mise en oeuvre des droits de la défense et Mme B...n'avait pas à être mise à même de connaître les griefs de l'administration avant cette décision et de faire valoir des observations orales ; Mme D...signataire de la décision de suspension était compétente pour le faire ; il n'y a pas de vice de procédure tenant au non-respect du principe du contradictoire, lequel n'avait pas à s'appliquer ; l'urgence faisait obstacle à la mise en oeuvre d'une procédure contradictoire et en l'espèce l'urgence est établie compte tenue des faits reprochés ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 421-39 du code de l'action sociale et des familles doit être écarté car ce n'est pas la violation de cet article qui a fondé la décision du conseil général mais le non-respect de ses obligations d'information sur l'accueil de jeunes malgré plusieurs rappels, que ce n'est que par courriel du 19 mars 2012 que Mme B... a informé le conseil général de l'incident avec le jeune D. Balin et de son accueil alors qu'elle l'a accueilli depuis le 13 mars 2012 et n'a jamais fait de courrier de confirmation sur cet accueil ; cette décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation eu égard aux circonstances tenant à l'absence de surveillance d'un mineur venant de fuguer qui a permis une tentative de suicide par ingestion de médicaments démontrant l'absence de garanties sur la sécurité et la santé des jeunes ensuite à son comportement tendant à influencer ce jeune pour minorer la gravité de cet incident ; il n'y a pas de harcèlement moral ; le moyen tiré de l'exception d'illégalité d'une décision ultérieure de retrait d'agrément est inopérant ;
- en ce qui concerne la décision de retrait d'agrément et le rejet du recours gracieux : la décision de retrait d'agrément est suffisamment motivée ; le rejet du recours gracieux est assez motivé par la décision de retrait d'agrément ; ce retrait d'agrément n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu de la gravité des faits reprochés en l'espèce manquements aux obligations d'informations alors qu'elle a accepté de travailler sans contrat d'accueil, défaut de surveillance du jeune ayant permis cette tentative de suicide, défaut d'appréciation de la situation, usurpation d'identité et chantage quand l'agrément a été suspendu ; il n'y a pas d'erreur de fait sur les manquements reprochés ;
Par ordonnance du 30 mars 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 30 avril 2015.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2015 pour MmeC..., elle conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du département de la Drôme d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative
Elle soutient que :
- le jugement du tribunal administratif est régulier car la minute comporte les signatures du président, du rapporteur et du greffier ;
- la mesure de suspension d'agrément étant une sanction, les droits de la défense doivent être respectés et elle aurait dû être mise à même de connaître les griefs retenus à son encontre et le cas échéant de faire valoir ses observations ;
- la décision de retrait de l'agrément est insuffisamment motivée au regard des conditions posées par la loi du 11 juillet 1979 ;
- la décision de retrait d'agrément est manifestement disproportionnée au regard des circonstances ; les faits de l'espèce ne démontrant pas qu'elle ne pouvait plus effectivement assurer la sécurité des mineurs dans son logement ;
Par ordonnance du 20 mai 2015, la clôture d'instruction a été reportée au 16 juin 2015.
Par un mémoire enregistré le 12 juin 2015, le département de la Drôme maintient ses conclusions.
Il ajoute que :
- en l'absence de pièce probante ; le défaut de signature rend irrégulier le jugement ;
- plusieurs cours administratives d'appel ont jugé que la mesure de suspension d'agrément est une simple mesure conservatoire et n'a pas à être précédée de la mise en oeuvre des droits de la défense ;
- la mesure de suspension n'est pas une sanction ;
- les faits reprochés : manquement aux obligations d'information, défaut de surveillance et d'appréciation de la situation de Dylan, faute grave, usurpation d'identité et chantage auprès de Dylan démontrent son incapacité professionnelle et l'absence de garantie pour la sécurité et la santé des mineurs accueillis ;
- la loi de 1979 sur la motivation ne peut pas être invoquée pour les mesures de retrait d'agrément car seul l'article L.421-6 du code de l'action sociale et des familles s'applique ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code du travail ;
- la loi n°79-587 du 1 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,
- et les observations de Me Sievers, avocat du département de la Drôme.
Une note en délibéré présentée pour le département de la Drôme a été enregistrée le 2 octobre 2015.
1. Considérant que Mme B...disposait depuis le 7 juillet 2006 d'un agrément d'assistante familiale délivré par le département de la Drôme ; qu'en vertu de décisions successives d'extension de cet agrément, elle a été autorisée à accueillir deux enfants de 0 à 9 ans à partir de novembre 2006, puis trois enfants de 0 à 9 ans à compter de mars 2007 et enfin trois personnes de 0 à 20 ans à compter de novembre 2008 ; que l'association des maisons d'accueil protestantes pour enfants (AMAPE) a recruté Mme B...à compter du 13 mars 2012 et jusqu'au 19 mars 2012 pour accueillir un mineur de 16 ans et demi faisant l'objet d'un traitement médicamenteux adapté à son état psychologique fragile ; qu'à la suite de l'absorption délibérée par ce mineur, le 18 mars 2012, d'une dose de médicaments supérieure à celle prescrite, il a fait l'objet d'une hospitalisation jusqu'au 20 mars 2012 ; que par message du 19 mars 2012, les services du département de la Drôme en charge de l'agrément ont été informés par Mme B...de cet accident ; que par décision du 20 mars 2012, le département de la Drôme, a suspendu l'agrément de Mme B...à compter de cette date pour une durée de quatre mois maximum au motif de conditions d'accueil ne garantissant pas la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants ; que suite à l'avis de la commission consultative paritaire départementale du 14 juin 2012, le président du conseil général de la Drôme a, par décision du 25 juin 2012, procédé au retrait de l'agrément d'assistante familiale de MmeC... ; que par des demandes des 26 avril 2012 et 20 novembre 2012 Mme B...a sollicité du tribunal administratif de Grenoble qu'il annule la décision du 20 mars 2012 portant suspension de son agrément, celle du 25 juin 2012 lui retirant son agrément et celle du 26 septembre 2012 rejetant son recours gracieux ; que par jugement n° 1202293-1206027 du 18 novembre 2014, le tribunal a joint ces deux demandes et a annulé les décisions en litige ; que le département de la Drôme interjette appel de ce jugement ;
Sur la légalité de la décision du 20 mars 2012 portant suspension :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles : " L'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial est délivré par le président du conseil général du département où le demandeur réside. / Un référentiel approuvé par décret en Conseil d'Etat fixe les critères d'agrément. (...) L'agrément est accordé à ces deux professions si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne. Les modalités d'octroi ainsi que la durée de l'agrément sont définies par décret. (...). " ; que selon l'article L. 421-6 du même code : " Lorsque la demande d'agrément concerne l'exercice de la profession d'assistant maternel, la décision du président du conseil général est notifiée dans un délai de trois mois à compter de cette demande. A défaut de notification d'une décision dans ce délai, l'agrément est réputé acquis. (...) Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil général peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait. En cas d'urgence, le président du conseil général peut suspendre l'agrément. Tant que l'agrément reste suspendu, aucun enfant ne peut être confié. / Toute décision de retrait de l'agrément, de suspension de l'agrément ou de modification de son contenu doit être dûment motivée et transmise sans délai aux intéressés. " ;
3. Considérant qu'en application des dispositions précitées de l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles, le président du conseil général peut, en cas d'urgence, suspendre l'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial, en se fondant sur des éléments suffisamment précis et vraisemblables, permettant de suspecter que les conditions d'accueil garantissant la sécurité, la santé et l'épanouissement du ou des enfants accueillis ne sont plus remplies ;
4. Considérant qu'une mesure de suspension d'agrément est une mesure conservatoire prise dans l'intérêt du service et ne constitue pas une sanction disciplinaire ; qu'il s'ensuit qu'une telle mesure n'a pas à être précédée d'une procédure contradictoire ; que, dès lors c'est à tort que pour annuler la décision de suspension d'agrément, les premiers juges se sont fondés sur la circonstance que l'intéressée n'avait, préalablement à l'intervention de la mesure, pas été mise à même de connaître les griefs que l'administration se proposait de retenir, et de faire valoir au moins verbalement ses observations ;
5. Considérant qu'il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B...tant devant le tribunal qu'en appel ;
6. Considérant, en premier lieu, que MmeD..., bénéficiait d'une délégation à l'effet de signer toutes les décisions concernant l'agrément des assistants familiaux et des assistants maternels à l'exception des décisions de retrait, restriction et non renouvellement, en vertu d'un arrêté n°11-DAJ-0228 du 31 mars 2011 ; que par suite, les décisions de suspension d'agrément n'étant pas au nombre des exceptions mentionnées, Mme D...était compétente pour prendre la mesure concernant Mme B...;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi nº 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui -restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; -infligent une sanction ; -subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; -retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; -opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ; -refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions des deuxième à cinquième alinéas de l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public ; -rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. -refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions des deuxième à cinquième alinéas de l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public ; -rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire . " ; qu'aux termes de l'article L.421-6 du code de l'action sociale et des familles : (...) Toute décision de retrait de l'agrément, de suspension de l'agrément ou de modification de son contenu doit être dûment motivée et transmise sans délai aux intéressés. (...) ;
8. Considérant que, comme exposé plus haut, la décision de suspension d'agrément dont Mme B...a fait l'objet est une mesure conservatoire prise dans l'intérêt du service et ne constitue pas une sanction disciplinaire ; que par suite elle n'est pas au nombre de celles qui doivent être motivées par application du premier alinéa précité de l'article 1er de la loi susvisé du 11 juillet 1979 ; qu'en tout état de cause, les décisions de suspension d'un agrément pour l'exercice de la profession d'assistant familial relèvent des prescriptions de l'article L. 421-6 précité du code de l'action sociale et des familles ; que par voie de conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions combinées de la loi du 12 avril 2000 et de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, qui est inopérant, ne peut qu'être écarté ;
9. Considérant que Mme B...fait valoir que le président du conseil général de la Drôme a entaché sa décision d'une erreur en lui reprochant à tort de n'avoir pas respecté les dispositions de l'article R. 421-39 du code de l'action sociale et des familles qui prévoient que l'accueil d'un enfant mineur doit faire l'objet d'une déclaration sous un délai de huit jours ; que toutefois il ressort des pièces du dossier que lesdites dispositions ne sont pas mentionnées dans la décision contestée et qu'elles n'en constituent pas le fondement ; que par suite, le moyen doit être écarté ;
10. Considérant que la mesure de suspension contestée est fondée sur trois griefs relevés contre l'intéressée, tenant à des manquements à ses obligations d'informations du département en dépit d'avertissements précédents, dont l'un daté du 8 mars 2012, à " un défaut de surveillance et d'appréciation de la situation de danger concernant un enfant placé en urgence après une fugue, le jeune a en effet eu accès à la boîte de médicaments potentiellement dangereux, ce qui a justifié une hospitalisation de plusieurs jours ", à " une faute professionnelle grave : aucun traitement médical ne peut être confié à un mineur accueilli ; même si le jeune connaît son traitement, celui-ci doit être donné sous le contrôle de l'assistante familiale ", pour arriver à la conclusion que " les conditions d'accueil proposées [par MmeC...] ne garantissent donc pas la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants confiés " ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'association des maisons d'accueil protestantes pour enfants (AMAPE), employeur de Mme B...avait, contrairement à ce qu'indique cette dernière, clairement indiqué la nature du traitement médicamenteux devant être donné au mineur qui lui était confié le 13 mars 2012, ainsi que la nécessité de ne pas laisser celui-ci accéder librement aux médicaments ; que Mme B...avait été également informée des conditions particulières de l'arrivée de ce mineur au sein de ce foyer, à la suite d'une fugue ; qu'alors pourtant que, très récemment encore, le 8 mars 2012, les services du département de la Drôme avaient attiré son attention sur les obligations d'informations lui incombant en matière de changements dans sa situation d'accueil et de transmission des données utiles sur sa structure familiale, Mme B... a négligé ses responsabilités à cet égard en tardant jusqu'au 19 mars 2012 à avertir le département de la Drôme de ce qu'elle avait accueilli le 13 mars le mineur dont s'agit et de ce qu'un accident était survenu le 18 mars 2012 ; que la circonstance alléguée par MmeC..., selon laquelle elle aurait avant tout veillé à la prise en charge du jeune homme en urgence par l'hôpital après l'absorption excessive des médicaments, ne saurait suffire à justifier son manque de vigilance et de suivi, s'agissant surtout d'une personne identifiée comme particulièrement fragile ; que, dans ces conditions, compte tenu des risques sérieux pour la santé, la sécurité ou l'épanouissement des mineurs accueillis par MmeC..., le président du conseil général de la Drôme a pu sans commettre d'erreur d'appréciation, compte tenu de la gravité des faits relevés, lesquels justifiaient une réaction en urgence de l'administration, suspendre pour quatre mois l'agrément d'assistante maternelle de Mme B... ;
11. Considérant qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
12. Considérant que Mme B...soutient que le département de la Drôme a abusivement renforcé son contrôle sur son activité d'accueil après qu'elle a contesté son licenciement en août 2011 de l'emploi qu'elle occupait par ailleurs au sein des services de ce même département, et qu'elle a ainsi fait l'objet d'un " harcèlement " ; que le département fait valoir que la mesure de suspension contestée s'inscrit exclusivement dans le cadre de la protection de la santé et de la sécurité du mineur de 16 ans et demi confié à MmeB... ; qu'il ne ressort nullement des pièces du dossier que la suspension d'agrément litigieuse serait en lien avec le licenciement prononcé à la suite du constat de défaillances graves de Mme B... dans sa pratique professionnelle en 2011 en tant qu'assistante familiale ; qu'au cas présent, il ressort effectivement des pièces du dossier que cette décision fait exclusivement suite aux carences graves de Mme B...dans le suivi du mineur de 16 ans et demi qui lui avait été confié ; que dès lors, les agissements de harcèlement allégués par Mme B...ne sont pas établis ;
13. Considérant que si Mme B...se prévaut par voie d'exception de l'illégalité de la décision du 25 juin 2012 lui retirant son agrément, une telle décision, qui est postérieure à la décision de suspension du 20 mars 2012, ne peut, en tout état de cause avoir servi de fondement légal à cette suspension ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le département de la Drôme est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 20 mars 2012 du président du conseil général suspendant l'agrément de Mme B...pour une durée de quatre mois.
Sur la légalité de la décision du 25 juin 2012 portant retrait d'agrément :
15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-2 du code de l'action sociale et des familles : " L'assistant familial est la personne qui, moyennant rémunération, accueille habituellement et de façon permanente des mineurs et des jeunes majeurs de moins de vingt-et-un ans à son domicile. Son activité s'insère dans un dispositif de protection de l'enfance, un dispositif médico-social ou un service d'accueil familial thérapeutique. Il exerce sa profession comme salarié de personnes morales de droit public ou de personnes morales de droit privé dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre ainsi que par celles du chapitre III du présent livre, après avoir été agréé à cet effet. / L'assistant familial constitue, avec l'ensemble des personnes résidant à son domicile, une famille d'accueil ". ; qu'en vertu de l'article L. 421-3 du même code, l'agrément est accordé aux assistants familiaux si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt-et-un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne ; que selon l'article L. 421-6 de ce code, le président du conseil général peut procéder au retrait de l'agrément si les conditions de celui-ci cessent d'être remplies ; qu'en outre, selon l'article L. 221-6 du même code de la famille et de l'aide sociale : " Toute personne participant aux missions du service de l'aide sociale à l'enfance (...) est tenue de transmettre sans délai au président du conseil général ou au responsable désigné par lui toute information nécessaire pour déterminer les mesures dont les mineurs et leur famille peuvent bénéficier, et notamment toute information sur les situations de mineurs susceptibles de relever du chapitre VI du présent titre (...) ", relatif à la protection des mineurs en danger ; qu'il résulte de ces dispositions que le retrait de l'agrément d'un assistant familial peut être légalement fondé sur la révélation d'une carence de celui-ci dans l'accomplissement des missions qui lui sont confiées ;
16. Considérant que le président du conseil général de la Drôme, après avis de la commission consultative paritaire départementale du 14 juin 2012, a par décision du 25 juin 2012 retiré son agrément d'assistante familiale à Mme B...en reprenant les mêmes motifs que ceux retenus pour la décision de suspension, à savoir des manquements à ses obligations d'informations auprès du département en dépit d'avertissements précédents et tenant à " un défaut de surveillance et d'appréciation de la situation de danger concernant un enfant placé en urgence après une fugue, le jeune a en effet eu accès à la boîte de médicaments potentiellement dangereux, ce qui a justifié une hospitalisation de plusieurs jours ", et à " une faute professionnelle grave : aucun traitement médical ne peut être confié à un mineur accueilli ; même si le jeune connaît son traitement, celui-ci doit être donné sous le contrôle de l'assistante familiale ", complété par la circonstance d'un " comportement incompatible avec l'agrément : usurpation d'identité et usage du chantage auprès du jeune pour obtenir des informations et entrer en contact avec lui alors que votre agrément était suspendu " ; que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la circonstance selon laquelle " plus aucun enfant " n'a été confié à Mme B...après l'accident du mineur, qui n'est que la conséquence nécessaire de la décision de suspension de l'agrément, ne faisait pas légalement obstacle à qu'une décision de retrait d'agrément puisse être prise à l'encontre de Mme B... ; qu'en outre les carences dans l'accomplissement de sa mission d'assistante familiale de Mme B...pouvaient être révélées après la prise d'effet de la décision de suspension et servir alors également de fondement légal à la décision de retrait d'agrément ; qu'au cas précis, les démarches de Mme B..., telles qu'établies par les pièces du dossier, menées le 21 mars 2012, sous une identité d'emprunt, pour avoir accès au mineur alors que son contrat avec l'AMAPE avait expiré, en vue d'obtenir de lui un faux témoignage aux fins de dégager sa responsabilité d'assistante familiale en contrepartie de la fourniture de cigarettes et d'une somme d'argent, démontrent à l'excès les carences éducatives de Mme B... et son incapacité à offrir des conditions d'accueil permettant l'épanouissement des mineurs susceptibles de lui être confiés ; qu'il ressort également des pièces du dossier que Mme B...n'a pas respecté les consignes qui lui avaient été données quant aux modalités de distribution des doses médicales et qu'elle a laissé le mineur avoir accès seul à son traitement, lui permettant ainsi d'absorber une dose excessive et dangereuse ; qu'elle a également manqué de vigilance quant au suivi de ce jeune homme alors qu'elle était informée de ce qu'il venait de fuguer et présentait une fragilité psychologique marquée ; qu'il en est de même de la négligence dont elle a fait preuve à l'égard de ses obligations déclaratives auprès du département ; qu'il suit de cela que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision litigieuse de retrait d'agrément était entachée d'une erreur d'appréciation et qu'ils ont annulé pour ce motif cette décision et, par voie de conséquence, celle du 26 septembre 2012 portant rejet de recours gracieux ;
17. Considérant qu'il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B...tant devant le tribunal administratif qu'en appel ;
18. Considérant que contrairement à ce que soutient Mme B...et au regard de ce qui a été exposé au point 16 sur les motifs de cette décision de retrait, la décision du 25 juin 2012 , laquelle devait être motivée en application des dispositions de l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles et non du 1er alinéa de l'article 1 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée, comporte les considérations de droit et de faits qui la fondent ; que cette décision du 25 juin 2012 qui indique qu'elle a été prise après avis de la commission consultative paritaire départementale du 14 juin 2012 n'avait pas à comporter les motifs de l'avis de cette commission ;
19. Considérant que Mme B...soutient que la décision de retrait de son agrément est entachée de plusieurs erreurs matérielles, tenant au non-respect allégué par le département de ses obligations déclaratives découlant de l'article R. 421-39 du code de l'action sociale et des familles, à une erreur sur le défaut de surveillance et d'appréciation de la situation de danger dès lors que le " conseil général " ne lui a pas remis de contrat d'accueil et ne l'a pas informée de la situation de l'enfant en matière de santé et d'état psychologique, à la description de la situation tenant aux faits que ce mineur n'était pas un enfant mais un adolescent à qui elle n'a donné que la dose prescrite de médicaments, qu'il n'est resté hospitalisé que durant deux jours et qu'elle n'a pas effectivement confié son traitement médical au mineur dès lors que le produit était placé dans une armoire ; qu'elle ajoute que les allégation de chantage et d'usurpation d'identité ne sont pas fondées dès lors que sa prise de contact avec l'enfant avait pour objet le remboursement d'une petite somme d'argent ainsi que de lui remettre des affaires personnelles laissées à son domicile ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier que cette décision de retrait n'est pas fondée sur une méconnaissance des dispositions de l'article R. 421-39 du code de l'action sociale et des familles ; que de plus, il ressort de telles pièces que les informations nécessaires quant à la personnalité du jeune mineur ont été effectivement communiquées à MmeC..., accompagnées de consignes strictes relativement au traitement médicamenteux devant être délivré ; qu'il n'est pas contestable que le mineur a eu accès sans aucun contrôle aux produits de soin ; que de même encore, il est établi que Mme B...a repris contact avec le mineur le 21 mars 2012 sous une fausse identité alors que celui-ci ne lui était plus confié et que son agrément avait été suspendu, la circonstance qu'elle n'avait pas encore réceptionnée le pli contenant cette décision de suspension étant sans incidence dès lors qu'elle ne conteste pas avoir eu connaissance de la décision dès le 20 mars 2012 ; qu'il ressort encore des pièces du dossier que MmeC..., dans le but de minorer sa responsabilité en matière de surveillance, a obtenu de ce mineur, en contrepartie d'une somme d'argent et de cigarettes, une attestation de complaisance comportant de fausses informations sur les consignes qui lui avaient été données quant au suivi et au contrôle de son traitement médicamenteux ; que par suite, la décision de retrait d'agrément ne repose pas sur des faits matériellement inexacts ;
20. Considérant que si Mme B...se prévaut d'un défaut de motivation de la décision portant rejet de son recours gracieux, cette décision qui comporte des considérations de faits et de droits est, en tout état de cause, suffisamment motivée ;
21. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le département de la Drôme est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a annulé la décision du 25 juin 2012 du président du conseil général retirant son agrément à Mme B...ainsi que celle du 26 septembre 2012 portant rejet du recours gracieux.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
22. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du département de la Drôme qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à Mme B...d'une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner Mme B...à verser 1 000 euros au département de la Drôme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement n°s1202293-1206027 est annulé.
Article 2 : Les demandes de Mme B...sont rejetées.
Article 3 : Mme B...est condamnée à verser au département de la Drôme une somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...et au département de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2015 à laquelle siégeaient :
M. Faessel, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
Mme Cottier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 octobre 2015.
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N° 15LY00152